Cannes : oublier Weinstein !
"Dans le cinéma, les femmes de cinquante ans ne vieillissent pas, elles disparaissent"
lancent Nicolas Demorand et Léa Salamé à Thierry Frémaux, le délégué général du Festival de Cannes. France Inter s'est décentralisée à Cannes, haut lieu de la Résistance française aux barbares de Netflix, à l'effet de souffle Weinstein, et autres calamités de la modernitude. "Et à la radio ?"
hasarde Frémaux. "Ah non, pas à la radio !"
s'insurgent d'une même voix paritaire Demorand et Salamé. Et c'est vrai. Gloire à la radio ! L'avantage de la radio, c'est que les visages ridés y passent inaperçus. Ô havre de paix où on peut vieillir impunément, et donc se payer le luxe de garder les femmes même après la date de péremption.
"Après Weinstein, le cinéma peut-il dire Business comme usual ?"
demande Demorand. Il faut décrypter la question. Weinstein, ce ne fut pas seulement l'histoire d'un gros porc démasqué par la presse. L'effet Weinstein, c'est surtout un brutal coup de décapant sur un art dominé de toute éternité par le regard masculin. Sur tous les sujets, à commencer par les rapports amoureux (voir notre émission décapante). C'est surtout l'exigence irrésistible de revisiter nos films les plus familiers, nos représentations les plus innocentes. Une exigence qui s'est cependant brisée sur les forteresses françaises de la profession, la cinémathèque ou, justement, Cannes.
"Cannes, 21 films en compétition, trois réalisatrices"
titrait hier La Croix, statistique rappelée par Demorand à Frémaux. Le chiffre se passe de commentaires (et quand se révèle une réalisatrice, la postérité s'empresse de l'oublier, voir les chroniques de Mathilde Larrère, Ni vues ni connues). Et Frémaux de déployer sa panoplie argumentaire en défense, à coups de statistiques : sur le total des films sélectionnés à Cannes, la proportion de films de femme (20%) est supérieure à la proportion de films de femme dans le cinéma en général (7%). Bravo ! Que demande le peuple ? Pas question, donc, de faire de la discrimination positive. Aux autres (les écoles de cinéma, les financeurs, les distributeurs, la femme du boulanger, la terre entière) de commencer les premiers. Na ! Ah, comme on aimerait oublier Weinstein.
Cet article est libre d’accès
En vous abonnant, vous contribuez
à une information sur les médias
indépendante et sans pub.
Déjà abonné.e ? Connectez-vousConnectez-vous