La perspective Guetta
On aurait tort. Guetta est de ces rares journalistes qui, dans chaque événement microscopique, cherchent par réflexe les racines profondes, les lointaines conséquences, bref la perspective. Envoyé spécial, correspondant, il a eu au siècle dernier son content d'Histoire et de convulsions : la naissance de Solidarnosc, premier syndicat indépendant d'Europe communiste, aux chantiers navals polonais de Gdansk ; et les premières années Gorbatchev, dont il perçut instantanément les enjeux (il était alors correspondant du Monde à Moscou), alors que ses bons confrères, (qui étaient aussi les miens) à Paris, publiaient ses papiers en ricanant, persuadés que le gorbatchevisme n'était que la nième tromperie du KGB, à usage des gogos occidentaux.
Guetta relatait ce vendredi matin le vote-surprise de la Chambre des représentants américaine, imposant à 90 % les primes et bonus perçus par les dirigeants d'AIG, primes et bonus qui ont déclenché la fureur d'Obama. Cet impôt confiscatoire, au pays de Picsou, de Forbes et de Reagan, des fortunes triomphantes, et des héros de la libre-entreprise ! On l'entendait s'en étrangler de stupeur au micro, on le voyait soudain prendre à bras le corps les convulsions du capitalisme, comme hier celles du communisme. Il nous emmenait avec lui, nous faisait partager sa vue panoramique, bien au dessus de l'événement. C'était, tout simplement, du journalisme.
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