Pierre Péan, tentative de portrait en sept livres
Dans Le monde selon K. (éd. Fayard), l'écrivain et journaliste Pierre Péan s'attaque à celui qu'il est convenu d'appeler "l'homme politique préféré des Français", le fondateur de Médecins sans frontières, conjoint de Christine Ockrent et actuel ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner. Un livre à charge mais extrêmement bien documenté, susceptible de faire entrer en ébullition les milieux politiques et médiatiques. Comme presque tous les précédents ouvrages de Péan, redoutable journaliste de terrain, polémiste et... confesseur de présidents.
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La 1ère réflexion d’ordre générale qui vient à l’esprit est la suivante : Pierre Péan est largement connu en tant que journaliste d’investigation, et joui d’une grande notoriété. 1er paradoxe : car un véritable journaliste d’investigation perturbe, gêne, sort des affaires extrêmement dérangeantes ; conséquence : c’est le plus souvent un grand silence médiatique qui accompagne les importantes et complexes révélations du domaine politique, étayés et pertinemment mise en perspectives. Aujourd’hui qui connaît David Servenay ou Benoit Colombat. Et quand les révélations sont réellement dérangeantes et relayées médiatiquement, le journaliste devient un paria traqué, comme Denis Robert victime d’harcèlement judiciaire.
Alors, en ce qui concerne Pierre Péan, étant donnée son aura médiatique, on est en droit de s’interroger sur la nature des révélations qu’il dévoile ; sont-elles si dérangeantes ?
Comme l’a fait Dan, mais en allant un peu plus loin et de manière plus directe (désolé toutefois si je reprends un certain nombre d’élément déjà cités par Dan), tentons d’y répondre en décryptant 3 des ses ouvrages : Une jeunesse française, Une jeunesse française, Noires fureurs, blancs menteurs.
Dans Une jeunesse française, la charge contre François Mitterrand parait lourde. Toutefois, à y regarder de plus près, on serait plutôt tenté de faire l‘analyse inverse : le livre semble plutôt enclin à amortir des révélations qui risquaient de déstabiliser bien plus le Président et son entourage, et qui de toute façon auraient fini par sortir. En effet, Péan atténue les liens de Mitterrand avec la Cagoule, ses relations avec René Bousquet, et surtout la continuation de cette relation. De surcroît, le livre ne revient pas sur les liens tissés avec l’extrême droite, et la façon dont Mitterrand aurait pu s’y appuyer durant sa carrière politique. On pense principalement à la providentielle montée du FN de Jean-Marie Le Pen dès les 1ères années de son septennat. C’était justement l’objet d’un autre livre, qui devait paraître au même moment, intitulé La main droite du Diable, bien plus corrosif, qui expliquait comment Mitterrand avait à diverses reprises rencontrée Le Pen pour organiser la montée du parti de ce dernier. A cause du livre de Péan, l’auteur a du suspendre la parution de son livre ; parution qui n’a eu lieu qu’1 an plus tard, et dans la plus grande indifférence.
On retrouve la même démarche à la sortie de La face cachée du Monde.
En effet, ce brûlot arrive au moment ou Le Monde est en train de perdre ses procès contre un autre livre dénonçant la désinformation au journal Le Monde : Le Monde un contre-pouvoir ? Désinformation et manipulation sur le génocide Rwandais de Jean-Paul Gouteux. A mon sens le livre le plus abouti jamais écrit sur l’analyse critique des média. Dans son ouvrage, Jean-Paul Gouteux montre comment Le Monde organisait dans son journal la désinformation sur le génocide Rwandais, en s’enfermant dans une vision purement ethnique, faisant passer les événements pour de simples massacres tribaux, et retournait la culpabilité du génocide, en faisant passer le FPR (considéré comme mouvement Tutsi), qui avait stoppé le génocide, en principal responsable du « conflit ». Mais surtout, Jean-Paul Gouteux démontrait (à défaut, certes, de prouver) que Jacques Isnard et Jean-Marie Colombani n’étaient rien de moins que des Honorables Correspondant de la DGSE ; c'est-à-dire qu’ils travaillaient pour les services secrets français. C’est cette affirmation qui vaudra à Jean-Paul Gouteux d’être traduit en justice pour diffamation : mais Le Monde finira par perdre, la Cours soulignant le sérieux de l’enquête de l’auteur, sérieux qui tranchait avec les analyses simplistes et ethnistes véhiculées dans le journal du soir.
Malgré l’omerta médiatique qui a suivi la parution du Monde un contre-pouvoir, et malgré les procès gagnés par l’auteur, c’est encore fort providentiellement que Péan sort La face cachée du Monde, et son chapitre, "Ils n'aiment pas la France", accusant entre autre Plenel d’être une taupe de la CIA, mais surtout, prenant le contre-pied, à 180° des thèses précédemment développées par Jean-Paul Gouteux. Le tout dans un vacarme médiatique ahurissant ; le livre sur le génocide Rwandais, pourtant bien plus étayé et rigoureux, ne pouvait pas faire le poids.
Puis vient fin 2005, Noires fureurs, blancs menteurs. Un livre d’une violence rare, écrit sur un ton outrancier, où Péan reprend à son compte les théories et la propagande des génocidaires extrémistes Hutus. Le livre est ouvertement négationniste, bien que Péan n’assume pas ce qualificatif, puisqu’il nie la réalité du génocide des Tutsie du Rwanda, en le requalifiant de massacres spontanés à grande échelle, faisant suite à l’assassinat du Président Habyarimana dont Péan, personnellement informé par le juge Bruguière, attribue la responsabilité aux « Tutsie du FPR » et son chef Paul Kagame, qui devient cette même occasion le principal responsable du génocide, … qui n’en est pas un.
La démarche intellectuelle véhiculée par Pierre Péan est alors très proche de celle développée par les négationnistes de la Shoa, avec un argumentaire comparable à ceux élaborés par Bardèche ou Faurisson dans leur négation, non pas, diraient-ils, du grand nombre de Juifs morts pendant la 2ème guerre mondiale, mais de la réalité des chambres à gaz.
Bref, le pavé publié par Fayard et les Mille et une nuit, est laborieux et ne crédibilise pas le journaliste dans un ouvrage dont il ressort de manière flagrante qu’il est téléguidé par les services spéciaux ; services embourbés dans l’accablant dossier rwandais, dont la complicité de l’Etat français apparaît de plus en plus évidente aux vues des différentes investigations entreprises par les ONGs et associations citoyennes, surtout depuis avril 2004, et les commémorations des 10 ans du génocide.
Cependant, malgré ses lacunes criantes, aucun autre livre sur la France et le génocide rwandais ne bénéficiera d’une aussi large couverture médiatique.
On rappellera juste pour finir, que dans sa démonstration, Péan s’appuie des archives de l’Elysée, encore classées au moment de la sortie du livre, sensées prouver l’excellente gestion de la crise par l’entourage de Mitterrand. Or, ces mêmes archives seront publiées dans Le Monde en juillet 2007. Mise en perspectives dans leur entièreté, elles démontreront l’inverse absolue de ce que Péan, dans une version rabibochée volait prouver : l’entourage de Mitterrand savait exactement ce qui se passait a Rwanda, et continuait coûte que coûte à soutenir le régime Hutu dont il savait qu’il préparait un génocide.
Il faut aussi noter que ces révélations du Monde ont eu lieu quelques jours seulement après le départ de Jean-Marie Colombani …
C’est ainsi à la lumière de ces différentes productions de Pierre Péan qu’il faut mettre en perspective son dernier livre sur Kouchner. Bernard Kouchner qui a essayé depuis 1 an et ½ de se rapprocher du Président rwandais, Paul Kagame, et de reconnaître, à demi-mot, « des erreurs » commises par certains dirigeant français. Ligne diplomatique inédite en France depuis 1994, où aucune autorité officielle n’avait voulu reconnaître la réalité du génocide des Tutsie du Rwanda, …
Je ne comprends pas bien ce mélange d'avis et d'enquête, d'ailleurs. Cela dit, je n'ai aucunement envie de défendre M. Kouchner (et encore moins madame), mais j'aime pas trop hurler avec les loups.
Merci Dan et @si d'éclairer ma lanterne.
Emissions en 3 parties de Daniel Mermet "Là-bas si j'y suis" sur France Inter.
Représentations données au théatre Dejazet en décembre 2008.
Bonne écoute !
Ok pour des débats épais et argumentés sur le sujet. Mais les dialogues stériles (type "le dernier qui parle a raison") :
- tu es nul
- non toi
- tu as tort
- non toi
- j'ai raison
- t'es nul
- ton argumentation est pourrave
- c'est toi qui est pourrave
- c'est celui qui dit qui y est
- miroir
etc...
Je coupe les branches.
Pas la peine de toujours vouloir avoir le dernier mot sur tout. Donnez votre avis clairement et en posant votre opinion, si vous voulez discuter de manière interpersonnelle avec une personne passez par les messages privés (mais là aussi évitez les insultes ou les moqueries).
Cordialement
Une pensée pour Denis Robert.
Tous vos articles sont très bien, mais dans celui-là, il y a une espèce de patte qui rend la lecture géniale, et un équilibre entre le fond et la forme qui fait l'article très agréable à lire
Et les informations, claires et succintes s'inscrivent dans ce déroulé parfait qui est votre marque,
Et j'ai appris de nombreuses choses dans un article très court.
Bravo ! Pour moi, le meilleur article que vous ayez fait, et même d'@SI, malgré la concurrence acharnée de Justine et de Sophie.
Je vous rassure, ce n'est pas une offensive des Fatal Flatteurs. J'aime les bons articles, en fond et en forme, et si j'en veux d'autres du même tonneau, je suis bien obligée d'exprimer ma satisfaction, au risque de me faire traiter de nouveau de fayot (moi qui déteste les haricots).
Sur le sujet, je n'avais jamais perçu que Péan était aussi trouble.
Et la lecture du texte paru dans l'Express avec les excuses à propos du livre sur le Monde me semblent très intéressantes. On dirait qu'on a fait à Péan et Cohen une sorte de chantage émotionnel.
"Non, vous ne pouvez pas nous traiter comme cela ! Nous ne le méritons pas...." semblent avoir dit les membres du triumvirat.
Cela ramène à un conflit qui semble un peu enfantin. On voit un côté très humain et très émotionnel qui le rend attachant.
Vraiment, article génial.
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Pourquoi des réformes puisqu'il est reconnu paradoxe ! paradoxe ! grâce à notre système, nous nous en sortons mieux que les autres, lorsque l ' on sait ces mêmes autres étudient pourquoi cela marche mieux chez nous ? ! Si nous nous rappelons cet artiste présentant la France comme toujours en grève, lorsque nous apprenons nous trouver être un des Pays Européens où justement, il y a le moins de jours de grève ! Alors là !
Nous dirons tous ensemble ! ! à notre bien aimé président ! penseur universel ! phare pour l' Humanité ! ne changez rien maître, ou alors casse toi POV' CON !
Votre affirmation concernant sa signature sur les contrats d'armement manque un peu de faits concrets pour l'étayer. La France signe des accords de coopération militaires, les contrats de vente sont réalisés entre les sociétès privées et les états acheteurs, via un financement nègocié par le ministère de la coopération ou une entité identique. Le réchauffement climatique, c'est Kouchner aussi, non)
Ecrire des bouquins à scandale effectivement semble t il le bussiness du monsieur. Tant qu'il y en a qui achètent et qui en plus y croient, tant mieux pour lui. C'est la même catégorie professionnelle que Gala ou Voici, une personne bien en vue, à propos de laquelle on va couper les cheveux en quatre pour tenter le buzz. Belle moralité.
Pour finir sur monsieur K, je suis un soutient inconditionnel à son passé, ce qui n'est pas le cas de sa politique diplomatique. Mais sans doute est il plus aisé d'écrire un pavé dans le style people, qu'un aperçu de la géopolitique mondiale actuelle; et puis ça passiionnerait moins les foules peut être.
PS : Brazzaville comporte 2 z !
Cet article ne serait-il pas annonciateur du sujet de la prochaine émission d'@si?...
Auquel cas, j'espère qu'il n'y aura pas entre Kouchner et Péan, si jamais ils étaient invités, ce que l'on peut voir dans cette peinture...
http://www.photo.rmn.fr/cf/htm/CSearchZ.aspx?o=&Total=14&FP=60684928&E=2K1KTS6EYQBL3&SID=2K1KTS6EYQBL3&New=T&Pic=14&SubE=2C6NU07BG2ZR
Si la conclusion à en tirer est de savoir prendre du recul par rapport au livre....c'est gentil mais je crois que je saurai ...à supposer que j'achète le livre !!
Quoi ? C'est pas Tapie qui illustre l'article ?
(désolé...)