Tous les films ne sont pas "l'histoire la plus bouleversante" ou "la meilleure comédie" de l'année. Certains sont ratés. Et avant même sa sortie en salle, un rapide tour des critiques sur internet peut en attester. Alors en l'absence d'une nomination aux Césars ou d'une bonne critique à utiliser, le distributeur peut tricher.

"Le film saisit superbement la tension dramatique". Cette citation de Studio Ciné Live, très valorisante, est extraite d'un paragraphe qui l'est beaucoup moins : "Une version, surenchérie et datée, du cinéma de Doillon des années 80 (sans la grâce), qui déçoit. Jusqu'à une scène finale, où le calme revient enfin et saisit superbement la tension dramatique du chapitre final. Mais trop tard, hélas." Dix critiques, sur les onze présentées, ont été en partie dénaturées.

Dans la critique du Parisien, l'on peut lire que "Samuel Benchetrit offre un rôle puissant à Anna Mouglalis". L'extrait occulte totalement la critique négative et la mention des liens qui unissent le réalisateur et son actrice principale : "Reste une question à Benchetrit, qui est également écrivain : sinon donner un rôle puissant à sa compagne Anna Mouglalis (mention spéciale à Yann Goven, on souffre pour lui), n'aurait-il pas mieux valu écrire un roman?"

Hasard ou coincidence, la seule critique respectée à la lettre est celle de Novaplanet, par ailleurs partenaire du film.

Le journaliste auteur de la critique publiée par les Inrocks a révélé la sélection fallacieuse sur Twitter

Même si le journaliste précise que "l'exercice auquel s'est livré EpicentreFilms, avec, il faut le dire, talent, est chose courante chez les distributeurs" , il est très rare que les manipulations touchent la quasi totalité des citations utilisées, "ici c'est poussé à son apogée."

Personne, en France, n'a eu l'audace d'inventer purement et simplement des citations. L'audace ou la malchance de se faire prendre, comme c'est arrivé aux Etats-Unis en 2001. Sony Pictures a en effet été condamné pour avoir utilisé des citations émanant d'un journaliste factice, présenté comme travaillant pour un journal du connecticut, The Ridgefiels Press. Si le critique cinématographique n'existait pas, la punition est, elle, bien réelle : 326.000 dollars à l’Etat du Connecticut, et 1.5 million de dollars aux fans qui avaient vu les films incriminés.

L'industrie cinématographique n'est pas la seule concernée par ces manquements. On vous parlait ici du jeu vidéo SimCity et des manipulations de son éditeur.

Elisabeth Denys