"Bolloré, c'est le Trump des medias !"
Pourquoi des riches hommes d'affaires achètent-ils des médias ? Pour gagner de l'argent, ou de l'influence ? Il n'est pas toujours facile de répondre, sauf dans un cas : celui de Vincent Bolloré, propriétaire du groupe Canal +. Depuis qu'il en est propriétaire, Bolloré ne cesse d’instrumentaliser Canal + pour servir ses propres intérêts, en France comme en Afrique. A l'occasion de sa récente mise en examen, nous revenons sur l'utilisation par Bolloré de l'arme Canal+, avec Tristan Waleckx, (France 2) co-réalisateur avec Mathieu Rénier de l'enquête "Bolloré, un ami qui vous veut du bien ?" (Prix Albert-Londres 2017) ; Théophile Kouamouo, journaliste au Média et auteur en 2015 d’une enquête sur notre site sur le développement de Canal + Afrique ; et Jean-Baptiste Rivoire, ancien rédacteur en chef de Spécial Investigation sur Canal + et élu CGT au comité d’entreprise de la chaîne.
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Je retiens 3 moments-clé à mes yeux :
PRIVATISATION DE LA Françafrique
La Françafrique publique devenant trop gênante, l’Etat français la sous-traite au privé.
Théophile Kouamouo : « Pour paraphraser Frantz Fanon qui dit que quand on parle de (...)
Excellente émission. Chaque invité apporte quelque chose sur l'empire Bolloré (politique africaine, gestion interne de Canal, difficulté d’enquêter sur le sujet pour les journalistes des autres médias) tout le monde s'écoute, peut finir ses phrases, (...)
Très bon, je vote !
Un petit regret tout de même : Kouamono n'a pas pu développé sur les liens de Bolloré avec l'armée française en Afrique.
Derniers commentaires
J'ai beaucoup aimé le commentaire après le court montage du début. "Je précise que ce montage n'est qu'à moitié de mauvaise foi" :D
J'ai voté pour que cette GRANDE émission soit en accès libre, pouvez-vous nous indiquer où en sont les votes ?
Ceci dit, Rivoire est carré...
OK je sors... [ ]
Monsieur Schneidermann, veuillez noter que une loi loi ne "stipule" pas.
"Cornu" nous dit "Usuellement, convenir", et l'on ne peut convenir avec un loi,
qui a comme attribut d'être une norme qui est générale et s'applique à tous,
à la différence d'une convention, ou un contrat qui ne s'applique à qui y a souscrit
explicitement, d'ailleurs sous peine d'être de fait caduque pour vice de forme...
Le mot n'a pas été prononcé mais ce dont il est beaucoup question dans cette émission -fort intéressante- c'est la "procédure-bâillon". Bolloré est maître en ce domaine. Voir : https://www.bastamag.net/Face-aux-poursuites-baillons-de-Bollore-nous-ne-nous-tairons-pas
Merci pour cette effrayante émission. Il va falloir parler de cette loi sur le secret des affaires qui va nous faire entrer pleinement en république bananière.
d'utilité publique, a voté...
impression de déjà vu ...... on a pas déjà eu une emission similaire avec les memes invites ?
il y a un petit cote cdanslair de gauche, ca reste intéressant mais très très consensuel.
Bolloré perd définitivement son premier procès en diffamation intenté à Bastamag
https://www.bastamag.net/Bollore-perd-definitivement-son-premier-proces-en-diffamation-intente-a
Tristan Waleckx est fascinant de contradiction douloureuse... "On fait ce qu'on veut", mais en fait non, et on crève de trouille finalement. Je ne sais si je dois admirer son courage (malgré tout, il en dit... trop...) ou le plaindre de son manque de lucidité.
Quant à Bolloré... il fait peur, par le possible avenir qu'il nous fait entrevoir: secret des affaires, lutte contre d'hypothétiques fake news qui vont élargir les moyens légaux sans mettre à l'abri des illégaux.
La voix de son maître... ou la muselière.
Je retiens 3 moments-clé à mes yeux :
PRIVATISATION DE LA Françafrique
La Françafrique publique devenant trop gênante, l’Etat français la sous-traite au privé.
Théophile Kouamouo : « Pour paraphraser Frantz Fanon qui dit que quand on parle de l'Afrique, tendez l'oreille on parle de vous, je pense qu'à de nombreux égards, l'Afrique, par l'incroyable distorsion des revenus, par la puissance des puissants et la faiblesse du peuple, par un certain nombre de choses, l'Afrique est l'avenir de l'humanité malheureusement, avec une sorte de "reverse technology" que Bolloré l'Africain peut introduire ici, sachant aussi que d'une certaine manière les attitudes autoritaires qu'on peut constater en Afrique sont d'importation, parce que c'est quand même des attitudes nées de pouvoirs coloniaux […]
On a juste l'impression finalement que tout s'est normalisé mais qu'il demeure des média où on revient au passé et ce ne sont plus des média publics qui vantent nos amis africains mais ce sont des média privés qui vantent nos amis africains. CELA SIGNIFIE QU'IL Y A UNE SORTE DE PRIVATISATION DE LA FRANCAFRIQUE dont Bolloré est un symbole. »
LE PROJET DE LOI SUR LE SECRET DES AFFAIRES
Jean-Baptiste Rivoire (s'adressant à Tristan Waleckx) : « Ce qui vous arrive- (le fait d'être traîné devant le tribunal de commerce, où Vincent Bolloré réclame, je crois, 50 millions d'euros à France Télévision, préfigure ce que va permettre la loi secret des affaires. Ça va être les tribunaux de commerce qui vont se retrouver à juger des journalistes. […] »
DS essaie de dédramatiser en rappelant que, dans une première affaire, le tribunal s'est déclaré incompétent, en oubliant au passage qu'avec le projet de loi sur le secret des affaires en discussion au Sénat, la donne risque de radicalement changer.
LA LOGIQUE D’ENSEMBLE
Théophile Kouamouo : « Ce que Jean-Baptiste dit est important : il faut remettre un peu de politique dans tout cela. On se rend compte que, finalement, Bolloré est le Donald Trump des medias, c'est à dire qu'il radicalise la pratique habituelle des patrons de presse et du coup il la montre. Mais même sur des affaires comme l'affaire de la catastrophe ferroviaire camerounaise, au moment où en France on veut démanteler, pré-privatiser le rail, parler sur les media français de la manière par laquelle un homme d'affaires français a acquis une société de chemin de fer publique construite sur le sang des Camerounais et en a fait ce qui existe aujourd'hui, c'est à dire qu'il n'a pas investi et a eu des attitudes (parce que justement le statut du cheminot là-bas a aussi été ôté) de pression sur le conducteur qui l'a amené à se suicider et à tuer des gens avec lui, ça a un sens. La logique d'ensemble dont tu parles, c'est à dire l'affaiblissement du peuple et le renforcement de l'élite, donc le paradigme gramscien dans lequel on s'installe, c'est le paradigme du Tiers-Monde, c'est à dire, une classe moyenne de plus en plus faible, une classe pauvre de plus en plus grande et une élite de plus en plus puissante. »
RESUME DE LA STRATEGIE MEDIATIQUE DE BOLLORE (ou Pourquoi des riches hommes d'affaires achètent-ils des médias ?)
- - Les média appartenant à Bolloré censurent les informations le concernant ou pouvant nuire à ses affaires. Les journalistes n’y sont donc pas libres d’évoquer certains sujets (garde à vue, critique du président togolais Faure Gnassingbé)
- - Ses média sont utilisés comme des armes contre les ennemis (exemple les guignols sur le CSA)
- - Ses média sont utilisés comme propagande (affaire du publireportage non annoncé sur le Togo, évocation de l’Afrique uniquement sous un angle positif)
- Et le point crucial démontré par cette émission :
- - Stratégie payante (même si assez peu efficace juridiquement) de plaintes contre les journalistes (y compris devant le tribunal de commerce) avec pressions sur les témoins et les journalistes. Ses plaintes, chronophages, menaçantes financièrement, ont un effet dissuadant indéniable.
Ce message a été supprimé suite à la suppression du compte de son auteur
Je dirais que c'est vous, c'est même évident. Évidemment, le monde change et ça ne se passe plus exactement de la même façon, mais Bolloré est la preuve même que la Françafrique existe encore, sous d'autres formes...
Ce message a été supprimé suite à la suppression du compte de son auteur
Pierre Péan enfile des perles stratégiques dans cette interview mais il esquive l'éléphant dans le couloir : le génocide de 800 000 personnes en trois mois au Rwanda et le soutien de la France au gouvernement qui a organisé ce génocide.
Bien sûr, que le génocide intervient après une guerre qui a duré 4 ans. Personne ne le nie.
Oui, Kagamé était soutenu par Museveni et ils appartiennent plutôt à la sphère d'influence américaine. Personne ne le nie.
Tout à fait, il y a bien des choses à critiquer dans la politique de Kagamé, par la suite, à la fois dans sa bascule vers l'autoritarisme au Rwanda et dans la continuation de la guerre en RDC (d'ailleurs, Justine Brabant a enquêté dessus et je lui fais bien plus confiance qu'à Pierre Péan).
Mais Péan fait une réécriture de l'histoire quand il contourne le fait majeur du génocide de 1994.
Rien n'obligeait le gouvernement rwandais à réagir à une offensive extérieure par l'assassinat de la minorité tutsi.
Rien n'obligeait son allié français à soutenir ce gouvernement en dépit des nombreux signes d'alerte, relevé par les médias et même par les services de renseignement français.
Les belges avaient aussi soutenu le gouvernement rwandais en 1990, au nom de la stabilité territoriale. Ils sont partis quand le gouvernement rwandais a commencé à enfermer des tutsis et des opposants dans les stades.
En 1992, des milices ont assassiné 2000 personnes dans la région du Bugesera dans l'impunité totale. La France a continué à soutenir le gouvernement rwandais qui fermait les yeux. Jean Carbonare, président de l'association Survie, a fondu en larmes au 20h de Bruno Masure en expliquant que ce massacre avait pu se produire parce que la France soutenait le gouvernement rwandais, et qu'il fallait cesser. La France a continué à soutenir le gouvernement rwandais.
"Le monde est assez grand pour qu'on puisse tous y avoir tort". Quels que soient les torts des autres, le génocide de 1994 et le soutien de la France aux génocidaires reste inexcusable. Et c'est de la françafrique. C'est à dire une barbouzerie dégueulasse au mépris total des populations locales.
Et tous ces beaux esprits qui se désolent de la perte de l'influence de la France en Afrique feraient bien de se demander comment l'image projetée par de tels agissements joue là-dedans.
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Si je puis me permettre, on n'en a rien à carrer, de la vie de Carbonare (et je doute de la bonne foi de Péan dans son enquête sur le sujet). Ce qui compte dans son passage au JT, c'est les 2000 morts dans l'impunité (ce qui est attesté), et ce qui a suivi.
Le Rwanda était en guerre à partir de 1990 pour des raisons qui remontent à beaucoup plus loin. Il y a des bons bouquins sur le sujet. Et il y a plein d'endroits dans le monde où les guerres ne débouchent pas sur des génocides. L'argumentaire "c'était la guerre" ne tient pas.
Quand à la spontanéité du génocide, je n'ai pas lu tous les comptes-rendus d'Arusha sur les questions d'entente en vue de commettre un génocide et la procédure en elle-même a été soumise à tous les aléas politiques possibles, mais au-delà de la procédure judiciaire, les éléments et sources concordent pour indiquer que le Rwanda d'Habyarimana filait très clairement un mauvais coton, avec (rappelons-le) des opposants et des tutsis enfermés dans des stades, des massacres de civils hors zone de guerre en toute impunité, des campagnes de haine violentes contre la minorité, des appels au meurtre par des figures politiques, des milices, une armée multipliée par dix en quelques mois avec une formation insuffisante, bref, les gens ne se sont pas réveillés un matin en se disant qu'ils allaient tuer leurs voisins, c'est un processus.
En ce qui concerne le Monde, il me semble plutôt qu'on est passé avec l'ère post-Stephen Smith d'articles plutôt véhéments et fondamentalement basés sur la thèse avion = génocide (teneur de la thèse : un attentat contre un avion génère nécessairement un génocide, c'est bien connu, donc l'explication de l'attentat de l'avion est la seule explication du génocide) à des articles beaucoup moins fournis en imprécations et au contraire beaucoup plus étayés en faits et témoignages précis (c'est que les langues se délient dans l'armée et les services de renseignement).
Mais bon, si on veut se voiler la face, on va essayer d'esquiver les faits, accuser de mauvaise foi et chercher la patte d'une falsification par la CIA partout (c'est peut-être la CIA qui a écrit les notes alarmées de la DGSE). Par contre, erreur stratégique, parler de "fric cosmopolite" n'invite pas trop les gens à vous écouter.
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Ben en l'occurrence, mes sources sur le Rwanda, c'est pas Survie.
Pour les raisons qui ont poussé la France à soutenir la régime d'Habyarimana (ce qui relève du fait, quoi que vous en disiez), il existe des sources, par exemple les documents de l'Élysée déclassifiés par Hubert Védrine, pour Pierre Péan justement, et qui depuis ont été analysés par d'autres.
Et ce que disent les documents, c'est qu'il n'y avait pas de raisons économiques ou d'intérêt qui poussaient la France (Rwanda trop pauvre), mais que Mitterrand et ceux qui étaient sur sa ligne étaient mus par un maelström d'idéologie et de sympathies. On parle d'un pays francophone en but à un opposition anglophone ; un pays dont les militaires d'élite (dont Bagosora qui a mené le génocide) avaient été formés à l'école de guerre en France, en même temps que des généraux français, un pays dont les fils des présidents étaient amis, donc autant dire que l'info DGSE pouvait être facilement rendue inaudible.
Un petit article du Monde sur le sujet, ce n'est pas le seul : http://abonnes.lemonde.fr/afrique/article/2008/03/12/genocide-rwandais-ce-que-savait-l-elysee_930489_3212.html
Pour la pauvreté du Rwanda, je vous invite à regarder les comparatifs des chiffres entre 1990 et 2016 (https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/NY.GDP.PCAP.PP.CD), et à comparer par exemple avec le Burundi, ou d'autres si vous voulez. Vous avez un pays qui a subi quatre ans de guerre, un génocide qui a tué 800 000 personnes et mis en prison plusieurs centaines de milliers pendant plusieurs années, et une des plus grosse progression, proportionnellement, du continent. Si ça tient pas du miracle, faut revoir votre définition.
Excellente émission. Chaque invité apporte quelque chose sur l'empire Bolloré (politique africaine, gestion interne de Canal, difficulté d’enquêter sur le sujet pour les journalistes des autres médias) tout le monde s'écoute, peut finir ses phrases, se respecte. Des faits précis, on apprend plein de chose, pas de foire d'empoigne. Un sans faute dans le choix des invités et la conduite de l'émission.
Je n'ai pas la moindre sympathie pour M.Bolloré. Avec les éléments qui sont a ma connaissance je trouverai plutôt normal qu'il finisse en prison. Mais... appelez moi con-plotiste mais je je ne peut pas m'empêcher de trouver bizarre qu'un homme qui agit en toute impunité depuis si longtemps se retrouve d'un seul coup dans une tel tourmente.
Si les éléments qui lui sont reproché sont troublant et moralement tout a fait condamnable, je les trouve "léger" d'un point de vue juridique pour entrainer de tel mesure (après je n'ai pas tous les éléments du dossier mais des tarifs "preférentiel" pour une campgne de com... Je pense que va être compliqué de pouver l'entente corruptrice qui se cache derrière).
Du coup je me demande. Se serai-t-il faché avec les mauvaises personnes ? Bouygues ? Un certain président ?
Très bon, je vote !
Un petit regret tout de même : Kouamono n'a pas pu développé sur les liens de Bolloré avec l'armée française en Afrique.
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