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Avortement : "Avant la loi Veil, on faisait comment ?"

Les réformes Giscard ? C'est évidemment le droit à l'IVG, dont Mathilde Larrère a choisi de parler cette semaine. Avec un retour sur la loi Veil qui fut aussi, nous rappelle notre chroniqueuse, un moyen de contrôler l'avortement. Retour sur les années MLAC, Planning Familial, Choisir, et MLF. Sans oublier les "343 salopes". Avec un détour par la méthode de Karman, qui fait encore polémique aujourd'hui.

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Bonjour,
Je ne commente jamais dans les forums d'arrêt sur images mais la chronique de Mathilde m'a énervée du coup je me permets d'apporter mon grain de sel.
Je trouve ça très bien de faire de la vulgarisation historique mais il me semble que ça serait bien aussi de ne pas avoir de biais historiques (c'est à dire avoir une idée pré-conçue du "bien" et du "mal", et d'analyse l'histoire à partir de cette grille pré-conçue). En l’occurrence dans cette chronique: les féministes du MLAC = le bien, les médecins, les parlementaires, l'état (le contrôle étatique) = le mal. Il me semble que cette vision pose vraiment problème.
Il y a toute une tendance dans le féminisme actuel qui est contre l'état, contre les médecins. En gros les médecins = volonté de contrôle = gros phallocrates = le mal. Donc: accouchons naturellement à la maison, avortons-nous toutes seules.
Je suis d'accord qu'il y a des problèmes avec la médecine française mais dans le cas des avortements pratiqués par le MLAC, je suis désolée Mathilde, non ça n'était pas sans danger, et non ça n'était pas sans douleur. Dire que ces féministes pratiquaient des avortements totalement "sûrs" grâce à une méthode révolutionnaire, c'est tout simplement aborder l'histoire avec un biais (donc sans neutralité), prendre le parti des féministes, reprendre leur propagande. Comme la deuxième intervenante invitée sur le plateau ce jour-là le fait remarquer, c'était très douloureux.
Pour les avortements (comme pour tout acte médical), il vaut mieux aller à l'hôpital, et se faire traiter par des personnes compétentes (hommes ou femmes), qui ont fait les études appropriées.
J'aime bien les chroniques de Mathilde mais souvent j'ai l'impression qu'elle ne donne pas "toute la vérité", et ça me gène. Autant sur la révolution française j'ai tendance à croire ce qu'elle raconte (car c'est son domaine principal d'études) autant dans des chroniques plus générales comme celle-ci sur l'IVG j'ai l'impression qu'elle donne plus son point de vue qu'une vérité historique. Et elle refuse même de se remettre en question quand un témoin de l'époque lui dit qu'elle raconte n'importe quoi.
Bon voilà c'était le brâme du jour.
On baisait dans la trouille, avant les lois Neuwirth et Veil – car les enjeux de la libération de la contraception et de l'avortement étaient et restent intimement liés. On peut critiquer la méthode Karmann, bien sûr, mais elle fut un outil précieux dans le long travail du Planning et du MLAC pour faire simultanément baisser la trouille et monter la pression, indispensable pour faire bouger les choses, dans ce pays où la droite régna 23 ans…
Lucien Neuwirth comme Simone Veil étaient des politiciens de droite, l'un parlementaire et élu local, l'autre choisie comme ministre après un parcours de haute magistrate ; ils ont (néanmoins ?) affronté les forces les plus réactionnaires de leur propre camp pour faire reculer une misère sexuelle et sociale dont ils avaient une claire conscience, et qui leur semblait peu digne d'une nation “moderne”. Tous deux d'origine juive, ils avaient, très jeunes, vu la mort de très près. Quand on a ainsi survécu aux nazis, on peut se coltiner la vieille droite moisie dans les bénitiers…
Neuwirth lance son projet de loi assez iconoclaste dans la France encore gaulliste de 1967 – précurseur ? Rappel factuel : mai 68 démarrera par la lutte des étudiants de Nanterre pour la liberté d'accès aux logements des étudiantes… Lorsque Giscard confie le dossier de l'avortement à Veil, six ans de plus et de lutte ont passé, et il est déjà un peu plus dans la manœuvre politicienne : le ministre de la Justice qui aurait dû l'assumer est adepte des bénitiers, comme l'a bien rappelé l'émission.
Femme, rescapée des camps : la personne et le parcours de Veil seront des atouts décisifs pour gagner la bataille médiatique autour de la loi, qui reste aujourd'hui la principale “médaille” du peu brillant septennat giscardien – alors que sur le plan politique, c'est indiscutablement la gauche qui l'a sauvée.
Tout ça pour dire…
Que Veil, comme Neuwirth, furent des personnes estimables dans ces combats, et qu'on peut en tirer des livres ou des films tout à fait intéressants. Mais de grâce, cessons d'idéaliser à tout va (et donc de panthéo-médiatiser), l'histoire demande plus de rigueur. Simone Veil ne fut absolument pas une militante féministe. Et la même gauche, ou peut-être justement pas la même : la gauche au pouvoir, presque vingt ans plus tard, sous Bérégovoy, fut capable de raboter les crédits de l'information sur la contraception pour faire plaisir aux mêmes bénitiers, provoquant ainsi une remontée des chiffres de l'avortement chez les jeunes… Ainsi on peut encore voir revenir la trouille, et il est encore des points du territoire où le service public de l'IVG n'est pas assuré comme il le devrait, et je me demande bien si l'actuel gouvernement ne serait pas capable d'aller faire encore des coupes sombres dans les budgets de l'IVG comme de l'AME…

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Si je comprends bien Madame Veil n'a fait que présentait une loi qui devenait urgente pour reprendre en main de façon réglementaire et hospitalière une situation qui partait en "couilles", expression machiste s'il en est

Mais une loi que la droite ne voulait pas et qui fut voter étonnamment par la gauche qui aurait pu juste s'abstenir et laisser la situation empirer et voir s'imposer par la rue une totale liberté de l'activité d'IVG hors du contexte hospitalier.

Si je comprends bien Madame Simone Veil n'aurait donc aucun mérite, tout était plié d'avance, on lui a juste remis entre les mains une loi qui venait de soi, et effet des temps on a préféré la confier à une femme plutôt qu'à un vieux barbu de ministre ou député.

Je trouve que c'est aller un peu vite en besogne et presque l'exposé d'une théorie complotiste,
et que cela atteint à l'honneur des 343 héroïnes qui bravèrent l'opprobre des bourgeois et des bourgeoises

Moi je continue de respecter cette "meuf" bien que je critique certaines de ses prises de position à la fin de sa vie et j'ai quelque mal à croire qu'elle ne fut qu'un instrument d'une bataille gagnée d'avance et qui s'imposait par crainte de voir l'IVG se faire sans risques et sans intervention des experts
Le droit à l'IVG existe dans tous les pays démocratiques et libéraux.

Giscard ou pas Giscard, Veil ou pas Veil, il aurait été votée en France aussi. C'était le sens de l'Histoire.

Giscard a fait voté cette loi parce que c'était bon pour son image de libérale moderne. Il a choisit Veil pour porter la loi parce qu'il savait que c'était une figure consensuelle.

Et les éructations des réactionnaires à l'époque renforçaient son image moderne.
Euh... là, je serais vous, je rajouterais à la vidéo le contre-point critique de Isabelle Veyrat-Masson dans l'émission parce que je trouve limite cette présentation idyllique de l'avortement par des amateurs.
Extrait de cet article de Slate sur le sujet :
"«Sur tous les avortements qu'on a fait, je ne me rappelle que de deux complications. Dans les deux cas, c'était dû à une mauvaise estimation de la taille de la grossesse: la femme était enceinte de plus que ce qu'on avait évalué. On s'en est tout de suite aperçues et on a amené la femme à la maternité des Lilas où le gynécologue Pierre Boutin a terminé l'avortement qu'on avait commencé. Pour ces deux femmes, tout s'est finalement bien terminé. Même en n'étant pas des gens experts, on obtenait quand même des résultats 100 fois meilleurs qu'à l'hôpital!»"

Deux complications, erreur d'évaluation de l'étape de grossesse, pas génial. Ca reste un geste médical, ce n'est pas anodin et pour une solution intermédiaire à la froideur hospitalière, autre extrait de l'article :

"Olivier Bernard regrette la mise au second plan de l'accompagnement humain de l'avortement: «Effectivement, il y a aujourd'hui une médicalisation à outrance de l’interruption de grossesse. La sécurité sur le plan strictement médical a été acquise au prix de la perte de cet entourage chaleureux que l’on assurait à l'époque. Aujourd’hui, il reste quand même une grande différence entre la pratique des hôpitaux où l’activité d’IVG est intégrée à l’activité de gynécologie, et les centres plus ou moins autonomes entièrement dédiés à l'IVG. Dans le premier cas, les IVG sont faites par des gynécologues hospitaliers du service, généralement sous anesthésie générale et sans se préoccuper du vécu des femmes. Dans les centres autonomes, il y a un personnel dédié, volontaire, ayant souvent une pratique militante. Là bas, les avortements se font majoritairement sous anesthésie locale dans un souci d'entourage, d'écoute, et d'accompagnement.
(...)
Chantal Birman s'élève elle aussi contre cette surmédicalisation et cette déshumanisation de l'avortement: «Ça a toujours été comme ça! Le pouvoir des médecins, c'est de tout ramener à l'hôpital parce que c'est là qu'ils sont chez eux, c'est là que la hiérarchie les met au sommet! En réalité, on pourrait tout à fait faire des avortements par aspiration hors de l'hôpital, à condition qu'il y ait une équipe de médecins qui puissent récupérer les éventuelles complications. Il faudrait que des conventions soient signées dans les centres de santé, comme ça se fait en Belgique! Je pense d'ailleurs que c'est en cours de réflexion. À l'hôpital aussi les choses bougent: jusque là, c'était surtout les internes qui faisaient les avortements et petit à petit, les sages-femmes s'y mettent.
(...)"


Que du paramédical puisse pratiquer dans un cadre adapté, dans une coordination avec l'hôpital, pourquoi pas, mais laisser croire que n'importe qui peut apprendre "sur le tas" et faire ça dans son coin me semble dangereux.
Merci pour cette chronique,

juste une remarque sur le graphique montrant la chute de la mortalité après un avortement, c'est un bon exemple de la façon dont on peut modeler une courbe pour en accentuer les mouvements. L'échelle verticale, qui indique le nombre de décès, n'est pas du tout régulière, l'espace entre 0 décès et 5 décès est le même qu'entre 10 et 20, et entre 20 et 40 ! Ce qui a pour effet d'accentuer énormément la baisse (et aussi la hausse qui s'amorce à la fin de la courbe...). Comme s'il fallait en rajouter alors qu'on passe de 50 mortes à 5 ! Mais bon, il y a prescription...
Pour une échelle régulière, vous pouvez aussi rallonger en vertical en étirant les 10-20, 20-40 etc. ce qui accentuerait l'effet de verticalité.

Pour plus d'info, l'article originel d'où vient le graphique : Evolution récente du nombre des décès déclarés dus à l'avortement, revue Population (INED), 1981.
Ils n'expliquent pas la baisse par l'arrivée de la méthode Karman mais un passage des avortements vers les milieux médicaux suite au non-lieu du procès de Bobigny et un mouvement vers l'étranger notamment l'Angleterre. Pas sûr qu'on puisse avoir des causalités claires sur des opérations clandestines.

Extrait : "Les décès dus à l'avortement de 1954 à 1972 :
(...) les chiffres sont sans doute sous-évalué car des décès consécutifs à avortements peuvent avoir été classés dans d'autres rubriques (par exemple parmi les septicémies). (...)

Les décès dus à l'avortement de 1972 à 1977
Stable jusqu'en 1972 (40 à 50 décès par an), le nombre de décès recensés dus à l'avortement diminue ensuite rapidement : 43 en 1972, 29 en 1973, 26 en 1974 avant que l'avortement ne soit légalisé (janvier 1975). Les chiffres recensés en 1975 (15), en 1976 (6), en 1977 (6) sont très faibles. Cette diminution est liée à la médicalisation de l'acte. On considère que le passage d'un acte artisanal à un acte pratiqué en milieu médical diminue le risque de mortalité de 1 pour 1000 à 5 ou 10 pour 10 000 (5 pour la Suède, 11 pour l'Angleterre)

L'évolution des décès dus à l'avortement signifie qu'en 1973 et 1974, l'avortement, quoique interdit, s'est développé en milieu médical. Ceci confirme de nombreux témoignages oraux venant tant de partisans de la législation de l'avortement que d'opposants. Il semble qu'après le procès de Bobigny, qui a abouti à un non-lieu (novembre 1972), c'est-à-dire à une dépénalisation de fait de l'avortement, de nombreuses équipes médicales et des cliniques aient pratiqué couramment l'avortement, tandis que de plus en plus nombreuses étaient les femmes qui allaient avorter à l'étranger (25 189 en Angleterre en 1972, 35 293 en 1973, 34 700 en 1974).
Le nombre d'avortements clandestins effectués en milieu non médical aurait parallèlement diminué.
.
"

J'ai jeté un oeil à la situation en Angleterre : il semble qu'ils aient eu une loi en 1967 le rendant légal mais faudrait creuser pour savoir ce que ça a produit comme mouvements vers l'Angleterre.
Une précision utile:
Entre 73 et 75 les avortements en Hollande et en Angleterre, concernant des Françaises de toutes origines sociales, dont la grossesse était trop avancée pour bénéficier de la méthode Karman, étaient essentiellement organisés par le MLAC et par le Planning familial. Le Planning familial de cette époque avait élu à sa Présidence Simone IFF malgré l'opposition des médecins de l'Association. Je pense que Simone Iff a joué sur la période 73-75, aux côtés du MLAC, un rôle plus décisif que Giselle Halimi et son association Choisir pour peser sur le Gouvernement.
Si les militantes qui utilisaient illégalement la méthode Karman avaient eu le malheur d'être responsables d'un seul décès par avortement, vous imaginez bien ce qui leur serait arrivé. Je crois qu'on peut en conclure sans aucun risque que ça ne s'est pas produit.

Ayant, modestement, participé à cette action, je me souviens avoir été complètement éberluée de voir se passer aussi facilement, presque sans souffrance (étant hors milieu hospitalier on ne pouvait pas s'autoriser l'anesthésie), un acte qui était notre terreur, avec son contexte sordide, le sang versé, les risques d'hémorragie et d'infection, voire de mort par septicémie, les humiliations et les curetages à vif si on avait le malheur d'être ensuite hospitalisée, les risques de stérilité.

Et je suis heureuse d'entendre Mathilde Larrère mettre en évidence que c'est cette action de désobéissance qui a été déterminante dans la mise en place de la loi. On passe plus souvent l'extrait, certes émouvant, où Simone Veil parle de la souffrance des femmes que celui où elle insiste sur la nécessité de contrôler et de dissuader.
"Retour sur les années MLCAC,'
D'où viennent les termes si inappropriés de "tomber enceinte" et "grossesse" ?
Peut-être que Mathilde Larrère qui est historienne pourrait répondre.
« Tomber » enceinte comme on tombe de Charybde en Scylla.
Tomber de si haut et se retrouver si bas.

Merci de votre exposé.

Pour l’avoir vécu du côté des hommes, je me souviens de cette terreur et de cette fascination qui suivait « l’acte » .
Seul Jacques Brel peut le dire : « La première gentille et la première peur. Je volais, je le jure, je jure que je volais »

Comme il est vrai ce progrès là.

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