Véronique Ovaldé, putes et poissons volants, d@ns le texte
Quel match ! "Je ne m'attendais pas à ça !", nous a dit Véronique Ovaldé, fourbue, à la fin de l'émission. Eh non. En général, quand ils ne connaissent pas l'émission, nos invités ne s'attendent pas à assister à l'irruption du commando Judith-Hubert dans les entrailles de leur texte, tiens, toi tu prends les métaphores, moi je me charge de la comparaison avec le roman précédent, on décortique tout, on démonte pièce à pièce, mais en numérotant soigneusement pour reconstruire ensuite à l'identique, en pillards respectueux de l'oeuvre de l'invité médusé.
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Derniers commentaires
Que de temps perdu !
En lisant je pensais à Garcia Marquez, à Amado, à Sepulveda et son vieux qui lisait des romans d'amour, à Isabelle Allende et ses femmes d'albâtre.
Et puis à quelque chose de plus noir, de plus sombre, de plus dense, presque tourbe.
Une écriture qui enchante, fait pétiller les mots, je ne sais pas c'est comme des bulles de savon sans la fragilité mais avec l'agilité.
Je n'avais pas pris autant de plaisir à lire un roman depuis des siècles et, Judith, je vous en remercie.
Merci aussi à Hubert pour les références foisonnantes distillées avec jubilation, de quoi susciter des échos dans la tête, et avoir envie de réécouter Cocteau Twins. D'ailleurs, j'y vais.
ps : Julien, pas du tout d'accord sur cette histoire de désir féminin. A développer plus tard car le temps me manque, là, maintenant, tout de suite. Ou plutôt si, juste une remarque, Itxaga n'est pas castré. Si être castré c'est apprivoiser et se laisser apprivoiser par l'autre, avec toute l'infinie patience que cela implique, alors... Quant à Vera, son désir est bien réel. La matinée qui suit leur première nuit d'amour m'a semblé d'une grande puissance érotique, quelque chose de brut, sans filtre, un éveil à soi, une prise de pouvoir, l'idée que le corps peut basculer dans autre chose que l'indifférence, la roideur, la crainte. Magnifique !
En regardant cette émission, je m'ennuie, mentalement. Je n'ai pas la jubilation que j'ai ressenti dans bien des émissions à découvrir des idées et des mode de pensée et d'expression que je n'avais pas encore pu découvrir ou "intégrer" avant.
Cela me semble être une suite de poncifs, à la fois dans les remarques et les questions de Judith et Hubert, et peut-être encore plus dans les réponses de l'auteur. De plus la formulation de tous est souvent envahie d'incises, d'incises dans l'incises, comme si aucun des trois n'arrivait à se focaliser sur un point, puis un autre, séquentiellement ; tous les points semblent sans cesse vous submerger, emportés que vous êtes par un enthousiasme inconditionnel envers l'auteur et son œuvre (surtout vrai pour Hubert). Le résultat est un babillage complexe, colonisé de répétitions inutiles, et au contenu intellectuel finalement bien pauvre.
Je ne comprends pas pourquoi j'ai un sentiment si différent de ceux, si nombreux ici, qui ont écrits qu'ils avaient adorés.
Une petite anecdote illustrant ma reconnaissance envers ce site.
J'ai regardé votre émission.
10 jours de digestion.
Puis, j'ai acheté l'ouvrage Et mon coeur transparent.
Je le dévore.
Avec tous mes remerciements pour l'émission, d'autant plus que je n'avais pas lu un roman depuis bien trop longtemps.
Parce que maintenant, j'ai un avis sur le texte.
La « foisonnance » des remarques et des analyses lors de l'émission avait cet effet légèrement désagréable que donnent parfois les conversations enjouées à propos d'un pays que vous ne connaissez pas. La bonne humeur et la complicité des convives finissent alors par vous agacer puisque vous ne pouvez ni appuyer ni contredire les impressions des uns et des autres.
Vous êtes mis à l'écart, mutique, reprenant un gâteau pour vous donner de la contenance.
Mais le problème est ici soluble dans la lecture.
Sur le fond, mon impression est ambivalente : j'ai lu le livre d'une traite ou presque (ce qui est rare, beaucoup me tombe des mains) et avec plaisir, le reprenant sans m'en apercevoir, preuve d'un indéniable effet du texte (sur moi en tout cas).
Mais par ailleurs, certains aspects du récit sont parfois problématiques. Cela tient-il au genre ? À la volonté de faire un conte ? En tout cas les personnages sont par bien des aspects très caricaturaux et si comme le souligne Hubert Artus beaucoup « d'effets surréalistes » comme les poissons volants et le personnage de Rose Bustamente dans son ensemble « sonnent vrais », d'autres ont perturbé ma lecture par leur invraisemblance ou leur manque de relief. Violette est expédiée dans une forme d'urgence étrange et par ailleurs je ne crois pas du tout à « l'amour» de Rose pour Jeronimo. Le décalage entre la femme flamboyante, indépendante, et la petite frappe insignifiante pose un problème de crédibilité pour moi et ce dès le début du récit : le personnage de Jeronimo est si déprécié et celui de Rose si magnifié qu'on ne voit pas comment elle peut être attirée par le bonhomme. D'une manière générale les hommes du récit sont tous des violeurs/bourreaux en puissance (comme les femmes sont des putes/victimes), le seul homme échappant à cette règle étant le personnage « castré » (selon les propres mots de Véronique Ovaldé sur le plateau) de Itxaga. L'homogénéité de l'homme/violeur/bourreau va même au delà de ça puisque si toutes les femmes ont des origines latines, tous les hommes ont une ascendance germanique éventuellement « nazillonne ». Ainsi les pères sont tous des violeurs allemands ou hollandais (je caricature un poil, mais bon il y a de ça).
L'homme viole ou est d'avance castré ; la femme est sans désir ou presque.
Car même l'amour avec Itxaga est un choix raisonné, un abandon tendre mais dépassionné de la part de Vera Candida : de désir féminin réel, puissant, submergeant, il n'y a pas.
Dans ce contexte, que la maternité soit un problème et l'enfant à naître presque une tumeur dans le ventre qu'il faudrait retirer ne m'étonne pas. Et le roman apparaît alors comme la répétition du même à chaque génération, une sorte de retour du refoulé dans lequel l'homme est toujours un violeur, la femme toujours sans désir et l'enfant toujours une tumeur fatale. De ce cercle, le récit ne sort pas vraiment, donnant à ces vies la véritable dimension tragique d'une impossibilité de s'aimer et une répétition mortifère des mêmes douleurs.
Voilà pourquoi le récit est, selon moi, captivant et qu'en même temps, il me déplait.
Mais je ne l'ai pas regardé crayon à la main... ça serait pas mal d'avoir une bibliographie des références citées...
Mais dans l'émission, ce qui donne envie n'a rien à voir avec le panorama socio-filmique du début, que brosse Hubert Arthus, cela c'est ce que je n'aime pas dans les autres émissions littéraires, comparer, inscrire dans un paysage renvoie à la culture du journaliste, pas à sa lecture du texte. Ou alors il aurait fallu parler de sèmes : les chaussures rouges de David Lynch, sans convoquer la cohorte des disciplines, du cinéma à la chanson.
Ce qui m'a plu, ce sont les citations, le travail sur la langue qu'on percevait au travers du questionnement, quand vous faites ça, vous êtes excellents tous les deux, mais quand vous allez chercher des thématiques pour un texte visiblement de l'ordre du sensible, je crois que vous vous trompez d'outillage critique, l'intertextualité avec Cent Ans de solitude est davantage parlante, les fourmis rouges, etc.
Mais, et c'est ce qui m'a fait aimer l'émission, c'est qu'en encerclant trop large, vous avez finalement resserré, puis cerné le style de l'auteur, vous nous avez fait comprendre dans quel espace elle se meut, et donc peu importe que la lessiveuse ait fait centrifugeuse, au final on s'y retrouve, on comprend et on va acheter le livre.
Merci Judith et Hubert, et merci à l'auteure.
http://anthropia.blogg.org
Pourquoi pas, mais du coup la portée pédagogique que j'affectionne tant est moindre. Je crois que je préfère les émissions comme celles avec Régis Debray, Chamoiseau, ou Lanzmann, où on ne reste pas fixé dans le texte, mais où l'on apprend beaucoup d'autres choses sur la société, l'histoire etc...
Bravo quand même, cette émission va devenir une référence !
Cela peut s'appliquer à d'autres émissions! Continuez ça me fait voyager.
Je vous l'avais dit, je suis nulle ! Lire pour moi est un plaisir simple et sans doute suis-je trop "inculte" pour digérer une émission telle que la votre Judith.
Vous n'avez pas parlé de la particularité des noms, toujours complets, pas de prénoms ou de noms seuls. J'aurai bien aimé savoir ce qu'en pense l'auteure sur l'effet recherché.
Excellente emission, j'ai moi aussi l'envie d'acheter le livre.
PS: je n'arrive pas a lire le dernier acte.
Après le cafouillage de rentrée (*) nous avons manifestement renoué avec le jubilatoire. Au cours de l'émission, chacun a posé quelques cailloux blancs qui sont pour moi autant de raison d'aller y voir. "Cent ans de solitude" ! que ceux qui sont passés à côté de ce chef d'oeuvre (il n'y a pas de mal à ça) pensent un jour ou l'autre à combler ce manque ! la condition féminine, la fonction maternante, le machisme, les jeux de rôles masculins/féminins... que ceux qui sont "travaillés" ou "préoccupés" par ces sujets, outre lire Véronique Ovaldé, fassent aussi un détour par le cinéma :
"Je suis heureux que ma mère soit vivante" de Claude et Nathan Miller, "Mères et filles" de Julie Lopez-Curval, deux films à voir.
(*) je n'étais pas très content de moi non plus après le Ravalec. Alors j'ai voulu lire "Cantique de la racaille"... J'ai tenu 50 pages.
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Indirectement, cela répond aux détracteurs des associations d'Alain Korkos, leur reprochant de n'avoir pas été intentionnelles de la part des peintres ou publicistes.
Véronique Ovaldé m'a rappelé Agnès Desarthes (pour l'intelligence, les yeux pétillants et le sourire), et elle partage avec Judith ce goût pour les gestes expressifs et harmonieux... Elle parle de son texte avec une ironie tendre, et tempère (dans les passages cités) ce qui pourrait être un univers lourdement épique par ce contre-pied qu'elle affectionne... Oui, vraiment, une très belle rencontre que cette émission !
Ce n'est pas moi, en tout cas, qui m'y risquerai, en dehors des (habituelles maintenant) félicitations pour l'émission.
Merci de nous avoir laissé entrevoir des silhouettes de personnages gigantesques et colorés, d'avoir entrouvert la porte d'un monde dont je ne sais s'il est fait de réalisme magique ou de réalisme tout court, mais qui donne diablement envie de s'y plonger complètement...
Merci pour le merci. Et quelques mots pour partager votre étonnement, devant le relatif silence que suscite l'émission ; de l'étonnement et peut-être un peu d'inquiétude, aussi : n'avons-nous pas été trop loin dans l'éclairage du texte, le brûlant complètement sous la lampe de nos analyses, au point d'assécher jusqu'à l'envie de le lire ou d'en discuter encore? Apparemment il y en a quelques uns pour avoir envie de l'acheter après avoir vu l'émission - mais tous les autres, tous ceux qui se taisent : assommés par cet entretien, trop copieux, trop vigoureux (et pourtant loin d'être exhaustif)? Me voici toute pleine de doutes, alors que je suis sortie de l'émission convaincue qu'il s'y passait quelque chose de magnifique...
Absence de réaction écrite ne signifie pas absence d'intérêt, j'ai beaucoup aimé cette émission, le début avec Hubert Artus qui décrit l'univers de l'auteur m'est passé un peu au dessus de la tête, j'ai compris juste quelques références et j'ai eu l'impression que celles que je ne connaissait pas aurait pu m'intéresser, ne pouvez vous pas indiquer quelques pistes sur la page comme pour les émissions du Vendredi?
J'aime lire mais, je ne suis pas du tout un littéraire, ce serait pas mal de ne pas perdre les non initiés.
Pour vous c'est évident, je ne suis pas sûr que ce le soit pour le monde et en plus ça permettrais d'avoir un mémo qui permette de se rappeler des points forts de votre émission ou alors permettrais de lire les références avant même de regarder votre émission afin de mieux apprécier votre rhétorique.
Pour l'achat du livre, pour moi ce ne doit pas être le critère de réussite d'une émission sinon, on risque à revenir à long terme à la promo déguisée.
Mais c'est vrai que j'ai plus envie de l'acheter qu'avant.
Merci pour cette émission.
On vous sent tous les trois très enthousiastes, emportés par cet échange où chacun rebondit très vite et renvoie la balle à l'autre. On sent la stimulation intellectuelle ressentie lors d'un échange aussi riche. Mais le spectateur est parfois oublié, un peu laissé de côté et a l'impression d'assister un peu pantelant à un échange de haut vol d'où il est parfois exclu. C'est notamment le cas lorsque Hubert Artus se lance dans une série de références littéraire en forme de "name-dropping" hyper-rapide. Personnellement, j'aime lire mais je n'ai pas une culture littéraire si étendue, comme beaucoup d'autres spectateurs je pense. C'est normalement le rôle de Judith de faire parfois la naïve en se mettant dans la peau du spectateur ignare, mais là le recadrage n'a pas toujours été fait. Des références/explications complémentaires sur la page de l'émission pourraient être une bonne alternative.
Edit: tiens, le message du dessus est arrivé pendant que je postais et dit un peu la même chose...
Le "name-dropping" ne m'a pas gêné, puisque j'ai pu visualiser la chose, mais cela explique aussi pourquoi il est peut-être difficile de parler de ce roman... on ne raconte pas par exemple un film de David Lynch, on l'expérimente, l'œuvre est avant tout sensorielle, poétique, pas politique.
Ce n'est pas embarrassant en soi, c'est juste que dès lors que ce n'est plus politique, idéologique, cela n'appartient plus à la sphère du dialogue, du partage, du débat, il faut le vivre, et c'est donc ségréguant comme dirait Judith, il y a ceux qui l'ont lu et ont goûté ce plaisir et ceux qui ne l'ont pas lu et ne comprennent pas nécessairement pourquoi ils devraient vivre cette expérience atypique.
Personnellement, je n'ai pas partager l'enthousiasme des chroniqueurs, puisque d'une part, je ne me suis pas confronté à l'oeuvre comme eux, et d'autre part, parce ce qu''il en ressort pour moi à partir de l'émission n'est pas la complexité des concepts ou des situations, ni la magie du roman, mais pour le dire abruptement, le vide : What for ?
L'auteur n'a pas fait le manifeste féministe, hélas, ai-je envi de dire, elle a fait du pur romanesque, une mise à plat de plusieurs plans (ce qui comme le fait remarquer Artus ne se fait pas dans la vraie vie où il y a perpétuellement évaluation, jugement), ce que ne fait pas non plus Marquez, l'imaginaire étant un outil hautement politique chez lui, ce qu'aurait pu être le roman de Ovaldé, mais que l'auteur en premier n'a pas vocation à vouloir faire, c'est une galerie de personnage "bigger than life", le côté polar hardboiled des années 40 apprécié par Véronique, mais dans un pays imaginaire, loin de toute attache sociale, historique, précise.
Comme Judith le dit : Est-ce la femme sud américaine ou universelle, aucune semble-t-il, c'est la femme romanesque autre que la femme classique (fatale, manipulatrice et faible du polar qu'elle apprécie), mais ce n'est qu'une forme artificielle de plus, pour moi, donc sans grand intérêt vu de l'extérieur.
Cela étant dit, le courant passe entre Véronique, Artus et Judith, c'est indéniable, mais nous sommes sur un plan plus affectif que rationnel, le téléspectateur que je suis ne capte pas systématiquement les raisons de cet enthousiasme, il le constate, mais ne le comprend pas obligatoirement. Artus s'exclame à moult reprise, c'est phénoménal ou un truc de ce genre, sans que je perçoive pourquoi ? Itou, Judith s'exclame sur la métaphore des cheveux comme un lac noir, wouai, elle est sympathique, mais vu d'ici, il n'y a pas de quoi casser trois pattes à un canard.
Hiatus par conséquent.
Tout cela n'est que ma lecture et le résultat de mes attentes littéraires bien particulière, pour les autres spectateurs, je ne sais pas évidemment...
yG
Mais bon, je vous taquine: je suis en général d'accord avec vos interventions. Par contre, là, pas tellement.
- Pour le "name-dropping", je n'étais pas trop perdue, je connaissais certaines références et pas d'autres, mais j'imagine que si j'en connaissais moins, je me serais sentie exclue. Là où je ne suis pas d'accord, c'est quand vous dites que c'est comme ça, il faut le vivre et ça ne passe pas par le dialogue: il me semble que c'est justement tout l'intérêt, et le défi, de l'émission. Mettre en mots l'indicible, le ressenti à la lecture d'un texte. Du coup, même si c'est difficile, ce n'est pas une raison pour renoncer. Et il me semble que prendre une ou deux minutes en plus pour expliquer posément plus en détail en quoi le livre ressemble à telle référence aurait été utile.
- Pour le roman lui-même. Que vous cherchiez dans vos lectures ce qui a un "fond" politique et idéologique est votre droit le plus strict, mais vous ne pouvez pas réduire tout plaisir littéraire à cela: vous passeriez à côté de beaucoup de choses. Il me semble que la grande littérature décrit plutôt qu'elle ne dénonce. C'est ensuite au lecteur de faire lui-même son chemin. L'intérêt principal alors n'est pas de lire un "manifeste" tout fait et convenu, mais d'élargir son horizon par une expérience supplémentaire, comme une brique dans notre conception du monde. Et puis, il ne faut pas exclure le pur plaisir de lire et de se laisser emporter dans une histoire.
Cela dit, il est vrai que certaines des émissions que j'ai le plus appréciées étaient celles qui avaient un "fond" de réflexion dépassant la litttérature (politique, philosophique), comme celles avec Vinaver, Hazan, Chamoiseau. Mais j'ai aussi adoré celle-ci, et celle avec Agnès Desarthes, par exemple. Parce qu'elles sont riches en contenu, même si les réflexions que l'on en tire n'ont pas forcément vocation à être universelles.
"Je savais que toute critique, même micro, serait un sort d'invocation du yannickG sur le forum.
Mais bon, je vous taquine: je suis en général d'accord avec vos interventions. Par contre, là, pas tellement."
Surtout que pour une fois, c'est moi qui critique plus que vous et d'autres. ;)
"Là où je ne suis pas d'accord, c'est quand vous dites que c'est comme ça, il faut le vivre et ça ne passe pas par le dialogue: il me semble que c'est justement tout l'intérêt, et le défi, de l'émission. Mettre en mots l'indicible, le ressenti à la lecture d'un texte. Du coup, même si c'est difficile, ce n'est pas une raison pour renoncer. Et il me semble que prendre une ou deux minutes en plus pour expliquer posément plus en détail en quoi le livre ressemble à telle référence aurait été utile."
C'est donc bel et bien que les analogies par "name dropping" n'ont pas fonctionné suffisamment pour certains, et que l'indicible est resté globalement ce qu'il était, hélas.
Un relatif échec de communication...
Je ne dis pas qu'il faut accepter cette situation, mais que le fait que cette œuvre soit plus sensorielle qu'intellectuelle limite sa description, la meilleure description restant l'oeuvre en elle-même, or, difficile de rendre cette séduction lorsqu'elle est globale et ne repose pas sur le style, étrangement absent (ou moins évoqué que dans d'autres émissions) de l'analyse me semble-t-il, au détriment du genre, longuement évoqué.
"Pour le roman lui-même. Que vous cherchiez dans vos lectures ce qui a un "fond" politique et idéologique est votre droit le plus strict, mais vous ne pouvez pas réduire tout plaisir littéraire à cela: vous passeriez à côté de beaucoup de choses."
Je ne parle que pour moi, je crois avoir précisé, et oui, je passe à côté de beaucoup de chose en littérature, comme dans la vie.
Je tente d'assumer, parfois j'y arrive... ;)
"Il me semble que la grande littérature décrit plutôt qu'elle ne dénonce. C'est ensuite au lecteur de faire lui-même son chemin. L'intérêt principal alors n'est pas de lire un "manifeste" tout fait et convenu, mais d'élargir son horizon par une expérience supplémentaire, comme une brique dans notre conception du monde."
Outre que décrire, c'est déjà dénoncer, puisque c'est montrer ce qui n'est pas visible au départ, j'ajouterai que là, en l'occurence, je cherche toujours d'après ce que j'ai entendu, en quoi il y a "élargissement".
Je constate le plaisir manifeste d'Hubert et Judith, mais hormis celui de leurs yeux et de leurs zygomatiques, je n'en vois pas trace d'autres chez eux...
"Et puis, il ne faut pas exclure le pur plaisir de lire et de se laisser emporter dans une histoire."
Mouai, mais on peut avoir ou rechercher prioritairement les deux, et le plaisir de l'histoire et celui de la réflexion. Cervantès, Dostoïevski, Don De Lillo, Richard Powers.... apportent les deux. Par conséquent, une oeuvre qui ne me procure que du plaisir sera toujours moindre à un autre m'apportant en plus une conscience accrue de l'existence. CQFD dirait La Palice
"Cela dit, il est vrai que certaines des émissions que j'ai le plus appréciées étaient celles qui avaient un "fond" de réflexion dépassant la litttérature (politique, philosophique), comme celles avec Vinaver, Hazan, Chamoiseau. Mais j'ai aussi adoré celle-ci, et celle avec Agnès Desarthes, par exemple. Parce qu'elles sont riches en contenu, même si les réflexions que l'on en tire n'ont pas forcément vocation à être universelles."
Justement, éclairez moi, s.v.p., sur les réflexions que vous en tirez... je sèche un peu de ce côté-là dans cette émission. Cela étant dit, au moins, j'ai perçu du plaisir dans cette dernière par rapport à la précédente, c'est déjà ça.
yG
"plus sensorielle qu'intellectuelle" me semble effectivement un bon résumé de ce que l'on ressent du livre dans cette émission. Mais justement, je trouve que l'ensemble de la discussion, et en particulier la description des personnages, rend particulièrement bien la séduction qui en émane. C'est vrai que cela semble reposer moins sur le style que sur la construction des personnages, mais ce n'est pas forcément grave.
"Je ne parle que pour moi, je crois avoir précisé, et oui, je passe à côté de beaucoup de chose en littérature, comme dans la vie. Je tente d'assumer, parfois j'y arrive... ;) "
Bon si vous assumez alors, ça va :-)
"Outre que décrire, c'est déjà dénoncer, puisque c'est montrer ce qui n'est pas visible au départ j'ajouterai que là, en l'occurence, je cherche toujours d'après ce que j'ai entendu, en quoi il y a "élargissement". "
Pour la description pure, sans "manifeste" dedans, je pensais à Zola, et aussi à Brecht. Ce dernier avec ses idées bien particulières sur la façon d'amener le public lui-même à faire le travail de réflexion, avec la "distanciation". Mais je concède volontiers que dans les 2 cas, il s'agit d'auteurs "engagés". Même s'ils ne le disent pas explicitement dans leur oeuvre, ils écrivent avec une arrière-pensée qui est de mettre en évidence et dénoncer certaines choses. Ce qui n'est pas le cas ici, puisque V. Ovaldé répond par la négative à la question de Judith (est-ce écrit dans le but de dénoncer universellement la condition de la femme). Cela dit, même si ce n'est pas le but de l'auteur, est-ce grave? Ce qui compte, c'est la perception du lecteur. Si le livre permet d'avoir une autre (meilleure? moins cliché?) vision de la femme, et de son émancipation, alors même que ce n'était pas le but de l'auteur, et bien tant mieux.
"Justement, éclairez moi, s.v.p., sur les réflexions que vous en tirez... je sèche un peu de ce côté-là dans cette émission. Cela étant dit, au moins, j'ai perçu du plaisir dans cette dernière par rapport à la précédente, c'est déjà ça. "
Et bien, j'avoue que je suis très touchée par les réflexions concernant la femme et son "instinct maternel", et la question de savoir s'il existe de base ou s'il se développe. La déconstruction du personnage féminin archétypal est aussi intéressante. Enfin, l'idée d'émancipation par rapport au destin tout tracé, qui ne touche pas seulement les femmes, mais aussi les hommes (quoique différemment) est aussi intéressante. Enfin, j'ajouterai que le plaisir que j'ai tiré de l'émission n'est pas seulement du point de vue de la réflexion mais aussi du domaine "sensoriel" (cf début de post), l'impression d'entrevoir un monde magique et coloré fascinant. Et pour moi c'est ça aussi la littérature: si je vis cette expérience-là en lisant un livre, cela me suffit à dire qu'il est utile car il m'a procuré des sensations nouvelles et ajouté des briques à mon imaginaire.
"même si ce n'est pas le but de l'auteur, est-ce grave? Ce qui compte, c'est la perception du lecteur. Si le livre permet d'avoir une autre (meilleure? moins cliché?) vision de la femme, et de son émancipation, alors même que ce n'était pas le but de l'auteur, et bien tant mieux."
Tant mieux en effet, mais la responsabilité semble incomber ici davantage à certains lecteurs qu'à l'auteur lui-même, si on en croit cette dernière.
Faire exister des figures atypiques, non-archétypales (des biceps proéminents pour une femme par ailleurs tout à fait classiquement féminine, puisqu'exerçant avec succès le plus vieux métier connoté en terme de genre), c'est évidemment participer au non renouvellement des clichés (un peu à l'image des culturistes nains dans l'univers du polar de Harry Crews, je crois me souvenir), mais à l'inverse, constituer une narration par filiation, c'est également reconstituer un stéréotype, la mère, la fille et la petite fille, une généalogie féminine, une triade, qui bien que réalisée à contre-cœur n'en est pas moins constituée (Quid de la question de l'avortement pour la grand-mère prostituée ? Est-elle évoqué dans le roman ?) et reproduit une structure littéraire classique, qu'elle soit verticale ou horizontale (par exemple, "Les trois soeurs" de Tchekhov).
Tout cela pour dire qu'en n'appuyant pas assez son propos, en effleurant ces multiples sujets autour de la question féminine, l'auteur semble plus saupoudrer et pimenter son récit que vouloir faire bouger vraiment les lignes. D'ailleurs, les lignes lui sont nécessaires, puisque c'est dans la transgression, le fameux art du contre-pied, qu'elle trouve son stimuli narratif, une transgression cyclique, puisque revenant sans cesse sur ses propres pas.
Son pas de deux, d'un côté de l'autre des frontières, l'amène finalement à suivre la même route, les clichés ne disparaissant qu'une fois qu'ils ont été réinstallé. C'est tout la limite littéraire et donc la réserve que j'exprimais déjà dans mon premier post sur cette page et que je crois percevoir (peut-être à tort ne m'étant pas plongé dans l'oeuvre) dans ce roman d'Ovaldé.
yG
Je pense effectivement qu'il faut être sensible à l'aspect "sensoriel" (ou émotionnel), ou si l'on veut, tomber sous le charme des personnages et du monde décrits, pour être particulièrement emballé par l'émission et/ou le livre. Sinon, effectivement, on ne peut qu'être frustré par les 1/2 pistes et les réflexions inachevées. D'ailleurs cela m'arrive aussi de ressentir cette frustration en lisant un livre.
Pour tout avouer, il m'est arrivé en lisant un livre à la suite de d@ns le texte de le trouver moins bien que l'émission elle-même. Non pas qu'on me l'ait "vendu" à tort; simplement que les analyses de Judith donnent une profondeur supplémentaire que le texte tout seul n'arrive pas à restituer. En clair, je préfère parfois la réflexion poussée de Judith suite au texte, que le texte lui-même. De même qu'une analyse de Korkos donne une profondeur insoupçonnée à des toiles qui n'auraient même pas attiré mon oeil plus que ça autrement...
"Pour tout avouer, il m'est arrivé en lisant un livre à la suite de d@ns le texte de le trouver moins bien que l'émission elle-même. Non pas qu'on me l'ait "vendu" à tort; simplement que les analyses de Judith donnent une profondeur supplémentaire que le texte tout seul n'arrive pas à restituer. En clair, je préfère parfois la réflexion poussée de Judith suite au texte, que le texte lui-même. De même qu'une analyse de Korkos donne une profondeur insoupçonnée à des toiles qui n'auraient même pas attiré mon oeil plus que ça autrement..."
Pour le spectateur que nous sommes, ce transfert, ce changement de pôle, de ce que dit le l'auteur à ce que dit Judith de l'ouvrage n'est pas préjudiciable, nous trouvons finalement notre compte, parfois même davantage... C'est pourquoi nous suivons d'ailleurs l'émission avec appétit.
C'est peut-être pour l'auteur ou son ouvrage que ce tropisme est nuisible...
Mais alors, j'ai envi de dire, à eux d'être à la hauteur de certaines de leurs lectrices.
Ce qui au moins pour l'auteur est toujours possible pendant le cours même de l'émission.
yG
ps : Pour le mot d'Hubert de la quinzaine précédente qui vous interpelle, "défractalisation", j'ai répondu également sur le forum en question, que je voyais bien ce que voulez dire fractal, mais pas ce néologisme, à tel point que je me demandais si j'avais bien entendu (défractalisation ou des fractalisations). Finalement, le "name-dropping" de cette émission à du bon, la redondance par la multitude des citations permet de capter au moins un fragment, une nuance de l'image globale, c'est déjà ça, inutile de vouloir comprendre toutes les analogies.
Geneviève Z.
Je viens seulement de regarder celle-ci (d'ailleurs je n'ai pas encore regardé celle avec Vincent Ravalec car vous ne m'y avez pas vraiment encouragé (là)). Elle est très bien et je comprends que Véronique Ovaldé en soit sortie lessivée. Vous avez même pu lui faire découvrir parfois ce qu'elle n'avait pas imaginé écrire.
Elle écoute beaucoup, dit-elle , les femmes parler de la façon dont elle vivent la relation sexuelle, et se sent à l'aise pour écrire les scènes correspondantes. J'ai hâte de la découvrir pour ça et pour le reste que vous avez certes décortiqué mais dont j'ai l'impression qu'il me reste à le lire.
Continuez vos émissions, elles sont uniques et précieuses.
Florence
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