Eldinisation du politique
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Eldinisation du politique

C'est un étrange feuilleton, qui a commencé dans les rubriques politiques sérieuses, et se termine chez un amuseur.

Dimanche dernier, un "ministre influent", cité par France Info, estime que les listes PS et Les Républicains devraient fusionner au second tour des Régionales, pour barrer la route au FN. Un ministre influent, et anonyme, bien entendu. Fureur du premier secrétaire du PS Cambadélis : "soit il se nomme, soit il se la ferme" rugit-il (France Info assurait pourtant que le "ministre influent" avait fait part de sa suggestion à Cambadélis. Quand il le somme de "se nommer", Cambadélis le connait donc. C'est un aspect annexe de l'affaire).

Quelques jours passent, l'anonymat du"ministre influent" est préservé par les journalistes politiques. Là-dessus, déboule à l'Assemblée le rigolo du Grand Journal de Bolloré, Cyrille Eldin. Absence de surmoi, tête à claques, génie de la répartie : Eldin reprend le rôle créé à la télévision par Laurent Baffie. Et, de blague en blague, interrogeant "les petits" et "les aigris", il entreprend une enquête apparemment blaguesque. Au député de La Rochelle Falorni : "un nom, un nom, vous n'avez aucun mal à dénoncer". A Balkany, en intermède : "c'était bien, ces vacances à Paris ?" Survient enfin le député PS "frondeur" Laurent Baumel, mutin : "quelque chose me dit que tout le monde sait qui c'est". Eldin : "Oh ! On se rapproche. C'est qui ? C'est un ministre un peu ambigu, pas trop de gauche ? Un peu de droite ? Aidez-moi ! Des initiales !" "Euh. C'est un nom composé. Voilà. Je vous en dirai pas plus". Eldin, désespéré : "Le Drian ?" "Pas forcément". Sortie de Baumel. Qui revient par une autre porte, comme au théâtre. Eldin : "c'est Le Guen ?" "Ah ben c'est ptêt ça, oui. Mais c'est pas la preuve. Tout ce que je dis c'est que ça lui ressemble". Eldin, se reportant sur l'aubryste François Lamy : "est-ce que vous pourriez me trouver Le Guen ?"' Lamy : "le ministre influent et anonyme ?" Eldin, triomphant : "tac, ça balance".

Est-ce Le Guen, ministre des Relations avec le Parlement, honni des "frondeurs" ? N'est-ce pas Le Guen ? Suite demain (ce soir) où Eldin aura certainement mis la main sur le soupçonné. On vient, en tout cas, d'assister à un glissement. Le glissement d'un débat politique estampillé "sérieux" (quelle stratégie électorale pour les partis traditionnels face au FN ?) des rubriques politiques proprement dites, vers l'océan de la rigolade de l'infotainement. Ainsi eldinisé, le débat politique exclut non seulement toute dimension tragique, mais même toute prétention au sérieux. Pas question par exemple d'expliquer que les "frondeurs" ont politiquement intérêt à affaiblir Le Guen, chien de garde parlementaire de Valls et Hollande. Pas de prise de tête à Rigolland ! Se laissant plaisanter par Eldin, les politiques admettent et ratifient leur réduction au rôle de simples comparses d'une pièce dont ils ont renoncé à être les auteurs et les metteurs en scène. Au chômage technique, toute la troupe shakespearienne est trop heureuse de cachetonner désormais au Boulevard.

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Eldinisation du politique

C'est un étrange feuilleton, qui a commencé dans les rubriques politiques sérieuses, et se termine chez un amuseur.

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(France Info assurait pourtant que le "ministre influent" avait fait part de sa suggestion à Cambadélis. Quand il le somme de "se nommer", Cambadélis le connait donc. C'est un aspect annexe de l'affaire).
... ou alors France info raconte n'importe quoi sous couvert de citation anonyme
....ou alors la source anonyme de France info raconte n'importe quoi sous couvert d'anonymat.

Bref, l'intérêt des citations anonymes est nul : on ne peut pas les contester, on ne peut pas demander des explications ou des précisions.
pourquoi ne pas les prendre en compte, ni les croire, tout simplement ?
Je ne connaissais pas... Je trouve ça très drôle... Ca tiendra un an à tout casser puis il sera persona non grata... Je me demande comment vous faites pour prendre encore sérieux la politique. Alors que l'arène politique s'est peu à peu transformée en scène politique, il faudrait prendre au sérieux ce qui s'y passe. Mais que nenni, mon bon Monsieur. D'ailleurs cet Eldin a de faux airs de Lucchini, certains qu'il retournera vers de plus grands auteurs que ceux qui siègent à l'assemblée..
C'est pitoyable. Autant pour les politiques que pour les medias concernés.
Je ne connais pas ce guignol, je ne m'en porte pas plus mal. Les politiques se prêtent à des jeux qui ne les avantagent pas. Comme d'autres l'ont écrit avant moi, ce billet est bien écrit mais quelle info en retirer que l'on ne sache pas déjà. Je suis dégoûtée chaque jour un peu plus par ces guignols qui ne nous représentent plus du tout. Qui ne vivent que pour eux-mêmes. Je ne me soucie que d'un strict minimum d'infos au quotidien pour ne pas être coupée complètement de l'actualité.

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Excellent billet.
oh la la, si brillant que paraisse ce billet, si vous saviez comment on s'en tape de ce jeu de rôles qui cache malheureusement d'autres jeux de massacre moins commentés!
Moi en tout cas le ça, le moi et le surmoi des politiques toutous, ça ne me divertit pas en ce moment!
Même si vous décodez parfois brillament le dessous de ces cartes médiatiques, vous occupez aussi le terrain, vous êtes une sorte de''"commentateur moraliste satirique amusé de l'image" à l'ancienne, car au fond les sujets que vous semblez voir de haut finissent par vous éclaboussez, tellement vous y prenez goût vous mêmes, on le comprends c'est votre fond de commerce et vous en faites partie.
Sauf que tous ces arbres que vous entretenez si joliement nous cachent la forêt!
Et puis cette façon de continuer à pousser des cris d'orfraie et de se vautrer avec délice dans le sujet "front national"!!
Au lieu de décoder d'autrs forces vives bien moins rances et encouragées que celles là, qui essaient d'émerger mais qui sont soigneusement passées sous silence médiatique, moi au bout d'un moment tout ça m'ennuie terriblement et souterrainement me terrifie....
A moins que, tétanisés par l'ambition, ils ne choisissent la blagouille pour fuiter ce qui, quelque part encore, les dérange. Spectacle de lâches néanmoins.
France Info assurait pourtant que le "ministre influent" avait fait part de sa suggestion à Cambadélis. Quand il le somme de "se nommer", Cambadélis le connait donc.
France-Info, ou la Bible selon DS.
Ou encore : réactualisation de la vieille (fausse) maxime si c'est dans le journal, c'est que c'est vrai.
Merci, ASI, ça, c'est du décryptage!
Le matin, j'attends le 9.15, et puis je regrette de l'avoir attendu: ça parle de plus en plus souvent de gens que je ne connais pas et que je n'ai pas envie de connaître. Le bouton "rien à foutre", proposé par le Gorafi pour facebook, est une bonne idée.
Pourtant, ce matin, je me suis farcie en replay... Patrick Cohen. Mais si! Il interrogeait Fabrice Nicolino sur son dernier livre, "Lettre à un paysan sur le vaste merdier qu’est devenue l’agriculture". Livre qui devait sortir le 9 janvier... Ça fait bien plaisir que Fabrice Nicolino soit sorti lui aussi, même s'il n'est pas encore tiré d'affaire semble-t-il. Et le titre de son livre fait lui aussi bien plaisir.
Je retiens sa définition de la FNSEA, le seul syndicat qui lutte pour la disparition de ses membres.
Bonjour
La vie politique touche vraiment le fond, tant en actes (le PS copain avec l'UMP) qu'en paroles (comédia d'el arte).
On comprend pourquoi 50% des citoyens ne va plus voter.
La manière dont C. Eldin promène son égo sudimensionné et sa médiocrité satisfaite, la manière dont il touche physiquement ses interlocuteurs, la manière dont il parle, ivre de son petit pouvoir du moment, du/au personnel politique ("Trouvez moi Le Guen" : on rêve, il se prend pour qui pour demander ça et comme ça), l'opiniâtreté avec laquelle il les rabaisse systématiquement par des allusions pseudo-provocatrices très "esprit Canal", la manière dont, sous couvert de "dévoiler", il copine, et banalise en particulier les fachos (cf ce qu'en disait très justement Guy Birenbaum récemment), tout ceci devrait être enseigné dans les écoles de journalisme, ou dans les facs d'Histoire, le jour où on voudra illustrer comment des personnalités insignifiantes et enflées, servilement courbées devant le dieu Spectacle, farouchement attachées à se faire leur petite carrière quitte à s'essuyer les pieds sur les hommes politiques pour cela, ont bien contribué, par leur vénération de l'anecdotique, par leur silence obstiné sur tout ce que les hommes politiques peuvent aussi, mais oui, faire de bien, à pourrir la représentation que nous, le public en avons.

Je crois que le dégoût que cette transgression de bac à sable m'inspire n'est dépassé que par un autre, provoqué par la veulerie ces députés à la Falorni qui, le voyant arriver, mettent sans résistance un genou à terre, se prêtent à son jeu, se rabaissent spontanément à son niveau abyssal, toute honte bue, parce qu'on ne refuse rien à la starlette du moment. Parce qu'on veut un peu de sa lumière. Alors qu'il me semble que pas une question, pas une seule, qu'il pose dans cet extrait ne mérite une autre réponse que celle consistant à lui proposer poliment d'aller se faire foutre.
Eldin reprendrait le rôle de Baffie?...
Mmmm, faut voir: là où Baffie, dans ses grands jours, était vraiment transgressif et mettait mal à l'aise non seulement ses "victimes" (ah ce Raymond Barre!...), mais aussi les (télé)spectateurs de ses saillies, et qui mettait en spectacle la critique du spectacle, dans une sorte de mise en abîme télévisuelle orchestrée par Ardisson, un véritable enfant naturel de Debord (qui ne l'a d'ailleurs jamais reconnu).
Bref, c'était mieux avant...
Quoique.
Car justement, ça c'était avant: le fric coulait à flots, les pauvres boursicotaient, Montand s'était décomplexé de sa vieille Simone, et Tapie était sorti de l'ombre (où il était tapi ah ah). Du coup le cynisme critique pouvait se donner à bon compte des allures de contestation radicale, tout le monde riait bien en serrant les dents, blanches les dents, forcément blanches, et Canal s'éclatait entre films de boules, que l'on se matait en crypté histoire de se marrer, et la bande à Gildas, qui allait toujours jusqu'où on pouvait aller trop loin, mais pas plus.

Aujourd'hui le Grand Journal est devenu encore plus petite bite qu'avec Denizot (c'est dire) et Eldin n'est que plus que le triste clown d'un spectacle politique un peu ringos, qui se voudrait Bouglione mais qui n'est que Gala de l'Union, et qui, de toutes manières, ne sera jamais Les Romanes ni Zingaro.
Alors du coup, plutôt que "d'Eldenisation de la politique", j'aurais plutôt envie de parler de Pindérisation de la politique.
Spectacle où les jongleurs à peine sortis du Festival d'Aurillac plantent leurs quilles en carton pâte, et où les trapézistes en collants mités se ramassent dans les filets tout mous de la presse fatiguée plus que corrompue (même si) .
Et même le Grand Magicien de l'Elysée se chie dessus dans ses tours de passe-passe ratés devant un parterre de journalistes malgré tout ébaubis (ou juste complices?...).
http://www.acrimed.org/Liberation-et-la-Fete-de-l-Huma-petites-manipulations-le-retour
Cyrille Eldin fait effectivement penser au petit bonhomme bleu du 2ème épisode de black miror.
Très beau billet.
Pourquoi toujours cracher sur le Boulevard, il a fait les joies de mon enfance avec Au théâtre ce soir et mieux encore, il y a dix ou vingt ans j’ai vu une pièce avec Jean-Paul Belmondo et Micheline Dax dans laquelle, à un moment donné, ils jouaient une représentation à front renversé, donc dos au public, une pièce de boulevard, c’était extraordinaire, seul moment qui me soit resté à l’esprit, après, l’endormissement a gagné...
Sinon, au niveau des politiques et surtout de la télé forcément rigolarde, ce n’est que du décervelage, enfin, plutôt du camouflage, même pas de l’impuissance, du refus d’agir pour tous et rien d'autre.

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