"Si je ne disais rien, il crevait. Mais si je parlais..."
Les tablettes, les Smartphones, les web-documentaires changent-ils la manière de filmer, de photographier et de regarder la guerre ? Ou les éternelles problématiques des images de guerre restent-elles les mêmes ? Nouveaux supports et vieilles images, voici le thème de cette émission qui s'inscrit dans notre série d'été consacrée à la guerre.Pour ce troisième numéro de notre série d'émissions d'été sur La guerre en f@ce, nous avons invité Patrick Chauvel, photographe de guerre depuis 1967. Après des décennies de photographies traditionnelles, il expérimente de nouveaux supports et de nouvelles techniques. Face à lui, Alvaro Canovas, photographe de guerre à Paris-Match, et Antonin Sabot, photographe et auteur du blog Reportageetphoto.fr. Au delà du sujet des nouveaux supports, tous trois évoquent les beautés et les risques du métier de photographe de guerre.
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Derniers commentaires
Il y a eu comme un silence embêté lorsque s'est posée la question de savoir ce que l'outil de Condition One apporte par rapport aux dispositifs classiques. Le dispositif offre évidemment un plus grand réalisme, mais je ne sais pas si le « réalisme » est un but en soi. En revanche, le permet au spectateur de devenir plutôt un lecteur de la séquence et de naviguer dans l'événement, de le voir dans une globalité. Je crois que cela s'inscrit dans une démarche de réalité augmentée. Ce que j'aime bien là dedans, c'est l'idée qu'il n'y a de réel que la perception et l'intention du journaliste qui a tourné et monté les images et que l'outil de Condition One permet de se balader dedans.
Par rapport à l'utilisation de smartphones par les journalistes professionnels, je voudrais ajouter à ce qui a été dit (par Patrick Chauvel, surtout) que l'idée de « faire comme si » me semble relever de la théâtralisation à mauvais escient. Le professionnel a t''il besoin de la jouer façon « c'est arrivé près de chez vous » ? Pour prendre une comparaison avec un domaine qui ne m'intéresse pas, c'est un peu comme si on voulait retransmettre un match de foot en y ajoutant l'ambiance, les commentaires et l'odeur de bière d'une arrière salle de bistrot. C'est tout de même assez curieux que des professionnels rentrent dans une optique de nivellement par le bas et qu'on se pose la question de savoir si c'est bien ou pas. Je trouve que le smartphone utilisé sur le vif par des participants à un événement a tout son sens : on utilise un objet devenu anodin pour capter quelque chose qui n'était pas prévu. Se mettre dans la peau de l'acteur et faire de mauvaises images me semble être une incongruité.
Pour le surplus, excellente émission (comme d'hab) avec un panel d'invités bien balancé.
Jean-Claude Englebert
http://www.parismatch.com/Actu-Match/Monde/Actu/Notre-reporter-Alvaro-Canovas-blesse-par-balle-en-Libye-325415
Des discours techniques et autre dérives technologique non pus expliquer,
pourquoi une photo peut être rectangulaire ou carré, alors que l'objectif lui est rond. (facile…je l'accorde…).
Bonne émission, qui fait intervenir des photographes talentueux et qui ont beaucoup de choses à raconter.
Avec le retour de la douce et déterminée Justine. Et des cheveux en pétard de DS.
J'avais un à priori mais là franchement Daniel ! Merci !
Déjà je tire mon chapeau à ces professionnels capables de rester calmes dans des situations de guerre... ensuite, je mets leur témoignage en parallèle avec celui de Ghesquière lorsqu'il disait qu'il avait vite vu son taux d'adrénaline baisser... Et je reste sur ma faim quant à ma question : qu'est-ce qui les fait continuer à aller sur le terrain de la guerre ?
Parce qu'on ne me fera pas croire qu'ils ont la certitude d'être indispensables au récit de l'information avec leurs photos... de plus, en effet, avec les téléphones portables, n'importe qui est capable (sauf moi vu que je suis nulle) de faire des images qui pourront aider à relater une situation au temps T, donc un reportage.
Moi je voudrais savoir ce qui les fait continuer à y aller... parce que ça n'est pas le fric, être paparazzi leur rapporterait plus. Alors, adrénaline ?
Goût artistique ? Car lorsque Chauvel parle de la différence entre filmer et photographier, pour moi il parle d'un art par rapport à un autre...
il pense à un cadrage précis pour une photo, il pense au signifiant de sa photo, et je suis sûre qu'en effet, filmer n'a absolument rien à voir... pourtant on parle d'image, toujours d'image.
Du temps où je travaillais à la téloche, j'appréciais le travail d'équipe qui consistait à envoyer un journaliste-reporter d'images avec un journaliste-rédacteur et un preneur de son... Pendant que le rédacteur posait des questions et se préoccupait du contenu du reportage, de l'interview qu'il voulait obtenir, le reporter d'images, lui, filmait les détails ou l'inverse, un cadre très général, des gros plans ou des arrière-plans... et le sondier faisait du son, du bon son. Au montage, et là intervenait un 4e personnage, le monteur, les plans du caméraman étaient souvent intelligemment disposés en plans de coupe pour donner de l'air au reportage, ou au contraire pour appuyer sur les moments intenses... Et j'ai vu quelques reportages qui étaient de vraies oeuvres d'art. Pourtant, ils parlaient de guerre ou on y voyait des hommes en armes, des femmes en pleurs, des enfants apeurés...
Je me sens quelque peu "décalée" du coup... du genre "v'là qu'mamie recommence à nous bassiner avec ses vieux souvenirs"...
Mais les photographes sont seuls, avec leur appareil photo, et ils savent faire parler une image. D'une autre façon, les journalistes de guerre, qui n'ont que leur plume pour nous raconter ce à quoi ils assistent, savent très faire parler leurs mots.
Alors, bon, je suis bien embêtée pour faire un commentaire intelligent de cette émission... excusez-moi de l'avoir une fois de plus, "ouverte" pour ne pas faire avancer le schmilblick ;o))
Décryptage sur la source d'info syrienne
Nous avons tous les jours un bilan des morts lors des manifestations en Syrie, mais d'où viennent ces informations ?
Si l'on remonte vers la source de l'information on arrive à Rami Abdel Rahmane, directeur de l' "Observatoire syrien des droits de l'homme", qui est t'il ?
Une chose est sûre son organisation n'a rien à voir avec la Ligue des droits de l'homme. Des internautes aimeraient en savoir plus et ont commencé à chercher, voir cet article et les commentaires :
Rami Abdel Rahmane, fournisseur (quasi) exclusif de fausses nouvelles
Prenez une photo avec l'iphone ou un Black, ou un HTC, avec l'appareil de base, rectangle, il n'y aurait pas de débat.
Vous êtes passé à coté de cet évidence : le carré est un format pour l'art
Emission très sympa.
Je décris :
- Acte 1
Nous commençons par une émission sur le photo-journalisme de guerre.
Autant le dire, les photographes (et reporters) de guerre sont quand même presque l'aristocratie du journalisme. Il sont ennoblis par le proximité avec le danger, les épreuves traversées, et surtout la noblesse extrême du combat journalistique qu'ils pratiquent : qu'est-ce qui a plus de sens que de tenter, appareil au poing, de faire comprendre l'horreur de la guerre, d'arrêter la guerre ?
On peut dire que les reporters et photographes de guerre sont aujourd'hui un peu comme les héros antiques, regardés avec révérence par la foule et leurs pairs, et peut-être plus encore car ils se battent, eux, pour les idées modernes de justice et de paix.
Alors voilà, Patrick Chauvel, qui a quarante ans dans le métier, on n'a même pas besoin de le présenter : on cite les conflits, on montre des photos-clé, il ne cherche pas non plus à se présenter plus que cela, on parle de guerre et de reportage, avant et aujourd'hui. On cite quelques autres photographes de guerre, on se rend compte que c'est un petit monde.
Alvaro Canovas est moins connu, il y a un peu plus de temps pour sa présentation. On pourrait imaginer, en présence de Patrick Chauvel qui a plus d'expérience et qui a une stature imposante, qu'Alvaro Canovas pourrait adopter, en quelque sorte, un "profil bas" ("je n'ai pas l'expérience de Patrick Chauvel..."). Ce n'est pas le cas, même si Alvaro Canovas ne se met pas non plus particulièrement en avant : en fait, quand nous écoutons ce qu’il dit de son expérience des conflits qu'il a couvert, et quelques anecdotes, Alvaro Canovas prend pour nous toute sa légitimité en tant que reporter/photographe de guerre, et nous comprenons pourquoi est absent de lui ce "profil bas" que l'on aurait peut-être vu chez des personnes dans une autre forme de journalisme : c'est qu'il a vécu le plus important, à savoir « l'épreuve du feu ». Patrick Chauvel considère par ailleurs Canovas comme son égal, et à l'air de trouver très classe l'anecdote du gendarme ivoirien (de fait, elle est très classe).
On se rend compte rapidement que Patrick Chauvel et Alvaro Canovas partagent les mêmes valeurs : refus de se mettre en avant, de donner dans le cliché, justement, du héros photographe de guerre, humilité par rapport aux personnes prises dans les conflits, solidarité extrême avec leurs collègues reporters et photographes de guerre de qualité (par le refus de parler de lâcheté ou de se glorifier d'un quelconque courage supplémentaire, par exemple), et, de façon plus diffuse, une empathie énorme et un amour immense de la photographie.
(Ces deux dernières affirmations sont difficiles à illustrer par des faits dans la vidéos, n’apparaissent pas de façon affirmée. Patrick Chauvel a eu, à plusieurs moments, des façons de parler qui, à mon sens, révélaient une émotion profonde, mais contenue, vis à vis des faits dont il a pu témoigner à travers ses photos, et m'ont fait penser qu'il devait être un type bien, intrinsèquement. Alvaro Canovas a également des moments de grâce de ce type, d'une façon différente)
Pendant tout ce temps, Antonin Sabot n'est pas invité dans le débat et est même exclu du champ de la caméra la plupart du temps. A la présentation du casting, je me suis dite qu'il serait difficile pour lui de se positionner comme le jeune photographe blogueur qui réfléchit, face à deux héros antiques du journalisme de guerre. A ce stade, je me demande s'il est oublié.
- Acte 2 :
Transition ! Daniel Schneidermann amorce enfin le sujet du plateau, "est-ce que les tablettes, smartphones et autres changent la façon de faire du photo-journalisme ?"
A vrai dire, on ne s'attendait pas à ce qu'il s'agisse du sujet du débat, même si le débat des techniques, à travers l'opposition photo vs vidéo, avait été vaguement abordé, et si certaines minauderies de Daniel face à Justine Brabant sur l'usage du terme Iphone ont commencé à baliser le terrain.
(Comme tout drame Shakespearien, notre drame a besoin d'apartés comiques. Il s'agira ici des diverses taquineries et sourires que Daniel adressera à Justine, à la manière d'un papa poule un peu envahissant)
Pour en revenir à l'action, oui, après un démarrage très photo-journalisme, le sujet arrive en fait un peu comme un cheveu sur la soupe - mais enfin, la parole est donnée à Antonin Sabot.
Avec les deux photo-journalistes dans la place, après les histoires de guerre, ça devient compliqué de se lancer, d'autant plus que, tiens, Antonin Sabot n'a pas été présenté plus avant (est-ce qu'il est déjà venu ?). Mais bon, il se lance, même s'il bafouille un peu, c'est quand même aussi son sujet.
J'ai l'impression à ce moment (est-ce juste une impression ?) que la température a baissé de deux degrés dans la salle. Patrick Chauvel et Alvaro Canovas n'ont pas l'air d'apprécier.
On peut se perdre en conjectures sur la raison de cette désapprobation tacite, qui semble se manifester entre eux par des échanges de regards montrant qu'ils sont sur la même longueur d'onde :
Dépit de voir que le sujet s'éloigne de la guerre et de la photographie de guerre pour aller sur celui, plus "gadget" apparemment, des smartphones ?
Prévention contre Antonin Sabot sur quelques points, peut-être suite à des controverses, des propos tenus dans son blog, qui leur aurait déplu ?
Réticence plus métaphysique du journaliste de terrain face au blogueur, qui s'éloigne moins de son confort, qui se trouve, par sa réflexivité sur son travail et celui des autres, dans une position de "donneur de leçon", qui peut sembler s'interroger sur la forme plus que sur le fonds, qui n'a pas subi l'épreuve du feu ?
Cette troisième piste me semble accréditée par le fait que la première critique que Patrick Chauvel et Alvaro Canovas adressent au discours d'Antonin Sabot est sur la difficulté de la faisabilité d’une de ses affirmations, en situation : même avec un appareil photo qui prend des vidéos, on n'a pas le temps, dans le feu de l'action, de se poser la question du film vs photo.
Par ailleurs, Alvaro Canovas dit aussi à un moment qu'il connaît Antonin Sabot : d'où, quelles sont leurs relations, on ne sait pas trop.
Daniel Schneidermann ne semble pas voir tout ça, il sourit à Justine (qu'est ce qu'elle a grandi !)
L'évocation par Justine et Antonin, ensuite, des tentatives de photo-journalisme avec des smartphones soulève l'ire de Patrick Chauvel : il interprète ces tentatives comme une volonté de faire de l'art avec la souffrance des gens, et le fait de prendre une photo de quelqu'un qui souffre avec un smartphone, quand on n'y est pas obligé, comme un manque de respect.
Je vois un peu dans cette critique une certaine vision de la photographie, peut-être une sorte de défense de la photographie humaniste en temps de guerre ? Les positions de Patrick Chauvel et d'Alvaro Canovas semblent développer l’idée que le journaliste, avant de partir, choisit soigneusement ses outils (film ou photo, focale, etc.) mais, au moment même, ne va pas réfléchir à l'outil, va en quelque sorte utiliser son appareil par impulsion, comme une arme presque. Mais il s'agit alors d'une arme contre la destruction, pour l'empathie et la communication de la souffrance d'autrui : sur le moment, la prise de photographies canaliserait l’émotion et l’empathie du journaliste.
Face à la souffrance, donc, le photo-journaliste shooterait du mieux qu'il peut, avec un outil qu'il a choisi au mieux de ses possibilités. La décision consciente de shooter avec un outil moindre correspondrait donc à une rupture de la relation d'empathie et à la mise de sa propre réflexivité au-dessus de la souffrance d'autrui.
Est un peu évoquée, à cette occasion, la porosité entre le monde de l'art et celui du documentaire, et il me semble qu'à cette occasion il aurait été possible de faire un parallèle avec la vidéo et la façon dont la façon de filmer caméra à l'épaule, d'abord utilisée pour les images d'actualité parce qu'il n'était pas possible de faire autrement, a été reprise dans le cinéma, pour donner une impression de vérité.
David Guttenfelder a peut-être une démarche similaire : il reprendrait l'esthétique des photos de témoins car celles-ci auraient pris, avec leur multiplication, le statut de documents immédiats, et pourraient donc renforcer l'impression de réalisme des scènes photographiées.
(L'esthétique du cinéma-vérité est cependant critiquée, notamment par Werner Herzog, par exemple, qui lui reconnaît la possibilité de montrer des faits mais pas la Vérité ; ou par les cinéphiles qui regrettent la tendance actuelle à monter des scène d'actions épileptiques où l'on ne comprend rien à ce qu'il se passe, pour faire réaliste).
A noter, d’ailleurs, que cette esthétique caméra-subjective-dans-le-feu-de-l'action est aussi beaucoup reprise par les jeux vidéos, pour, justement, augmenter le sentiment d'immersion. On peut s'interroger, sur ce point, sur la postérité de l'effet "tache de sang sur la lentille de la caméra" dans le cinéma et les jeux vidéos (je me demande d'ailleurs si ça n'a pas déjà été fait à Arrêt sur images)
Bizarrement, Patrick Chauvel et Alvaro Canova semblent plus prompts à défendre le travail particulier de ((?) - je ne me rappelle plus son nom) avec l'hipstamatic que celui de David Guttenfelder, car là c'est tranché, c'est de la photo d'art, et sur le plan esthétique cela en vaut la peine. Pourtant, il y a parmi les photographies montrées la photographie d'un corps, ce qui m'interpelle : alors lui a le droit de faire de l'art avec une mort ?
Cette différence d'évaluation de la part de Patrick Chauvel notamment me paraît interprétable sur deux plans possibles : soit il défend le travail de (?), qu'il apprécie, soit il juge un peu l'éthique du travail à l'aune de l'esthétique : si le rendu final est de qualité, alors la question de l'esthétisation se justifiait. Sinon, on peut soupçonner le photographe d'avoir voulu se rendre intéressant et de ne pas donner le meilleur de ses moyens pour transmettre.
Patrick Chauvel et Alvaro Canovas abordent en fait plusieurs fois la question de l'esthétique. Alvaro Canovas exprime à un moment son amour de la photographie, et donc par extension de la bonne photographie (quand il décrit la photo de l’enfant afghan au pansement, par exemple). On voit également cela dans leurs commentaires sur la photographie exceptionnelle (celle de la double-page centrale), qui est une conjonction entre un moment exceptionnel et la capacité à le capter (ce qui demande évidemment des notions esthétiques de cadrage, etc.). C'est ainsi qu'Alvaro Canovas justifiera plus tard son affirmation "la photographie par smartphone, c'est une mode" : quand un photographe aura manqué "la photo de sa vie" parce qu'il avait seulement un smartphone, il sera tellement dégoûté qu'il y renoncera.
Pour finir, en fait, cette question de l'esthétique, pour le photo-journalisme, est peu développée, alors qu'elle pose question : il s'agit de faire la bonne photo, la photo-choc, à partir du matériau de souffrance qui est présent. Si l'appareil-photo canalise la réaction empathique du photographe, il faut aussi que le rendu final éveille les consciences, explique, et souligne. Et c'est par l'esthétique (c'est à dire le choix des outils, mais aussi cadrage, de composition) que ce travail sera effectué.
(A quand une émission avec Patrick Chauvel, Alvaro Canovas et Alain Korkos ?)
Sur ces sujets, la rupture entre les deux photo-journalistes et leurs interlocuteurs (Antonin Sabot, mais aussi Justine Brabant) se confirme. Antonin Sabot se retrouve, à mon sens, dans une position de préconisation "nous sommes journalistes, nous devons aussi expliquer, etc.", car c'est un rôle qu'Alvaro Canovas comme Patrick Chauvel ont refusé de prendre depuis le début (cela rentrerait en rupture avec le système de valeurs et de codes qu’ils ont adoptés, et leur volonté de ne pas se mettre en avant). C'est un peu un retournement ! Le plus jeune, le moins expérimenté des trois invités est celui qui a le discours le plus réflexif.
On remarque que Daniel Schneidermann n'est pris dans aucun camp. Patrick Chauvel et Alvaro Canovas reconnaissent-ils son statut de routier du journalisme, dans une autre branche ?
Il envoie des signes d'encouragement à sa collègue (elle a la fougue et l'idéalisme de la jeunesse !) sans chercher à réduire ou expliciter l'écart qui se creuse entre ses participants.
- Acte 3 :
L'acte 3 s'ouvre sur la révélation d'une contradiction, dans le camp du photo-journalisme, chez Patrick Chauvel, à propos du Condition One.
Après l'explication du fonctionnement de l'outil, Daniel, Justine et Antonin Sabot interrogent Patrick Chauvel : quel est l'apport de cet outil ? N'est-il pas délétère, dans la mesure où l'esthétique générale et le système de navigation rappellent vraiment un jeu vidéo ?
Patrick Chauvel défend l'outil comme un moyen de plus de tenter de faire comprendre la guerre, de prendre la main des gens et de les plonger dans le conflit, de leur donner un coup de poing dans le ventre. C’est tout à fait cohérent, on retrouve là la volonté de transmettre qui se manifeste aussi dans ses photomontages, dont on vient de parler (faire comprendre que la guerre pourrait aussi être ici).
Mais néanmoins, la comparaison avec le jeu vidéo est justifiée. Patrick Chauvel (connaît-il beaucoup le monde du jeu vidéo ? Ce n'est pas sûr) s'en rend compte et l'admet d'ailleurs : "je n'y avais pas pensé".
Là-dessus, Patrick Chauvel a, en quelque sorte, des excuses. En effet, il est vrai qu'aujourd'hui plus que jamais, l'attention du public est sollicitée par toutes formes de médias : information vidéo, photo ou écrite, mais aussi cinéma, jeu vidéo, qui toutes tentent de capter cette attention en multipliant les éléments de réalisme, d'immersion. Avec des moyens similaires et qui se copient, pour atteindre les mêmes effets, ces médias induisent une similitude des formes, qui finit par nuire au message transmis, voire à l'annuler en réduisant la nouveauté et la crédibilité de ces formes.
Antonin Sabot fait une remarque fort juste, à savoir que ces formes reposent sur l'immédiateté, alors que les éléments de compréhension sont également importants. Cela passe cela dit assez mal, peut-être à cause d'un contexte dont on parle peu dans cette émission (mais qui a été abordé dans celle avec Hervé Guesquière) : le fait que de plus en plus de journalistes parlent sans aller sur place, sans pouvoir enquêter, à cause du système des agences et des dépêches, qu'il y ait de moins en moins de correspondants sur place, etc. Il s'agit là d'un défaut qui est augmenté par les mécanismes du net (reprise d'infos sans vérification, effets de buzz), donc son énonciation par une des personnes sur le plateau qui est affilié "net" (peut-être faussement) peut sembler contradictoire.
La deuxième rupture est causée par l'expression maladroite de Justine, affirmant qu'on avait reparlé de la Libye pour "une mauvaise raison", la mort de Tim Hetherington. L'expression fait sursauter Patrick Chauvel et Alvaro Canovas, on peut en effet la comprendre de deux façons : « c'est une raison malheureuse, c'est à dire que c'est à cause de la mort d'un reporter de guerre reconnu », ou « c'est une mauvaise raison, c'est à dire qu'il est malheureux qu'on ne parle de la guerre en Libye que lorsqu'un reporter occidental y est tué ».
Même si Alvaro Canovas apaise les choses en choisissant la première interprétation, l'affirmation pose vraiment question.
En effet, même si l’on n’est pas sûr que c’est ce qu’a voulu dire Justine, "on ne parle des guerres dans le monde que quand un occidental est tué/enlevé", est une affirmation que l'on pourrait facilement lire sur les forums d'@si ou entendre dans un dîner en ville, et avec une certaine raison : cela veut dire que les morts plus fréquentes des personnes engagées dans les conflits sont moins évoquées.
Pour Patrick Chauvel et Alvaro Canovas, en revanche, la nouvelle de cette mort est prise de façon beaucoup plus directe et sensible : il s'agit d'un confrère, qu'ils connaissaient personnellement (pour Alvaro Canovas au moins) ou dont ils reconnaissaient le travail, et dont la mort tragique rappelle la menace qui pèse également sur eux quand ils couvrent un conflit.
Quelque part, le détachement avec lequel on peut faire la remarque "c'est une mauvaise raison (car alors on ne parle pas du conflit et de ceux qui y sont impliqués directement)" implique aussi une certaine abstraction de la mort et du conflit en question, et donc, à plus forte raison, une abstraction de la mort des personnes engagées dans les conflits, que l'on pense pourtant mettre en avant par cette affirmation.
Daniel Schneidermann ne prend pas parti dans cet accrochage. Il rit en regardant Justine (elle ira loin cette petite)
- Conclusion ?
A la fin de l'émission, c'est l'impression que j'ai : l'incompréhension s'est installée entre deux camps, le camp Canovas/Chauvel et le camp Brabant/Sabot.
Cette incompréhension ne bascule pas dans la rupture consommée ou dans le conflit, mais elle est malheureuse, car nous sommes visiblement ici en présence de personnes, de part et d’autre, passionnées par leur métier et animées par la volonté d'informer et de transmettre.
Il me semble que l'incompréhension dérive d'une fracture de méthode et de "génération" (pas comprise au sens de l'âge, mais de celui de la façon de travailler), que je définirais comme ceci :
Alvaro Canovas et Patrick Chauvel sont, en quelque sorte, dans la génération du "faire". Ils ont été sur les zones de conflits couvrir les événements, sans forcément attendre de mandatement ou de cooptation (particulièrement pour Patrick Chauvel), et le retour, la publication de photos ou reportages, ne vient qu'après. Ils semblent d'abord obéir à l'impulsion d'agir, d'aller sur place, de constater par eux-mêmes. Par ailleurs, le danger important auxquels ils s'exposent sur place et la proximité des drames humains semble induire la création d'une cohésion importante entre eux et les autres reporters de guerre, et de codes de conduite qu'ils respectent rigoureusement durant l'émission.
Le discours d'Alvaro Canovas et de Patrick Chauvel est celui, dans l’émission qui est le plus empreint d'émotion, même si elle est très maîtrisée. Peut-être est-ce la proximité avec des situations extrêmes qui induit cela. Peut-être aussi est-ce le regard d'artiste, car ils sont tous les deux, après tout, photographes de talent.
Antonin Sabot et Justine Brabant, en revanche, sont plus dans la génération du "se regarder faire" (ce qui n'est pas une critique, j'en fait partie aussi, quelque part). L'arrivée d'Internet induit des possibilités de communication beaucoup plus importantes qu'auparavant. Avec la démultiplication des médias vient l'injonction de réfléchir plus encore à la façon dont l'information est transmise. Dans la sphère Internet, la réflexion personnelle et la cooptation par les pairs (système de commentaires, de vote), est essentielle. La critique et le décryptage sont courants, et portent peu à conséquence. En revanche, le rapport au réel brut est beaucoup plus brouillé, car on peut désormais passer par des dizaines de filtres différents pour l'appréhender (en ceci, les filtres de l'hipstamatic sont peut-être révélateurs de la communication Internet - cf l'article tout à fait intéressant d'OWNI posté par Bruno Généré plus haut !).
Nous sommes donc dans une logique tout à fait différente.
J'ajouterai que Justine Brabant et Antonin Sabot ont un discours plus "froid", malgré un investissement et une passion que je ne mets pas en doute : moins de vécu, ou peut-être moins d’expérience dans la transmission du vécu ? Peur de perdre leur objectivité, alors que, Alvaro Canovas et Patrick Chauvel le montrent, on peut être objectif en transmettant de l’émotion ?
Je tiens à préciser que, par cette lecture très « génération qui se regarde faire », pour le coup, je n'ai pas voulu critiquer ou amoindrir la façon de faire de qui que ce soit sur le plateau ! Toutes les personnes présentes ont l'air également passionnées par leur travail et, fondamentalement, guidées par les mêmes idéaux.
Il me semblait juste intéressant de décortiquer cette rupture qui m'a frappée et parue assez révélatrice.
(Je ne critique pas non plus Daniel, malgré mes remarques. C'est juste que c'était très drôle !)
excellente émission, très intéressante à voir, notamment avec ces invités professionnels de marque qui connaissent leur sujet. :-)
J'ai été un peu déçu par le web-documentaire pris en exemple, c'est un peu court. :-(
Certes, il reste dans le sujet de l'été car il est sur la guerre, mais j'ai l'impression qu'il se résume à une vidéo, qui peut être vue d'un trait ou par chapitre. La superposition de la vidéo et du récit audio pour enchaîner sur une photo est tout de même notable et très bien faite.
Toutefois, on est assez loin d'un web-documentaire excellent, dans lequel on utilise vraiment les possibilités d'interaction d'Internet :
Prison Valley.
Celui-ci commence comme un documentaire classique: une vidéo de 3-4 minutes qui plante le décor avec l'entrée dans la vallée. Puis ?et c'est ce qui est intéressant? vous êtes livrés à vous-même: après avoir posé vos valises dans la chambre d'un motel, vous avez alors le choix d'appeler la réception du motel, de discuter avec la gérante, de sortir du motel ou encore d'aller discuter sur des forums !
Bref, "l'aventure commence" !
Prison Valley est une sorte de "documentaire dont vous êtes le héros" vous laissant découvrir le travail des journalistes de manière graduée (il faut certains passages obligatoires avant de débloquer la possibilité de voir d'autres passages) tout en vous laissant le choix sur l'ordre dans lequel vous vous déplacez.
Un autre web documentaire que je trouve remarquable est Voyage au bout du charbon, sur les mines de charbon chinoises, qui encore une fois laisse le choix de déplacement au "lecteur". Celui-ci peut alors décider d'aller de ci, de là, de revenir, sans être obligé de suivre un ordre narratif particulier.
Bon d'accord, vous allez me dire qu'ils ne sont pas dans le thème @si de l'été… Après une rapide recherche, je suis tombé sur le thème de la guerre du site http://webdocu.fr/ qui m'a mené sur le web-documentaire (fait par des italiens pour des anglophones) The empty house sur le Kosovo, qui aussi l'air très bien fait : je peux choisir de voir la carte, ou la chronologie, ou les témoignages de victimes, etc.
Les points communs que je vois entre ces web-documentaires sont l'interactivité (nouvelles techniques) et la sensation d'immersion (jeux vidéo): je n'ai pas l'impression de "subir" ce qu'ont décidés les journalistes pour moi (à la mode télévision), mais je choisis moi-même ce que je veux voir et dans quel ordre (à la mode Internet). Bien sûr, les éléments de base restent les mêmes (vidéos, photos, récits audio…) et ce sont bien les auteurs du web-documentaire qui décident in fine ce que je peux faire ou pas.
L'essence du web-reportage reste dans la façon de les présenter et surtout dans la façon dont vous pouvez les voir.
Je ne suis pas surpris que le web-documentaire présenté dans l'émission ne soit pas considéré à la juste valeur des possibilités techniques d'aujourd'hui. Il me fait un peu l'effet d'un documentaire DVD.
J'adhère aussi à ce qui a été exprimé sur le plateau: peu importe le moyen utilisé (photo, vidéo, écrit et autres) l'important est le travail de témoignage et d'explication fait par les journalistes.
Un moyen utilisé en pédagogie, à contrario de la récitation, du bourrage de crane et du matraquage médiatique (mode télévision), est de faire en sorte que l'apprentissage se fasse "naturellement" par soi-même. C'est, il me semble, ce que permettent les web-documentaires: puisque le lecteur "choisi son chemin" (choix assez limités tout de même), c'est lui qui "découvre" et "apprend" (à partir du matériel des journalistes), ce qui lui permet de se forger sa propre opinion.
Voilà ce qu'on aurait pu dire, en somme, du web-documentaire. ;-)
Et tous cas, continuez avec des invités de cet acabit et je crois que je ne vais louper aucune émission de l'été. :-)
"Les armes ont torturé mais aussi façonné le monde… Honteuse et magnifique, leur histoire est celle des hommes". Cette phrase du Général de Gaulle est gravée sur le monument d’Omaha Beach, un Blockhaus que j’ai connu bien abîmé, avec son canon – enlevé depuis - qui prenait les huit kilomètres de la plage en enfilade.
Ce qui est extraordinaire c’est de croiser, par écran interposé, de vrais hommes. Pas des petits gars qui courent se cacher au premier pétard en criant “Mamâââânnnn !”
Et il n’y en a pas tant que ça, aujourd'hui.
La guerre c’est pas un truc sympa, à mon avis, mais c’est l’histoire des hommes. Depuis toujours. Et ce n’est pas près de s’arrêter, selon moi, hélas ! Il y a toujours de bonnes raisons de se foutre sur la gueule, de s’entre exterminer…
C’est vachement pratique : quand on tue ses créanciers on n’a pas à rembourser ses dettes, quand on tue le mari de la femme qu’on désire la voie est libre, quand on bute le propriétaire de quelque chose qu’on convoite rien ne s’oppose à ce qu’on mette la main dessus !
Le rêve quoi !
Seule l’arme nucléaire gêne un peu le développement des conflits, il faudra trouver une solution car entre la démographie et les dettes, qui explosent l’une comme l’autre, on sent bien la fin du monde qui arrive si on ne fait pas un peu de nettoyage pas le vide…
Pour en revenir à la guerre et aux photos, le reportage est un art majeur… Le seul moyen de vivre – un peu et par procuration – ce qui arrive loin de nous.
Voici la photo de Phan Thi Kim Phuc par Nick Ut en 1972 (au Leica) qui a fait basculer la guerre du Vietnam
Ma femme, dans la vraie vie, s'appelle Phan Thi Kim Lien ! (Bao pour les intimes)
L'excellent Alain Korkos a consacré une très belle chronique à ce sujet, avec un cours passionnant sur le recadrage en prime !
Mais cela suppose de vrais photographes, avec de vrais appareils car le niveau très médiocre des iPhones utilisés par des amateurs sans talent donne des photos tout au plus quelconques et généralement lamentables !
Il serait dommage que le fait de fournir un appareil photo – de très modeste qualité – à tous les téléphonneurs de la planète finisse par couvrir l'espace médiatique de prises de vues merdiques ou sans intérêt…
Histoire d'être conforme à ma réputation je vous offre une photo impossible à faire du huitième étage avec un iPhone... un shoot au Vietnam, justement !
L'image fixe reste un élément essentiel de la culture et du souvenir…
Ceux qui me connaissent savent que j'utilise de vrais appareils, avec les contraintes inhérentes : poids, encombrement et recul de l'éventuel sujet (sans parler de ceux qui se lancent dans l'insulte, exigent la destruction des clichés, voire du matériel et menacent de procès…)
Sans parler de ceux qui n'hésitent pas à penser, puis à dire et à écrire qu'un téléobjectif est un attribut phallique, un substitut de zobe (absent par définition, le photographe compense ce manque comme il peut !)
Cette vision du monde est la conséquence de l'illusion mortifère que tout se vaut et que tout le monde a du talent…
Pour qu'une photo soit belle il faut (en principe) trois conditions : Un regard, un matériel digne de ce nom et une compétence technique. Les diaphragmes, les vitesses d'obturation, les ISO, et les conséquences des choix ne sont pas à la portée de ceux qui ne prennent pas la peine d'étudier la théorie de l'écriture par la lumière. S'il suffisait d'appuyer sur le bouton pour faire une image intéressante, ça se saurait !
Les professionnels utilisent un nombre très limité de boîtiers, tropicalisés (pour survivre à une averse) et des objectifs d'un certain niveau (série L chez Canon par exemple) pour ne pas perdre leur temps à faire des photos de mauvaise qualité.
Pour revenir à la guerre et aux photos j'écrivais ça il y a quelques années :
Lee Miller, l’ancienne maîtresse de Man Ray, modèle à la plastique idéale, à l’éblouissant grain de peau, débarquera bientôt à Omaha Beach avec ses Leicas. Papa Hemingway la suivra de peu, correspondant de guerre mythique, bien décidé déjà à libérer le bar du Ritz sans perdre de temps. Montparnasse est loin, les années folles aussi !
Pour ceux que ça intéresse l'intégrale est ici : Le Temps Fou
Mais étonnant que personne ne songe à employer le mot "reporter" qui englobe les photographes, les cameramen et ceux qui relatent à l'aide d'une "plume".
Patrick Chauvel a soulevé un problème sans le vouloir : un paradoxe.
Nous sommes, aujourd'hui, inondés et "assourdis" par un flot continu d'images fixes ou non.
Paradoxe : trop d'images tue l'image.
Lors de l'émission, deux photographies hors normes furent montrées. Celle de Capa et celle de l'exécution du viet cong.
Cette dernière et celle de la petite fille qui court nue, brûlée au napalm (vous l'avez en mémoire ?) ont fait basculer l'opinion de la majorité silencieuse aux USA vis à vis de la guerre au Viet-Nam.
Bon, maintenant, quotidiennement, nous voyons des photographies épouvantables dont de personnes en train de crever de faim.
Mais que se passe-t-il ? Rien ! L'opinion laisse l'ONU et les ONG s'en occuper ...
Une seule photo de Don McCullin, en 1969, a fait réagir les gens sur la catastrophe alimentaire au Biafra !
http://owni.fr/2011/07/30/fausses-photos-vintages/
Une analyse très fine de la mode actuelle.
Bonne lecture.
« La photographie occidentale repose sur des codes construits par nous et pour nous. Là, il la montre telle que vue par les Libyens. »
Euh… en utilisant une technologie Iphone hipstamatic typiquement américaine ?
(Technologie que ne détiennent pas les Libyens, comme le souligne Alvaro Canovas.)
La sentence de monsieur Chauvel m'a bien amusée, j'avais en tête les photos de ce grand reporter et son Aillephone avec Hips t'as ma tique. :)
Autrement, comme d'autres asinautes, certaines questions n'étaient malheureusement pas abordées. Dommage, ce sera pour une prochaine.
Merci à tous.
[quote=Antonin Sabot]programmateur
Les tablettes, les Smartphones, les web-documentaires changent-ils la manière de filmer, de photographier et de regarder la guerre ? Ou bien les éternelles problématiques des images de guerre restent-elles les mêmes ? Nouveaux supports et vieilles images, c'est le thème de cette émission qui s'inscrit dans notre série d'été consacrée à la guerre.
... > Lire l'intégralité du texte
Toutes ces discussions techniques sur ce qu'apportent les nouveaux supports par rapport à la photo de guerre classique sont fort intéressantes MAIS, l'un de vos invités précise à un moment que les photos de guerre sont extrêmement codifiées et que ces codes ont été construit pour la presse et les yeux des occidentaux. J'aurais vraiment aimé que soient abordés la nature de ces codes pour véhiculer un contenu que tout le monde a déjà vu: du sang, des corps blessés, des explosions, des armes, des visages en larmes, apeurés etc.
C'est comme pour les images de mode, on en a vu une, on les a toutes vues....
J'aurais aimé que ces photographes qui voient les mêmes choses depuis des années nous donnent plus d'exemples de celles des photos qui réussissent à mobiliser les consciences, du public, puis des politiques; qu'ils donnent plus d'exemples du contexte , du moment bien choisi pour prendre une image mais aussi pour la diffuser pour qu'elle soit efficace.
Qu'est-ce qui est d'ailleurs le plus efficace, la photo symbolique ou la photo qui raconte pour celui qui ouvre son journal ou son écran, bien au chaud dans son chez-lui en paix?
Nous avons tous grandi avec les images de la première et de la seconde guerre mondiale, le plus horrible a déjà été montré et vu.
A part quelques rares exemples, devenus 'célèbres' comme celle de la photo de l'exécution du vietnamien, quelles sont pour eux les photos les plus parlantes pour eux? Ils auraient dû venir avec leurs exemples de photos.
Au delà de la nécessité de rapporter l'actualité d'un conflit ou d'un autre, que pensent-ils vraiment faire aujourd'hui avec leurs reportages le plus souvent 'embedded' ? Les demandes des rédactions ne sont-elles pas toujours les mêmes?
J'aurais aimé que DS leur demande quelle serait leur photo idéale pour représenter telle ou telle guerre et s'il ne faudrait pas parfois la construire ( comme le photomontage de Chauvel sur Paris) et laisser aux photographes locaux le soin de prendre leur propre actualité sur le vif, d'autant plus que selon Chauvel, ce sont souvent eux qui font les meilleures photos.
Les photographes de guerre qui viennent des pays en paix, ne devraient-ils pas plutôt photographier, le cheminement vers la guerre, matériel, des usines Dassault aux tanks syriens par ex, et le cheminement politique ?(comme le disait Guesquière la semaine dernière, il faut montrer avant, pendant et après, la guerre n'étant que la phase ultime d'un long processus). Sous peine de voir leurs images se fondre et se confondre dans l'océan numérique du monde qui courre après l'instant et l'immédiat d'une guerre qui ressemble à toutes les autres.
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Et suis pas loin du jugement moral de Chauvel et Canovas sur la mode photo-avec-téléphone-presque-amateur et cette façon de vouloir se mettre à la place des participants.
Chauvel réjouissant et Canovas qui donne envie de le connaître.
Quant à ibternet : je ne sais pas si je suis bizarre mais par exemple sur le Japon ce qui m'a le plus intéressée, donné l'impression de saisir ce sont les portfolio des journaux américains avec des photos de professionnels
Tout comme le fait de désaturer une photo pour avoir une vision en Noir et Blanc ( curieux effet... ) de la réalité.
superbe émission
Ce qui, a mon sens, est à l'opposé de cette histoire d'hipstamatic qu iest une construction sur la base de faits réels, et nous amène dans le domaine narcissique de l'auto-fiction, à tout le moins de l'auto-mythe, et on sort du domaine du reportage.
Par exemple, il est dans l'erreur, me semble-t-il, quand il affirme que la mauvaise qualité des images que nous visionnons couramment est "liée à internet".
Or, internet permet de visionner les images numériques telles qu'elles ont été prises, avec une qualité qu'un support papier ordinaire (celui utilisé dans les publications comme Match) ne pourra jamais rendre. Évidemment, ces images (je parle ici de photos, c'est à dire d'images fixes)) ne peuvent pas être insérées telles quelles dans des pages web, mais rien n'empêche le webmaster de les rendre "clicables" pour une visualisation en haute définition (procédé que Wikipédia utilise systématiquement).
Il n'en est pas de même pour les vidéos (la vidéo, c'est comme la photo, mais les images bougent ;o) ) qui, pour des raisons de bande passante, sont limitées en définition et dont la qualité n'égale pas les images que nous sommes accoutumés à voir sur notre écran de télévision, surtout depuis l'arrivée du numérique.
J'suis assez troublé par les photos "iphone" et cette fameuse appli hipstamatic.
Comment peut-on se justifier de faire des photos avec cette connerie alors que le nom de l'appli trahis totalement son utilisateur.
Des photos bobomatiques sur des scènes de guerre quoi. <_<
Bien que très fluide, très agréable à regarder (trop ? La gêne de François Leroux vient peut-être de là) la richesse de cette émission m'impressionne.
A chaud, il y a quatre points que je relève.
- Au delà de son expérience, le sens de la dérision, de la répartie et surtout l'humour de M. Chauvel m'ont frappé. Comme s'il avait besoin sans cesse de sortir, de mettre de la distance, de faire preuve de détachement envers ce que son cerveau a photographié depuis toutes ces nombreuses années.
- Alvaro Canovas: les témoignages terrifiants racontés avec une douceur incroyable ; et la rigueur journalistique fait homme.
- Antonin Sabot, silencieux au début, a exprimé des points de vus particulièrement intéressants, des analyses qui m'ont beaucoup plu, par exemple lorsqu'il a été question de l'esthétique moderne (smartphones, jeux vidéos).
- Justine Brabant, avec cette réalisation in situ et sans filet, et Daniel Schneidermann : tous deux ont eu des questions et des remarques particulièrement pertinentes.
Bref, je sens que, comme pour l'émission de Mélenchon vs Touati, je vais regarder plusieurs fois cette émission, découvrant et apprenant toujours à chaque fois.
A tous : merci, merci, merci.
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