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La Révolution arabe et ses mensonges

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Morale de l’Histoire : pour transformer le réel, invente-le d’abord - et ne dis pas que tu l’inventes. Mets le souci du Bien au dessus du souci du Vrai – en nos temps obsédés de transparence et de vérité, ce renversement philosophique est pour le moins... révolutionnaire. Se confirme au passage cette intuition, que l’expérience privée peut déjà faire éprouver dans un bizarre frisson hésitant entre la jouissance et la honte: que c’est à coup de mensonges que la liberté se conquiert.

Judith, vous partez de l'hypothèse qu'une révolution qui instaure une démocratie est un Bien, indépendemment de comment elle le fait. Le but visé, certainement, est la mise à bas d'un tyran, qui pille, humilie et tue son peuple. Au fil des âges, différentes stratégies ont été tentées pour se débarasser du tyran. A Rome, des poignards ont (maintes fois) transpercé César, en France, la guillotine a raccourci le roi. Mais ni Rome ni la France ne se sont débarassées du réel problème : le monarque.

La révolution n'est donc pas à penser comme un changement institutionnel seul, mais une transformation de la société qui vise à l'émancipation des individus.

Vous placez la situation en Tunisie dans un conflit de valeurs : le Bien contre le Vrai. Mais ce sont là deux absolus, et dans votre équation, vous n'avez réellement d'absolu que la violation du Vrai.

Le Bien n'est pas dans l'instauration d'un régime démocratique. Ceci n'est qu'un mieux. C'est un mieux important, qui mérite qu'on se batte pour lui, mais ce n'est pas le Bien. Le Bien, c'est la vertu morale, une émancipation complète, une capacité à juger et à agir en conscience pour soi et pour le bien commun en toute circonstance. Ce bien commun est le degré de capacité de chacun à s'émanciper, l'espace dans lequel chacun peut évoluer pour se cultiver afin d'être (ou non) partie de cette communauté humaine entièrement émancipée. La démocratie est en effet une étape dans l'émancipation, mais elle n'est qu'un cadre institutionnel qui ne suffit en rien -- on voit dans les démocraties européennes comment le cadre institutionnel peut être détourné, et où ce cadre sert d'alibi à la spoliation des ressources et la privation des libertés. Une révolution institutionnelle seule n'est donc pas le Bien.

Faut-il condamner le mensonge qui a permis cette révolution (si le cas est avéré) ? Oui. Tout mensonge est nocif. Toute manipulation de la vérité est une violence faite à l'émancipation de chacun, une défiance envers la capacité de chacun à se soulever pour des causes justes, donc un ennemi du Bien. Ne pas le condamner, c'est légitimer toute autre action du même type. On dira "oui mais l'intention est bonne". C'est un argument sans intérêt, car toute intention est évidemment bonne, pour celui qui l'a.

Faut-il revenir en arrière ? Non. Les événements, qui dépassent les choix individuels de ceux qui ont manipulé l'opinion, ont fini par aboutir à une opportunité de mieux pour tous. La situation actuelle n'est pas le fruit du mensonge seul, mais résulte aussi de l'action de milliers d'autres personnes.

Rien n'est gagné en Tunisie. Il n'est pas bon d'absoudre la manipulation de l'opinion, d'où qu'elle vienne, car elle est une insulte à la capacité de chacun de se mobiliser pour des causes justes. Le résultat de cette action, néanmoins, se trouve avoir apporté un mieux (en corrélation mais sans détermination de la manipulation initiale). Il n'y a là aucun conflit d'absolus.
Je trouve ça un peu fort de dire que toute cette histoire (révolution tunisienne printemps arabe, etc) repose sur un mensonge sous pretexte qu'un mensonge en a été un déclencheur.

L'histoire de Mohammed B est peut être une invention, mais le mal-être, le ras le bol, la misere et la colère des tunisiens eux sont bien réels, et existaient bien avant. De plus c'est bien ce ras le bol, qui a fait que le mouvement a pris et perduré, les gens ne sortaient pas manifester juste pour la memoir de Mohammed B, ils le faisaient parce qu'ils avaient tout un tas de bonnes (et justes) raisons de le faire.

En gros ce que j'essai de dire, et pour reprendre encore un autres expression populaire, le fait que la goutte d'eau qui a fait déborder le vase était en réalité une goutte d'huile, ne devrait faire oublier que pour arriver à ce résultat le vase devait déjà être bien rempli et depuis un bon bout de temps.
"Le Capitaine a déjà évoqué par ici cette révélation qui m’a littéralement subjuguée quand je l’ai découverte dans mon Libé de samedi, sous la plume de Christophe Ayad (grâce lui soit rendue pour ce travail journalistique absolument remarquable): la Révolution tunisienne, et par extension le Printemps arabe, ont pris leur essor sur… une fable" J. Bernard

Il y a mieux à faire en matière d'enquète. Vous connaissez le grand mouvement d'opinion quasi révoutionnaire qui s'est produit autour de Jerusalem il y a un peu plus de 2000 ans. Est on sûr que le crucifié (celui du milieu) était fils d'une vierge ? Avait-il un diplôme courant ou d'études supérieures ? Quid de ses relations avec les prostituées? Quelles magouilles avec le grand commerce de l'époque ? Etait-il vraiment réduit à faire des tours de passe- passe pour nourrir ces collaborateurs ? Cette révolution s'est-elle répandue en raison d'un mensonge médiatisé ? Si oui, à qui profite le crime ?
Est-il bien nécessaire de chercher à jeter le discrédit ou la suspicion sur les Tunisiens révoltés ? Est-ce pour aider ceux qui refusent d'apporter la solidarité de la France à ceux qui croient encore en elle ?
'T façons, Judith, la vérité, c'est très surfait.
Les gens vivent mieux dans le mensonge. Ou plus précisément, dans le non-dit.
Jusqu'à ce que ça pète.
Comme disait le Docteur House, comédien de série à ses heures:

"les fumeurs qui arrêtent de fumer ne sont pas guéris, c'est qu'il ne vivent pas assez longtemps pour reprendre la cigarette "

Le principal, c'est d'être persuadé d'être guéri. On peut au besoin se raconter de jolies histoires.



Bon faut dire qu'un ami journaliste infiltré m'a aussi rapporté l'une des conversations quotidiennes de cette brillante équipe médicale. En voici un extrait:

* House : Il me faut un avocat !
* Wogler : Qui avez-vous tué ?
* House : Personne, mais il n’est que 11h !
* Fille : Les garçons ne peuvent pas me serrer trop longtemps sinon j’ai trop chaud
* House : Les femmes ne peuvent pas me serrer trop longtemps car je ne les paye que pour une heure
* Wilson : Je vais te dire quelque chose : le syndrome d’Asperger est une forme atténuée d’autisme. Les sujets présentent typiquement de graves difficultés de communication et un repli sur soi. Des problèmes pour accepter les conventions sociales et une forte réticence à ce que l’on change leur cadre de vie, leur routine, ou leur moquette !
* Cuddy : House ne souffre pas de ça ! Le diagnostic est beaucoup plus simple : c’est un con !
* House : Si vous parlez à dieu, vous êtes croyant. S’il vous répond c’est que vous êtes schyzo !
* Cameron :On va pas laisser le bourreau dans la même chambre que la victime !
* House : Y a des fenêtres !





Merci pour cette chronique, Judith.
Je ne sais pas ce qu'il y a de féminin dans l'article, mais je connais son genre: celui que j'adore! Brillante analyse du rôle de la fiction, de sa capacité à changer le monde par une relation complexe au Vrai, ou bien à décevoir.
Merci beaucoup Judith Bernard
J'ai la solution à tous les problèmes soulevés par Judith !

Vous connaissez la fable du laboureur et ses enfants, de La Fontaine ?

"
Travaillez, prenez de la peine :
C'est le fonds qui manque le moins.
Un riche Laboureur, sentant sa mort prochaine,
Fit venir ses enfants, leur parla sans témoins.
Gardez-vous, leur dit-il, de vendre l'héritage
Que nous ont laissé nos parents.
Un trésor est caché dedans.
Je ne sais pas l'endroit ; mais un peu de courage
Vous le fera trouver : vous en viendrez à bout.
Remuez votre champ dès qu'on aura fait l'août.
Creusez, fouillez, bêchez, ne laissez nulle place
Où la main ne passe et repasse.
Le Père mort, les fils vous retournent le champ
Deçà, delà, partout ; si bien qu'au bout de l'an
Il en rapporta davantage.
D'argent, point de caché. Mais le Père fut sage
De leur montrer avant sa mort
Que le travail est un trésor .
"


Voila, donc la solution aux problèmes posés par Judith, c'est : est-ce que le laboureur a menti à ses enfants en leur disant qu'ils trouveraient un trésor en fouillant bien dans le champ ?
[quote=Judith Bernard]quel Mal sommes-nous prêts à faire pour permettre qu’advienne ce que nous jugeons Bien?

De grandes campagnes publicitaires fincancées par des appels sur internet.
Utiliser les armes (puisqu'on nous fait la guerre) des manipulateurs vampires de tous poils pour arriver à détruires leurs bases. Utiliser les techniques publicitaires, techniques de communication , construire des plans à longue échéance avec scénario de manipulation de l'opinion.

Qui me dit que j'ai raison, qui me dit que cette méthode n'est pas aussi dangereuse que ce qui existe ?... alors restons comme nous sommes et subissons, les autres ne se posent pas autant de questions méthaphysiques. Il suffit de se mettre des garde-fous. C'est à constuire.
Actuellement notre seul pouvoir réside dans notre droit de grève et nos manif "bon enfant" ... à qui ça fait peur ? Ça sert uniquement la soupe à ce que je combats. (grèves = flemmards casseurs , manif = amusement, fête populaire, enfantillages).
Il y a au moins une erreur factuelle dans cet article de Libération : le mensonge qui a été inventé l'aurait été le jour suivant la mort de Monsieur Bouazizi.
Or, il est mort le 4 janvier après s'être immolé le 17 décembre. Et Ben Ali est parti le 14 janvier. Tout le monde est d'accord pour dire que la révolte part de Sidi Bouzid, après l'immolation.
Donc c'est après son immolation que le storytelling, exact ou pas, est parti.

Tout cela n'est guère professionnel de la part du journaliste de Libé. Cela jette le discrédit sur le reste de son article.

Quant au fait qu'il y a mensonge ou pas, et je me suis déjà exprimée dans l'autre forum à ce sujet, Si vous êtes dans la réalité, le discours pour galvaniser les troupes rend compte de la réalité, et la plupart des détails sont anodins. Il s'est passé cela, telle personne a agi ainsi, peu importe qui elle est, peu importe qu'elle soit un policier ou une policière, c'est un membre des forces de l'ordre, et ça n'a pas d'importance. Cela ne change pas grand-chose à sa signification. La réalité ne choisit pas. Peu importe.

Par contre, si vous désirez raconter une histoire qui galvanisera les troupes, plus rien n'est anodin.
La Tunisie était le plus avancé des pays en matière de droits de la femme. L'avortement y est autorisé. Les femmes commençaient à émerger, à être convenablement éduquées, et prenaient du poids dans la société tunisienne, tout doucement. Ben Ali, gâteux, avait laissé le pouvoir de fait à sa femme Leïla Trabelsi et à la famille de celle-ci.
On peut penser que les hommes étaient effrayés par ce pouvoir grandissant des femmes. Ce n'est pas réservé à la Tunisie, ici aussi, en France, on voit bien que c'est un problème, sauf qu'on a quand même davantage avancé sur ce terrain depuis quarante ans.

Dès lors, dire qu'un homme s'est suicidé du fait de l'abus de pouvoir flagrant d'une femme pour indigner les troupes et leur donner de l'énergie, ça a une signification si c'est inventé. D'autre part, l'homme n'avait pas de travail, et la femme en avait. Aïe.

L'histoire de la révolution tunisienne de ce fait ne se lit plus du tout de la même façon.

Aujourd'hui, tous les observateurs disent qu'en juillet, lors des élections de la constituante, le seul parti qui aura suffisamment eu le temps de se structurer et de dominer la constituante serait le parti Ennahda, le parti islamiste. S'ils réussissaient leur coup, cette constitution pourrait bien être défavorable aux femmes. D'ailleurs, les Tunisiennes en ont bien conscience.

A la lumière de cet aimable mensonge, on pourrait imaginer que ça n'a rien d'un hasard, et que ce qui a germé est ce qui a été semé dès le début.

Les mensonges des humains en disent plus sur eux que la vérité.
Le péché originel en somme.
Kaliayev doit mourir car le monde idéal qu'il veut après la révolution n'a pas de place pour les assassins.
Pour composer avec la vérité afin d'obtenir un bien il faut un cynisme qui parait peu compatible avec les idéaux d'une juste révolution ou une certitude sur l'aboutissement qui n'appartient qu'aux fanatiques. Pour les autres, le doute du "jusqu'où ?" les empêchera de faire le premier pas sur une voie qu'ils devinent bien trop sombre.
Les révolutions ne se font pas avec des gentils, même si eux savent où est le bien, elles se font avec des méchants qui sont dans des camps différents.
Une histoire un peu semblable, quoi que sans mensonge : Rosa Parks n'est pas la première femme noire à avoir refuser de se lever dans les bus de Montgomery ; simplement, les autres avaient des défauts (grossesse hors mariage, parents alcooliques, etc.), et les leaders des droits civiques, qui attendaient leur symbole, voulaient quelqu'un d'irréprochable.

Je soupçonne que ce qui vous frappe, dans cette histoire, ce n'est pas tant le mensonge en lui-même que le changement de perspective qu'il implique : à savoir que le mythe de la révolution, le messianisme du soulèvement populaire causé spontanément par l'événement inattendu, est en fait faux, qu'il cache le travail, la fabrication par des gens convaincus qui ont accommodé les événements comme il le fallait et causé l'éruption. Nous ne sommes plus dans l'ère de l'épopée mais dans celle du roman, et le bien, la justice et la vérité s'écrivent sans majuscule.

Le mythe de l'émancipation ne viendra pas aujourd'hui effectuer notre rédemption collective par la grâce du peuple et nous sortir des remous de l'Histoire pour faire advenir le règne du Bien commun : il faudra nous accommoder, là aussi, du moyen terme et des niveaux de gris qui font nos vies.
Mais après tout, voir la Tunisie et sa révolution comme ce qu'elle sont et non comme de simples symboles, n'est ce pas la meilleure façon de leur rendre hommage ?
"Et pour tous les idéalistes du monde, comment admettre que le projet révolutionnaire, censément fondé sur les valeurs de Justice et de Fraternité, s’incarne inauguralement dans un mensonge injuste et fratricide?"

L'idéalisme est la branche réactionnaire de la philosophie, pas étonnant que les idéalistes (vous apparemment Judith ?) aient du mal à admettre la révolution en général.
Dans votre chronique je lis beaucoup de mots à majuscule, de concepts métaphysiques... c'est presque touchant. Il serait temps d'apprendre que la lutte politique n'est pas une lutte morale et que la révolution ne se fait pas pour des idées platoniciennes. Il serait temps de lire Marx et Lénine, de dépasser le stade du socialisme utopique du début du XIXième siècle et les considérations oiseuses du genre peut on sacrifier la Vérité à un bien supérieur ? aaah Seigneur ma morale kantienne en est toute émue ! etc...
Soyez heureuse qu'ils aient simplement menti, s'ils veulent vraiment se débarrasser de la junte militaire encore au pouvoir il faudra faire bien pire.
En quoi les évènements dans le monde arabe constitueraient un changement important sur le plan social et moral? Personne dans ces pays n' appelle à une réforme de l' Islam.Les opposants égyptiens et syriens n' ont pas dit qu' ils étaient pour la séparation de la Religion et de l' Etat, ni pour le droit des femmes et des minorités.
Peu importe la nature de l'étincelle, pourvu qu'on ait au final l'explosion souhaitée. Car, ce qui compte, ce n'est pas l'étincelle, mais le combustible qu'elle allume. Sans ce dernier, les flammes meurent rapidement.

Or, ce combustible n'est pas un mensonge, sa nature est palpable, il est bel et bien là, il s'est accumulé patiemment, quotidiennement, le stock de poudre est plein depuis des lustres. Ne manquait plus qu'une allumette, un tesson de verre, un éclair, un court-circuit, peu importe la nature du déclencheur, délibéré ou accidentel, véridique ou mensonger, celui-ci ou un autre aurait produit peu ou prou le même résultat.

Cela n'a pas pris avant... cela ne prouve rien, nous savons tous qu'il faut parfois craquer plus d'une allumette pour déclencher l'incendie purificateur. Ce qui ne veut pas dire qu'il ne couvait pas, attendant l'étincelle salvatrice.

Les responsables de l'incendie ne sont donc pas à chercher dans les incendiaires, il y en avait des milliers qui attendaient, chacun frottant à son tour le grattoir dans l'espoir que cela allait prendre, enfin.

Non, les responsables de l'incendie sont à chercher dans ceux qui ont laissé s'accumuler le combustible.
A cause d'eux, cela devait exploser tôt ou tard.

yG
Où l'on semble découvrir qu'il faut affronter la réalité pour changer l'ordre des choses.
Je suis surpris de lire que pour tous les idéalistes du monde, comment admettre que le projet révolutionnaire, censément fondé sur les valeurs de Justice et de Fraternité, s’incarne inauguralement dans un mensonge injuste et fratricide? .
Idéaliste révolutionnaire, cela ressemble à un oxymore germanopratin.
Il n'existe pas plus de pureté révolutionnaire que d'idéalistes révolutionnaires.
Dans le(s) Mafrouza d'Emmanuelle Demoris, on comprend parfaitement la genèse d'évènements pré-révolutionnaires qui peuvent éventuellement muter en ignition révolutionnaire.
Et pourtant, les acteurs de cette histoire ne sont, de leurs points de vues, ni idéalistes ni révolutionnaires.
Juste comme ça en passant, sur le mensonge, la vérité, les rapports homme/femme, les rapports de classe, l'endoctrinement religieux, sur la justice, sur un peu tout en fait, je conseille à tout le monde d'aller voir Une Séparation d'Asghar Farhadi. Le réalisateur et ses comédiens géniaux parviennent à incarner avec une précision et une vérité terribles toutes ces notions très abstraites et les dilemnes moraux qu'elles peuvent susciter. C'est pas une immolation, c'est juste un grand film, mais ça donne furieusement envie d'un Iran révolutionné.

(le film a fait 150 000 entrées en France en première semaine, sur une centaine d'écrans, ce qui est extraordinaire.)
Je serais fière de mentir, si je (nous) pourrais virer notre "suprême à talonnettes ( pluriel car elles sont doubles)
gamma
est-ce que le monde a vraiment changé? Et vraiment en mieux? Ou est-ce que comme d'habitude, des hommes abusent des femmes en toute impunité, sans même une trace de compassion??
"Nous sommes le 12 avril 1945, le lendemain de la libération de Buchenwald . L'histoire est fraîche, en somme. Nul besoin d'un effort de mémoire particulier... Pourtant, un doute me vient sur la possibilité de raconter. Non pas que l'expérience vécue soit indicible. Elle a été invivable, ce qui est tout autre chose, on le comprendra aisément.
Autre chose qui ne concerne pas la FORME d'un récit possible, mais sa SUBSTANCE. Non pas son articulation, mais sa densité.

Ne parviendront à cette substance, à cette densité transparente que ceux qui sauront faire de leur témoignage un objet artistique, un espace de création.

Seul l'artifice d'un récit maîtrisé parviendra à transmettre partiellement la vérité du témoignage. Mais ceci n'a rien d'exceptionnel : il en arrive ainsi de toutes les grandes expériences historiques".

Jorge SEMPRUN "l'écriture ou la vie"

Cela ne répond peut-être pas à votre questionnement Judith mais ça participe du débat...
Machiavel avait très bien vu que d'un mal peut résulter un bien. Les valeurs du bien et du mal ne sont pas absolues, ou disons plutôt qu'une action ou une parole ne peuvent pas être jugées bonnes ou mauvaises hors du contexte dans lesquelles elles se produisent. C'est ce que Machiavel a désigné par "la vérité effective des choses". Pour lui, pas de doute, il y a un bon, un juste usage du mal. Le bien et le mal n'existent pas à l'état pur, c'est toujours un mélange fécond. Le véritable homme d’Etat est celui qui sait « entrer dans le mal s’il y a nécessité » et sa "virtù" consiste à trouver un point d'équilibre idéal, celui du moindre mal, du préférable. Machiavel aurait moqué ceux qui absolutisent le bien, ces inconséquents qui « d’une part admirent les effets [d’une action], et de l’autre, en condamnent la principale cause. ». Pour ne parler que de la décision politique, c'est toujours un compromis difficile, il faut être prêt à se « salir les mains » et ici il faudrait sans doute y associer la figure de Sartre.
Ce texte de Judith Bernard est un peu étrange ; elle s' apitoie sur le sort , certes malheureux , de la policiére emprisonnée pour une gifle non donnée , et pas du tout sur celui du jeune homme brulé vif à qui elle reprocherait presque que son suicide ait donné lieu aux petits mensonges de son entourage pour magnifier son geste .
Oui il y a de l'ego mal placé et surtout mal-sonnant dans les propos du mal-nommé Mc Master - à quoi s'ajoute dans l'esprit de qui fréquente un peu la toile, côté Facebook, Second Life, etc., que cette histoire de fausse lesbienne, quelles que soient les intentions exactes du blogueur, n'est pas sans éveiller quelques échos / relents oscillant entre le grotesque (vous avez peut-être déjà croisé cette blague : "Internet : where men are men, women are men, and children are FBI agents" !) et le désastreux (rapporté à la réalité de la répression en Iran). Mais n'y a-t-il pas aussi de l'ego, et triomphant qui plus est, dans la façon dont les manipulateurs tunisiens affichent leurs actions devant le journaliste ? (Ce qui, d'ailleurs, pourrait ouvrir à d'autres questions : l'aveu fait à un journaliste français, pour un journal français, a-t-il retraversé la Méditerranée ? si oui, qu'en pensent les ex-insurgés ? si non, qu'en déduire ? ou l'info était-elle connue de longue date là-bas ?...)

Je proposerais bien une autre ligne de partage fondamentale possible. Non pas tant entre "vouloir changer le monde" et "informer", qui me semblent des lignes finalement assez floues dans les cas qui nous intéressent ici (en "informant", le faux blogueur voulait sans doute aussi créer un changement ; et les "changeurs" en sont passés d'abord par l'élaboration d'une rumeur, donc d'une information, même si celle-ci était biaisée). Il me semble que, peut-être, ce qui se joue ici relève plus de la différence des destinataires et des contextes. Tunisien, Bouazizi (le militant manipulateur, pas le très réel immolé) crée "de l'intérieur" une fiction à destination d'autres Tunisiens comme lui. L'histoire, ou l'Histoire, qu'il raconte, il est en quelque sorte en plein dedans, il en est l'acteur en même temps que ses voisins, ses amis, et ses compatriotes. Américain, McMaster crée "à distance" une fiction qui s'adresse avant tout à d'autres occidentaux comme lui. Le cadre de cette fiction est l'Iran mais ceux qui la lisent sont à des milliers de kilomètres de là et n'auront jamais à en affronter réellement ni les attendus ni les conséquences.
Bon, ben, ça va pas être facile à expliquer, mais, il faut que les foules tunisiennes, égyptiennes, libyiennes, etc...comprennent et admettent (!) que si il y a eu mise en scène au départ, comme l'explique si bien @si, la suite, toute la suite compte pour RIEN et ne peut pas avoir eu lieu. Retour à la case départ, avec, c'est logique, retour à la vie des victimes, retour de Ben Ali et Moubarack, etc.... REWIND!
Avec tout ça on est bien avancés, hein, messieurs dames: une révolution bâtie sur un mensonge, une manipulation tordue de syndicalistes: quelle déception!
Mais, à quelque chose malheur est bon: cette fois-ci, espérons que nos plus hautes autorités seront bien présentes pour "raccompagner" la juste disparition de cette foutue engeance, de cette excitation franchement éxagérée des petits peuples arabes.
Le retour à l'ordre juste. Enfin.
Je le disais il y a peu en commentaire à "retour à Sidi Bouzid", si cette histoire sans gifle ni diplôme est "la" vraie, elle représente tout de même bien je pense toute la souffrance, l'absurde injustice, l'aveuglement des uns et des autres qui caractérisent l'époque dont nous sommes en train de sortir, et que tout soit parti de là , de "si peu" s'accorde parfaitement car le monde entier ne peut plus, ne veut plus supporter ces situations qui sont devenues mondialisées bien que prenant des formes plus coercitives ou plus insidieuses selon les régions du globe.

Vu sous cet angle, Fayda Hamdi aussi est une victime, dernier maillon des chaines qui lient les mains de peuples et donc liée elle aussi, devant fermer son coeur à la souffrance d'autrui, devant pour nourrir les siens et espérer une vie meilleure faire appliquer des lois injustes. Et se trouver aux premières loges dès que l'injustice n'est plus supportable et que l'Histoire secoue son echine...

Et Mohammed, que lui reprochait-on à cette homme là, de vendre "à la sauvette" les fruits de son labeur ? Voilà le visage du monde de l'argent par milliards qui circulent dans des sphères hermétiques mais reposant sur des milliards de Mohammed Bouazizi a qui on interdit la plus simple des libertés afin d'en faire un esclave. Et ça, diplôme ou non, gifle ou non, ça demeure (pour le moment) une vérité pour toutes ces personnes.

C'est sans doute aussi parce que Fayda Hamdi est une femme que le monde a basculé, c'est parce que des peuples entiers s'aveuglent de sexisme, de racisme, ou de toute autre sorte de rejet de l'autre, que leurs consciences sont martelées dès l'enfance sur l'enclume du fanatisme, au point qu'un homme peut se donner la mort pour avoir été molesté ou simplement pénalisé par une femme.

Donc oui cette histoire à sans doute été déformée afin de servir certains objectifs. Mais la perversion et le mensonge qui en sont la vraie base sont ceux qui gangrènent la société humaine mondiale depuis trop longtemps, et si ils finissent aujourd'hui par provoquer un réveil ayant une emprise sur le réel, faisant basculer le cours de l'Histoire, poussant les peuples à vouloir le meilleur, à vouloir une vie saine, libre et épanouissante, moi j'ai tendance à penser que tout celà reste avant tout un acte de Vérité.

Et cet étudiant américain, je pense, n'a à se repprocher que la maladresse de ses déclarations. Car la réalité la plus probable est qu'il existe sans doute des jeunes femmes lesbiennes qui souffrent, qui meurent ou voient mourir, en ce moment en Syrie. S'être fait la voix de ces personnes, même simplement imaginées, ne devrait pas être la cause d'une honte pour cet homme là, car il a accompagné le mouvement de l'Histoire et lui a donné un visage.
J'ai déjà eu l'occasion de vous le dire, Judith, tant que vous mettrez votre morale en surplomb de tout le reste, à coup de "le bien, le mal" en omettant de la fabriquer à partir de la boue, des luttes et des peines, vous allez vous retrouver à matricer du paradoxe paralysant, il me semble. Et ça, cette façon d'en appeler sans cesse aux valeurs, à la morale, comme vous le suggérez, ça correspond tout à fait avec la variante couillue du traitement de l'actualité telle qu'il est stéréotypé par Anne-Sophie.
Morale et Révolution : relisez ou lisez Trotsky
Leur morale et la nôtre.
[quote=Judith Bernard, "péremptoirement"]Chronique de genre féminin : s’achevant sur du doute, de la perplexité, et le sentiment qu’il faudrait encore creuser et creuser…

Bon, bon bon. Après Anne-Sophie Jacques et Daniel Schneidermann, il faut se résoudre au constat que ce mensonge-ci a définitivement intégré la mythologie oficielle du site (et consolidera d'autant les stéréotypes des abonnés). Et que @si se situe clairement en queue du train sur les questions féministes et les problématiques genre. Pas surprenant qu'il faille alors "convaincre" (c'est-à-dire "causer toujours") d'y consacrer une émission. On verra ça dans dix ans, comme d'habitude, quand le sens commun l'aura intégré, et que cela sera devenu aussi évident que les constructions raciales ou la critique bourdieusienne des dispositifs télévisuels. Ce n'était sans doute pas l'endroit où s'attendre à des avancées au niveau vulgarisation des sciences humaines...

Peut-être une carence de doute, de perplexité, et d'envie de creuser. Aha c'est sûrement parce qu'ils ont pas assez de femmes féminines avec des idées femelles c'est pour ça ahaho.
Terrible question : les initiateurs de la révolution ne seront-ils pas tentés de la continuer en manipulant si besoin est ?
Chez les Romantiques c'est la vérité qui se produit dans le mythe. Novalis écrit : "il n’y a d’histoire, d’une manière générale, que l’histoire qui peut être aussi une fable."
http://sarafidis.wordpress.com/2011/02/01/poesie-et-logique/
Qu' importe que Mohammed Bouazizi ait été bac+2 ou pas ; qu' il ait été giflé ou pas ; la confiscation de sa balance par la policiére l'a poussé à ce suicide horrible ; l' essentiel en est le résultat : le départ de la clique Ben Ali - Trabelsi .
Bon, ben Alain K m'a coupé le sifflet. Voté...

Deux questions :

- Même si son article est bien écrit, je me demande pourquoi la version du journaliste de Libé serait la bonne ?
On change de martyre, et d'icône ?

- La révolution tunisienne a t-elle vraiment eu lieu ? et où en est le pays aujourd'hui ?
Waouh, Judith, superbe Kro (que j'ai bu comme du pti lait..), qui met bien en lumière pour moi, la richesse et la complexité de la personne humaine...
Votre dernier paragraphe, sorte de retour sur votre écrit pourrait en être l'illustration...
Il rejoint les histoires et les paradoxes que vous citez, pour en créer involontairement une autre et ouvrir encore plus le champ de la réflexion sur la "condition d'être humain"...
Cela m'a fait penser, dans un autre registre, à un d@ns le texte avec Nabe, où tentant de "trouver des failles"dans le personnage/narrateur/auteur vous en aviez involontairement révélé les vôtres...
Ne serait-ce pas cela l'humanité? Des certitudes qui peuvent se trouver ébranlées/renforcées, des forces qui recèlent des faiblesses et l'inverse, de la "masculanité"et de la "féminité"?
Une bien belle chronique donc, qui m'a touché- mais n'étais-je pas déjà "conditionné à l'apprécier? Peut-être, mais ce qu'il me reste c'est le sentiment d'une grande communauté d'êtres humains et cela ne m'est pas désagréable...
La "sainteté" des liens du sang !?
Jésus Marie Joseph !
Vous voilà mûre pour un poste d'enseignante à Notre-Dame-des-Oiseaux, Judith.
On enseigne, dans les ateliers d'écriture, la différence entre le vrai et le vraisemblable : le récit du vrai a souvent peu de poids parce qu'il manque de construction, de mise en scène ; le vraisemblable, lui, s'articule sur de l'invention, de l'exagération, est régi par une mécanique implacable et parvient ainsi à faire ressentir la vérité.
Privilégier le vraisemblable aux dépends du vrai, c'est ce qu'ont fait les activistes tunisiens.
Pour que jaillisse la vérité.
Petite question, pas tordue (si, si) : aurait-on réussi à échafauder ce mensonge, à y faire croire, à lui donner sa force, son retentissement, si la policière avait été un policier ?

Deuxième question (à moi, celle-ci) : si j'avais eu moi aussi comme ces gens les mains dans le cambouis, si je n'avais pas été confortablement assis devant mon écran dans un pays qui, quand même, n'est pas la Tunisie sous (vraiment sous) Ben Ali, aurais-je participé audit mensonge ?

Ceux qui veulent se la poser, ne vous gênez pas :-)

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