Communs : une notion médiévale viendra-t-elle protéger le logiciel libre ?
Et si nous mettions en commun ce que nous savons des communs ? Le mot (au pluriel s’il vous plaît) est revenu dans le débat à l’occasion de la loi sur le numérique discutée à l’Assemblée en fin d’année… pour disparaître sur ordre de Matignon. Mais les communs n’ont pas dit leur dernier mot. D’autant que cette notion ne date pas d’hier : elle a traversé les siècles avant d’être récupérée par le monde universitaire, puis militant. Mais que sont les communs ? Qu’est-ce qui les différencie des biens communs ? S’opposent-t-ils aux biens privés et aux biens publics ? Est-ce une alternative au capitalisme ou au communisme ? Une solution pour le climat ? Un concept libertaire ? Une utopie ?
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La façon dont on définit la propriété détermine le système économique. A qui appartiennent les choses ? A qui appartient la terre, l'eau, l'air. A qui appartiennent les voitures fabriquées dans nos usines (si elles existent encore) ? A qui appartient ma brosse à dent ?
En fait, il faut distinguer la propriété de la possession. Il faut distinguer en effet "ce que l'on possède" (c'est à dire : qu'on utilise - ma maison, même si je n'en suis pas propriétaire), et ce dont nous sommes propriétaires (mes actions du CAC40, mon usine à Bamako). Il faut aussi ajouter la catégorie : "ce que l'on crée" (le fruit de notre travail), et là il s'agit de la problématique du partage des richesses dans la société.
La propriété est en fait ce qui définit les droits sur une chose. La possession est ce que l'on utilise. Donc il y a toujours eu de la possession (on a toujours utilisé des choses - depuis le tribalisme jusqu'au capitalisme, en passant par le communisme), , mais contrairement à un impensé répandu -et faux- la propriété (i.e. les droits de propriété) a beaucoup évolué dans le temps. La propriété n'est pas un absolu universel dont on ne pourrait changer: on la définit comme on veut. Et cette définition va du coup déterminer toute l'économie, et donc la société. dans son ensemble.
Donc il est crucial de s'emparer de cette question : comment définir les droits de propriété ? Dans quelle mesure, et quels droits cela donne-t-il sur la chose (le droit de consommer, détruire, utiliser, vendre ?), etc.
Moins philosophiquement, il s'agit de définir quelle est la limite que l'on tolère entre la propriété (privée), et la possession. Autrement dit : quelles limites doit-on imposer à la propriété ?
Dans la capitalisme, la propriété n'a pas de limites. C'est pourquoi on peut être milliardaire, multi-milliardaire et plus encore. Le hic, c'est que c'est une illusion : on ne peut jouir (possèder) de l'équivalent d'un milliard de dollars (une journée ne fait que 24h, nous avons qu'un cerveau et deux jambes). Et cette illusion est en fait un "alibi" pour exercer du pouvoir. Les milliardaires ont beaucoup de pouvoir, même si la valeur de leur richesse est en fait illusoire.
Autre problème : en ne limitant pas la propriété, en fait les riches volent au pauvres : quand un riche achète des bananes avec de l'argent qu'il a gagné en spéculant (donc sans rien créer réellement), il échange en fait du travail de récolte par... rien ! Un échange à sens unique, j'appelle ça du vol.
Cette logique implacable, toujours à cause de l'absence de limitation de la propriété, fait que tout le monde vit à crédit. Puisque les riches achètent des choses "sans rien créer" (pour caricaturer). C'est comme s'ils fabriquaient des billets. D'où la nécessaire inflation constante et même qui s’accélérerait si les banques centrales ne régulaient pas (ou faisaient faillite de temps en temps). D'où le passage à l'euro : c'etait juste une façon d'effacer l'inflation, en repartant d'une monnaie avec moins de zéros.
Bref, en ces temps de révolte, où les gens sentent bien qu'il faut changer profondément, où ils veulent se révolter, la question est de savoir : par quoi on remplace ? C'est là que la réflexion sur la propriété s'impose. La propriété est à l'économie, ce que la constitution est à la politique. Il faut réformer notre constitution, et surtout réformer notre vision de la propriété.
Les "communs" ne sont que la partie émergée de l'iceberg . C'est un exemple de choses qui sortent du cadre de la propriété capitalistique. Un approche qui permet de révéler aux gens la nature profonde de la propriété à travers la problématique du partage. Mais fondamentalement, il faut voir qu'il s'agit de la problématique de "définir les droits de propriété".
L'air que l'on respire, jusqu'à présent à échappé à la propriété privée (mais pas à la possession !). Cet exemple montre qu'il est encore temps de réveiller les consciences. Tout n'est pas à vendre. Tout ne peut être privatisé. Surtout pas les biens immatériels. Et rendons grâce à la nature dans son ensemble pour nous donner l'exemple tous les jours.
À l’origine, le communisme est une forme d'organisation sociale sans classes, sans État et sans monnaie,
où les biens matériels seraient partagés.
« Théorie visant à mettre en commun les biens matériels. Formation économique et sociale caractérisée par la mise en commun des moyens de production et d'échange, par la répartition des biens produits suivant les besoins de chacun, par la suppression des classes sociales et l'extinction de l'État qui devient l'administration des choses. »
Kékun peut-il m’expliquer la différence entre les « communs » et le communisme, siouplait ?
De la même manière, Azam distingue le bien commun des communs. Le bien commun est une ressource (une forêt, une rivière, un livre) quand le commun comprend à la fois la ressource et la gestion de la ressource. "Il n’y a pas de commun s’il n’y a pas de communauté d’usage" assure l’économiste. Nous ne sommes donc pas dans l’appropriation de la ressource mais dans son utilisation. Et selon des règles précises – qu’elles soient écrites ou orales. »
Il y a dans la définition d’Azam (je n’ai rien lu d’autre que ce que vous citez ici), une approche qui me chiffonne un brin.
1. Une définition réductrice
L’idée qu’on peut effectuer une partition des modes d’organisation humains à partir de quelques contraires, qui « clarifieraient » la compréhension. Dans cette optique, l’économiste classe les biens communs dans la case « non-exclusif rival », et assigne aux biens publics la case « non-exclusif non-rival ».
Ça semble limpide… Seulement, l’économisme est-il à même de rendre compte de ce que fait « une communauté d’usage » et de ce qu’elle instaure ? Et doit-on laisser indéfiniment l’économisme s’approprier des idées qui relèvent du bien commun, et les ratiboiser pour les faire rentrer dans ses cases ?
1.1. Non-exclusif
Pour les économistes, cela signifie en gros que c’est gratuit. Ergo, « tout le monde peut s’en servir ».
Tout le monde ? Hum. Le Lac, par exemple, peut-être que son accès est gratuit, et non réglementé… mais est-ce qu’il est situé dans un pays sans frontières ? Pratiquant, seul au monde, une totale libre-circulation des personnes ?
Car, contrairement à ce que postule l’économisme, l’argent n’est pas le seul moyen d’exclure de l’usage. Pour presque tous les biens et services supposés « publics », il faut un ticket d’entrée, parfois un « coût caché » (avoir accès à un ordinateur…), parfois un « capital symbolique » (savoir lire, avoir son permis de conduire…), un privilège (être « d’âge scolaire », être « né quelque part »…)
Ainsi, n’importe quel « bien public » n’est « non exclusif » que sous un certain angle, et relativement à certaines conditions. Il en va de même pour les communs, d’ailleurs. Notons au passage la phrase extraite de la charte des forêts : "tout homme libre peut récolter le miel trouvé dans ses bois". Tout homme… libre. Exclu, le serf. Dans ses bois. Exclu, l’étranger.
Donc, en somme : ni les communs, ni le public, ne sont, dans les faits, « non exclusifs », sauf à les réduire au seul aspect économique, et encore.
Ce critère-là ne peut permettre de les différencier du « privé ». Qui n’est d’ailleurs que relativement « exclusif » : si privé que soit un bien, on ne peut pas (encore ?) empêcher les passants de jouir gratuitement de sa beauté ou de se gausser de sa laideur.
1.2. Rival
« La consommation par l’un limite la consommation par l’autre ». Là, on est clairement dans l’économisme « portion de tarte », ce que je prends je te l’ôte (le travail sur le « marché du travail », le pain de ta bouche, et l’herbe de la prairie) parce que la ressource est finie. Le public serait « non rival », le commun « rival »…
Forcément si, comme beaucoup le pensent, nous sommes désormais passés « d’un univers infini à un monde clos », et si de plus, comme on le verra par la suite, on essentialise la ressource, alors tout ou presque va devenir « bien rare » qu’il faudra se disputer, ou, au mieux « gérer » ensemble — fonction que certains assignent aux communs. De quoi les rendre vachement glamour.
Sauf que, là non plus ça ne marche pas. Les communs ne peuvent pas se définir simplement comme une gestion d’usages « rivaux », une répartition de la ressource.
Le pâturage est produit par l’usage tout autant qu’il est consommé, il est le fruit de l’usage. Sans l’usage, il serait repris par la broussaille, bientôt la forêt. Les accès se refermeraient. Tout éleveur mène son troupeau et travaille les terres de façon à développer la ressource : pas seulement la « préserver », mais l’améliorer. Tout collectif d’éleveurs partage non seulement la ressource, mais la compétence et le travail qui permettent de développer cette ressource. Y compris par des consommations complémentaires, et pas uniquement rivales.
Laissons les moutons et revenons au lac : des chemins et des berges y ont été aménagés, sans lesquels il ne serait peut-être pas si facile de venir pêcher ou pomper l’eau. L’usage commun crée la ressource en la rendant accessible.
Les communs d’arrosage ne sont jamais, uniquement, des pratiques de consommation d’eau, mais aussi, toujours, des pratiques d’aménagement et d’entretien de conduites et de réserves, des savoir-faire d’économie d’eau, d’agencement des terrains… avant de se partager l’eau d’arrosage, il a fallu l’inventer comme ressource, inventer le jardinage. Cette invention n’est pas « rivale »…
« non rivaux », aussi, comme vous le signalez, nombre de « biens immatériels » comme les ressources numériques. Et pourtant communs, c’est à dire « gérés » ou plutôt « portés » par des communautés d’inventeurs/usagers. Est-ce, comme vous le supposez, parce qu’ils peuvent « être récupérés par le secteur marchand » ? Cela me semble un peu réducteur, j’y reviendrai. On peut juste constater que nombre de biens immatériels (logiciels, savoirs, procédures…) sont portés (produits, protégés, améliorés, diffusés) en commun bien avant que la menace d’une récupération surgisse.
Réduire les communs à des systèmes de consommateurs rivaux, c’est les dénaturer, c’est passer à côté de ce qui fait leur spécificité.
En outre, il suffit de s’être retrouvé une fois dans un embouteillage pour comprendre qu’il ne suffit pas qu’un bien (la route) soit « public » pour que la consommation des uns ne limite pas celle des autres. Ah oui mais le phare, ah oui mais le savoir… Pour le phare, je ne sais pas, mais pour l’éclairage « public », je crois que la notion de « non rival » montre vite ses limites, comme je vais essayer de le montrer. (Pour le savoir, ce serait beaucoup trop long*. Pensons simplement à « la distinction » de Bourdieu)
2. La distinction communs/bien commun.
Elle est intéressante, au sens où elle insiste sur l’importance de la « communauté d’usagers »
Elle est cependant fallacieuse, si l’on n’y prend garde.
2.1. Rien n’est par essence une « ressource »
Fallacieuse si elle amène à considérer le bien commun comme « une ressource » en soi, en quelque sorte préexistant à l’usage qu’on en fait. Et à considérer que « une rivière est une ressource ».
Car c’est seulement l’usage qu’on en fait qui spécifie la rivière, non seulement, s’il est commun, comme un bien commun, mais aussi comme une « ressource » : hors cet usage elle est tout ce qu’on veut, un élément naturel, un système physicochimique, un milieu de vie, bref, un machin complexe qui ne se laisse évidemment pas réduire à une « ressource ».
2.2. Donc rien n’est par essence « public » ou « commun »
Essentialiser la ressource amène à lui chercher des caractéristiques essentielles qui la destineraient à devenir un « bien commun » ou pas, indépendamment de quelque situation, de quelque histoire, de quelque projet.
Revenons à l’exemple de l’éclairage public. L’éclairage public comme « bien public » est un artefact limité, et fragile. Il ne vaut guère que lorsqu’on passe sous le réverbère allumé, et que pour un usager indifférent aux questions que pose la ressource énergétique, la pollution lumineuse, le changement climatique, ou simplement l’équilibre financier de sa commune ou le confort de ses habitants. En cela, d’ailleurs, ce qui est « public » ne diffère guère de ce qui est « privé » : l’usager y est atomisé, réduit à un individu insoucieux des autres, sans implication dans quelque responsabilité commune.
Il se peut que la jouissance que j’ai de ce réverbère allumé toute la nuit devant ma porte « n’empêche en rien les autres d’être éclairés », quoique… il a bien fallu choisir à quel endroit on l’implantait, privilégier cette rue plutôt que cette maison isolée (qui paie ses impôts locaux aussi… ). Et puis, il se peut qu’il empêche le voisin de dormir. L’astronome d’observer. La chauve-souris de peupler nos greniers (et de réguler les moustiques). Il se peut que jouir de l’éclairage empêche de jouir de la nuit…
Dans une petite commune, ce qu’on nomme généralement « public » est souvent « commun », en fait : le débat sur l’éclairage, dans la commune où je vis, est particulièrement significatif de ce qu’est un commun, de la négociation collective, informelle mais pourtant « réglée » dont il fait l’objet, des conflits d’usage et d’imaginaire qu’il « brasse »… ceux qui ont peur dans la nuit noire, ou même rien qu’à l’idée de la nuit noir même si à deux heures du matin ils ne se baladent pas dans les rues, ceux pour qui l’installation des lumières électriques autrefois a signifié le progrès, l’humain gagnant sur une nature pas toujours très rassurante, ceux qui s’étonnent qu’on veuille vivre à la campagne comme en ville, sans se munir d’une lampe pour sortir, ceux qui trouvent que tout ce pognon serait mieux utilisé ailleurs… et ces « ceux » ne sont pas tous contenus dans un seul territoire, bien défini, bien clos : le commun résiste à l’enclosure sous bien des aspects ! J’aurais tendance à penser que tout commun est un « multi-commun », est parcouru, traversé, en conflit parfois, ouvert sur d’autres communs. Ainsi, sur la question de la pollution lumineuse (ou celle du gaspillage énergétique), le commun déborde largement telle ou telle commune… là aussi, le paradigme de la complexité s’impose : on ne peut pas penser les communs dans une approche « ensembliste identitaire », où une partition sociale simple et stable présiderait à une partition des « biens »…
2.3. Et surtout, y a-t-il nécessairement « bien commun » lorsqu’il y a « commun » ?
On l’a vu, les communs peuvent user de biens immatériels. Mais ils peuvent aussi exister en l’absence de « bien commun » : un collectif qui organise une fête, un spectacle, un festival, ne possède peut-être aucun « bien » mais porte en commun un projet, qu’il soit matériel, immatériel ou un peu des deux. Ce projet (sa gestation, sa mise en œuvre, sa mémoire) est inséparable de la vie même du commun, que seul un abus de pensée peut réduire à un « bien » au sens économique du terme.
Et c’est peut-être là la forme la plus essentielle de ce qui fonde un commun : un commun est avant tout un projet commun, accessoirement la gestion commune d’un bien, encore plus accessoirement la répartition de l’accès à une ressource. On voit bien qu’il est abusif de caractériser les communs par le simple rapport à la ressource.
3. Res Politica
En somme, un commun n’est pas une « res œconomica » portée par un « homo œconomicus », fût-il collectif.
Les communs sont des organisations politiques, des formes de citoyenneté, qui reposent sur l’implication des personnes, non seulement dans des pratiques communes mais aussi dans des visées et des valeurs communes.
Le « bien commun » n’est pas seulement un objet ou une ressource, c’est aussi une qualité attendue de ce projet commun.
Les communs assument toutes sortes de fonctions et d’interactions liées à leur projet :
les conflits d’usages,
les rivalités et les complémentarités de consommation des ressources,
la coopération pour maintenir ou développer ces ressources,
les représentations sociales que produisent ces pratiques et dans lesquelles elles s’inscrivent, le développement d’un imaginaire commun, et d’une intelligence collective.
les règles d’inclusion/exclusion qui ancrent le commun dans un territoire, un champ social, une situation et lui confèrent une certaine autonomie
…
Alors, l’eau, l’air ? La réponse est politique.
Il y a en politique un principe assez intéressant, même s’il est souvent négligé : le principe de subsidiarité. « la responsabilité d'une action publique, lorsqu'elle est nécessaire, doit être allouée à la plus petite entité capable de résoudre le problème d'elle-même. » (source wiki !).
Par exemple, on ne refile pas à une supercomcom la responsabilité de l’eau potable lorsqu’il existe dans la commune une régie à même de « gérer la ressource », et mieux : de prendre soin de la source, de son environnement, des usagers. Et tant qu’on y est : on ne décide pas « d’en haut » des règles d’utilisation de cette eau, des politiques de prix (et de gratuité) qui garantissent l’accès de tous à la ressource et limitent les abus.
Ce principe n’est guère dans l’air du temps. La loi Notre est un véritable rouleau compresseur à l’égard de tout ce qui, à l’échelle des communes, est plus proche des communs que de la gestion étatique ou privée.
C’est pas comme ça qu’on va arriver à ce que les communautés humaines prennent soin de leur environnement, de l’eau qu’elles boivent, de l’air qu’elles respirent — étape absolument indispensable à l’émergence d’un « bien universel ».
On voit dans cet exemple que le risque d’être « récupéré par le secteur marchand » n’est pas le seul auquel sont confrontés les communs. Il y a aussi le laminage par le pouvoir central, la collusion public/privé (notre supercomcom intéressera beaucoup Véolia), le poids de l’idéologie mercantile qui réduit (pour le moment) les espaces d’invention et d’action des communs, l’économisme qui réduit toute action humaine à son seul aspect « gestion »…
C’est que la bête résiste, ruse, se métamorphose, n’est pas près de se laisser exterminer.
4. Pour conclure (ou pas)
Le commun, et le « bien commun » qu’il instaure, n’a pas du tout le même statut anthropologique que le duo « public/privé ». En tant que fait social, il fait probablement partie des universaux de l’humanité. Les communs sont archaïques (pire que moyenâgeux !). Cela confère à chaque commun particulier, qui a existé comme tel à un moment de l’histoire, une résilience, une capacité à « ré-émerger » dans des pratiques contemporaines.
C’est dans les communs que l’histoire puisera pour inventer d’autres organisations lorsque l’alternative public/privé et l’idéologie mercantile auront atteint leurs limites.
Lip, le Larzac, les ZAD et les TAZ, les villes en transition, la Commune de Paris ou le Grand Escarton, les incredible edible… les communs ne se développent pas seulement dans la ruralité profonde ou les « nouveaux territoires » du web, mais dans toutes sortes de situations de combat ou de résistance contre le duo « privatisation/étatisation » et d’invention de nouveaux modes de vie.
* encore plus long, veux-je dire.
Ce serait bien de le rendre gratuitement accessible un peu.
Si on chauffait Grenoble à l'huile de palme...
Dissertation économico-ecolo-philosophique, qui s'y colle?
[...] Par ailleurs, un édit royal du 2 novembre 1554[1] (adopté par Henri II) serait toujours en vigueur sur le territoire français, qui reconnaît le droit de glanage en l’assortissant de conditions :
…le droit de glaner est autorisé aux pauvres, aux malheureux, aux gens défavorisés, aux personnes âgées, aux estropiés, aux petits enfants. […] …le droit de glanage sur le terrain d’autrui ne peut s’exercer qu’après enlèvement de la récolte, et avec la main, sans l’aide d’aucun outils
[...] Néanmoins, il ne suffit pas qu’un droit de glanage s’exerce pour que l’on puisse parler d’un Commun en tant que tel. [...] Dans le documentaire d’Agnès Varda, on voit des situations de glanage qui ne conduisent pas à la constitution de Communs, ou seulement à des Communs instables et imparfaits. [...]
[...] Varda se considère elle-même comme une glaneuse, à travers la récolte d’images à laquelle elle procède pour faire son film. [...] Cela nous amène à une question : pourrait-on envisager sérieusement un droit de « glanage culturel » et si oui, aurait-il un lien avec les Communs ? [...]
[1. « Le glanage est une activité très ancienne. [...] On lit ainsi dans le Lévitique (19, 9 et 10) : « Tu ne glaneras pas ta moisson. Tu ne grappilleras pas ta vigne. Tu les abandonneras au pauvre et à l’étranger. » Et dans le Deutéronome (24, 19) : « Lorsque tu feras la moisson dans ton champ, si tu oublies une gerbe, ne reviens pas la chercher. Elle sera pour l’étranger, l’orphelin et la veuve. »] »
[quote= « Le jour où l’espace a cessé d’être un bien commun… », CC0 Calimaq, S.I.Lex, 30 novembre 2015.]
[...] Barack Obama a promulgué la semaine dernière une loi (HR 2262) qui va autoriser des compagnies privées à s’approprier les ressources naturelles figurant dans l’espace extra-atmosphérique. [...] [J]usqu’à présent, le droit international tendait à faire de l’espace extra-atmosphérique une « res communis » (chose commune) au sens où l’entendait déjà les romains, c’est-à-dire une ressource ne pouvant faire l’objet d’une appropriation à titre exclusif par personne, mais librement utilisable par tous. [...]
Mise à jour du 01/12/2015 : On me signale sur Facebook un parallèle intéressant avec une autre loi américaine : le Guano Islands Act de 1856 [...] La différence avec la loi votée par Obama cette semaine à propos de l’espace est que les États-Unis en tant qu’État ne deviendront pas propriétaire, même à titre provisoire des corps célestes. Seuls les citoyens US pourront s’approprier les ressources qu’ils y trouveront.
[quote= « Ce que le Monopoly peut nous apprendre sur les biens communs », CC0 Calimaq, S.I.Lex, 28 juillet 2013.]
[...] il faut savoir qu’à l’origine, le Monopoly est dérivé d’un jeu plus ancien, dont le but était de montrer les effets sociaux négatifs de l’appropriation des terres et du système de rente qui l’accompagne. [...] Charles Darrow prit le soin de se présenter comme le créateur unique du jeu, en gommant soigneusement les apports de ses prédécesseurs et en particulier ceux de Lizzie Maggie. [...] Néanmoins, la « supercherie » de Darrow finit par être révélée, à l’occasion d’une affaire en justice retentissante, qui a éclaté en 1973 et ne s’est achevée qu’en 1985. Ralph Anspach, professeur d’économie, avait décidé de créer un Anti-Monopoly [...] Au cours du procès cependant, il fut révélé que Darrow avait servilement copié certains éléments du jeu, allant jusqu’à reproduire des fautes d’orthographe commises par Charles Todd, son voisin qui lui avait montré la première fois comment jouer à partir d’une version de son cru… [...]
Mais l’histoire n’est pas encore entièrement finie et le Landlord’s Game aura peut-être un jour sa revanche sur le Monopoly. En effet, il y a quelques mois, des défenseurs du revenu de base et de la monnaie libre ont « hacké » les règles du jeu pour le transformer en « Monopoly relativiste ». L’idée consiste à distribuer aux joueurs un revenu de base, afin de leur permettre d’assimiler cette notion et son impact sur les échanges économiques. [...]
[quote= « Libérez les soupes ! », CC0 Calimaq, S.I.Lex, 18 octobre 2011.]
[...] Quel meilleur exemple que celui des recettes de cuisine pour faire toucher du doigt ce qu’est la notion de biens communs, à travers la mise en partage et la transmission des connaissances ?
[...] [L]es recettes de cuisine relèvent [...] aux yeux des juges d’un statut un peu particulier, dans la mesure où elles font partie des rares créations qui ne peuvent pas être protégées par le droit d’auteur. [...] La recette (entendue comme la liste des ingrédients et la description des opérations nécessaires à la préparation) relève en réalité de la sphère des idées et des informations, qui ne sont pas protégeables en elles-mêmes et demeurent « de libre parcours » (domaine public). Nul ne peut donc empêcher quelqu’un de reproduire un plat à partir de sa recette. En revanche, la mise en forme d’une recette (c’est-à-dire le texte qui l’exprime) peut se voir reconnaître le statut d’œuvre, à condition qu’elle soit bien originale (un exemple ici). Cette distinction vient d’ailleurs d’être rappelée par un juge belge cet été et elle vaut aussi en droit américain.
[...] [L]a publication sur WikiBrest relève [...] d’une démarche de partage, nécessaire pour que la recette devienne véritablement un bien commun. [...] Vous me direz que des gens qui partagent des recettes, il y en a déjà des milliers, sur des sites de cuisine 2.0 comme 750 grammes ou Marmiton. [...] Marmiton, pour des raisons qui m’échappent un peu, empêchent les usages collectifs des recettes, dans un cadre pédagogique ou associatif :
Vous êtes une Ecole de formation de cuisine, un élève cuisinier ou une association culinaire :
Vous n’avez pas l’autorisation d’utiliser les recettes sauf accord préalable de Marmiton.
[...] De l’Open Soup à l’Open Source, il n’y a [...] qu’un pas ! Et c’est toute la vertu pédagogique de l’opération « Libérons les soupes ». [...]
En fait la notion existe en droit... international public.
On nomme les communs "Patrimoine commun de l'humanité", expression qui désigne ce qui, sans appartenir à personne (et donc à aucun Etat) appartient à tout le monde (l'humanité comme personne juridique capable de propriété, fascinante idée je trouve).
Bref, en droit international public, la haute mer, les fonds marins (dénommés "LA ZONE" en droit), relèvent du patrimoine commun de l'humanité (non susceptibles d'appropriation, une Autorité internationale des fonds marins existe néanmoins pour en réglementer... l'usage et l'exploitation).
L'espace extra-atmosphérique, la lune et les autres corps célestes, l'orbite géostationnaire (ressource très utile pour y placer des satellites de télécommunications à plus bas coût que sur une orbite basse, l'attraction terrestre contraignant les lanceurs à charger lourdement les satellites en énergies fossiles pour que leur propulsion les fasse échapper à la gravitation - l'appropriation de cette orbite a donné lieu à de nombreuses conférences internationales) relèvent aussi de ce patrimoine commun de l'humanité.
Des traités en réglementent l'usage depuis... les années 1960, c'est-à-dire depuis que la technologie les a rendus accessibles.
La protection existe, encore faut-il la faire vivre. Elle cède en général sous la pression du progrès technique et de la capacité de certains à s'approprier effectivement les "zones" concernées pour en exploiter les ressources, révélant les rapports qu'entretien la force avec le droit.
Le concept de communs existait dès le premier millénaire dans les campagnes européennes. On peut même voir trouver ce concept dans la civilisation grecque, mais bien sûr limitée au hommes libres (comme en Angleterre du reste).
Et qu'est-ce que c'est que cette manie de ne pas lire ce qu'Anne-Sophie écrit ?
Anne-Sophie écrit que c'est en Angleterre que le terme "commons" apparait pour la première fois avec cette acception, aucunement que le concept n'existait pas antérieurement et/ou en d'autres lieux..
--
Une petite note biographique serait intéressante, avec la liste des ouvrages cités
Bref, continuons le décrassage intellectuel, pendant que d'autres dégraissent, mais ça, s'est une autre histoire...
Merci et à la prochaine
Merci.
On ne vous en veut pas, merci pour tout le reste.
Alors qu'il me soit permis de féliciter une fois encore l'indispensable Anne-Sophie pour sa richissime contribution à notre éclaircissement.