Une tempête de ciel bleu
Dans une chronique du 5 septembre dernier intitulée Oradour, impressions, Daniel Schneidermann écrivait : « Ce ciel bleu d'Oradour, en ce 4 septembre, qui éclate en direct sur les images de France 2. Ce ciel bleu insolent, incongru sur la scène de la barbarie, cette scène que l'on voudrait figée dans une condamnation à perpétuité au noir et blanc, cette "tempête de ciel bleu", tweete une journaliste. » Il est vrai que les massacres nazis s'accordent mal avec le beau temps insolent, le gai pépiement des oiseaux, les tempêtes de ciel bleu.
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Derniers commentaires
Le choix graphique de la neige efface les traverses des voies et l’herbe. De ce fait, n’apparaissent que les deux rails bien implacables, en perspective :
Inexorablement, il n’y a pas d’échappatoire.
Il a dû y avoir beaucoup de ciels bleus à Auschwitz, pour l'herbe bien verte probablement moins, en tout cas pas dans l'enceinte du camp. J'ai souvenir d'une survivante nous raconter qu'il n'y avait que de la terre nue, y aurait-il eu de l'herbe qu'elle aurait immédiatement été mangée.
et ce n'est pas rien, cette histoire de ciel bleu, de torture et d'oubli
comme dans ce poème d'Aragon :
Il fait beau à n'y pas croire
Il fait beau comme jamais
Quel temps quel temps sans mémoire
On ne sait plus comment voir
Ni se lever ni s'asseoir
Il fait beau comme jamais
C'est un temps contre nature
Comme le ciel des peintures
Comme l'oubli des tortures
Il fait beau comme jamais
Frais comme l'eau sous la rame
Un temps fort comme une femme
Un temps à damner son âme
Il fait beau comme jamais un temps à rire et courir
Un temps à ne pas mourir
Un temps à craindre le pire
Il fait beau comme jamais
Tant pis pour l'homme au sang sombre
Le soleil prouvé par l'ombre
Enjambera les décombres
à écouter par Ogeret
et je crois bien que c'était sur le même disque que l'affiche rouge.
si ça se trouve, c'est peut-être, au contraire, pour rendre l'horreur moins insoutenable qu'on la couvre de neige et de gris.
...des enfants jouent sur la place du marché quand, à l'horizon, apparaît l'escadrille des Heinkel-111, puis celle des Junker-52...
(d'après " Les dernières heures de Guernica " de Gordon Thomas, et Max Morgan-Witts).
Quel temps faisait-il à Guernica le 27 avril 1937 à 16h ?
Cependant, pour dénoncer ce massacre terroriste plus proche de ceux de Lidice (10 juin 1942) ou d'Oradour-sur-Glane (10 juin 1944) que du génocide d'Auschwitz, Pablo Picasso s'est aussi limité à n'utiliser que du gris, du noir et du blanc.
Vous parlez, dans "le chien, meilleur ami du téléphone", des humains qui ressemblent au chien qui les accompagne. J'ai aussitôt pensé au début des 101 dalmatiens. Si mon souvenir n'est pas trop perturbé par le temps écoulé.
Le fait que la photo d'Auschwitz passe à la postérité associé à une saison a peut-être une autre raison.
L'humeur (tristesse, joie, mélancolie...) qu'on préfère en phase avec la météo, c'est un cliché qui s'impose sur Oradour comme il s'impose sur plein d'événements. Nos conversations au quotidien sont pleines de ces remarques qui associent la pluie et le beau temps aux faits qu'on raconte avec l'air de chercher une conclusion, de témoigner d'un phénomène, preuve éventuelle d'un lien mystérieux, et puis rien, qu'on tourne les choses dans le sens qu'on veut, rien de rien.
Alors que l'hiver définitif de l'image d'Auschwitz n'est pas un simple constat de la non-signification inacceptable du fond sonore des phénomènes célestes envers les malheurs extemporanés.
Mettre une image dans un hiver définitif, c'est empêcher le printemps. Tenir hors de portée à jamais la renaissance. C'est pas garantie- garantie que ça fonctionne.. Mais par pure superstition, si faut vraiment du vert et du bleu, on pourrait mettre l'herbe bleue et le ciel vert.
Il s’envola au fond de la rivière.
Les pierres en bois d’ébène, les fils de fer en or et la croix sans branche.
Tout rien.
Je la hais d’amour comme tout un chacun.
Le mort respirait de grandes bouffées de vide.
Le compas traçait des carrés et des triangles à cinq côtés.
Après cela il descendit au grenier.
Les étoiles de midi resplendissaient.
Le chasseur revenait carnassière pleine de poissons
Sur la rive au milieu de la Seine.
Un ver de terre, marque le centre du cercle sur la circonférence.
En silence mes yeux prononcèrent un bruyant discours.
Alors nous avancions dans une allée déserte où se pressait la foule.
Quand la marche nous eut bien reposé
nous eûmes le courage de nous asseoir
puis au réveil nos yeux se fermèrent
et l’aube versa sur nous les réservoirs de la nuit.
La pluie nous sécha.
Robert DESNOS
Recueil : "Langage cuit"
Gain de lumière, mesurable, ressemblant
au chardon :
Un peu
de rouge, en discussion
avec un peu de jaune.
Le voile de l’air devant
ton œil désespéré.
Le dernier grain de sable
chevauchant.
(les massifs de fleurs, autrefois,
les mots tout sourire du Marchfeld,
de l’herbe des steppes là-bas.
le manège mort, sonne.
Nous tournions encore et encore.)
La chevauchée du grain de sable, l’œil,
à elle habilement lié.
Les portes des heures et
leurs bruissements.
Le monde, avançant
vers nous dans l’heure vide :
Deux
troncs d’arbres, noirs,
sans branche, sans
nœud.
Et dans la traînée du réacteur, coupante,
une pale isolée.
Nous aussi, dans le vide,
nous nous tenons près des drapeaux.