Tintin otage de Moulinsart
Une jeune fille habitant la région parisienne avait créé, au mois de février dernier, un compte Twitter et un Tumblr intitulés Le Petit XXIe sur lesquels elle illustrait les faits d'actualité à l'aide de cases empruntées aux albums de Tintin (Le Petit XXIe étant une allusion au Petit Vingtième, supplément hebdomadaire du journal belge Le Vingtième Siècle dans lequel parurent les premières aventures de Tintin à partir de 1929).
« Le procédé n’est pas nouveau. Le Libé du 5mars 1983, pour la mort d’Hergé, avait été réalisé de la même manière », peut-on lire dans un article paru hiersur le site de Libé (Hergé mourut le 3 mars 1983).
C'était drôle de voir combien des images anciennes pouvaient si parfaitement coller à l'actualité, cela donnait aux aventures du jeune reporter en culottes de golf un petit air d'éternité.
Las ! C'était trop beau pour continuer ! La plate-forme Tumblr a dû, il y a quelques jours, supprimer toutes les images issues des albums de Tintin suite à une demande des ayants droit. Autrement dit les éditons Moulinsart dirigées par Nick Rodwell, mari de la veuve d’Hergé. Lequel se précipite avec ses avocats sur toute utilisation d'une image tintinesque, même publiée dans un ouvrage historique consacré à l'oeuvre d'Hergé. Parce que Tintin, c'est son gagne-pain.
Derrière la jeune fille auteure du Tumblr et de la page Twitter se cachaient en vérité deux journalistes dont Quentin Girard, qui vient de conter ses mésaventures dans un article intitulé Tintin prisonnier de Moulinsart paru hier sur le site de Libé.
Il raconte ses démêlés avec le service juridique des éditions Moulinsart, remarque que « la réaction de Moulinsart montre surtout une absence totale de compréhension des nouveaux usages numériques. Si l’on s’attarde deux secondes sur le cas du Petit XXIe, qu’y voit-on? Un blog qui montre chaque jour l’incroyable richesse des albums de Tintin, qui permettent d’illustrer le Boeing malaisien disparu…
… les affrontements en Ukraine, les écoutes ou même une histoire de cambrioleurs dénoncés par un perroquet.
(…) Et l’histoire ayant une fâcheuse tendance à balbutier, il est toujours étonnant de voir à quel point le discours de l’envahisseur japonais dans le Lotus Bleu, "pour le bien des peuples", ressemble à celui de Poutine sur la Crimée. »
Quentin Girard conclut ainsi : « Les éditions Moulinsart ont choisi de mettre le petit personnage sous cloche, dans un musée d’où il n’a pas le droit de sortir. Il prend doucement la poussière. Face à la concurrence des héros de comics et de mangas, accessibles partout et tout le temps, Tintin est invisible. Les jeunes, petit à petit, ne se tourneront plus vers lui. Ils vont l’oublier. Au-delà d’une simple ligne de bénéfices en bas du bilan comptable des éditions Moulinsart, de toute évidence, Tintin se meurt. »
L'occasion de lire ma chronique intitulée Tintin au Congo expliqué à Boule de Neige ainsi qu'un Vite dit intitulé Tintin : parodies autorisées.
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