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"Sourires" retouchés de victimes au Cambodge : VICE s'excuse

VICE a publié le travail de Matt Loughrey, un photographe irlandais qui retouche d'anciennes photos en les recolorisant. Problème : sa série sur les victimes des Khmers rouges au Cambodge ne se contentait pas d'ajouter des couleurs, mais fait faussement "sourire" les prisonniers. L'indignation a ricoché jusqu'au ministère cambodgien de la culture, qui a menacé de poursuites. VICE a retiré son article. Récit d'un naufrage Photoshop.

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Ce Matt Loughrey fait ce qui est écrit dans le roman 1984, il réécrit l'histoire, mais pour de bons sentiments. Cela vient de la démocratisation des moyens techniques qui permettent ces falsifications, élément non prévu dans le roman, et du peu d'intérêt personnel de cette personne pour cette histoire (il a l'air de se sentir plus concerné par les camps de la mort allemands). Les conséquences sont une contribution aux fausses informations qui fleurissent en continu. Après, dans l'intimité, une famille fait ce qu'elle veut des photos de ses proches.

« Le sang sèche vite en entrant dans l’histoire » (Jean Ferrat , « Nuit et Brouillard »)


j'ai ris nerveusement en pensant a sa réinterprétation de napalm girl si jamais il décide de s'attaquer un jour a la guerre du vietnam. 


Un parfait salaud. 

Ou parfait crétin.

Je trouve que ce qu'il fait est artistiquement puissant. Il a juste le tort de ne pas assumer faire de l'art plutôt que de la restauration coloriée, mais pour le reste je trouve que ça traduit un truc très fort de rendre la vie aux images comme ça (son animation d'enfant de camp en particulier c'est un truc saisissant de faire revenir comme ça l'éternelle image d'archive vue tant de fois qu'on en a oublié le gosse derrière la victime à matricule à un humain qui bouge, sérieusement ça doit être le plus fort choc esthétique que j'aie eu cette dernière décennie).


Y voir une intention de minimisation c'est très subjectif. Perso je le vois plutôt comme tout le contraire, faire disparaitre la distance qu'il peut y avoir vis à vis de photos d'archives, et ressentir en conséquence toute l'horreur des histoires concernées (ce à quoi on pourrait ajouter un petit coté pop art pour les photos souriantes de la série cambodgienne faisant très profils de réseaux sociaux ou sites de rencontre ce qui les rend encore plus actuelles et peut être source d'un autre choc esthétique où se mêle conscience de la superficialité actuelle, et nouvelle actualité d'une vieille mort qui plane). 

Enfin mon sentiment c'est que c'est quelqu'un qui a une vraie démarche d'artiste (comme le montre sa constance à retoucher des images aux contextes dramatiques), mais n'a pas osé l'assumer et s'est rabattu bêtement sur l'option de présenter son travail comme juste du coloriage historique. 


Après évidemment par contre c'est peu éthique vis à vis des proches encore vivant de le faire sans accord, et plus encore le mensonge par omission sur l'importance des retouches. Rien à dire sur la réaction cambodgienne et suppression de l'article. Mais je souhaite plutôt à ce Matt Loughrey de finir étudié en histoire de l'art, après quelques expos où les vraies photos cotoîraient ses retouches (c'est vrai que seules elles doivent être moins intéressantes que comme présenté ici), que lynché par des historiens et familles de victimes de crimes dans lesquels il n'est pour rien.


(et non c'est pas une opinion impopulaire par plaisir de troller mais tout à fait sincère)

"Je trouve que ce qu'il fait est artistiquement puissant."


Non seulement il ajoute un sourire artificiel, mais il efface le regard originel. Ce regard, justement, qui exprime de façon tellement profonde le désarroi masqué par la dignité. Et qui nous touche au plus vif de nous-même. Longuement.


Perso je trouve ça puissamment malfaisant.

Et bien sûr, cette remarque réfute absolument la question de l'identification abordée plus bas. Le sourire (maquillé) faciliterait l'identification? C'est vraiment mépriser le public "jeune".

Mouais je ne suis pas convaincu, la seconde photo, il ne rajoute pas qu'un sourire, il lui épile les sourcils, lui met du fond de teint, adouci les formes de son visage et met un peu de gloss sur les lèvres. Un procédé très publicitaire et industriel qui est son fond de commerce, 49€ pour redonner de la couleur à vos vieilles photos de famille.


En effet cela pourrait être une démarche artistique intéressante de faire ce travail et de les présenter côte à côte. Mais ce n'est pas ce qu'il fait, on est ni dans une démarche historique, ni dans une démarche artistique, mais dans une démarche de com' pour un service.

Merci pour votre message que je trouve sincère, comme vous l'avez d'ailleurs vous-même annoncé. Dans cette histoire, je ne lisais que des reproches sur l'Ethique, c'est à dire des jugements moraux sur le résultat de ces opérations, mais pas sur le cheminement intérieur qui a pu amener ce monsieur à modifier ces photos. Il est probable qu'il ait le même rapport à la réalité que ses "viewers".

Ayant également lu le message très intéressant de Browny, qui explique fort bien qu'il s'agit là d'une rupture générationelle entre ceux qui considèrent l'image d'archive comme un témoignage de la réalité et les "digital native" qui y n'y voient que matière à transformations artistiques, je me permets de vous demander, Carnéade, si vous consentiriez à nous donner votre âge afin de mieux comprendre.

Je crains que vous ne succombiez à un préjugé lié à l'âge. 


C'est qui, un "digital native" ? Quelqu'un qui est né dans le numérique ? 


Si oui, quand, d'après vous démarre l'âge du numérique ?

 Ceux qui sont à l'origine de l'expansion du numérique et qui naviguent aujourd'hui autour des trois quart de siècle, voir plus, sont-il exclus de ces "digital native" (expression qui ne veut rien dire d'ailleurs) ?


Et enfin, que pensez-vous de la "transformation artistique" qui consiste à s'emparer d'une image d'un enfant martyrisé pour en faire une source de revenus ?


S'agit-il d'un problème d'éthique lié à l'âge ?

 

48 ans.


Enfin je pense que c'est plus lié au fait que je n'ai beaucoup évolué dans un milieu d'artistes, ou candidats à le devenir, à une époque, et toujours été favorable à une très large licence artistique (d'autant que dans mon art, le conte, on se tapait des intégristes de la tradition particulièrement pénibles). Et que par ailleurs je ne suis pas croyant, et encore moins en une vie après la mort où ils se soucieraient de leur droit à l'image.


D'où je ne vois de problème qu'à ne pas avoir demandé l'autorisation de leurs proches, ou menti sur sa démarche.

Quant à ce qui est "exploitation de génocides" des centaines d'auteurs de livres, films, bd, séries... et documentaires utilisant de vraies images dont parfois colorisées/retouchées sans accord des intéressés, ont fait leur beurre là dessus, c'est une accusation qui vaudrait envers tout ce monde ou personne.

Ces retouches dont vous parlez ont-elles transformé des images de souffrances en rigolades ?


Visiblement c'est ce qui fait que sa démarche en choque plus que d'autres, donc j'imagine que non.


Mais ça me semble un critère un peu faible quand il y a des 'exploitations de génocides' utilisant carrément le rire, voire ne visant qu'à en susciter, qui sont régulièrement tolérées (sauf exception d'un artiste clairement et ouvertement négationniste).


Enfin si c'est le problème la question d'usage de vraies images ou pas me semble avoir pris une importance démesurée par rapport au message (jusqu'à s'y substituer pour ceux qui décrètent que les sourires et réactualisations ne peuvent être là que pour minimiser, quand il me semble qu'ils peuvent viser autant à rendre le crime encore plus horrible en augmentant la proximité avec les victimes).


A mon avis si un journal pour jeunes et plutôt progressiste comme Vice les a publié c'est un peu pour ça d'ailleurs, c'est une manière de toucher d'avantage / créer plus d'identification chez une génération très loin de l'ère du noir et blanc (et aussi de celle où des photos non photoshoppées étaient la règle plutôt que l'exception).

Votre dernier paragraphe pointe une démarche de plus en plus répandue : Penser que placer l'art ou toute autre discipline à portée des nouvelles générations, est l'adapter à leur compréhension supposément limitée.

L'inverse d'une vulgarisation intelligente.

Je ne pense pas que ça ait un rapport avec essayer de toucher un public en jouant sur l'identification. Je ne pense pas que les jeunes y soient plus sensibles que d'autres.


Prenons justement le film le plus célèbre et célébré sur le génocide cambodgien, La Déchirure. Des milliers de récits de vie sur celui ci, il est choisi d'adapter une histoire qui fait presque autant pleurer sur le white man's burden d'un journaliste "sauveur blanc" du NYT obligé d'y abandonner son interprète que sur le génocide lui même (... pourrait écrire quelque critique fielleux sur un blog genre Le Cinéma est Politique).


Mais certainement la proximité que crée d'avoir pris pour personnage central l'américain (comme officialisé par l'oscar... du second rôle revenant à Haing S. Ngor dans le rôle de Dith Pran) n'est pas pour rien dans son succès auprès du public occidental visé, ayant plus de facilité à s'identifier à lui (ce qui entraina une explosion de l'intérêt et des dons à des charités pour le Cambodge -dont certaines où se sont impliqués les acteurs réels et acteurs tout court de ce drame- dans les années suivant sa sortie).


A coté de ça, un absolu chef d’œuvre documentaire, L'Image Manquante, et un très bon film tourné en cambodgien avec des acteurs inconnus, D'abord ils ont tué mon père, ont été des succès critiques et pourraient tout autant être vus comme "Le" film définitif sur le sujet, mais ils n'ont pas rencontré un tel succès public, et bien que beaucoup plus récents semblent déjà plutôt oubliés (ou placés systématiquement derrière la Déchirure dans les listes de film sur le sujet).


Pas pour dire qu'il faille préférer faire l'un ou les autres. Mais si le but est d'intéresser à un sujet, jouer sur l'identification/proximité avec le public visé n'est pas la moins efficace des tactiques (tendance qu'on peut retrouver aussi, dans des films comme Little Big Man, Le Soldat Bleu ou Danse avec les Loups sur le génocide amérindien, etc...).


Occasion de suggérer un Post-Pop sur le sujet.

Mais «créer plus d'identification» je ne vois pas en quoi ce serait si bien ni précieux. Si on est pas maquillé avec un sourire de dentifrice à 12 ans c'est pas grave si on est massacré? La vie de ces gamins jusqu'à ce dernier cliché funeste, n'a effectivement probablement pas grand chose à voir avec celles de nos ados. En tout cas ce principe de «rapprocher» ne me paraît pas suffisamment nécessaire pour justifier ce détournement, surtout qu'il existe d'autres manières, sans déformer la réalité, de le faire.


Mais le plus abject, est que dans l'interview de Vice, quand on lui pose la question sur les sourires, au lieu d'expliquer ses interventions, il psychologise les victimes pour expliquer pourquoi elles sourient:


«We smile when we’re nervous. We smile when we have something to hide. One of the classic things is to try to be friendly with your captor. So a smile would seem natural. I'm sure it's very easy for the oppressor to smile, because they have all the power. And when you see a smile, you may try to mirror it in order to become synchronised with your captor. To make yourself feel like you have some control.»


Ok là dessus j'ai aucune excuse pour lui.

Encore merci kusto.


Créer plus d'identification, démarche artistique ou quoi encore, j'hallucine. 

Je vois pas en quoi ces fausses images pourraient créer une once de quoi que ce soit ,tellement que ça se sent que c'est à côté de la plaque. 

Artistiquement, j'ai pas la science infuse, mais 1- dans l'art il y a l'esthétique, là c'est raté tellement que c'est laid (parce que transpirant le faux, parce que pas d'émotion), et 2- le "Concept" (la démarche si on veut) là aussi je vois pas, et c'est encore pire si on lit son explication.


Et pour l'identification, c'est vraiment prendre les jeunes pour des cons, comme s'ils ne pouvaient être sensibles à une image vraie et forte ?! Je veux bien qu'ils aient été élevés à la pub et au superficiel mais franchement je veux pas croire qu'ils soient si cons, sinon on se tire une balle tout de suite.

non mais tant qu'à "rendre vie", je trouve qu'il aurait dû animer tous les portraits pour leur faire dire, d'une voix souriante, policée, avenante et transpirant la joie de vivre "j'ai été arrêté, torturé, emprisonné, et ils vont sans doute me tuer" (en anglais bien sûr parce que merde, faut qu'on puisse les comprendre).

c'est vrai quoi, si les gens qui souffrent ou sont en colère ou désespérés étaient aimables et souriants au lieu de faire la gueule, et communiquaient correctement au lieu de chialer et de crier ou pire de refuser de parler, ils seraient plus sympa...

Vous ne dites pas un mot de la démarche artistique de l’auteur. Je suis partagée, oui cela peut donner une impression d’humanisation du génocide mais... cela rend aussi les victimes très proche du spectateur, elle devient quelqu’un de proche, de complice. Je ne serais pas si univoque, d’où l’importance de connaître la démarche artistique.

D’habitude, vous valez mieux que ceux qui hurlent avec la meute et d’hystérisent au moindre tweet.

Déçue du manque de recul.

Je suis pris d'un dégoût profond à l'égard de ce Matt Loughrey

Je ne sais comment une telle idée peut germer dans un esprit

Comment est-ce possible


Par une proximité d'histoire familiale me révolte en particulier cette animation dégueulasse de la petite enfant du camp

mais chaque photo vue à la lecture de cet article m'a poussé à croire que ce Loughrey était un immonde personnage


"There is not past, no future; everything flows in an eternal present." James Joyce

ces gens continuent de vivre en nous, nous devons en respecter le souvenir

Auchwitzt , c'est pas ce qu'on pense , c'est le club Med qu'a mal tourné après une gastro ....

les premiers commentaires sont assez rétrogrades ! 


voir les gueules cassées de 14 hilares ce serait un sacré progrès non  ?


(petite pensée à mon papi Paul qui était au chemin des dames )


c'est fou... comment peut-on faire ça ? ou alors présenter les deux versions côte -à-côte et assumer, comme un travail d'artiste, cette falsification - quand même assez tordue... d'un autre côté il nous est interdit de sourire sur nos propres photos d'identité...

Sur la photo de la prisonnière des années 20, il n’a pas retouché que le sourire, mais les pommettes, les cheveux, le menton, la taille du visage ...

Doit-on en sourire? Ou hurler face à tous ces falsificateurs de l'histoire qui souvent sont accueillis avec délectation par les animateurs, tous média confondus? L'ignorance a de beaux jours devant elle et on peut compter sur ceux normalement chargés de nous informer...

Mais avec la généralisation des expressions "Khmers verts" ou "ayatollah écolo", il ne faut plus s'étonner de ces détournements de l'histoire.

Cet ajout de sourire n'est finalement que l'aboutissement logique, le point godwin, de toute une tendance malsaine qui court depuis une dizaine d'années, et qui pense très sérieusement devoir "améliorer" les images d'archives, en faire un élément de divertissement, sans aucune réflexion sur ce que cela implique ou veut dire sur le plan éthique (ça me fait toujours penser à ce sketch de Groland où Valérie Damidot allait repeindre Auschwitz en jolies couleurs).


Ça avait été tout un débat houleux autour de la série TV documentaire "Apocalypse" (même si je trouve encore que dans ce cas ça pouvait vaguement se défendre), mais c'est plus généralement un truc qui inonde internet depuis 3/4 ans, depuis que des intelligences artificielles permettent de recoloriser n'importe quoi. On a alors des vidéos posant des questions éthiques beaucoup moins graves, mais relevant de la même pensée, avec par exemple n'importe quel film des frères Lumières, qui sont pourtant des œuvres à part entière, passées en "4K 60fps couleurs sonorisées" par le premier Kévin du coin, et qui voient une foule de commentateurs s'extasier de combien la technologie permet de "restaurer" les films. Il y a en somme une confusion totale entre ce qu'est un travail de restauration, et de réinterprétation (j'imagine que dans 10 ans ont rajoutera des beats à Mozart, et on re-contrastera la Joconde, pour les "améliorer" eux aussi). Ces détenus souriants ne sont finalement que l'aboutissement tristement logique de cette tendance.


Bref, c'est un mouvement qui m'inquiète pas mal, mais qui n'est finalement pas si surprenant à l'ère instagram, où une image n'est plus un témoin ou une capture de la réalité, mais une construction complète et irréelle devant d'abord tenir lieu de vitrine. L'exemple final de la peau de la détenue est en cela absolument parlant. C'est aussi peut-être, plus simplement, le témoin d'une génération ayant entièrement grandi avec le numérique (plutôt que l'ayant vu advenir), et pour qui une photographie ou un film n'a plus la valeur de preuve qu'elle a eu pour tous durant plus d'un siècle, mais est devenu quelque chose plus proche de la peinture ou du dessin, puisqu'on peut totalement la trafiquer/retoucher, et qu'en cela elle n'a plus aucun de pouvoir à attester d'aucune réalité.

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