"La France au Rwanda ? L'affaire Papon puissance cent"
Vingt ans après, comment évoquer le génocide des Tutsis du Rwanda, ses huit cent mille victimes, ses rescapés, ses responsables et ses complices ? Sur un tel sujet, les mots et les images ne sont pas seulement délicats à manier ; ils semblent aussi, parfois, insuffisants pour décrire l'ampleur et l'horreur des massacres. Nos invités ont tous tenté de le faire, à leur manière. Le journaliste Patrick de Saint-Exupéry, fondateur de la revue XXI, à travers une bande dessinée : La Fantaisie des Dieux (ouvrage co-signé avec le dessinateur Hippolyte), où il revient notamment sur la responsabilité de l'armée et la diplomatie française. L'historienne Hélène Dumas, à travers un livre : Le Génocide au village, fruit de dix ans d'enquête auprès de bourreaux et rescapés. Le photographe Christophe Calais, à travers un recueil de photographies suivant le destin d'Angelo, fils de génocidaire, intitulé Un Destin rwandais.
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Derniers commentaires
On peut avoir des gens moins engagés ? Ou alors un vrai débat contradictoire ? Ou deux émissions l'une avec Saint-Exupéry et puis une avec un contradicteur bien informé ?
Cela ne condamne pas, certes, la France de facto, mais interroge...
Chercher la responsabilité des politiciens et militaires de l'époque de manière objective ou juridique, c'est quelque part considérer que coloniser ou ne pas coloniser sont deux actions moralements neutres.
Juste :
- je rapporte ici les propos récent d'Hubert Védrine - ancien ministre des affaires étrangères, en Audition parlementaire sur la politique de la France au Rwanda, le 16/04/2014 (durée : 1h22)
- je me pose la question de savoir pourquoi Arrêt sur Image a invité 1 (des ?) "accusateur" sans inviter un (des) défenseur => cette émission ne m'a absolument par permis de me faire une idée réelle du sujet, de "savoir" où penche la balance, d'imaginer qui abuse et à quel moment, de m'indiquer où sont les zones obscures sans réelle réponse. D'où la question que je me pose sur cette émission : quelle intérêt sans contradicteur ? Personnellement je reste sur ma faim. ASI n'aurait-il pas dû inviter - en même temps - Hubert Védrine par exemple ? Emission à refaire selon moi.
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Je relève la question / réponse dans le cadre de l'Audition parlementaire du 16/04/2014 (pas clair non plus à mon gôut...).
Pour Hubert Védrine, l'idée d'une participation française (complicité de génocide) est une controverse violente, récurrente.
Audition ici : http://www.lcp.fr/emissions/travaux-en-seance/vod/153896-seance-a-l-assemblee-nationale
Question de Michel Voisin (député UMP de l'Ain) à 50'56 :
[quote=Michel Voisin (député UMP de l'Ain)]On pourait aussi se poser la question de savoir (je fais partie de l'association France-Turquoise) pourquoi les plaintes qui ont été porté à l'égard de Monsieur Patrick de St-Exupéry, le journaliste, n'ont jamais abouti. Par donc l'association France-Turquoise, qui défend l'armée française.
Je n'ai pas trouvé de réponse prise. Juste cette réponse d'Hubert Védrine :
A 1'14''58 :
[quote=Hubert Védrine - ancien ministre des affaires étrangères]
Je connais dans chacun de ces média des gens qui sont en désaccord complet [...] avec ce qu'écrit tel ou tel autre personne. On les connait bien, c'est toujours les mêmes. Ou qui s'inspirent de St-Exupéry que je peux citer puisqu'il n'est plus dans un journal aujourd'hui. Lui, il raconte sa thèse en bande dessinée. C'est effrayant ce qu'il raconte mais... bon ! Dans chaque journal, les gens qui connaissent un peu l'Afrique disent : 'c'est faux'. Mais ils ne sont pas mobilisés toute la journée par le fait d'écrire le contraire. Vous voyez ? Puis les autres disent : 'on y comprend rien en Afrique'. Donc la place est libre pour des sortes d'accusateurs obsessionnels en fait. Ca c'est dans une partie des média.
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Le sujet (le génocide du Rwanda) m'intéressait au plus au point mais cette émission a à mon avis manqué sa cible. Je crois qu'il faudrait une autre émission qui serait pourtant le cœur du travail d'@si. Comment au printemps 1994 le génocide a-t-il pu avoir lieu avec le SOUTIEN (je pèse mes mots) du gouvernement de la France ?
A l'époque déjà quelques insoumis à la désinformation se révoltaient contre la propagande organisée dans la plupart des grands média. L'armée française était soi-disant là-bas pour protéger les quelques milliers de français (on sait depuis qu'elle a joué un rôle actif dans l'entraînement des troupes rwandaises et a mené des opérations pour stopper les troupes du FPR) et l'opération Turquoise était présentée comme humanitaire (pour protéger les pauvres Houtous en fuite devant les méchantes troupes du FPR). Le génocide était minimisé voire occulté (affrontement "interéthnique", guerre civile - ne rendant pas compte du tout de la réalité-, citation de la radio des mille collines comme "radio libre" appelant au calme...) ou présenté de façon sous jacente avec des relents racistes néocoloniaux (on peut rien comprendre ce sont des barbares noires qui s’étripent entre eux...). Brefs une exhumation de quelques 20h (voir ici)et de quelques commentaires de l'époque expliqueraient le contexte français où droite au gouvernement de cohabitation et le PS en soutien au Président Mitterrand ont sciemment caché leur gravissime complicité. Je le dis d'autant plus sereinement qu'avec quelques amis nous allions coller en mai 1994 des affiches artisanales de notre propre fabrication pour dénoncer la complicité des gouvernants français et leurs valets des média dans le génocide Rwndais... Actions dérisoires je le sais mais qui prouvaient que l'on peut savoir quand on veut savoir... Et il doit bien trainer dans des dossiers des RG de l'époque la trace de ces affiches de ces dangereux activistes qui dénonçaient un état de fait à taire absolument...
En bref pour comprendre le rôle de "la France" à l'époque, il faudrait décortiquer une fois de plus la collusion entre la presse "mainstream" et les gouvernants, endormant la "bonne" population... Car cela pourrait se reproduire encore aujourd'hui... Point de salut pour toute pensée divergente.... "Allons mon bon monsieur comment pouvez vous penser que nos gouvernants soutiennent des génocidaires???"... Ce qui explique la phrase (du parfois très agaçant ) St Ex : comment pouvait on narrer l'indicible ??? D'autant moins que le rédac chef devait répondre "Ecoute coco, ici on te dit que l'Armée Française est là pour protéger les civils... Pour une fois que droite et PS sont sur la même longueur d'onde..."....
On a ici un témoin de premier plan d'un des évènements les plus traumatisants de l'histoire mondiale du XXe siècle qui nous apporte un éclairage unique et nous permet de cerner au plus près ce qui s'est réellement passé, et au lieu de discuter le fond de son témoignage les gens se répandent en gémissements sur leur petite sensibilité personnelle douillettement froissée (ouillouillouille) par la façon dont ce témoignage est présenté.
Oui il peut donner l'impression d'être arrogant, donneur de leçons, péremptoire, etc. Mais n'a t-il pas dû gérer un grand écart déchirant entre la réalité implacable et terrible de ce qu'il a vu au Rwanda, et l'effort extraordinaire de conviction à fournir pour faire mesurer aux gens qui n'ont jamais été au Rwanda de leur vie et qui savent à peine où ce pays est situé en Afrique toute l'étendue des atrocités dont il a été le témoin direct ?
C'est tellement facile de critiquer quand on est assis tranquillement devant son écran et qu'on est nourri à la petite cuillère sans avoir à faire le moindre effort par des gens qui ont pris super cher et travaillé très dur et très longtemps pour nous apporter ces informations d'une valeur inestimable.
Comme suggéré par de nombreux commentaires, une seconde émission sur les responsabilités françaises dans cette affaire ne serait pas de trop.
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Et contrairement à beaucoup de monde, je trouve Patrick de Saint-Exupéry très bien, très posé, très marqué....c'est incroyable qu'on puisse être froissé par quoi...qu'il en sait autant? Qu'il ne fasse pas des blagounettes? Qu'il remette les pendules à l'heure?
Chapeau à lui !
La question du ton de P' St. Ex. Est tout a fait accessoire au regard de ses apports au débat. Bien envie décreuser du côté des travaux de mme Dumas.
Sinon dernières heures pour voir " la surface de réparation " sur les vidéos+7 d arte, ici :
http://www.arte.tv/guide/fr/048263-000/rwanda-la-surface-de-reparation/?vid=048263-000_PLUS7-F
C'est vrai que ça fait du bien des émission longues comme ça. Mais j'arrive quand même à rester sur ma faim.
Patrick de Saint-Exupéry et Hélène Dumas sont vraiment très intéressants.
Il me semble que les accrochages entre PSE et DS expriment quelque chose de fondamental. L'objectivisme forcené de DS contre l'engagement de PSE.
DS a rongé son frein et n'est pas rentré dans le débat, évitant les attaques de PSE. Je trouve ça plus que dommage.
La question que PSE posait à DS - à savoir : peut on résumer, synthétiser, cette histoire? - méritait selon moi d'être longuement débattue.
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Bravo à Daniel pour avoir gardé son calme, même si on le sentait à la limite de lui tirer les oreilles lorsque Saint Exupery s'offusquait sans motif des soi-disant sous-entendus des questions qu'on lui posait. Selon moi, il aurait été préférable d'avoir donné la parole à d'autres, qui eux etaient plus à même d'éclairer les choses sans en faire des caisses. Je me demande quelles sont les stratégies d'interview pour gérer un invité qui refuse aussi catégoriquement de rester dans le registre dans lequel on l'interroge.
"bonne émission malgré l'arrogance difficilement supportable de Saint Exupery..."
Je me permets de corriger:
bonne émission, surtout grace à la magnifique connaissance de son sujet par Patrick de Saint Exupery.
pourquoi ce génocide ?
quel était l'enjeu, y-en-avait-il un ?
oui les 30 personnes doivent reconnaitre les faits ...
qu'ils ne reconnaissent pas car leur "carrière", leur vie en souffriraient !
j'aimerais avoir un arrêt sur images sur la désobéissance;
l'exemple donné des militaires qui ont désobéi et qui l'ont payé cash alors
que leur désobéissance a sauvé des humains; tous les jours dans les boîtes
et ailleurs il y a des gens qui paient cash leur désobéissance pour trouver la
meilleure des solutions;
pourquon'y-a-t-il pas + de journalistes qui désobéissent ?
que font les militaires français en Centre Afrique ?
pour répondre à quelqu'un du forum : Papon était préfet ( de police );
Dommage que P de ST Ex monopolise la parole bien qu'il apporte beaucoup d'éléments pédagogiques.
Petite question:pourquoi n'y a-t-il pas un(e) seul(e) Rwandais(e) sur le plateau?
Je me souviens avoir été étonnée de la violence de la réaction de Védrine après les publications de Wikileaks.Il disait en même temps que ça n'apprenait rien et que c'était inadmissible, contraire à la démocratie, puisque "dictature de la transparence", etc ... J'avais trouvé ça un peu incohérent, mais je crois que l'affaire du Ruanda peut être une explication à sa grande inquiétude.
Par exemple les ONG à l'époque ont dénoncé le fait que les militaires français les ont obligées à quitter les camps de réfugiés Tutsis pour aller soigner les réfugiés Hutus ? Pourquoi ?
Pourquoi ne parle-t-on pas des massacres perpétrés par les Tutsis contre les Hutus en représailles?
Le débat sur ce forum tourne bien trop autour de St Exupéry. Est-ce encore une façon d'oublier que ce sont les Rwandais qui se sont massacrés? Afin d’atténuer leur propre responsabilité?
Il manque un grand absent, pas une seule fois évoqué dans l'émission: François Xavier Verschave qui a beaucoup travaillé sur le sujet.
J'ai souvent l'impression que l'on traite les noirs africains comme des enfants irresponsables de tout.
Il suffit d'entendre ce que l'on dit des massacres en Centrafrique. Tout est fait pour nous expliquer et surtout ne pas dire que ce sont des crimes racistes (ethniques ça passe mieux) mêlés de considération religieuses!
Il est temps que le "bon" pape aille y planter sa tente.
Allons nous attendre Trente ans pour parler du présent?
Vous ne croyez pas?
Quant à Justine , merci d'a r t i c u l e r .
L’attirance malsaine pour les génocides, bien sûr,
Mais aussi la souffrance de Patrick de Saint-Exupéry face à des souvenirs qui le hantent à l’évidence et le rendent totalement intolérant à toute supposition fautive, à la moindre légèreté d’analyse ou erreur d’appréciation !
Il est si facile de dire un peu n’importe quoi 20 ans après, dans un calme studio d’enregistrement, bien à l’abri des machettes et des lances, de la vision des cadavres mutilés, des hurlements des suppliciés, de l’odeur pestilentielle des cadavres en décomposition parmi les nuages de grosses mouches bombillantes…
Mais comment peut-on passer à côté de la mise en perspective historique de la problématique très banale du pardon ?
C’est vieux comme le monde, depuis les tribus affrontées de la préhistoire, non ? Cela n’aurait-il pas mérité quelques mots ?
De mémoire, 20 ans après la libération des camps de concentration, soit en 1965, nous étions dans l’amour le plus débridé avec les Allemands. Ou je me trompe ?
J’ai entendu dire aussi qu’après la désolante tonte des femmes qui avaient couché (ou non parfois) avec l’occupant, après quelques exécutions plus ou moins sommaires de collaborateurs notoires… La France avait finalement passé l’éponge assez vite, grâce à De Gaulle,
À tort ou à raison, c’est une bonne question. Mais le désir de vengeance ne conduit nulle part habituellement !
Dois-je parler du Vietnam d’où je vous écrit, qui a vécu la plus longue guerre du XXème siècle pourtant riche en abominations, reçu bien plus de tonnes de bombes que l’Europe durant la 2ème guerre, sans parler de l’agent Orange des sinistres crapules de Monsanto (qui bouge encore, lui, et espère bien nous faire crever avec ses OGM !)
Du Vietnam qui s’est déchiré entre Nord et Sud dans une guerre civile sans merci, qui a été envahi par les Chinois (1.000 ans) par les Français (100 ans) par les Japonais entre 40 et 45, qui a du aller calmer Pol Pot qui était en train de venir à bout de son peuple – il en avait exterminé un tiers : 2 millions sur 6 ! Et reconduire à la frontière les Chinois qui voulaient aider le bon Pol Pot…
Et vous croyez qu’ils ne sont pas réconciliés avec la terre entière, les Vietnamiens, et même entre eux et ça n’a certainement pas été facile ? Venez donc voir, vous serez édifiés !
Un détail : le Rwanda un pays High-Tech ? J’ai un doute ! L’internet c’est bien… Surtout quand on a de l’électricité. Et de quoi acheter un ordinateur et payer un Fournisseur d’Accès (10 € par mois au Vietnam !)
PG
Les invités parlent du silence, notamment le photographe Christophe Calais qui évoque des gens introvertis, "qui se confient pas forcément facilement et quand y commencent à se confier, se confient avec force détails. Chaque mot est pesé, y a de l'espace entre les mots et y a toujours une présence du silence".
Il est important de mettre des mots sur les choses. On peut parler de "syndrome post traumatique", il s'applique aux rescapés du Rwanda. Il n'aurait pas été inutile de le verbaliser dans l'émission. Les commissions de réconciliation et collectifs de la société civile, dont il est dit dans l'émission qu'ils se sont constitués un peu partout au Rwanda, accomplissent certainement une partie du travail de reconstruction psychologique, ils ne suffisent certainement pas et l'obstination vertueuse et hypocrite du politique français, qu'il soit de gauche ou de droite, à nier toute responsabilité dans le génocide, n'aide pas !!!
J'ai honte pour la France. Par France, je veux parler des instances dirigeantes mais aussi de l'incurie et de la désinvolture de beaucoup de médias qui ne font pas un vrai travail de recherche et de mémoire pour informer les citoyens. Au lieu de ça ils répètent de façon pitoyable les propos des politiques sans aucun recul.
Merci à @si de nous avoir offert cette émission qui nous permet de déconstruire les fantasmes de la société française si bien décrits par un Patrick de Saint Exupéry dont le calme impressionne. Il faut remercier ce journaliste de son humanité et de son témoignage "habité".
Je suis étonné par les paroles dures exprimées dans ce forum vis à vis de Patrick de St Exupery.
Je pense que cela est du à sa première intervention disons sèche en réponse à une question trop simple de Daniel.
Comme cela m'arrive souvent, j'ai regardé l'émission avec une pause assez longue durant son visionnage et qui, cette fois-ci, je le pense, m'a été bénéfique pour bien saisir le raisonnement de cet homme. Tous ses mots sont pesés et s'enchainent logiquement, une logique qui a été bâtie par ce qu'il a vécu et ce qu'il a ensuite analysé.
Emission à regarder mais surtout à écouter à partir de l'acte 2.
@si sauve l'honneur du journalisme, notamment audio-visuel, en France.
Quant à l'honneur de la France, ou du moins de ceux qui prétendent la diriger, il a visiblement été très largement bafoué sur les collines du Rwanda. Et malgré ce que dit Patrick de Saint-Exupéry (dont l'attitude qui peut parfois paraître déplaisante s'explique largement par ce qu’il a vécu), c'est bien d’une responsabilité collective dont il s'agit pour la France. Les décisions prises par nos dirigeants nous concernent tous. Si ils ne prennent pas les bonnes, c'est notre devoir de les virer. Et je crois bien que c’est ce que nous devrions faire aujourd’hui !
Vous avez l'oreille du Grand Manitou, donc on compte sur vous! L'honneur de la France est entre vos mains :)
Nulle hiérarchie donc dans cette société, où le clan tutsi des "Nyinginya" conserve pendant plus de 3 siècles le monopole du pouvoir politique dans le cadre d'une monarchie absolue, assise et relayée par une aristocratie locale pratiquant un féodalisme pastoral. Citons, notamment, la corvée imposée au agriculteurs hutus, deux jours par semaines... Où encore le "contrat de vache" (Luc de HEUSCH) par lequel le propriétaire foncier tutsi, exempté, selon les obligations de sa "caste", de tout travail agricole, accorde à son "client" hutu, moyennant la mise en culture de ses champs et le versement d'un loyer, l'usufruit d'une ou deux vaches avec interdiction absolue de conserver les génisses. Protection du capital oblige !
Nulle différence donc entre "les chapeaux ronds" et "pointus", malgré la stricte endogamie imposée aux tustis dans ce royaume du Rwanda où les hutus et les twas sont, pour leur part, voués à l'exercice de certaines activités. Endogamie durant au moins une vingtaine de génération qui, naturellement, n'a eu aucune conséquence sur les caractéristiques physiques - inventées de toute pièces par le colonisateur - des différentes composantes de la société rwandaise. En dépit donc de toutes les règles de la génétique qui, comme chacun sait, est une discipline raciste.
Selon nos nouveaux missionnaires humanitaires, seul le colonisateur est à l'origine de la division de la société rwandaise, fruit de son idéologie "racialiste", "ethniciste"... Il est bien évident qu'avant son arrivée, les "bons sauvages" rwandais étaient bien incapables d'une organisation sociale et politique aussi complexe et hiérarchisée.
En réalité, le colonisateur a procédé au Rwanda comme partout ailleurs depuis que le mouvement de colonisation occidentale s'est mis en marche. Il s'informe grossièrement sur l'organisation sociale et politique de la région convoitée. Puis il instrumentalise maladroitement les divisions apparentes en s'appuyant, en général, sur l'élite locale tant que son pouvoir n'est pas contesté. Et quand il rend les clés du pays, comme les Belges, au Rwanda, il a tellement exacerbé les factures initiales que la société est mûre pour ce que l'on a considéré d'abord avec mépris, en 1960, comme une "guerre tribale" sans imaginer qu'elle est la matrice de futurs "génocides".
Hélas, dernière ce terme, il y a toute la force "totalisante" et surplombante du Génocide antérieur de référence - l'extermination des juifs (et des tziganes) d'Europe et celle, non moins troublante de la "propagande humanitaire" qui a galvaudé le mot en Bosnie, au Kosovo...
Entre ces deux écueils, il est plus facile de mettre en scène le génocide rwandais à travers une imagerie et des discours sentencieux que d'en expliquer la singularité et la dimension géopolitique.
D'où l'intérêt de la longue et sérieuse enquête de terrain d'Hélène Dumas, l'importance de sa présence "trop discrète" dans l'émission... Et l'agacement suscité par l'omniprésence moralisatrice de Patrick de Saint-Exupéry.
Désolé que vous n'ayez pas compris la sensibilité de Patrick de Saint Exupéry, mais ce n'est visiblement pas à la portée de votre propre manque de sensibilité. L'homme naît et demeure inégal, finalement, sur tous les plans !
PG
quant à ce que vous appellez " l'exigence des parasites qui font semblant de nous diriger(vers le mur)pour mieux nous piller",en référence à une corvée imposée,votre ironie déplacée s'impose servilement.
D'autant que je ne suis pas très accessible aux donneurs de leçons ni aux videurs de poches : c'est loin le Vietnam, et il n'y a pas d'accords de pillage entre France et Vietnam !
Différence à cause de générations d'endogamie ? Faut-il en déduire que nous avons en France plusieurs ethnies également, les "gens-avec-particule", aussi appelés "nobles", ayant respecté une stricte endogamie pendant des siècles, et étant certainement ainsi devenus totalement à part ?
Je pense qu'aucune des personnes présentes sur le plateau ne serait fondamentalement en désaccord avec cette partie de votre analyse : "En réalité, le colonisateur a procédé au Rwanda comme partout ailleurs depuis que le mouvement de colonisation occidentale s'est mis en marche. Il s'informe grossièrement sur l'organisation sociale et politique de la région convoitée. Puis il instrumentalise maladroitement les divisions apparentes en s'appuyant, en général, sur l'élite locale tant que son pouvoir n'est pas contesté. Et quand il rend les clés du pays, comme les Belges, au Rwanda, il a tellement exacerbé les factures initiales que la société est mûre pour ce que l'on a considéré d'abord avec mépris, en 1960, comme une "guerre tribale" sans imaginer qu'elle est la matrice de futurs "génocides". "
(le "s" de "génocides" en moins)
Ce qui pollue ce débat, c'est l'instrumentalisation qui a été faite du discours "les tutsis ont opprimé les hutus pendant des siècles", une affirmation également extrêmement simpliste et tout à fait réductrice par rapport à la réalité, comme excuse pour les délires racistes des génocidaires.
Oui cette mise en perspective des choses me met toujours mal à l'aise. Bien que cela puisse expliquer le processus, je crains que cela devienne plus ou moins consciemment une façon de minimiser la responsabilité des massacres.
Comme le fait le Rwanda au fond; en même temps qu'il impose un devoir de résilience pour les victimes, son président met l'accent sur la responsabilité de la France. Une façon encore de minimiser la culpabilité des protagonistes.
Ce qui n'empêche pas de faire une enquête sur la vérité et sur le rôle des soldats et des diplomates français là bas.
La vérité n'est ni bonne ou mauvaise, elle est nécessaire!
"Le monde n'est pas dangereux du fait qu'une minorité fait le mal mais du fait qu'une majorité laisse faire"
(cette phrase attribuée à Einstein n'a jamais été autant à propos)
Ce qui pollue ce débat, c'est l'instrumentalisation qui a été faite du discours "les tutsis ont opprimé les hutus pendant des siècles", une affirmation également extrêmement simpliste et tout à fait réductrice par rapport à la réalité, comme excuse pour les délires racistes des génocidaires.
Mais en fait, c'était quoi les motivations des génocidaires ? Pourquoi des gens ont commencé à dire "il faut éliminer ces cafards", pourquoi une partie non négligeable de la population l'a fait et pourquoi certains continuent à vouloir "finir le travail" ?
C'est quoi exactement le contenu du "délire raciste" et pourquoi est-il partagé ?
Dans le documentaire, un tueur dit qu'ils étaient comme des chiens enragés et on a presque l'impression d'une folie collective créée par la propagande en quelques années, dans une ambiance qui rappelle les chasses aux sorcières, les épurations où on relâche violemment une frustration haineuse .
Au passage, en matière de frustration haineuse, certains commentaires sous la vidéo du documentaire sont pas mal...
Si ici, en France, ailleurs, dans n’importe quel pays, l’autorisation officielle de tuer était donnée, si cette autorité
incitait même à massacrer une partie de la population, que se passerait-il ?
Par exemple, dans notre beau pays, dans le contexte actuel, si un gouvernement nous demandait d’éliminer les immigrés et les Roms,
que se passerait-il ?
J’ai un peu ma réponse, elle me déprime.
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De même pour l'expérience de Milgram, ce ne sont pas des êtres humains neutres qui y ont participé, mais des personnes éduquées à l'européenne, éducation globalement utilitariste et technique, apprenant entre autres à respecter l'autorité.
Le premier conflit violent survenu en 1959 en entre ces deux grands courants de future élite politique rwandaise et connu sous le nom de "Révolution sociale" trouve son expression "programmatique" et "idéologique" dans deux manifestes publiés auparavant.
Le Manifeste des Bahutu (sous titré "Note sur l’aspect social de la question raciale indigène"), signé en mars 1957 par 9 intellectuels hutus formés au Séminaire dont Grégoire Kayibanda et Joseph Habyarimana Gitera, 2 futurs présidents de la République, dénonce le monopole politique, économique et social exercé par la "race tutsi" et demande par ailleurs le maintien de la mention ethnique sur les papiers d’identité.
En réponse à l'impact politique de le manifeste, 12 personnalités influente de la Cour publient, en mai 1958 le manifeste intitulé "Voici le détail historique du règne des Banyiginya au Rwanda", qui réaffirme, avec une morgue aristocratique et une série d'arguments généalogiques et mythologiques, l’absence de fraternité fondant les relations hutu-tutsi au Rwanda, le statut inférieur et la vocation au servage des hutu et donc l’illégitimité de leurs prétentions à l’exercice du pouvoir.
L'hostilité entre les deux principales "classes" ou "ordres" (au sens féodal) de la société rwandaise qui 'exprime à travers ces deux manifeste n'est évidemment pas uniquement fondée et inspirée par la tutelle coloniale.
Les autorités coutumière nommées par le Mwami couvrent le pays d'un réseau de 79 chefferies, toutes confiées à des tutsis et 1085 sous-chefferies. dont 1082 sont tenues par des Tutsis.
L'hostilité entre les deux principales "classes" ou "ordres" (au sens féodal) de la société rwandaise qui s'exprime à travers ces deux manifestes n'est évidemment pas uniquement fondée et inspirée par la tutelle coloniale. Elle trouve ses racines dans le système pré-colonial que reflète d'ailleurs les autorités coutumière coloniale encore nommées par le Mwami et qui couvrent le pays d'un réseau de 79 chefferies, toutes confiées à des tutsis et 1085 sous-chefferies. dont 1082 sont tenues par des Tutsis.
Le conflit qui éclate après la mort du mwami Mutara en juillet 1959 et l'intronisation controversée de son successeur, son fils Kigeli V Ndahindurwa, est déjà caractérisé par des violences extrêmes (pillages, incendies, meurtres collectifs à l'arme blanche...) semblables à ceux du génocide de 1994 survenues, notamment, après la politique d'élimination lancée par les milieux monarchistes conservateurs, les dirigeant de l’UNAR (Union Nationale Rwandaise) contre les leaders politiques du PARMEHUTU (Parti de l’Emancipation du Peuple Hutu) de Grégoire Kayibanda et l’APROSOMA (Association pour la Promotion Sociale de la Masse) de Joseph Habyarimana,..
Ces événements et ce contexte ne permettent évidemment pas d'expliquer le paroxysme des violences du génocide de 1994 mais ils nous invitent à récuser les explications simplistes qui tentent à nier toute différence et tout conflit entre tusti et hutus, avant l'époque coloniale, et à privilégier systématiquement le rôle d'une "idéologie génocidaire" imposée par le colonisateur.
Le premier conflit violent survenu en 1959 en entre ces deux grands courants de future élite politique rwandaise et connu sous le nom de "Révolution sociale" trouve son expression "programmatique" et "idéologique" dans deux manifestes publiés auparavant.
Le Manifeste des Bahutu (sous titré "Note sur l’aspect social de la question raciale indigène"), signé en mars 1957 par 9 intellectuels hutus formés au Séminaire dont Grégoire Kayibanda et Joseph Habyarimana Gitera, 2 futurs présidents de la République, dénonce le monopole politique, économique et social exercé par la "race tutsi" et demande par ailleurs le maintien de la mention ethnique sur les papiers d’identité.
En réponse à l'impact politique de le manifeste, 12 personnalités influente de la Cour publient, en mai 1958 le manifeste intitulé "Voici le détail historique du règne des Banyiginya au Rwanda", qui réaffirme, avec une morgue aristocratique et une série d'arguments généalogiques et mythologiques, l’absence de fraternité fondant les relations hutu-tutsi au Rwanda, le statut inférieur et la vocation au servage des hutu et donc l’illégitimité de leurs prétentions à l’exercice du pouvoir.
L'hostilité entre les deux principales "classes" ou "ordres" (au sens féodal) de la société rwandaise qui s'exprime à travers ces deux manifestes n'est évidemment pas uniquement fondée et inspirée par la tutelle coloniale. Elle trouve ses racines dans le système pré-colonial que reflète d'ailleurs les autorités coutumière coloniale encore nommées par le Mwami et qui couvrent le pays d'un réseau de 79 chefferies, toutes confiées à des tutsis et 1085 sous-chefferies. dont 1082 sont tenues par des Tutsis.
Le conflit qui éclate après la mort du mwami Mutara en juillet 1959 et l'intronisation controversée de son successeur, son fils Kigeli V Ndahindurwa, est déjà caractérisé par des violences extrêmes (pillages, incendies, meurtres collectifs à l'arme blanche...) semblables à ceux du génocide de 1994 survenues, notamment, après la politique d'élimination lancée par les milieux monarchistes conservateurs, les dirigeant de l’UNAR (Union Nationale Rwandaise) contre les leaders politiques du PARMEHUTU (Parti de l’Emancipation du Peuple Hutu) de Grégoire Kayibanda et l’APROSOMA (Association pour la Promotion Sociale de la Masse) de Joseph Habyarimana,..
Ces événements et ce contexte ne permettent évidemment pas d'expliquer le paroxysme des violences du génocide de 1994 mais ils nous invitent à récuser les explications simplistes qui tentent à nier toute différence et tout conflit entre tusti et hutus, avant l'époque coloniale, et à privilégier systématiquement le rôle d'une "idéologie génocidaire" imposée par le colonisateur.
Mais rien ne prouve qu'un conflit social soit moins propice à une dérive génocidaire qu'un conflit "racial". Comme en témoigne l'histoire du Cambodge.
C'est violent, mais la racialisation vient y ajouter un élément très différent : le but n'est plus social, ça dépasse même la simple vengeance.
Le Cambodge... une autre colonie, un autre pays instrumentalisé par l'occident, pays le plus bombardé de l'histoire. Quel hasard !
Jared Diamond, dans le long chapitre de son dernier essai (Le monde jusqu'à hier) qu'il consacre à la violence dans les sociétés traditionnelles rappelle et montre, avec de nombreux exemples, que les conflits armés, malgré un équipement peu sophistiqué, y sont relativement plus meurtrier que les guerres "classiques" et que dans "ces guerres traditionnelles", contrairement, aux conflits étatiques, touchent généralement l'ensemble des communauté - hommes, femmes, adultes jeunes, et âgés, enfants et bébés - qui une fois encerclés sont systématiquement exterminés. Or ces conflits très meurtriers surviennent parfois, comme en Nouvelle-Guinée, entre des groupes qui ne se distinguent nin par la langue, ni par l'organisation sociale mais seulement que par l'occupation de territoire contigus.
Qu'en d'autres temps, il y ait eu des massacres, c'est une évidence.
Ce n'est pas pour autant, d'une part, qu'ils sont liés à une tension dans l'organisation sociale en soi - c'est bien quand une dimension racialiste, ou tout au moins identitaire (par ex. religieuse) vient s'y ajouter que le massacre de l'autre devient pensable - d'autre part, on n'a jamais atteint ce degré de systématisme, d'organisation froide et rationnelle, pensée et réfléchie posément en amont, que dans les génocides du XXe siècle.
Ces deux critères (remplacement du social par du racial, organisation rationnelle) semblent bel et bien avoir été suscité par la civilisation occidentale dans le cas du Rwanda (et du Cambodge).
Il faut relire Milgram. Il y a, je pense, dans les cas de génocide une double dé-responsabilisation morale.
Le donneur d’ordre n’agit pas, ne tue pas. Le tueur ne fait qu’obéir.
L’organisation nazi était aussi une illustration de cette dé-responsabilisation.
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Le discours suivant, prononcé par Léon Mugesera, alors cadre du MRND (parti présidentiel) en 1992 et considéré comme une des étapes qui ont mené au génocide, est un bon exemple de la rhétorique des génocidaires : http://rwanda94.pagesperso-orange.fr/sitepers/dosrwand/kabaya.html
Dans la constitution de cette rhétorique et du génocide qui a suivi, on peut trouver plein de facteurs. Comme pour le nazisme. Ce type de haine extrême ne se développe pas du jour au lendemain.
Pêle-mêle, on peut citer :
- Un tout petit pays, enclavé, très peuplé, plutôt coupé des influences extérieures, dans lequel les gens restent et où les blessures mal guéries ont tout le loisir de pourrir et s'infecter
- Un complexe d'infériorité intériorisé et du ressentiment ancien, lié à la fois à l'organisation traditionnelle de la société et à la façon dont le colonisateur l'avais maintenue, menant à vouloir écraser ceux perçus comme supérieurs (et pendant longtemps scientifiquement définis comme supérieurs par les théories du racisme scientifique, ce qui est une monstruosité en soi)
- Une haine raciste violente du tutsi vu comme un étranger et un envahisseur (là aussi à cause des théories racistes hamitiques)
- Des haines régionales également très ancrées
- Un climat de guerre larvée présent depuis les années 60, un climat de paranoïa envers les tutsis de l'extérieur et en lien avec l'histoire du Burundi, monté en paroxysme avec l'offensive du FPR
- Un situation de crise économique et des perspectives liée à la crise du café au Rwanda et à la situation de surpopulation
- Une montée très forte de la violence des discours, la mise en place d'une propagande extrêmement virulente et incendiaire
- Un laxisme, sinon un encouragement de la part des autorités en place face aux violence faites envers la minorité
Bien sûr, aucun de ces facteurs n'explique tout, en soi, et même la corrélation de ces facteurs n'explique pas grand chose.
Meilleure contribution au débat selon moi, merci. L'appréhension des réalités pré-coloniales est évidemment essentielle mais difficile.
Ce serait encore mieux si vous citiez quelques sources.
Cdt.
Ca continue encore et encore, içi ou dans d'autres lieux. Les humains massacrent avec autant de légèreté effarante. De la guerre à l'abattoir, cachez ce sang que je ne saurais voir!
Pourquoi personne ose dire que là bas aussi les gens sont racistes et haineux; pas plus en Serbie qu'en Centrafrique?
Comme si l'on pensait que c'était "normal" avec des africains.
Alors oui c'est pratique de trouver un responsable extérieur des faits commis par des autochtones.
"Il existe deux sortes d'assassins, ceux que l'on condamne et ceux que l'on décore" RomainDesbois
M. de Saint Exupéry peut agacer mais il me semble choqué "à vie" en fait. Ceci explique cela.
Je me souviens très bien. À l'époque, j'avais 14 ans et on en parlait déjà beaucoup. Dans mon souvenir on s'appitoyait plus qu'on analysait la situation et l'opération turquoise était vendue comme un truc pour pacifier les choses. Mais bon, jamais je n'ai vu une émission comme celle-là. Sur aucun média en fait. Oh non... Sur aucun... :( Les témoignages sont édifiants et le constat accablant... À tout point de vue.
Pour moi, c'est quasiment une de vos meilleures émissions. La barre est très haute... très très haute même... et quand je vois en comparaison les articles de cette semaine sur Rue89 avec du Marine Le Pen en veux-tu en voilà... Pffff... en comparaison, je ne peux être que consterné...
J'ai la nausée... Et vraiment le bourdon...
Ce pays ne sait regarder ni son histoire ni ses responsabilités...
Il faudra que ça change un jour...
parce que lui a été sur place et que si on veux comprendre , il faut aller sur place,
et que vous comprenez rien, parce que lui il sait tout,il voie tout !
Pour ma part, cette personne n'éclaire rien, il noie le poisson !
Je peux comprendre que certains ne comprennent pas trop le ton de Patrick de Saint-Exupéry, mais ce serait profondément injuste de retenir ça contre lui, parce que sa façon de parler s'inscrit directement à l'inverse d'une certaine façon de présenter le génocide en France qui est profondément haïssable, parce qu'elle s'appuie avant tout sur la négation du génocide.
Les remarques de Daniel qui l'ont fait tiquer sont également des remarques qui m'ont faites un peu sursauter devant mon ordinateur, pas parce qu'elles sont coupables en soi, mais parce qu'elle ont été polluées en sous-main par une argumentation perverse qui vise à relativiser le génocide et à dénigrer ceux qui sont toujours perçus comme des ennemis. Or cette argumentation, battue en brèche par énormément d'éléments, on la retrouve dans toute une partie des articles sur le sujet et on la retrouve également constamment dans les remarques que les gens semi-informés font, dans-la-vraie-vie et en ligne, quand on aborde le sujet (j'invite ceux qui en doutent à regarder les commentaires d'une grande partie des articles publiés cette semaine sur le Rwanda, c'est édifiant).
Les remarques en question :
La remarque sur "les tutsis étaient-ils les aristocrates" : le fantasme des hutus serfs et des tutsis seigneurs a été un des éléments qui a déterminé les sympathies françaises dans le dossier du Rwanda, et cet élément a souvent été utilisé comme explicatif du contexte historique du pays. ça a décidément bien marqué les esprits, parce que j'ai entendu des tas de fois "oui mais les tutsis ont opprimé les hutus pendant des siècles" voire "avant le hutus étaient les esclaves des tutsis", ce qui est parfaitement faux, sans compter que l'équilibre des forces s'était tout à fait renversé depuis l'indépendance.
Ensuite, la remarque "Kagamé sait communiquer et aller chercher des soutiens, chez les anglo-saxons", qui est tout à fait anodine, voire juste en soi mais qui fait faire un bond parce qu'elle rappelle les campagnes de dénigrations menées par certains sur Kagamé. En toute honnêteté, je n'ai pas suffisamment de connaissances pour réussir à me faire une opinion informée sur Kagamé. En bon ou en mauvais, c'est certainement quelqu'un d'extraordinaire : il est arrivé dans un pays qui était dans une situation totalement hors normes et l'action du gouvernement a été également totalement hors normes - il y a un Etat, un développement économique et une société civile dans un pays où deux millions de personnes ont participé au génocide de 800 000 autres il y a 20 ans seulement ! Mais le classement du Rwanda sur l'échelle de la liberté de la presse est assez lamentable et des opposants sont kidnappés et tués. Le Rwanda aurait également un rôle déstabilisateur en RDC (mais honnêtement, avec des milices d'ex-génocidaires réfugiés là-bas et convaincus qu'il faut finir le boulot, comment est-ce que les choses auraient pu bien se passer ?) Bref. Quoi qu'il en soit et quels que soient ses torts, une partie des articles qui paraissent en France sur Kagamé font preuve d'une détestation qui confine à l'irrationnel. J'ai déjà vu des articles dans Marianne2 qui commençaient par une phrase dans le genre de "Regardez-le, cet épouvantable dictateur, avec ses petits yeux châssieux..." Il est la tête de turc de tous les souverainiste-la-France-a-raison, qui lui reprochent généralement de parler anglais, d'être à la solde des Etats-Unis, et, par le biais de témoins interchangeables se rétractant souvent ou d'enquêtes menées de façon douteuse (Bruguière...) d'avoir abattu l'avion présidentiel le 6 avril 1994 DONC d'être responsable du génocide (selon l'argument imparable avion = génocide), les gens qui tenaient les machettes ou faisaient fonctionner la radio n'existant semble-t-il pas.
Ces deux argumentations (pas les remarques de Daniel, les argumentations qu'elles rappellent en creux) sont particulièrement insupportables parce qu'elles nient le génocide, et ce de trois façons différente :
D'abord, en faisant de la victime le coupable, en mettant le doute sur le tutsi, ce qui fait qu'il faut encore aujourd'hui constamment préciser, 20 ans après, que les tutsis ont été les victimes du génocide.
Ensuite, parce qu'aucun de ces deux arguments, quand bien même ils seraient exacts, ne peut tenir une seconde quand le crime qu'on leur oppose est un génocide : pour les admettre, il faut donc choisir de ne pas admettre que ce qui s'est passé au Rwanda est un génocide.
Enfin, parce qu'elles sont en fait profondément racistes : la première, en faisant du Rwanda un village des schtroumphs archaïque en Afrique avec une vision totalement simpliste de la société pré-coloniale et des rapports entre êtres humains en Afrique ; la seconde, en s'appuyant en fait sur l'idéologie raciste anti-tutsi par la déformation de laquelle Kagamé devient un fantasme détesté : tutsi, anglophone et "étranger", hautain, machiavélique - et c'est surprenant de voir avec quelle facilité des français qui n'ont aucune raison d'être sensibles à l'idéologie raciste anti-tutsi se sont emparés de cette rhétorique !
Et Patrick de Saint-Exupéry, parce qu'il a eu raison trop tôt et que tellement de monde s'en fout que les choses ont du mal à percer, se retrouver à ressasser les mêmes faits vrais mais tellement ignorés : ce qui s'est passé au Rwanda est hors normes, c'est un génocide, les rwandais sont des gens intelligents, complexes et sensibles comme partout ailleurs qui ont été confronté à des situation totalement extrême et vivent maintenant des une situation totalement inédite.
Une autre remarque :
Hélène Dumas a raison quand elle dit que la focalisation des médias sur la réconciliation montre un certain besoin de "happy end", d'une assez coupable légèreté parce que le temps n'a pas été pris, avant, de réellement parler de l'horreur. Je me dis aussi que ça correspond à une sorte de besoin narratif, de construction en trois acte hollywoodienne ou de dialectique un peu à la Hatzfeld (un livre sur les victime, un livre sur les bourreaux, un livre sur les victimes et bourreaux vivant ensemble (je dis ça sans critique particulière contre Jean Hatzfeld qu'édulcore pas !)). C'est une forme de clôture du sujet, qui rassure parce qu'il évacue la question de la souffrance (et on sait que la question de la souffrance durable n'est pas facile à traiter).
Je me dis que la chose est à prendre très différemment, ceci dit, quand il s'agit du pardon montré dans les médias occidentaux et du pardon d'Etat organisé au Rwanda. Au Rwanda, le pardon d'Etat relève plutôt d'une nécessité : après le moment hors normes du génocide, ceux qui restent n'ont pas d'autre choix que de continuer à vivre, et le pays à tenter de se reconstruire. Or dans un pays où tellement de gens ont été impliqué dans l'assassinat de tellement d'autres, continuer à vivre et reconstruire veut nécessairement dire trouver des modalités de vie en commun, et donc pardonner, ne serait-ce que au niveau de l'Etat. Le Rwanda ne pouvait pas fonctionner avec un quart de sa population en prison.
Un des éléments qui me rend la rhétorique des détracteurs de Kagamé vraiment suspects est qu'il me semble qu'on ne peut pas dénier que l'attitude du Rwanda de Kagamé par rapport à l'ethnisme et à la reconstruction d'une société après un génocide a été profondément saine, et l'attitude qu'a la population Rwanda par rapport à la population française, malgré ce qui est reproché aux dirigeants, semble également être plutôt saine. Je trouve incroyable qu'on puisse ne pas se rendre compte de ce que cette politique a d'important dans le contexte du Rwanda.
Enfin :
Christophe Calais était très bien (les trois invités étaient très bien), je regrette qu'on ne l'ai pas plus entendu, et notamment que son dernier ouvrage n'aie pas été commenté : j'ai lu le webreportage du Monde sur "avoir 20 ans au Rwanda" et ils parlaient des enfants de génocidaires et de leur difficulté à vivre avec ce poids, ça m'aurait intéressé d'en savoir plus...
Petit point de détail pour une émission d'utilité absolument publique. Merci encore. Je suivrais bien Primus dans sa demande, c'est un sujet qui vaut le coup d'y revenir !! Et il y a vraiment beaucoup à dire sur la façon dont il est évoqué en France.
http://www.lejdd.fr/International/Afrique/Francois-Leotard-Nous-n-avons-aucune-excuse-a-faire-a-M-Kagame-660688
C’est à ce niveau que se noue l’articulation entre un certain savoir-faire français de guerre contre insurrectionnelle et le pouvoir rwandais de l’époque.
Allez DS, une 2e émission sur ce thème ! C’est peut être un peu « technique » mais c’est comme ça que l’on pourra éviter que le poisson se noie. Ou bien il sera déjà temps de passer à autre chose la semaine prochaine? :)
St Exupéry n'est pas le meilleur client mais les questions de Daniel n'étaient pas très fines non plus...
Juste une précision, le co-auteur du livre de Patrick de St-Exupéry s'appelle Hippolyte, et il n'est jamais cité (ni à la fin, ni dans votre paragraphe de présentation). Le dessinateur est aussi auteur ne l'oubliez pas.
Merci !
sinon émission intéressante.
Qu'est-ce-que tu parles vite, faut suivre :)
(j'ai le même problème)
Encore quelques minutes et je m'y colle.