Propos génocidaires d'un chanteur israélien : l'info qui venait trop tard
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Propos génocidaires d'un chanteur israélien : l'info qui venait trop tard

Tous les samedis, l'édito médias de Pauline Bock, cette semaine signé Élodie Safaris, envoyé dans notre newsletter hebdomadaire gratuite, Aux petits oignons : abonnez-vous !

"Le groupe LFI à l'Assemblée demande « l'interdiction immédiate » d'un concert du chanteur israélien Eyal Golan à Paris en mai". Tel est le titre d'un court article (non signé) publié sur le site de France Info ce mercredi 23. Pourquoi La France Insoumise réclame donc l'interdiction de ce concert organisé par le Magen David Adom, équivalent de la Croix Rouge israélienne ? Par pur réflexe anti-israélien ? "Le parti écrit, dans un communiqué publié mercredi, que ce chanteur israélien « ne doit pas venir chanter les louanges du génocide à Paris »" indique ensuite le chapô de l'article sans en venir clairement aux faits. 

Il faut, en réalité, attendre le deuxième paragraphe pour comprendre pourquoi le mouvement insoumis réclame cette interdiction : la méga star israélienne de 54 ans "avait « appelé à l'extermination du peuple palestinien » au lendemain du 7 octobre, « déclarant sur une chaîne publique qu'il fallait « éliminer Gaza » et « ne pas y laisser âme qui vive »", relate France Info, citant les éléments du communiqué de presse publié par LFI.

Le chanteur, véritable icône de la chanson israélienne depuis des dizaines d'années, a donc tenu des propos génocidaires appelant ni plus ni moins à l'extermination de toute une population, notamment le 15 octobre 2023 sur la chaîne d'extrême droite israélienne C14 (elle-même épinglée en septembre dernier pour avoir diffusé plus de 50 appels au génocide des Palestiniens). En 2024, l'Afrique du Sud avait d'ailleurs utilisé ces citations d'Eyal Golan comme élément de preuve dans sa plainte pour "génocide" contre Israël devant la Cour internationale de Justice de La Haye.

Pourtant, la rédaction en chef de France TV Info estime que cette information ne mérite de figurer ni dans le titre de l'article, ni dans son chapo, ni dans le tweet partageant le papier. 

Sur la chaîne israélienne i24 News, l'affaire est aussi évoquée, mais les journalistes ne s'embarrassent même pas à citer les propos d'Eyal Golan, qualifiés seulement de "déclarations très entendues en Israël après le 7-Octobre" (ce qui n'est pas faux mais n'en atténue pas moins la gravité). La star israélienne aux propos génocidaires - également mise en cause dans des affaires de violences sexuelles sur mineure - y est célébrée et LFI dépeint comme une bande d' "irresponsables" qui ne font qu'"attiser la haine à un évènement culturel". Les propos haineux et génocidaires sont tus et leur dénonciation est condamnée. Une inversion classique de la propagande de l'Etat hébreu.

Si Le Figaro a, lui, le mérite d'évoquer l'expression insoumise "un porte-voix pour les soutiens du génocide" dès le titre de son article sur le sujet, le reste du papier interroge tout autant. Les citations du chanteur sont sourcées "d'après ces élus", comme si leur existence était incertaine. Le conditionnel est même utilisé pour évoquer des paroles "qui lui auraient valu le soutien israélien d'Itamar Ben Gvir, actuel ministre de la Sécurité nationale, et partisan d’une riposte militaire intransigeante dans l'enclave palestinienne". Au-delà des euphémismes utilisés pour qualifier massacres, génocide et ministre d'extrême droite suprémaciste, difficile de comprendre ces précautions alors que le tweet du ministre ("Israël ❤️[emoji coeur] Eyal Golan") est toujours en ligne

Le Figaro écrit enfin que les députés LFI "vont jusqu'à qualifier Eyal Golan de «véritable porte-voix pour les soutiens du génocide»", comme si ces termes étaient excessifs et inappropriés. Nouvelle forme d'inversion dans laquelle la démarche insoumise est pointée du doigt quand les propos (bien réels et bien génocidaires) du chanteur israélien ne sont, eux, à aucun moment qualifiés ni pointés pour ce qu'ils sont.

D'aucuns estimeront peut-être que l'on ergote. Mais le traitement médiatique de Gaza depuis 18 mois l'illustre chaque jour : les choix éditoriaux et partis-pris sémantiques, qui passent notamment par les choix de titrailles, sont essentiels. Reléguer en second plan le fait qu'une personnalité israélienne dit et redit qu'elle souhaite l'annihilation de tous les Palestiniens de Gaza, participe à banaliser de tels propos et à élargir la fenêtre d'Overton. À l'heure où la survie des Gazaoui.e.s est plus que jamais menacée, où MSF décrit la bande de Gaza comme une "fosse commune pour les Palestiniens et ceux qui leur viennent en aide", où les humanitaires et les journalistes sont délibérément ciblés par l'armée israélienne, euphémiser, invisibiliser ou reléguer en milieu de papier les propos génocidaires devient insupportable.

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