Pourquoi "Arrêt sur images" ne quitte pas X
Cette discussion - comme un certain nombre d'entre elles au sein de notre rédaction - a eu lieu en plusieurs fois. Une première le 4 décembre 2024, lors d'une première AG, où la question de quitter X se posait déjà vivement. Donald Trump avait été élu un mois plus tôt président des États-Unis, pour la seconde fois, avec le vif appui d'Elon Musk, propriétaire de ce réseau (qu'il a renommé) depuis octobre 2022. Ce dernier a été nommé dans la foulée de cette élection ministre de "l'efficacité gouvernementale" du futur gouvernement Trump. À cette date-là, plusieurs grands médias, à l'étranger, comme en France (The Guardian, ou Ouest-France) avaient déjà communiqué sur leur volonté de quitter ce réseau.
Le 4 décembre, une première discussion a donc eu lieu au sein de l'équipe, permettant à chacune et à chacun de faire entendre leurs positions. Aucune décision n'a été prise ce jour-là, sinon celle de s'en reparler, et de trancher cette fois plus nettement la question, avant l'investiture de Donald Trump, prévue le 20 janvier 2025.
Une seconde discussion a donc eu lieu ce mercredi 15. Entre temps, d'autres médias, journalistes, universitaires, syndicats ont annoncé à leur tour leur départ de X, à la date - symbolique - du 20 janvier. Ce mouvement porte même un nom, en France : "HelloQuitteX", lancé par David Chavalarias, mathématicien et chercheur au CNRS.
Entre le 4 décembre et le 15 janvier, les positions des différents membres de la rédaction n'ont pas tellement évolué. Sur le fond, tout le monde est d'accord : Elon Musk a fait de X un réseau visant à servir sa propagande personnelle, et Arrêt sur images ne partage ni sa vision puérile du journalisme et de l'information, ni certaines de ses opinions nauséabondes, notamment concernant les personnes transgenres. Nous continuerons à documenter ses dérives, et celles de son réseau, comme nous le faisons déjà régulièrement depuis des années, à travers nos articles, nos chroniques, ou nos émissions.
Cela étant dit, et bien que cette décision ne soit pas simple à prendre, il nous a semblé préférable, en tant que société, de ne pas quitter X pour l'heure. Dans le détail, sur les huit actionnaires d'Arrêt sur images, cinq personnes ont voté en faveur de cette décision, deux personnes se sont abstenues, et une a voté contre.
Les arguments avancés en faveur d'un non-départ sont multiples. D'abord une question de visibilité, enjeu vital pour un média indépendant comme le nôtre. Les réseaux sociaux représentent actuellement entre 10 à 15% du trafic sur notre site. Sur ces 10 à 15%, entre la moitié et les deux tiers viennent de X, qui reste donc pour le moment une porte d'entrée privilégiée sur notre site.
Nos 532 000 abonnés sur X - même si ce chiffre reste à relativiser, compte tenu du nombre important de comptes fantômes sur ce réseau - nous permettent aussi de toucher un grand nombre de personnes dans le cadre de nos campagnes de dons, ou d'abonnements, vitales elles aussi dans notre modèle économique. Enfin, X reste encore malgré tout, et de loin pour l'instant, le canal le plus utilisé par nos abonné·es pour nous contacter, ou nous proposer des sujets.
Sur le fond, plusieurs personnes ont aussi exprimé l'idée de continuer à parler "à tout le monde", d'être présent "partout", pour permettre au plus grand nombre d'avoir accès à nos articles, et à nos émissions. Dès le 4 décembre, une autre question était soulevée par plusieurs personnes de l'équipe : si l'on abandonne X, ne faut-il pas aussi quitter d'autres réseaux ? La question, un mois plus tard, semble plus que jamais d'actualité. Depuis plusieurs jours, le dirigeant de Meta (Facebook, Instagram), Mark Zuckerberg, multiplie les appels du pied envers Musk et Trump, en vantant notamment l'importance de "l'énergie masculine", mais aussi plus concrètement en mettant fin à sa politique interne d'inclusion, et en limitant la modération de ses contenus. Quid aussi de TikTok, où ASI est aussi présent, de manière plus éparse, et dont les liens flous avec le gouvernement chinois posent question depuis des années, aux États-Unis comme en Europe ?
Ces différentes raisons nous poussent à rester, pour l'heure, sur X. À certaines conditions évidemment : si l'on "nourrit" ce réseau avec nos publications, il est hors-de-question de lui donner de l'argent, en souscrivant par exemple à l'offre "Premium", qui nous permettrait de gagner en visibilité. D'autres mesures ont été prises : comme annoncé fin novembre, nous avons déjà pris la décision de "dé-twitterifier" progressivement ASI, en retirant tous les liens sur notre site renvoyant vers ce réseau. Ainsi, aujourd'hui, il n'est plus possible depuis Arrêt sur images de partager l'un de nos articles sur X. Les comptes X des journalistes ne figurent plus également dans leur bio. Ceci étant, chaque journaliste d'Arrêt sur images est libre d'utiliser son compte X comme il l'entend. Ce principe a été répété pendant la réunion du 15 janvier.
Comme expliqué ci-dessus, Arrêt sur images est présent sur d'autres réseaux. Vous pouvez d'ores et déjà retrouver ASI sur BlueSky et Mastodon, où nous postons l'ensemble de nos contenus, sauf sur BlueSky, qui n'autorise pour l'instant pas la publication de vidéos de plus soixante secondes - et nos best-of d'émission excèdent systématiquement cette durée. Nous allons bien évidemment continuer à développer autant que possible notre activité sur ces ses deux réseaux, qui présentent pour l'heure, en terme d'architecture, de modération et d'actionnariat de plus solides garanties d'indépendance. À très vite, ici ou là !
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