Sous quelle identité doit-on de se présenter en ligne ? En trente ans, notre plongée graduelle dans le cyberespace s'est faite au prix d'une injonction : choisir le visage qu'on allait présenter au monde. Au fil des applications, certains codes se sont mis en place. Nous sommes passés des Horribles Cernettes, un quatuor de scientifiques du Cern, qui amenèrent un peu de distanciation parodique dans l'austérité de l'Internet des origines, à BeReal, une appli qui enjoint les adolescents à se photographier au moment les plus imprévus, "sans tricher" sur leur image.

Au fil des décennies, la convention semble avoir muté. Les premières identités en ligne avaient tendance à être des créations explicites, des personnages que l'on crée et que l'on interprète, avec des pseudos et des avatars souvent empruntés à la fiction. Sur les forums au tournant du siècle, ce jeu de masque se faisait en toute complicité. Puis sont arrivés coup sur coup Facebook et Youtube, et leur injonction à peine déguisée à se révéler sous un "vrai" visage. Dès lors, celles et ceux qui continuaient d'incarner un personnage le faisaient au risque d'être mal interprétés, qu'il s'agisse de l'extravertie Boxxy, avec ses mimiques de personnage de manga, ou de l'inquiétante et fascinante CreepyChan, qui donna quelques sueurs froides aux équipes de l'émission America's Next Top Model. Mais peut-on encore parler de jeu, de connivence, lorsque des influenceurs d'Instagram mettent en scène le moindre détail de leur environnement pour convaincre le monde qu'il s'agit bien là de leur quotidien ?

Julie et Rafik ont donc choisi d'apparaître au naturel (nonobstant un bref coup de peigne) pour questionner aussi leurs propres identités successives en ligne.

Netscape est diffusée en direct sur Twitch une fois par mois. Bon visionnage !