Start-up : Le Monde "oublie" de rappeler le code du travail
Brève

Start-up : Le Monde "oublie" de rappeler le code du travail

"Mi-Macron, mi-Nuit debout"... et hors la loi ?

Le Monde faisait ce week-end le portrait d’une start-up spécialisée dans le développement de sites Internet et d’applications, à l’organisation du travail originale : "neuf passionnés d’informatique […] âgés de 19 ans à 26 ans, partagent une maison et leurs compétences". Comme dans une colocation, "tout est fait en commun" : "Le rituel du matin, c’est réveil aux alentours de 10 heures, enfin, quand on n’est plus fatigué, chercher les œufs, faire le café et les gaufres", raconte un des fondateurs. "Le soir, vers 22 heures, tout ce petit monde dîne, assis dans un canapé d’angle situé au fond de la pièce, derrière les écrans d’ordinateurs, les fers à souder et les enceintes connectées", poursuit Le Monde. Derrière l’entreprise ? "L’idée est née en 2014 à la suite d’une rencontre entre Paul Poupet, 24 ans, aujourd’hui patron de la jeune entreprise et Robin Lambertz, 20 ans, diplômé de l’Ecole 42". Deux entrepreneurs ensuite rejoints par un ancien de l’Ecole centrale et deux anciens de l’Ecole 42. Une école fondée par Xavier Niel, "par ailleurs actionnaire à titre personnel du Monde", comme le rappelle le quotidien.

Le Monde tente donc d’analyser cette organisation, "à la frontière entre une flexibilité du travail d’inspiration libérale assumée, inspirée d’un modèle entrepreneurial porté par Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, et la revendication d’une plus grande horizontalité dans les rapports hiérarchiques, défendue notamment par les «nuitdeboutistes»".

Problème : plusieurs des aspects de la vie de cette start-up semblent en contradiction avec le droit du travail,comme le souligne le blog de deux graphistes qui fustige les méthodes de la start-up, sans que Le Monde ne prenne le soin de le préciser. Dans l’article du quotidien, on apprend ainsi que Seed-Up a par exemple "dû augmenter la cadence pour répondre aux commandes, et il a fallu renforcer l’équipe, trouver de la main-d’œuvre qualifiée et rentable". Ni une ni deux : "trois stagiaires ont renforcé les troupes, pour six mois".

Sauf que faire appel à des stagiaires pour occuper une "tâche régulière correspondant à un poste de travail permanent" ou "pour faire face à un accroissement temporaire de l'activité" est strictement interdit par la loi. Une précision qui n’est jamais apportée par l’article du Monde. Or, les stagiaires semblent bel et bien occuper ce type de postes dans l’entreprise. L’un d’eux, 26 ans, est par exemple "responsable de toute l’interface graphique des projets". Une autre de 19 ans est, elle, "responsable de la communication".

il est "interdit de faire travailler un même salarié plus de six jours par semaine"

Et leur "recrutement, très sélectif" s’apparente d'ailleurs bien plus à de véritables procédures d’embauche qu’à une procédure classique pour les stages, qui sont définies par la loi comme "des périodes temporaires de mise en situation en milieu professionnel au cours desquelles l'élève ou l'étudiant acquiert des compétences professionnelles et met en œuvre les acquis de sa formation". Pour avoir la chance d'être stagiaire chez Speed-Up, "après examen du curriculum vitae, les candidats planchent, jusqu’à quatre heures, sur des sujets techniques de développement informatique, avec l’aide des potentiels futurs colocataires". Et ce n'est pas tout : après un entretien d'embauche, un dîner constitue la "dernière étape du recrutement".

Trois stagiaires pour six mois : la politique de "recrutement" de la start-up correspond exactement au maximum autorisé par la loi, tant en termes d’effectifs que de durée de stage. Mais pourquoi "recruter" trois stagiaires pour des postes permanents, plutôt que des CDD, prévus pour ça ? Plutôt que de payer un salarié au SMIC avec les charges sociales (soit environ 1 500 euros), l’entreprise préfère sans doute "gratifier" trois stagiaires, dont la gratification mensuelle mininum n’est que de 554 euros mensuels. "On commence, donc c’est une question de coût", assume d’ailleurs un des fondateurs, Paul Poupet.

Et les "entorses" au droit du travail ne concernent pas que les stagiaires. "«On travaille tous les jours, samedi et dimanche compris», lance Paul Poupet à ses employés, en guise de rappel. Un manège qui n’a pas échappé aux voisins, habitués à voir «de la lumière à tous les étages en permanence et les jeunes pianoter sur leurs claviers comme des fous»", rapporte Le Monde. Si travailler "tous les jours de la semaine" est sans aucun doute une organisation originale pour une entreprise, c’est surtout - et toujours - interdit par la loi. Le Code du travail précise en effet qu’il est "interdit de faire travailler un même salarié plus de six jours par semaine". Et les règles sont encore plus strictes pour les stagiaires, qui doivent "bénéficier du repos dominical" et ne peuvent "accomplir d’heures supplémentaires".

Contacté par @si, le journaliste du Monde Maxime François estime que ce n'était "pas à [lui] de juger" de la légalité ou non d'une pratique : "Ca serait à un juge de le faire. Pour moi tout est dans le papier, après à eux [les fondateurs de Seed-Up] d'assumer ou non leurs propos. Moi je les ai interrogés, mais aussi les stagiaires, ou les voisins. Après je comprends que ça soit un débat d'actualité, sur les stagiaires, le droit du travail. Ca fait réagir, et tant mieux."

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