"Vous aussi, vous l'appeliez Richie ?"
Les médias en ont-ils trop fait sur la mort de Richard Descoings? Lancements grandiloquents dans les JT, Une de journaux, double pages,.. Son décès, dans la nuit de mardi à mercredi, à New-York a été amplement traité dans la presse. Descoings a marqué indéniablement Sciences po, avec l'ouverture de l'école aux classes de ZEP; il avait aussi été pressenti plusieurs fois pour devenir ministre de l'Education nationale. Mais il avait aussi suscité la polémique, pour son salaire très élevé, ou encore à cause de la suppression de la culture générale au concours. Médiapart avait pointé aussi des superbonus distribués de manière opaque par Richard Descoings aux dirigeants de l'école. Un élément que les JT ont abordé très rapidement.
Abonnez-vous pour pouvoir commenter !
si vous êtes déjà abonné Connectez-vous Connectez-vous
Derniers commentaires
1è réaction : on s'en fout
et puis après, on nous dit que c'est étrange de pas en parler, puisque c'est vrai.
Ok.
Je me fous juste de toute sexualité quelle qu'elle soit quand elle appartient à une personnalité publique. Sa vie privée ne me concerne pas à partir du moment où elle n'interfère pas avec sa vie publique.
1. D'abord les allusions subtiles à la vie privée de monsieur Descoings dès les premiers articles.
Ainsi par exemple dans Libération (4 avril): "En déplacement à Montréal, Guillaume Pepy, patron de la SNCF et ami très proche de M. Descoings, a été appelé pour se rendre sur les lieux du drame, ont précisé à l'AFP des sources proches de la famille."
Puis vers la fin: "M. Descoings avait récemment regretté son "outing forcé" : "je ne vois pas ce que ma prétendue homosexualité a à voir. C'est en plus survenu à l'occasion de mon mariage. Que répondre ? Que je ne suis pas homosexuel ? Non, rien"."
Je cite Libération, mais des traitements similaires se trouvaient dans d'autres journaux.
Ne connaissant a priori rien des rumeurs concernant le directeur de Sce Po, quand j'ai lu cet article, les deux paragraphes que je viens de cite ont provoqué chez moi la même réaction: pourquoi est-ce qu'on nous parle de ça?
On nous en dit trop ou trop peu! Soit c'est une non-information, et il ne fallait pas en parler. Soit c'est une information, et il faut l'expliciter, dire ce qu'on veut dire et le contextualiser. En l'état, cet article correspond à l'attitude du "comprenne qui pourra". C'est une presse pour les happy few qui ont les informations nécessaires pour lire entre les lignes. La plèbe a quant à elle le droit de lire sans comprendre.
2. Le concert de louanges interdit tout débat sur le fond.
De Descoins, il est impossible de dire du mal.
Certes, on a rappelé çà et là le scandale concernant ses émoluments, le débat sur la discrimination positive, l'autre débat concernant la supression de l'épreuve de culture générale. Mais dans (presque) tous les cas, ces légères réserves étaient encore un moyen de le valoriser: c'était un homme qui aimait les défis, qui n'avait pas peur de déplaire.
Parmi les exceptions, on peut citer l'article de Natacha Polony intitulé "Richard Descoings, l'homme pressé de Sciences Po" (Le Figaro 4 avril). Il me semble en effet que cet article est l'un des seuls à soulever la question de fond: Descoings, c'est une certaine vision de l'enseignement supérieur.
Je ne doute pas de ses qualités. Il a certainement apporté beaucoup à Sciences Po. Mais il était aussi critiqué pour la faiblesse de la recherche à Science Po, l'affaiblissement de l'enseignement de l'histoire, ce qui faisait dire à certains que Sciences Po se transformait en école de commerce. A l'extérieur de son établissement, il prônait aussi le développement de lieux d'excellence, avec une visibilité internationale, le goût pour l'évaluation à court terme. Cette démarche était totalement en phase avec l'évolution mise en œuvre par le gouvernement actuel en matière d'enseignement supérieur et de recherche: la loi LRU, l'évaluation des enseignants, les Idex (Initiatives d'Excellences).
Pour les détracteurs de cette évolution, elle correspond à une logique de type marketting, à une gestion non démocratique, et finalement à une gestion inefficace car inadaptée à la logique de la recherche.
J'ai été choquée de constater que tous les représentants de la classe politique ont pleuré son décès, quels que soit les partis. Je l'ai perçu comme l'annonce que rien ne changera dans ce domaine, même s'il y a alternance.
Philippe Meyer, à la fin de son émission "L'esprit public" a très finement analysé et exprimé ce que j'essaie de dire ici. Il décrit les réactions de la presse en disant qu'on en a fait un saint immédiatement (comme dans le cas de Jean-Paul II) et qu'on a jeté un anatème sur toute personne tentant de le critiquer. Il cite enfin Marcel Gauchet qui (parlant d'un autre sujet) disait que la presse est: "réactionnelle, émotionnelle, sensationnelle, compassionnelle". Et Philippe Meyer de conclure que tout cela est indécent.
Oui, c'est indécent, et il serait bien, y compris par respect pour la mémoire de Richard Descoings, que l'on puisse débattre de l'enseignement supérieur en remettant en question la vision qu'il en avait.
avec des phrases comme 'L’un a révolutionné l’informatique, l’autre a révolutionné l’enseignement supérieur'
me fait halluciner!!!!
J'ai cru comprendre que nombre des "grands journalistes" qui hantent les directions et les rédactions des médias dominants étaient souvent invités à donner des cours (contre - grasse? - rémunération, je suppose) à Sciences Po. Il y aurait peut-être là un lien, non?
- quelqu'un qui meurt "jeune" c'est toujours triste (cela dit j'ai plusieurs amis morts plus jeunes sans avoir eu le droit à ces panégyriques alors qu'ils le méritaient à mon sens au moins autant que Descoings - notamment un ancien enfant de la DDASS devenu prof d'échecs dans des quartiers assez difficiles du 94 et qui a laissé un souvenir merveilleux par sa générosité partout ; mort pauvre, à peine quadra, sa concession au cimetière a été payée par nous, ses amis...)
- plusieurs de mes amis avaient déjà discuté avec lui, il payait facilement son coup à des élèves, et discutait semble-t-il assez aisément avec tout le monde. Ce n'est pas le cas de tous les personnages de son importance sociale et hiérarchique, et de ce côté il me semble évident qu'il était un exemple à suivre. Quand on dirige une grande école, on en fait la vie, et on délaisse d'autres éléments ; les universitaires le voyaient d'un drôle d'oeil car il n'était pas docteur et ne faisait pas de recherche, mais ceux qui veulent à tout prix continuer leurs travaux de recherche tout en dirigeant des départements ou universités font souvent mal. Il permettait une remise en cause de ce point de vue.
- sa politique d'ouverture aux ZEP peut se discuter (homéopathique, gérée concrètement assez mal avec un "sas" qui les mettait à part - un copain entré à l'IEP en 1A, qui était en ZEP, mais est rentré par le concours principal, m'a dit que cela changeait beaucoup de choses ; un autre qui est rentré par la CEP - et était SDF l'année précédent son entrée à Sciences Po... m'a dit qu'effectivement, il était resté quasi exclusivement avec des amis de la CEP pendant ses deux premières années) mais a tout de même fait beaucoup de bien, au moins par la relance de la thématique : les critiques les plus virulentes sur ce thème ont au moins été entendues !
- sa politique pour les boursiers, et l'augmentation des frais de scolarité d'enfants de riches est très bonne (et me sert :p). Un gros bémol : c'est dur pour les étudiants étrangers qui sont assujettis (sauf arrangement) à des frais exorbitants.
- le fait que dès l'annonce de sa mort, sa nudité avait été évoquée, m'a laissé craindre le pire. "Tout le monde" savait que Richard Descoings était marié parce qu'il s'entendait bien avec sa femme, mais que ses préférences personnelles étaient ailleurs. Maintenant, cela a-t-il sa place dans les médias ? Hier, les premières dépêches liées à son homosexualité sont sorties... et j'imagine que la presse à scandale, ou la presse caniveau de droite qui s'était délectée de DSK, vont reprendre certains de ces éléments.
Mais pour autant, avec d'autres élèves et jeunes chercheurs, notre première interrogation est allée sur le terrain des médias : comment et pourquoi en parlent-ils autant, alors qu'une très grande majorité des Français ne savaient pas qui il était ? Pourquoi l'affaire des bonus est-elle à ce point évincée ? Recevant les mails internes pour élèves et pour salariés, j'ai vu au moment de cette affaire des tons différents, et une manière de gérer la chose assez maladroite selon moi. Malheureusement, les mobilisations conjointes entre salariés et étudiants étaient assez faibles, les quelques AG n'ont pas donné grand-chose d'après les échos que j'en ai eus (moi-même, j'étais alité suite à une opération, donc impossible de militer à ce moment). Dans les mails internes, le rappel que tous les salariés étaient mieux lotis que leurs équivalents en université publique a eu je crois un certain effet... et les élèves, qui savent bien se mobiliser politiquement, sont plus éclatés quant aux questions liées à l'établissement lui-même : Sciences Po, ce n'est pas un bloc commun, mais des milliers d'élèves dans des formations très différentes, qui ne se connaissent pas.
De ce côté, il faut distinguer les élèves du collège universitaire, ceux qui sont entrés à Sciences Po entre 16 et 18 ans, après le lycée, et ont eu plusieurs fois par an des grands discours de Descoings, ont adoré faire les week-ends en commun, les galas, etc., et donc voir ce même Descoings dans des circonstances festives... et les étudiants, très nombreux, qui n'avaient aucun lien en particulier avec lui.
Dans mon cas, je suis assez atterré par le fait que certaines sections plus "vendeuses" (journalisme, communication...) sont richement dotés et les élèves défrayés à chaque voyage, voire invités pour des voyages d'agrément, alors qu'en recherche, nous nous retrouvons à peine défrayés d'une partie de nos voyages nécessaires à nos travaux, et que nous avons relativement peu de bourses distribuées par Sciences Po. Le salaire de Descoings (25 000€/mois ?) était plus de 10 000€ ou 15 000€ supérieur à celui qu'un président d'université reçoit. Cela fait dix bourses de recherche pour doctorants...
Il nous avait envoyé (aux salariés) par mail les échelles de salaire dans les directions, certaines allaient de 1 à 3 ou 4, d'autres de 1 à 10 : c'est bien trop ! Et je voudrais bien connaître le salaire d'un Dominique Reynié par exemple...
Le souci avec ce déferlement médiatique consensuel, c'est qu'en sens inverse, des gens par ailleurs intelligents disent n'importe quoi sur Sciences Po. Entre ceux qui disent qu'on n'y fait aucune recherche, ceux qui disent qu'il n'y a que des enfants de bourgeois et quelques cautions ZEP, ceux qui disent que c'est le temple de l'ultra-libéralisme et qu'on y formate les esprits... que de critiques mal placées, et dès lors inopérantes !
Pour ceux qui l'ignoreraient, Ekoué, du groupe La Rumeur, a fait Sciences Po ... libéral ? Formaté ?
Le NPA, le FDG, des mouvements féministes, y ont été "validés" dans la procédure de vote de début d'année par les élèves ; le MoDem et le parti de DDV non ; le FN ne s'y présente pas...
Sans demander à ce que l'on cherche un "juste milieu" entre critiques et louanges, j'aimerais bien que - médias établis comme blogueurs militants - chacunes soient adressées à bon escient. Les critiques envers Sciences Po doivent être nombreuses, mais précises, et critiquer non pas l'établissement en général mais en son sein ce qui ne fonctionne pas ; les louanges doivent aussi prendre en compte cette diversité, et le rapport de Sciences Po aux autres composantes de l'Université française...
Juste un hors sujet pour dire que je me suis réabonné par Tacite (2000 avant moi-même) reconduction et que j'invite tous les vrais gens à faire de même.
Merci pour tout à l'équipe.
PS: Savez-vous (c'est toujours hors-sujet, mais la modération pourra me rediriger) que Bertrand Monthubert à été élu avec une joviale majorité à la tête de l'université Toulouse III (UPS). Il ne faut jamais déserpérer des hommes.
"Spécial dédicace" à Hugues Chap...
Sur France Culture en revanche, quasiment pas un mot.
Reste plus qu'a inviter Pascale Clark.
et puis assez sur ce directeur de grande école , c'est triste pour sa famille, mais franchement on s'en fout.
Je n'avais évidemment pas songé à l'endogamie, qui me paraît logique, maintenant que je le lis (mais j'ai pas eu l'idée : gromph !!).
Où comment perdre du temps, faire du foin pour rien, satisfaire une élite.
Ca fait plusieurs jours que je me demande : mais pûûûrée, c'est qui ce gars ?!? Pourquoi ils en font tous un foin dément de sa mort et de sa soit-disant action merveilleuse-ouh-mon-dieu-c'était-trop-génial ?!! Le gars était juste directeur d'une école de formatage d'un maximum d'esprits à la connerie en série !
Et donc, voilà, merci à @SI / Laure Daussy d'avoir si clairement donné la réponse (le "peut-être" n'étant que de la précaution journalistique, respectable mais inutile en l'espèce à me faire douter).
Le journalisme est vraiment très très malade en France. Peut-être même qu'il est déjà mort, et que ce ne sont que des zombies que l'on voit et entend à la télé et à la radio... Brrrrr !
C'est normal: sur TF1, pour faire interviewer politique, un brevet des collèges suffit!!!
Je sais, ça veut strictement rien dire, mais c'est pas plus con qu'anthropomorphisme.
Et moi j'ai des excuses. Je suis pas journaliste.
En tout cas, article plein d'à-propos.
Au passage, l'intervention d'un étudiant de Sciences po hier au Grand Journal était, dans son genre, assez surréaliste. Pompeuse et grandiloquente à souhait.
Pour le reste, asinum asinus fricat.