Stéphane Bern, et les réfugiés de Lagrasse
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Stéphane Bern, et les réfugiés de Lagrasse

Au milieu de l'huile d'olive de Corse, des savons du Perche, des langoustes de Bretagne

, des gibassiers de Provence, Stéphane Bern promène son ravissement, à la recherche du "village préféré des Français" (France 2). C'est une collection de cartes postales que l'on parcourt ici, une France d'avant les rond-points, les zones industrielles, les zones artisanales et les lotissements uniformes en crépi blanc. C'est une sorte de concours des Miss pour vieilles pierres appétissantes, et sémillantes fontaines médiévales. A la fin de l'émission, c'est d'ailleurs le village alsacien de Kaysersberg qui sera élu, village défendu par...Delphine Wespiser, Miss France 2012.

Et soudain, une sorte d'hallucination. Stéphane est en visite à Lagrasse, dans les Corbières, en compagnie de son guide local, Carlos. Au milieu des huileries, des savonneries, des gibasseries, des langousteries, la caméra se pose sur une boulangerie. Carlos : "Ici, les anciens boulangers, Agnès et Lucien Bertrand, ont protégé pendant la guerre deux jeunes Juifs dans la boulangerie. Tout le village le savait". Accessoirement, les Bertrand ont été proclamé Justes par Yad Vachem, mais pas la peine de polluer la visite avec des notions barbares. Bern : "Et c'est la raison pour laquelle le village accueille des réfugiés". "Oui, 50 réfugiés. Et ça se passe très bien". A l'image, un plan de coupe d'une seconde, sur une mère de famille voilée, entourée d'enfants. Une seconde, pas davantage. Bern, qui a révisé : "10% de la population du village". "Oui, le plus grand ratio en France". Mais déjà il faut retrouver la terre ferme, et enchainer sur Myriam la potière. Bern, perplexe : "C'est quoi, un pot, un vase, ?" "Une coupe de fruits".

Sacrés réfugiés de Lagrasse. Ils n'ont de place ni tout à fait dans l'image, ni tout à fait hors champ. Les reléguer hors champ, ce serait occulter le particularisme du village, où s'est installé un Centre d'Accueil pour Demandeurs d'Asile (CADA) de 50 places. Ça ferait jaser. Mais on ne va tout de même pas insister lourdement, interroger ceux qui s'occupent des réfugiés, donnent les cours d'alphabétisation, voire aller à la rencontre des réfugiés eux-mêmes. On ne va tout de même pas risquer un gros plan sur eux, comme sur les biscuits de Lourmarin. Outre que l'émission risquerait, quelle horreur, de verser dans la politique, et de déclencher un bad buzz de la fachosphère, l'impact sur le tourisme serait trop incertain. Alors, va pour un plan d'une seconde, ni vu ni connu, pour ces spécialités locales de seconde catégorie.

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Stéphane Bern, et les réfugiés de Lagrasse

Au milieu de l'huile d'olive de Corse, des savons du Perche, des langoustes de Bretagne

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Les jolis villages sans rond point, zone commerciale etc... Il suffirait d'élargir les plans et l'on découvrirait qu'ils ne sont pas épargnés.
Dans un des villages présentés, les élus se sont acharnés (malgré l'avis du commissaire enquêteur) pour faire déclarer par le préfet "d'utilité publique" une future 4 voies inutile qui va détruire un des plus beau site longeant le dit village. BTP quant tu nous tiens.
Oui.. Sinon comme thème DS aurait pu aussi parler de la longueur des robes de Bibi. Il me semble qu'il n'a pas encore abordé le sujet mais cela va sûrement arriver. D'autant que l'on pourrait peut être établir un subtil lien entre la longueur des jupes et le voile, il y a peut être une piste pour une prochaine chronique, quand il n'y aura rien de plus intéressant dans l'actualité ; comme aujourd'hui.
Revenons au sujet : Stéphane Bern, proche de Macron, qui a eu les honneurs de la petite sauterie de la Rotonde le 23 avril, faisait-il partie de la petite sauterie familiale en cours chez Mohammed VI ? Si c'est le cas, peut-être les téléspectateurs qui payent leur redevance auront-ils un plan de 15 secondes sur les émeutes du Rif dans une de ses prochaines émissions ? Emeutes sur lesquelles les médias hexagonaux ne s'attardent guère (quels journalistes ou politiciens si régulièrement bronzés n'ont pas là-bas leur petit "riad" ou des amis qui en ont un ?). On parle assez peu aussi des émeutes durement réprimées du Venezuela, émeutes dont certains asinautes ont parfois eu le culot de prétendre qu'elles n'étaient que soutenues et financées par la CIA...
Complètement Hors Sujet, mais j'assume : un exemple du nouveau journalisme de l'ère moderne en marche vers un avenir radieux pour les multinationales.
Sur le site du Monde, je lis ce jour un article consacré au scandale de l'eau contaminée à Flint (Michigan).
La performance journalistique est assez extraordinaire : dans l'article, vous ne trouvez pas le mot VEOLIA.
Chapeau, l'artiste!
Vous êtes dur, Daniel.
L'émission de Bern n'est pas du tout faite pour ça (parler du problème des réfugiés). Le fait que le sujet soit ne serait-ce qu'évoqué dans un tel programme serait plutôt tout à son honneur !
Le vrai problème est plutôt le traitement réservé à ce sujet dans les formats télévisuels théoriquement faits pour ça, sans parler du débat éléctoral, don't you think ?...
Rien à dire aujourd'hui, Daniel ?
Assez lamentable.
Albert Schweitzer est né à Kaysersberg
Le grand docteur blanc de Lambaréné
Et maintenant il y a un médecin à Kaysersberg
dont tout dit que sa famille n'est pas originaire de Souche-Land

Lorsque la guerre de Trente ans décima les Alsaciens, les pauvres paysans affamés de Suisse vinrent s'installer et former des colonies en Alsace
et former ce qu'on appelle les Alsaciens de souche d'aujourd'hui
tout comme demain....

"Wo alles ufheert, fangt alles an" (où tout se termine, c'est là que tout commence) André Weckmann
Enfin, les ruraux sont de gros racistes et les réfugiés des probables terroristes en puissance selon le storytelling habituel. On parle du service publique là, leur rôle c'est d'organiser des concours de clochers à la con, pas de nous élever.
J'ai une grande estime pour les idées et le travail de D.S.
Mais , aujourd'hui, c'est de l'admiration : avoir regardé l'émission du dégoulinant Bern et ne pas être malade, il faut le faire. Finalement, chroniqueur est un métier à risque ...

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