Culture du viol chez les chiens : un canular... et ses limites
Des revues de sciences sociales qui publient sans vérifier de fausses études aux conclusions délirantes... Très médiatisé en France, ce canular fomenté par trois Américains entend discréditer notamment les études de genre.
Abonnez-vous pour pouvoir commenter !
si vous êtes déjà abonné Connectez-vous Connectez-vous
Commentaires préférés des abonnés
Merci d'être, encore une fois, la voix de la raison dans ce genre de débats.
Si cette expérience pointe des dérives inquiétantes dans la recherche, le traitement médiatique qui en a été fait pointe, lui, la propension vraiment pénible et problém(...)
"Mais, au-delà de la poilade, l’opération fomentée par le trio se présente comme une démonstration. "Lorsque l'on rend des idées absurdes et horribles suffisamment à la mode politiquement, on arrive à les faire valider au plus haut niveau", affirme J(...)
Ne pas citer les commentaires élogieux que se sont pris les articles c'est ignorer le fond du problème.
Ce qui arrive dans d'autres branches c'est que des recherches ne soient pas réellement lues, ou, trop complexes, pas vérifiées.Ici on a plusieurs e(...)
Derniers commentaires
Ce message a été supprimé suite à la suppression du compte de son auteur
L'article fait une parallèle avec le "Journal of Advanced Computer Technology", lequel est une revue prédatrice. Les revues en sciences sociales piégées incluent elles de revues que l'on pourrait qualifier prédatrices ?
Le truc c'est qu'essayer de faire passer un discours philosophique ou politique (ou une analyse sociologique intuitive comme chacun en fait au café du commerce), si bon, progressiste et intéressant soit-il, pour de la science ce n'est qu'une vaine tentative de le doter d'un argument d'autorité, qui ne fait que nuire à la science au final, ceux s'y opposant finissant par se retourner contre la science elle même si elle a la faiblesse de le reconnaitre pour tel.
Je soutiens tout à fait la démarche de Sokal Squared pour mettre fin à ce genre d'impostures, après ça ne signifie pas que les social (grievance) studies doivent cesser d'exister, elles doivent juste se présenter pour ce qu'elles sont, un courant, tout à fait respectable et à développer, de la philosophie politique, et pas une branche des sciences sociales.
Perso ce qui m'inquiète bien plus que le sort des social studies (de toutes manières à la mode), c'est leurs défenseurs dans cette affaire qui s'attaquent aux vraies sciences en essayant de faire croire que le problème serait le même en leur sein. Ce qui débouche à faire du GIEC entre autres une victime collatérale, l'argument "dans toutes les sciences les gens sont aussi biaisés que dans les social studies" étant exactement ce qu'attendent les négateurs de la science climatique pour jeter le discrédit sur des travaux relevant pourtant de disciplines autrement dures.
Ne pas citer les commentaires élogieux que se sont pris les articles c'est ignorer le fond du problème.
Ce qui arrive dans d'autres branches c'est que des recherches ne soient pas réellement lues, ou, trop complexes, pas vérifiées.Ici on a plusieurs exemples de comités de lecture qui ont bien lu et commenté des articles proprement sidérants, et qui ont fait des remarques non pas pour demander des vérifications ou pousser à en relativiser le propos, mais pour le rendre encore plus radical et délirant (par exemple pour la fameuse étude sur les chiens, ce qui fut demandé c'est d'y inclure plus de références au "black feminism", aucune réaction par contre à son étrange anthropomorphisme).
Il faut vraiment lire l'article d'Aero, au lien étrangement absent de votre article, et en particulier le résumé des études et les commentaires auxquelles elles ont eu droit, pour comprendre le problème (si je veux bien convenir que l'attaque de toutes ces disciplines qu'elle contient pouvait être un peu abusive, si son fond est très pertinent).
A part ça, je trouve triste que vous entreteniez la confusion qui existe en France entre "social studies" et "sciences sociales" (qui se traduisent par "social sciences" et pas "social studies" en anglais), ce qui permet ensuite de les faire passer pour de la sociologie quand l'immense majorité des références de ces disciplines ne sont pas des chercheurs de disciplines scientifiques (fussent elles "molles") mais des philosophes, littéraires et essayistes politiques (une des meilleures explications de leur souci limité pour la méthode scientifique), les "social studies" étant des espèces de disciplines fourre-tout prétendant synthétiser le savoir issu de toutes les autres disciplines (des social sciences, des sciences humaines, mais aussi des études culturelles etc... qui font partie des cursus de littérature).
Il est d'ailleurs à noter que toutes les vraies revues de sociologie auxquelles des articles ont été proposés par le trio les ont par contre refusé (le titre de Marianne qui parle de "sociologie américaine" est donc particulièrement mensonger).
Un commentaire en Anglais d'un lecteur du NewYorkTimes avec lequel je suis totalement en accord
"The hoaxes are amusing but what do they prove? They prove that you can fool some people some of the time. Even in science. But hoaxes are more dangerous than amusing. Their simplistic message is "if I could publish fake scholarship, all published scholarship is fake", and in this post-factual world, that's a very dangerous proposition. "
Il y a dans cette manière de faire une immoralité de base qui me surprend et ne fait qu'ajouter aux dangers actuels. Comment peut-on consacrer tant d'énergie à ces canulars pour finalement arriver à prouver ce qui semble évident à tous, et de tout temps. Les étagères des Universités sont remplies de thèses aussi fumeuses que leur titre était ronflant. Ne parlons pas des études théologiques ou des commentaires de la Torah.
Un brave trio de supercheurs dont les noms disparaîtront conformément à l'épaisseur de leur apport à la science
Ce type de canulars n'est pas nouveau en sciences humaines.
en 2015, Michel Maffesoli a été piégé de cette manière.
voir l'article d'Acrimed :
Michel Maffesoli, « expert » sociologique de pacotille:
....
"L’article publié le 7 mars 2015 par Manuel Quinon et Arnaud Saint-Martin et intitulé « Le maffesolisme, une "sociologie" en roue libre. Démonstration par l’absurde » ne fut pas une surprise. Les auteurs y expliquent avoir présenté à la revue Sociétés, affiliée au laboratoire de recherche que dirige Michel Maffesoli, un « article-canular », « dénué de tout fondement empirique et de toute consistance théorique », intitulé « Automobilités postmodernes : quand l’Autolib’ fait sensation à Paris ». L’article, qui singe jusqu’à l’absurde la rhétorique et le lexique « maffesoliens » , fut publié dans la revue après un processus d’évaluation indigent. "....
Ce message a été supprimé suite à la suppression du compte de son auteur
Merci d'être, encore une fois, la voix de la raison dans ce genre de débats.
Si cette expérience pointe des dérives inquiétantes dans la recherche, le traitement médiatique qui en a été fait pointe, lui, la propension vraiment pénible et problématique des médias à systématiquement déformer les conclusions d'études scientifiques (ou pas très scientifiques, dans ce cas précis).
Il y a une belle ironie là-dedans. Les mêmes journalistes qui se gaussent de la nullité des revues qui laissent passer des énormités sont eux-mêmes incapables de faire leur travail correctement, et d'aller vraiment regarder la méthodologie de l'expérience en question, dont les failles sont pourtant évidentes. Ils se contentent de répéter bêtement et en version simpliste ce que disent les auteurs des canulars, sans aller vérifier si peut-être, ces derniers prétendent avoir démontré un peu plus que ce que leur expérience démontre réellement.
Comme l'explique très bien votre article, la seule chose que leur expérience a démontré, c'est qu'il était possible de faire publier des articles bidons dans des revues censées être sérieuses.
Mais leur démarche cesse d'être scientifique et devient purement idéologique lorsqu'ils prétendent à tort avoir démontré:
- que ces dérives seraient propres aux "grievance studies", comme ils les appellent (en l'absence d'éléments de comparaison, rien ne permet d'affirmer que d'autres revues dans d'autres domaines n'en auraient pas fait autant);
- que ces canulars ont été publiés parce qu'ils confirmeraient la "doxa" en vogue dans ces disciplines (idem: où sont les éléments de comparaison? Et des éléments objectifs qui permettraient d'identifier les causes précises de ces défaillances?)
Au final, on a une situation doublement ironique, où les auteurs de ces canulars, prétendant défendre la science contre l'idéologie, se comportent eux-mêmes comme des idéologues et non des scientifiques (ils font dire à leur expérience ce qu'ils voulaient qu'elle dise dès le départ, et non ce qu'elle dit réellement), et où les journalistes qui se moquent des éditeurs de revues scientifiques pour leur manque de rigueur font eux-mêmes preuve d'un manque total de rigueur concernant le sujet de leur article. C'est magnifique.
"Mais, au-delà de la poilade, l’opération fomentée par le trio se présente comme une démonstration. "Lorsque l'on rend des idées absurdes et horribles suffisamment à la mode politiquement, on arrive à les faire valider au plus haut niveau", affirme James Lindsay, l’un des coauteurs du canular, titulaire d’un doctorat de mathématiques à l'université du Tennessee, et qui résume : "Si notre projet démontre une chose, c'est qu'on ne peut pas faire confiance à la recherche actuelle dans ces disciplines."
Autrement dit, et selon le trio, ce serait la preuve accablante que dans le milieu académique, les études de genre, et autres recherches en sciences sociales sur la sexualité, la race ou encore l’identité seraient corrompues par une certaine idéologie de gauche relativiste, qui pense que tout est construction sociale."
"Autrement dit", "autrement dit", vous rajoutez quand même une dimension politique à tout ça, en polarisant le débat gauche / droite. Mais il y a une autre façon de polariser : science / machine à buzz.
Vous n'avez peut-être pas connu ça, mais à l'époque en 1988, un certain Jacques Benveniste avait inventé le concept de "mémoire de l'eau" pour donner du crédit à l'homéopathie. Ce cher monsieur était par ailleurs en contrat avec les laboratoires Boiron. Cette histoire avait bien entendu consterné toute la communauté scientifique, et continue d'alimenter régulièrement des vidéos disponibles sur YouTube (je vous laisse le plaisir de la recherche). Pas de gauche relativiste ni de construction sociale là-dedans, pourtant l'homéopathie trouve toujours aujourd'hui des défenseurs acharnés.
Aujourd'hui, c'est une autre carotte que celle de l'argent des labos : le sacro-saint buzz. Et effectivement, en tant que scientifique de gauche progressiste, je suis obligé de constater qu'aujourd'hui, c'est avant tout l'aspect insolite d'une étude ou d'une théorie qui importe avant sa crédibilité. En tout cas, dans certains cercles.
L'exemple le plus récent ou le plus frappant est celui du dimorphisme sexuel alimenté par une ségrégation nutritionnelle millénaire des hommes envers les femmes, inventé par l'a socio-anthropologue Priscille Touraille et repris notoirement depuis par Nora Bouazzouni. Ce texte n'a aucune - mais alors aucune - base scientifique, il va à l'encontre du Darwinisme le plus élémentaire, de l'observation de nos cousins primates, mais comme il défend une théorie séduisante, celle que les femmes sont plus frêles parce que les mâles les ont privés de protéines pendant des millénaires, elle a fait le tour des réseaux sociaux, de documentaires et même des plateaux télévisés. Sans que pas grand-monde à gauche y trouve à redire, y compris vous. Consternant, affligeant, choisissez votre mot.
Le but politique est noble, mais scientifiquement, cela coince. Et c'est là que l'on voit les biais politiques des médias. Le réchauffement climatique est prouvé et solidement documenté, et pourtant il a fallu du temps pour que certains médias cessent de le contester : cela allait contre leur biais libéral et productiviste. L'évolution, pareil dans une Amérique où le créationnisme règne encore. La liste est longue à droite. Mais aujourd'hui, les médias de gauche tombent aussi là-dedans, en donnant du crédit à tout et n'importe quoi. Or, pour trouver la solution à une équation, il faut d'abord en identifier les facteurs, les vrais facteurs, pas ceux qui nous plaisent.
2 publications sérieuses sur 7, ce n'est pas rien. Cela fait 28.5714285714 % . Presque une sur trois. Cela ne doit pas être balayé du revers de la main, surtout pas par arretsurimages.net qui fût longtemps un média qui, malgré son orientation à gauche, pouvait revendiquer une grande objectivité.
Que ça soit de droite ou de gauche importe peu : la vérité factuelle que recherche la science est et DOIT être dépolitisée. Dans 1984, il était interdit d'affirmer que 2+2 donnait un autre résultat que 5. Par pitié, pitié, dépolitisons la science.
Il y a un phénomène de plus en plus étrange, alors que la biologie affirme de plus en plus que nos prédispositions influencent notre psychologie, autrement dit que notre corps et notre âme ne sont pas déconnectés, voire qu'ils s'influencent sans arrêt, voire qu'il ne sont qu'une seule et même chose (des stimulations éléctriques de neurones), la gauche est la plus prompte à essayer de déconnecter les deux. Ce qui était auparavant l'apanage de... la religion, qu'elle a longtemps combattu au nom de… la science.
Lorsqu'une voix discordante se fait entendre, comme la mienne, les principaux arguments ne sont pas scientifiques, mais repose toujours sur les mêmes arguments, "mâles qui ne se remet pas en question", "peur du vent qui tourne", "réac de droite", etc… Au-delà de la facilité de ces réponses, c'est surtout l'assèchement du débat, où l'on devrait présenter fait contre fait et qui finit plus en joute rhétorique d'efficacité du bon mot, qui est le grand vainqueur.
Drôle de monde.
Là ou cela me choque encore plus, c'est de dire que ces faux articles sous-tendent une idée de gauche alors que je suis désolé, mais des revues qui acceptent des articles comme "l'homosexualité peut être combattue par l'utilisation de sextoy anal", on est au contraire clairement dans des thèmes que les réacs et autres homophobes de droite se délecteraient de voir publiés...
Je crois avoir compris qu'il s'agissait de combattre l'homophobie. Mais vous avez raison, c'est le même principe, et à mon avis il n'est pas "de gauche". Si l'on peut encore, sans ambiguïté, utiliser ce terme.
Les âneries (ou pire) censées combattre l'homosexualité, et qui ont paru dans des revues trèèèèèèès sérieuses, on ne compte plus. Et personne ne s'en offusquait, ni ne fabriquait des canulars pour les ridiculiser. Et pourtant, yavait de quoi.
Je pense DanLo que vous n'avez pas compris ce que la fausse étude affirmait. Elle n'aurait sûrement pas plu a des "réacs et autres homophobes de droite".
je ne suis pas sur de vous suivre, l'"étude" dont on parle (qui se veut une expérience scientifique) dans l'article rentre clairement dans la catégorie "machine à buzz" avec de "forts biais politique" selon votre terminologie (même si elle pose à la limite la question du sérieux éditorial ou de "peer review" de certaines publications scientifiques). or j'ai l'impression que vous la défendez malgré tout. Qu'est ce que vous essayez de dire exactement?
d'autre part j'ai du louper la discussion où "la gauche" essayait de déconnecter corps et esprit, ça me semblait être plutôt l'apanage de la droite, même si c'est également une discussion philosophique.
De même l'attirance pour certaines pratiques pseudo-scientifiques n'est pas l'apanage de la gauche, ça existe peut-être plus dans un certain militantisme écolo (militantisme écolo aussi largement revendiqué par l'extreme-droite aussi ces temps ci).
sinon pour moi il y a quelque chose de dangereux à défendre la "dépolitisation des sciences" parce qu'il y aurait l'idée derrière que la science serait indépendante du milieu social et du contexte dans laquelle elle est produite, ce qui empêcherait ceux qui la pratique d'interroger justement leurs propre biais.
Doit-on comprendre que la "voix discordante" que vous voudriez faire entendre est un argumentaire biologisant pour expliquer des psychologies féminine/masculine ? Oestrogène vs testostérone, le style "Les hommes viennent de Mars, les femmes viennent de Vénus", une dose de psychologie évolutionniste etc. ?
Ce genre de courant a un certain succès populaire de nos jours notamment quand il va dans le sens des stéréotypes sur sexe/genre et animalité ("mâle alpha" & co.). Dans le genre fantasque, on a ce site qui va parler d'origine biologique du comportement humain pour ensuite vendre un bouquin titré : ""Pourquoi les femmes des riches sont belles, 3e édition complétée avec l'explication de l'influence du microbiote sur le comportement humain". C'est signé d'un certain Philippe Gouillou qui fait dans le "psychomarketing", la gestion de sites web et la vulgarisation en psychologie...
Sinon, je ne vois pas en quoi la gauche serait particulièrement portée à déconnecter corps et esprit. Il y a notamment tout un historique de gauche matérialiste, rationaliste, pragmatique etc. s'opposant aux spiritualismes de droite défenseurs de l'âme éternelle, du Dieu pur esprit etc.
Les tensions actuelles me semblent surtout porter sur le rapport entre l'inné et l'acquis : une certaine droite va favoriser l'inné, un moyen d'être conservateur au nom de la biologie, d'un "ordre naturel" (y compris en le faisant découler d'un ordre divin), avec par exemple recherche de délinquants dès la petite enfance (Sarko...), défense de rôles traditionnels de genre, conceptions clichés de la lutte pour la survie etc., tandis qu'à gauche, ça insistera sur l'acquis, l'éducation, le culturel, la construction psychosociale, tout ce qui permet une évolution, un progrès (?), en dépit des conditionnements hérités, tout ceci ayant bien évidemment une traduction cérébrale mais avec un cerveau vu par son aspect plastique, se formant suivant l'influence de l'environnement.
Mais le souci à mon sens est d'abord qu'on soit dans une forme de religiosité scientiste, avec des scientifiques se retrouvant en position de prophètes chargés de révéler le Vrai, discours qu'il s'agirait de croire plus que de comprendre. Globalement, dans les médias, on ne cherche pas à expliquer les sciences, on se contente d'inviter des experts (?), d'utiliser le label scientifique comme argument d'autorité. Comme à l'école, ça se justifie en partie, on ne peut pas tout expliquer en un article ou une émission télé, mais, hélas, ça manque bien souvent chez les journalistes du travail nécessaire en amont pour comprendre vraiment le sujet, savoir ce qui est critiquable dans une thèse, ce que vaut une étude etc.
"Doit-on comprendre que la "voix discordante" que vous voudriez faire entendre est un argumentaire biologisant pour expliquer des psychologies féminine/masculine ? Oestrogène vs testostérone, le style "Les hommes viennent de Mars, les femmes viennent de Vénus", une dose de psychologie évolutionniste etc. ?"
Pas du tout, mais votre réponse montre une chose. Vous utilisez le "biologisant" rabaissant pour qualifier la psychologie. Vous déconnectez ainsi le biologique et le psychologique, en en rajoutant ensuite une couche avec des auteurs farfelus. Donc ce que je reproche personnellement à tout un pan de notre société, que je trouve - et désolé de vous décevoir - beaucoup plus à gauche qu'à droite. En vérité la pyschologie est encore suffisamment à défricher pour affirmer quoi que ce soit sur ce sujet, et on en est encore au stade où l'on jette des hypothèses sans pouvoir les valider.
Cette étude est probablement faite par des petits cons d'alt right dans un but politique évident, mais cela ne les empêche pas dans leur entreprise de soulever un lièvre trop, beaucoup trop balayé d'un revers de la main par la gauche sous couvert justement de politique. Peut-on encore avoir de la nuance ?
(on peut, merci d'avoir également répondu à ma question)
Dans le doute, je posais la question mais non, non, ni sur la théorie, ni sur la pratique, je n'aurais l'idée de dévaluer le lien corps/mental (en bon spinoziste que je suis, ce serait sacrilège).
"Biologisant", c'est pour désigner précisément le milieu scientifique de la biologie, avec ses théories, ses méthodes, son milieu académique etc., qui ne pose pas de problème tant qu'on comprend bien de quoi ça parle et qu'elles en sont les limites.
Si j'ai mentionné le site bizarre, c'est pour montrer que le côté science "dure" que peuvent revendiquer des milieux biologisant parce qu'il y aurait des éprouvettes et des blouses blanches, n'est pas plus gage de sérieux qu'avec les sciences "molles", les approches culturalistes, socialisantes voire politisantes en psychologie.
Mais je ne crois pas que ces tendances ne concernent que les alt-right & co., ça passe vraiment dans la culture populaire comme ont pu y passer des concepts freudiens.
Exemple, les soucis qu'il y eu avec Sébastien Bohler, ex-chroniqueur d'@si et rédacteur en chef de Cerveau&Psycho, qui portait ces approches biologisantes. Sur la question homme/femme, cf cet article critique sur son travail par Odille Fillod qui a une formation en sciences cognitives et la réponse de Bohler.
Sur ces sujets, je suis du côté de Fillod quand on voit tant de "biologisants" oublier (?) d'expliquer au grand public les critiques faites à leur approche, les limites de ce qu'on peut tirer d'une imagerie cérébrale, d'un modèle animal, de la génétique etc.
Les hommes viennent de mars... etc... N'a pas de prétention scientifique, le type d'argument d'autorité dont se dote John Gray est différent, c'est un thérapeute de couple, visiblement ayant eu pas mal de succès, qui s'appuie sur une expérience de terrain pour faire passer ses idées un brin réac mais qui semblent avoir un mérite performatif pour le couple type américain contemporain naturellement marqué par des stéréotypes de genre.
Il a un diplôme de psychologie mais peu reconnu (d'une obscure fac par correspondance) et n'a jamais publié dans une revue scientifique ni eu de rôle universitaire, ce dont il ne se cache pas.
Ce qui peut interroger c'est qu'il n'y ait absolument pas d'équilibre entre l'accueil de ce type de point de vue dans le monde des social studies américaines (même de vrais universitaires qui le partageraient), et ceux "de gauche". Les visions n'adhérant pas à la séparation du monde entre dominants et dominés, ou à la prédominance absolue de l'acquis, ne s'expriment qu'ailleurs que dans les social studies*.
Ce qui serait une anomalie s'il s'agissait de sciences sociales, champs qui sont toujours marqués par des débats entre grilles d'analyses très éloignées et pouvant être généralement ramenées plus ou moins directement à une opposition droite / gauche, comme en témoignent par exemple les bisbilles entre sociologues de différentes écoles en France, ou celles entre économistes.
(* ce qui au passage ne me semble pas dans l'intérêt des groupes concernés puisqu'au final les points de vue contraire s'exprimeront dans des disciplines bien plus universellement reconnues comme scientifiques comme les sciences sociales classiques ou la psychologie, voire carrément dures comme la neurologie, biologie, etc).
Le fait est que les différente branches des social studies ont été bâties autour de la pensée d'auteurs qui excluent d'avance les points de vue adverses, chercher les fondateurs des différentes chaires et leurs ouvrages de référence ne montre que des sources très engagées dans le même sens (et rarement scientifiques, même les sociologues y sont rares par rapport aux philosophes, littéraires et essayistes militants).
L'équivalent serait d'avoir nommé une science "études du libre marché" qui ne se baserait que sur la pensée des disciples les plus extrêmes de Friedman et exclurait d'avance toute analyse qui ne célèbre pas l'ultra-libéralisme (bon l'économie peut y arriver un jour, vue l'archi dominance des orthodoxes, mais ce qui n'est pas souhaitable pour l'économie ne l'est pas non plus ailleurs dans les sciences sociales).
Il me semble que c'est un reproche tout à fait sérieux qu'on puisse faire à une science sociale quelle qu'elle soit quand quelque chose qui ne devrait être qu'une école ou un courant au sein de la discipline (et se confondant en plus avec une cause politique) se fait passer pour la discipline entière, appauvrissant énormément les angles d'approche de son sujet d'étude et l'émulation qu'il peut y avoir par le débat interne.
Ou alors il faudrait être objectif et ne pas considérer ces disciplines comme relevant des sciences (sociales) mais comme une branche de la philosophie, destinée au développement d'un certain courant explicatif en son sein (comme on pourrait appeler une chaire philosophie marxiste ou philosophie kantienne). Ce qui ne leur interdirait pas de se développer et d'influencer les travaux de chercheurs demeurant dans des branches plus scientifiques mais ouvertes.
Pas très sûr de ce que vous visez avec "social studies" mais ce serait pour moi plutôt les cultural studies , mouvement académique né dans les années 60 et se disant lui-même engagé politiquement :
"Cultural studies is a field of theoretically, politically, and empirically engaged cultural analysis (...). Cultural studies researchers generally investigate how cultural practices relate to wider systems of power associated with or operating through social phenomena, such as ideology, class structures, national formations, ethnicit, sexual orientation, gender and generation. (...) Cultural studies is avowedly and even radically interdisciplinary and can sometimes be seen as antidisciplinary. (...) During the rise of neo-liberalism in Britain and the US, cultural studies both became a global movement, and attracted the attention of many conservative opponents both within and beyond universities for a variety of reasons. Some left-wing critics associated particularly with Marxist forms of political economy also attacked cultural studies for allegedly overstating the importance of cultural phenomena."
Ils revendiquent leur interdisciplinarité voire de l'anti-disciplinarité et en effet, ça donne facilement des écrits plus proches de l'essai philosophique ou politique que de l'analyse scientifique au sens classique, avec travaux de terrains etc.
Sinon, erreur de ma part, plutôt que vers le bouquin de Gray c'est vers cet article que j'aurais dû mettre lien : "Yes, it's official, men are from Mars and women from Venus, and here's the science to prove it"
Sur ce sujet, il y a aussi les usages populaires de cerveau féminin/masculin notamment liés aux travaux de Simon Baron-Cohen. Extrait de ce papier de sa part :
"1. Les individus chez lesquels la faculté d’empathie est plus développée que celle de systémisation : E>S (ou type E). C’est ce que nous appellerons le « cerveau féminin ».
162. Les individus chez lesquels la systémisation est plus développée que l’empathie : S>E (ou type S). C’est ce que nous appellerons le « cerveau masculin »."
Etrange idée quand même que de vouloir réduire le féminin/masculin à ces critères.
De ce que j'ai compris, les cultural studies, sont effectivement à l'origine du mouvement (de la tendance en gros de dédier des cours au sort de toutes sortes de minorités ou groupes, mais surtout pour étudier leurs auteurs, leurs points de vue et le discours sur elles au départ) mais relevaient des cursus littéraires, donc où il est légitime qu'une certaine subjectivité s'exprime.
Mais depuis une vingtaine d'années elles (ou en tout cas certaines chaires de cette mouvance) se revendiquent plutôt comme social studies, avec pour prétention de pouvoir produire un point de vue objectif sur la place sociale des groupes concernés, à égalité avec la sociologie classique, et d'influencer directement les politiques publiques à leur sujet.
Le problème étant que les références demeurent largement les mêmes, des auteurs faisant largement appel à leur ressenti de membres des minorités concernées, ou des essayistes qui sont plutôt dans la philosophie ou la théorie politique que dans l'observation scientifique, quand ce n'est pas d'anciens étudiants en cultural studies, qui sont plutôt littéraires que scientifiques à la base.
Par exemple, les Fat Studies, qui se définissent comme l'étude de la place sociale des personnes en surpoids et des discriminations dans elles sont l'objet (et se revendiquent comme social studies en conséquence), ont pour principales références les œuvres d'une théoricienne du fat acceptance movement, Kate Harding, prof de littérature et essayiste politique, et d'une psychologue et doctorante de women's studies, Esther Rothblum (qui dirige actuellement la revue de Fat Studies ciblée par un des canulars d'ailleurs), personnes qui n'ont pas a priori été formées aux méthodes utilisées en sociologie. Ce qui n’empêche pas des universitaires s'en réclamant d'être représentés dans des colloques de sciences sociales très sérieux comme celui de l'ESRC.
D'où je pense la réaction de certains universitaires, qui n'aurait sans doute pas eu lieu il y a 30 ans quand les cultural studies étaient vues comme la branche de la littérature où on étudiait les auteurs de telle ou telle minorité ou les discours sur elles, sans excessive prétention à développer un savoir scientifique conduisant à des politiques d'ingénierie sociale etc... (ou s'y opposant dans le cas des Fat Studies, dont une des spécialités est la critique des campagnes de santé publique comme oppressantes pour les obèses)
Ce canular succède aussi à celui déjà bien ancien d' Alan Sokal, qui avait mystifié "Social Text" je crois, en dénonçant par la publication d'articles ineptes mais "gonflés" de références à des concepts mathématiques ou physiques très pointus, une forme de "scientisme" qui s'était emparé des disciplines relevant du champs de cette revue.
Avec Bricmont ils avaient publié un bouquin "impostures intellectuelles", qui avait fait pas mal de remous à l'époque.
Je me souviens avoir beaucoup ri en le lisant:
"Tout de même, ces philosophes, psychanalystes, ne sont-ils pas ridicules à prétendre recourir à la relativité générale, le théorème d'incomplétude de Gödel, les espaces de Banach et les dimensions fractales, comme pour rechercher un vague verni de connaissances scientifiques de haute tenue dans un jargon complètement fumeux et hermétique."
A ça non, c'est pas en sciences dures que ça arriverait, la rigueur, la logique, tout ça...
Mon rire s'est étranglé net quand j'ai appris que les frères Bogdanov avaient été faits docteurs en physique théorique/mathématiques, et de la "controverse" qui fut lié à ce que l'on appela "l'affaire Bogdanov", il y a déjà 16 ans...
Sciences humaines, biologie, sciences dites "dures", tous les domaines sont touchés par les conséquences du fameux "publier ou mourir", de la marchandisation du savoir scientifique, la multiplication des revues etc...
Même dans les revues prestigieuses, tous champs disciplinaires, il y a quelques papiers moisis qui arrivent de temps à autre à passer le filtre des relecteurs.
Je pense que ce qui est en crise ce n'est pas la science ni les scientifiques dans leur ensemble, mais a minima l'édition scientifique et les modèles prévalents.
Au delà de ça, voir des journalistes et des éditocrates qui n'ont aucune culture scientifique et/ou technique s'emparer d'un canular pour donner une leçon de rigueur, eux dont les feuilles de choux et émissions sont pourris de biais, de mensonges, ou d'omissions bien opportunes, c'est le pompon.
"seules deux des sept revues qui ont accepté ces articles de canular pourraient être considérées comme des revues universitaires classiques."
Deux c'est déjà deux de trop !
Le problème n'est pas de discréditer les études du genre en général, mais du systeme de validation des revus.
Si elle peuvent laisser passer de telles publications, comment être sur qu'elles arrivent a laisser passer des études de bonne qualité ?
Arrivent telles au moins a faire la différence entre des bonnes et des mauvaises études ?
C'est une vrai remise en question ...