Exit tax : du chocolat dans le brasier
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Exit tax : du chocolat dans le brasier

Indignation du matin : Macron supprime l'exit tax, cet impôt acquitté depuis 2012 par les riches qui se domicilient fiscalement à l'étranger. Circonstance aggravante, il a réservé cette annonce à Forbes, magazine que personne ne lit en France, mais qui connait une fugace heure de gloire chaque année pour son "classement annuel des milliardaires". Bravo. Bien joué. En plein remake de Mai 68, Macron, maniant une parabole matrimoniale que je vais me garder d'analyser, annonce aux super-super-super riches un cadeau pour les exilés fiscaux. Dans le mille.

Résolu de tenter de résister aux indignations matinales (je ne sais pas combien de temps je vais tenir), je prends un risque : je postule que ce garçon est intelligent, doté d'un minimum de sens politique, et qu'il a bien pesé les conséquences de chacun de ses gestes.

Avant tout, savoir de qui on parle. Cette taxe, explique Macron, est "un message négatif aux entrepreneurs, plus qu'aux investisseurs". Mais quels "entrepreneurs" ? Macron ne parle pas de n'importe quel entrepreneur. Cette taxe vise le créateur de start-up, dont la société valait, disons, 40 millions à sa création, et vaut 400 millions l'année suivante. Pour ne pas avoir à payer l'impôt sur les plusvalues, il décide de se domicilier, disons, en Belgique. Et c'est ici que le fisc français lui dit : très bien. Mais si tu revends par la suite tes actions avec plusvalue, Belgique ou pas Belgique, tu devras me payer l'exit tax (à 34,5%). Quand Macon parle des "entrepreneurs", il ne parle donc pas de tous les entrepreneurs. Il parle du start-uppeur, qui crée son entreprise dans l'intention parfaitement consciente de la revendre dès que possible en empochant sa plusvalue. Si je ne me trompe, c'est bien plutôt le profil d'un "investisseur". Passons.

Ensuite, savoir de combien on parle. Les quelques medias qui, au-delà de l'indignation, détaillent l'affaire (ici Le Monde) opposent deux montants. Celui de l'Assemblée, pour qui le rendement annuel de l'exit tax varie d'une cinquantaine à une centaine de millions par an, et celui du Conseil des Prélèvements Obligatoires (CPO), dépendant de la Cour des comptes, qui l'estime lui à ... 800 millions par an (ici, page 25). Ce n'est pas la même chose.  Mais un journaliste du Figaro,  Guillaume Guichard, va plus loin, en expliquant sur Twitter que ce montant du CPO est bidon : il inclut le "stock d'imposition en sursis", c'est à dire les plusvalues théoriquement taxables, mais non encore taxées, parce qu'elles n'existent pas encore (et n'existeront peut-être jamais, parce que le contribuable sera revenu en France, ou que sa plusvalue sera partie en fumée).

Pour désamorcer une partie de l'indignation mécanique, accordons ce point à Macron : l'exit tax ne rapporte quasiment rien.  Sa suppression, annoncée à Forbes, est certes une mesure pour super-riches (si Macron voulait vraiment lutter contre l'évasion fiscale, il tenterait d'inventer une exit tax plus efficace). Mais c'est une mesure en chocolat. Si les investisseurs-entrepreneurs aiment le chocolat, tant mieux.  Je serais presque tenté de dire que c'est bien joué. Mais, jeté dans le brasier français, même le chocolat peut être inflammable.  

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Quand j'enseignais l'économie et la finance, un investisseur, c'était celui qui faisait un investissement.


Comme beaucoup, le prince-président, ci-devant employé d'une banque d'affaires, semble confondre investisseur et spéculateur. 

Une fois de p(...)

Un brasier ? Quel brasier ? Il y a seulement un petit feu qui court sous la cendre,  Un petit feu qui ravage toute la société, petit à petit, insidieusement. Ce feu s'appelle néo-libéralisme. C'est le retour aux vieilles valeurs des riches qui l(...)

Oui mais oui mais... On pourrait opposer qu'entre les 50 et les 800 millions, il y a une logique : c'est que l'exit tax rapporte peu (enfin bon, si on est prêt à cracher sur 50millions, c'est que la France ne va pas si mal... Austérité, vous dites ?)(...)

Derniers commentaires

Bon je suis pas expert mais il me semble que si la taxe rapporte si peu, c'est peut être parce-qu'elle est très dissuasive, non ? Ce qui indiquerai qu'elle est utile, contrairement à ce que M. Macron et autre veulent nous faire croire.

Je me permet de remettre en cause l'analyse de cet article.

Certes, il faut reconnaître le flou des sommes récoltées par ces taxes sur les "riches" (ISF, Exit tax).

C'est un point.

Mais, reconnaître que si cela ne rapporte pas beaucoup à l'état, il faut par conséquent se demander:

- pourquoi les supprimer si elles gênent si peu (mise à part si l'on croit à la théorie du ruissellement)?

- pourquoi les supprimer si elles rapportent tout de même une certaine somme, qui ne sera pas à extorquer au reste de la population? Cela par différentes manœuvres que nous connaissons bien: économie sur les services publics, usage d'un chiffon rouge ou hareng fumé: la dette, transfère de responsabilité de la dette sur la population et j'en passe et des meilleurs...

Sinon, l'argumentation de l'article de Marianne est intéressante:

Est-ce que le fait que les sommes générées par l'exit tax n'est pas le résultat dissuasif de cette taxe?

Cela reste hypothétique.


Si cet homme maîtrise les symboles, et on peut penser que c'est le cas, il est en conflit symbolique, il ouvre tous les fronts, quitte à passer les faits à la trappe sans vergogne, quitte à faire passer Chirac pour un menteur ordinaire.

C'est une guerre totale, et il est persuadé qu'il va la gagner, car il sait, il veut, et donc il peut. C'est probablement cet hybris sans limite qui est le pire ennemi de sa redoutable habileté - il sait comme personne semer la confusion et foncer dans le brouillard créé.

"l'exit tax ne rapporte quasiment rien" est-il écrit. Mais l'SF ne rapportait pas beaucoup plus ... Je ne vois pas l'intérêt de cette chronique. Elle fait l'impasse sur le fait qu'il s'agit d'impôts symboliques, au delà de la froideur des chiffres. Comme si les détenteurs de richesses, entrepreneurs ou investisseurs avaient besoin d'un signal de plus pour leur monter qu'on les soutiens. Cette chronique pourrait être reprise in-extenso par Macron lui-même. On est loin  ici d'une critique médiatique.

À lire, une explication sur Marianne, pour voir si c'est vraiment une mesure en chocolat comme prétend DS :


Il ne faut pas s’étonner du faible rapport de cette taxe. Si on veut voir le côté positif, cela traduit l’aspect dissuasif financièrement pour les candidats au départ.

[…]

Tout cumulé, la menace s'élève à 2,5 milliards d'euros.

[…]

Mieux, l’enjeu va au-delà de ces 2,5 milliards. Comme nous l’a confirmé un magistrat de la Cour des Comptes, ce montant n’a trait qu’aux prélèvements fiscaux. Il y en a encore pour près d’un milliard au titre des prélèvements sociaux pour la même période, lesquels obéissent à la même règle du sursis. C’est donc un montant de 3,5 milliards d’euros qui est en sursis. Surtout que c’est l’Etat qui avance l’argent.


Groooos chocolat !

Vous pouvez cédez à l’indignation mécanique que vous craignez tant, DS.

Mais, c’est certain, quand on a voté Macron au deuxième tour, il reste toujours un brin d’aveuglement et d’auto-justification masquée…

Esprit de l'escalier.

Sur la couverture du magazine présentant notre prince-président, je lis " I want this country open to disruption"

Je ne suis pas angliciste de naissance mais je me soigne. 


Je suppose que quand il dit "this country" il parle de son pré carré c'est-à-dire nôtre pays.


Là où ça cloche, c'est sur "disruption".  Déjà avant de passer le bac, j'avais appris que "disruption" signifiait une rupture violente. 

J'ai trouvé dans un dictionnaire récent la traduction  "perturbation".


En gros, the disruption, c'est la perturbation, le bazar, le chaos, la chienlit. 

Et que veut notre prince-président ? Il veut ouvrir son pré carré, notre pays, au bazar, au chaos, à la chienlit.


Vaste programme, aurait dit le général, qui s'y connaissait en matière de chienlit.


Dès lors, on ne comprend plus bien les cris d'orfraie des Huns et Dézôtres quand quelques Black-blocks font joujou.

Que font-ils en effet, sinon ouvrir le pays à la "disruption" ?



Mettons X.

X est assujettit à l'Exil Tax.

X est fort embêté. Ses amis W, Y et Z aussi.

Que fait X ?

Il donne une interview à F en douce, et ...


Mais tout cela n'est qu'une fumeuse hypothèse.

 

Ce message a été supprimé suite à la suppression du compte de son auteur

Erreur factuelle dans le billet : l'exit tax ne concerne que les personnes dont la valeur de l'entreprise (des actions) dépasse 800.000 euros. Ils paieront 34% des plus-values effectuées au moment de la transaction de cession, c'est-à-dire des bénéfices. 


Exemple concret : mettons que je possède une entreprise française valorisée à 1 million d'euros. Je veux la vendre. Je ne veux pas payer d'impôts sur cette transaction, parce que je n'aime pas les impôts. Je vais en Belgique, où ces transactions sont détaxées. Le fisc français est aujourd'hui en droit de me demander 34% des plus-values latentes réalisées (donc différence entre le prix d'achat et de vente). Si j'ai acheté l'entreprise 600.000, j'ai fait 400.000 euros de plus-value à la vente, et je dois donc : environ 136.000 euros au fisc. Je conserve quand même 264.000 euros de gains nets, ce qui n'est pas négligeable.


L'exit tax est un mécanisme fiscal recommandé par la Commission européenne, dans la directive ADAT de 2016, pour lutte contre l'évasion fiscale. Elle est par ailleurs appliquée par les USA (plus durement que chez nous) et par l'Allemagne. 


Il n'y a vraiment aucune raison, au regard du bien public, de supprimer cette taxe juste et consensuelle. Ce n'est vraiment qu'un cadeau fait aux ultra-riches.

Ce message a été supprimé suite à la suppression du compte de son auteur

La marionnette médefienne au libéralisme feutré (rions!!) et revanchard d'une aristocratie affûtant ses ergots sur le dos des pauvres, de ceux qui ne "sont rien", des activistes de tous poils, des pue-la-sueur, des inconnus de l' Exit tax, des ultra-gauche fantasmés que l'on théorise pour les faire exister en un envers orwellien (ah, tatie Michèle Alliot-Marie!!)...des comptes épargne retraite qui exonérera l'Etat de ses devoirs de retraites par répartition...

la marionnette dit, s'agite, abreuve les chiens de garde d'éléments de langage dictés par les communicants du vulgaire patronat consanguin du XIXième...et les plumitifs du micro ayant vendu l'acide nécessaire au recul et à l'analyse pondent leur oeuf.


Dis Maître, il est pas beau mon oeuf?


Que de rêves tournent ma tête!

Nous vivons une époque formidable.

Oui mais oui mais... On pourrait opposer qu'entre les 50 et les 800 millions, il y a une logique : c'est que l'exit tax rapporte peu (enfin bon, si on est prêt à cracher sur 50millions, c'est que la France ne va pas si mal... Austérité, vous dites ?) parce qu'elle dissuade... Et que donc, une fois supprimée, c'est peut-être une bonne partie des 800 millions qui vont échapper à l'impôt (et au pib...) On appelle ça un effet d'aubaine...


Un autre coup de menton envoyé au peuple...

Donc tout va bien et vous recommandez de passer son chemin. Ok, passons le. Mais n’y revenez pas.

Quand j'enseignais l'économie et la finance, un investisseur, c'était celui qui faisait un investissement.


Comme beaucoup, le prince-président, ci-devant employé d'une banque d'affaires, semble confondre investisseur et spéculateur. 

Une fois de plus, un gros foutage de gueule. (Bullshit en bas-breton)


" Etre chocolat " , c'est :

- être sonné, être  K.O

- ne pas avoir ce qu'on espérait parce qu'on a fait confiance, à tort, à  un escroc

Une hypothèse sur la façon de raisonner de Macron :

J'ai le pouvoir, je fais ce que je veux, je me moque complètement de ce que le bas peuple peut penser. Je changerai éventuellement de comportement si 500 000 (1 million, 2 millions ?) de gens descendent dans la rue.


Un brasier ? Quel brasier ? Il y a seulement un petit feu qui court sous la cendre,  Un petit feu qui ravage toute la société, petit à petit, insidieusement. Ce feu s'appelle néo-libéralisme. C'est le retour aux vieilles valeurs des riches qui le sont parce qu'ils sont plus méritants que les autres., que les circonstances économiques et sociales ne sont pour rien dans leur évidente supériorité.

D'ailleurs, à mesure qu'on voit Arnaud Lagardère vendre à l'encan son patrimoine et faire fondre l'immense fortune qu'avait rassemblé son père dans le cadre de sa collusion avec  le pouvoir politique de l'époque, on voit bien que les riches méritent leur richesse. 

Les riches qui ont besoin de dominer, l'animal en eux. 


Mais je suppose que ce que vous appelez, vous , le brasier, ce sont les polémiques sans fin qui vont en découler : flammèches de petit foyer de type germanopratin : "le président est-il celui des ultra-riches ou des riches ?"" Était-ce dans son programme ?" "Quel homme, d'avoir eu cette idée ! C'est merveilleux !"

Bullshit !

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