L'affaire politico-financière vient de muter en scandale politico-médiatique, et un scandale de taille. Il concerne l'un des nombreux épisodes de l'affaire du financement libyen de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy. Celui de la vraie-fausse rétractation de Ziad Takieddine. En 2020, l'homme d'affaires l'affirme, devant les caméras de BFMTV, après avoir clamé le contraire : aucun argent n'a transité entre Tripoli et Paris. Et qui en profite alors pour accorder une interview vérité à la chaîne d'info ? Nicolas Sarkozy. Ce sont les coulisses de cette interview qui viennent aujourd'hui d'être révélées par Mediapart et elles sont inouïes : petits arrangements, collusion, amitiés. C'est peu dire que l'envers du décor est peu reluisant, et c'est notre invité du jour, Fabrice Arfi, co-directeur du pôle enquêtes de Mediapart, qui l'a révélé avec deux confrères, Antton Rouget et Karl Laske.
Dans le dos d'une partie de BFMTV
On le sait désormais, la rétractation de Ziad Takieddine dans l'affaire libyenne était une vaste machination destinée à blanchir Nicolas Sarkozy. Une machination opérée par la direction de BFMTV, qui s'est faite contre les journalistes de la chaîne, raconte Fabrice Arfi : "Ce que raconte le rédacteur en chef de la chaîne au moment de la diffusion, c'est qu'il n'y a rien qui va, du début à la fin. Non seulement ce n'est pas BFMTV qui produit le sujet, mais la rédaction n'est pas au courant de ce qui se passe. C'est une opération qui se fait dans le dos de la propre rédaction de BFMTV."
Les textos de Bruno Jeudy
En plateau pour commenter la vraie-fausse rétractation de Takieddine, toujours en 2020, l'éditorialiste Bruno Jeudy prend activement la défense de Nicolas Sarkozy, et va jusqu'à contredire la journaliste police-justice de la chaîne, qui relativise l'importance de cette rétractation pour le dossier libyen. Le tout, en échangeant des textos sous la table : "En fait, ce qu'il raconte, c'est n'importe quoi. Et la journaliste qui essaie de pondérer ça se fait trasher en plein direct par Bruno Jeudy, qui textote avec la communicante de Nicolas Sarkozy, tout le monde se félicitant de tout ça."
Les journalistes, les procureurs, et Ruth Elkrief
Ruth Elkrief a-t-elle été trop molle dans son interview de Nicolas Sarkozy, venu réagir à la déclaration de Ziad Takieddine, à l'époque ? Dans ses échanges avec Mediapart, aujourd'hui, elle tempère, expliquant qu'elle n'est pas "procureur". Ce qui interroge Fabrice Arfi : "C'est intéressant de constater que Ruth Elkrief considère que, parler de faits qui embêtent Nicolas Sarkozy, c'est être un procureur. C'est marrant d'intérioriser à ce point ce langage-là qui est précisément celui de l'équipe Sarkozy."
Une attaque contre le juge Tournaire
L'opération "Sauver Sarko" avait pour but de blanchir l'ancien président, mais pas par n'importe quel moyen, rappelle Fabrice Arfi : "Le mobile du crime, c'est attaquer la justice. L'objectif, c'est de dénigrer l'un des meilleurs juges d'instruction français, qui est aujourd'hui le patron du pôle financier du tribunal de Paris, qui est le juge Serge Tournaire. C'est purement berlusconien, c'est purement trumpien. Ils ont fabriqué un faux scoop, pour que ce soit le véhicule d'une attaque inédite contre un juge d'instruction."
Pour aller plus loin
- L'enquête de Mediapart sur la collusion entre le clan Sarkozy et la direction de BFMTV.
- Notre enquête sur les remous internes à BFMTV suite à ces révélations.
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