"Les communs, ce n'est pas le monde des bisounours !"
L’eau, l’air, les paysages, l’image des œuvres architecturales ou plus généralement des œuvres parvenues dans le domaine public : à qui appartiennent tous ces biens ? Doivent-ils être appropriables ? Doivent-ils appartenir à la collectivité et, dans ce cas, peut-on leur donner un statut… commun ? Ce débat juridico-philosophico-politique a émergé à l’occasion du vote de la loi numérique – sans traduction concrète pour le moment – et nous le menons aujourd’hui avec quatre invités : Benjamin Coriat, économiste et auteur d’un ouvrage collectif intitulé Le retour des communs, La crise de l'idéologie propriétaire (Editions Les liens qui libèrent), Nathalie Martin, directrice exécutive de Wikimedia, Frédéric Sultan, membre de Vecam et responsable du site Remix the Commons, ainsi que Denis Genovese, pêcheur de la prud’homie d’Antibes.
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Derniers commentaires
C'est la SACEM qui fait signer un contrat aux gens qui choisissent de signer chez eux qui les oblige à leur céder la gestion de la totalité de leurs droits d'auteur, et la SACEM décide d'interdire toute utilisation gratuite des oeuvres de son catalogue. Si une loi passait qui disait qu'un artiste peut s'il le souhaite laisser la libre utilisation de son oeuvre (ce qui est déjà possible je le rappelle), ça ne changerait rien ! la SACEM aura toujours le droit de faire signer un contrat aux artistes qui les engage à ne pas utiliser ce droit...
l'eau bien commun: OUI OUI OUI;
en Auvergne, certains villages ne paient pas l'eau;
l'eau bien commun, c'est possible;
( à noter que si une conduite pète, cela sera aux frais des utilisateurs, parfois);
j'ai du gros sel de Guérande et dessus il y a "coopérative des producteurs";
l'exploitation du sel de Guérande est un succès: il est en vente
en grande distribution, sa qualité et son prix sont très corrects: consommateurs
et producteurs sont satisfaits;
les sectionnaux existent aussi en France: j'ai l'exemple d'un village d'Auvergne où
il y a eu des coupes d'arbres en forêt et les villageois ont eu l'argent de la vente; cela a été
décidé par le maire sauf erreur de ma part; pb: les chutes n'ont pas été déblayées
et je crois que la loi (?) oblige une replantation et personne n'en parle ...
https://8e-etage.fr/2016/03/14/espagne-la-mosquee-cathedrale-de-cordoue-na-officiellement-pas-de-proprietaire/
ainsi qu'un recensement des initiatives en France http://encommuns.org/#/p/list
1. En tout premier lieu, elle nous permet d'avérer l'énigmatique déclaration de Proudhon: "La propriété c'est le vol". En dévoilant en effet qu'il existe un mode de relation des hommes aux choses, naturelles ou produites, ne passant pas - parce que ne devant pas - passer par la propriété (qu'elle soit individuelle ou collective, publique, étatique, ou privée), elle fait apparaître l'origine de la propriété en tous ses avatars dans la violence confiscatoire par quelques-uns de l'accès à ce qui ne saurait appartenir à personne: à savoir, non seulement les ressources matérielles, mais aussi, sinon surtout, l'apport, "l'aubaine" de la coopération (matérielle et intellectuelle) dans la réalisation des travaux nécessaires à la survie des groupes humains. Ce que l'on appelle les "communs" (est-ce le terme approprié ou seulement un expédient provisoire pour la question à envisager?) désigne(nt) ce mode de relation à la nature et entre les hommes que Mauss a caractérisé dans son Essai sur le don par ces trois verbes: donner, recevoir, rendre dont il faut souligner et dont il faudrait creuser le sens du dernier.
2. D'où, l'importance de la référence aux "enclosures" qui illustrent en quoi, a non seulement historiquement consisté, mais continue en permanence de consister le "mode de production" appelé "capitalisme". Dans la fameuse section du Capital, longtemps fâcheusement traduite en français sous le titre "L'accumulation primitive", Marx dévoile la violente réalité de ce qui était présenté comme "la soi-disant accumulation originelle" (: Die sogenannte ursprüngliche Akkumulation titre allemand de la section): "La base de tout ce processus, c'est l'expropriation hors de sa terre du producteur rural, du paysan", écrit-il. Aujourd'hui, où le capitalisme est devenu "cognitif", ce sont des connaissances apportées par l'ensemble des travailleurs dont ceux-ci doivent être expropriés. D'où la légitimité de l'association des communs "naturels" aux communs "intellectuels" dans l'émergence actuelle de la question.
3. Il y a donc bien une autre naissance, un alter-natif économique à opposer, non seulement au capitalisme qui en est le plus développé, mais à l'ensemble des modes d'existence faussement fondés sur la propriété: à savoir, celui dont Marx nous a fait la promesse et Mauss nous a livré la formule: l'économie du don qui, elle, est la véritable condition humaine d'existence. Elle se retrouve nécessairement dans tous les autres modes économiques: aussi injustes qu'il puissent être. Sans le don devenu extorqué aux défavorisés, qu'adviendrait-il en effet de ces injustes régimes?
4. L'émergence de la question des communs nous rappelle que nous le savons en réalité: soit, pour le préciser, l'alternative du don renouvelée par la déposition de la superstition de la propriété.
« Les communs se caractérisent finalement par trois éléments : une ressource, une répartition des droits autour de cette ressource, et des règles de gouvernance pour résoudre, si nécessaire, les conflits. »
Bah, si on s’en tient à cette définition, l’ONF est un commun… et la SACEM aussi.
L’exemple de la prudhommie de pêcheurs permet pourtant, si on écoute ce sur quoi insiste Denis Genovèse, de relever quelques éléments clés qui permettent de distinguer les communs de n’importe quelle structure ad hoc de « gestion d’une ressource ».
— un commun est toujours une intelligence collective, une connaissance partagée, co-construite, non seulement d’une « ressource » mais d’une situation (un territoire, une faune, un champ d’action ou de conceptualisation…). Respecter cette connaissance, comprendre l’importance de son enracinement empirique, sans la réduire à une simple « intelligence pratique » (les communeurs lisent aussi, s’informent, ont accès eux aussi à des « savoirs savants » !), ce n’est pas toujours évident pour les clercs et les technocrates..
— un commun est une organisation démocratique, et sa démocratie est participative. Certes, on peut désigner un représentant pour faire appliquer les règles d’usage : mais ces règles sont le fruit d’une délibération à laquelle tous participent. Le pouvoir d’établir la loi n’est pas délégué. Quant à la loi imposée « du dehors » ou « d’en haut », le commun peut généralement avoir à s’y plier, mais il n’en est pas la courroie de transmission : il « fait avec », comme il fait avec toutes sortes d’autres contraintes/protections. Pour autant que je sache, c’est un caractère général des communs.
— Un commun n’a pas seulement des « règles de fonctionnement », il a/discute/produit des valeurs, une conception autonome (nomos, la loi) de ce qui est équitable ou pas, des visées à terme de son action, des relation entre son intérêt et le « bien public » (bien ici au sens de valeur, non de propriété). Il ne se réduit pas à une gouvernance « utilitaire », finalisée par la gestion des conflits d’usage de la ressource.
Bref, un commun est avant tout une forme particulière d’organisation politique, et pour ma part je retiendrais ces trois caractères :
— Local : spécifique à un territoire matériel ou immatériel, un champ social, un moment (inscrit dans une histoire). Situé et non « en l’air ». Ce qui pose la question de ce que pourrait être (ou ne pourrait pas) un « commun universel », ou autrement dit du passage du local au global…
— Phénomène politique et non simplement économique, fait anthropologique ou « fait social total » (à discuter ?), en tout cas qui ne peut se distinguer de ce qu’il n’est pas à l’aide de seuls critères économiques.
— Processus de connaissance collective autant que d’action commune. Un commun, ce n’est jamais « exécuter sans réfléchir ». Processus et « trésor » de connaissance. Ce qui permet de revenir à l’exemple de brevetage du vivant : attaquer un commun, c’est s’attaquer à la connaissance, avant tout comme processus : c’est l’étouffer. Ce qui, c’est patent dans cet exemple, n’est pas un « effet indésirable », mais bien le but de la manœuvre. Tout pouvoir, politique ou économique, craint qu’une connaissance vivante échappe à son contrôle.
Pour les agriculteurs... il commence, en effet à y avoir des tentatives de regroupement pour un bien commun. Mais c'est encore embryonnaire. À suivre.
Que l’on peut formuler de tant de manières différentes, pour dire la même chose :
• Qui peut prendre le pognon ?
• De quel droit ?
• Au nom de quelle règle ?
• Établie par qui ?
• Avec quel conflit d’intérêt ?
• Quelle part de l’oseille ?
• Pourquoi ?
• Comment ?
• C’est la lutte des classes !
• Ou la lutte finale (qui ne semble pas finie…)
En réalité c’est d’une simplicité renversante :
"Tu vois, le monde se divise en deux catégories, ceux qui ont un pistolet chargé et ceux qui creusent. Toi tu creuses. "
L’oligarchie et son administration (pompeusement rebaptisée “Sévices Publics” – eux disent “Services” pour mieux noyer le poisson rouge, la carpe et le lapin à la moutarde de Dijon) tient le pistolet très chargé… Nous, le peuple, on creuse !
Et ça vous étonne ?
Vous êtes vraiment tombés de la dernière averse !
Allez, creusez bien ! Vous allez me rejoindre du côté de la Chine...
Quand on laisse son petit tas d’or, péniblement gagné, sur le trottoir sans le surveiller... on n’est pas une victime.
Mais un simple con !
PG
P.S. : C'est étonnant comme les sujets intéressants suscitent peu de réactions ! On vous a chloroformés ?
Merci aussi à Anne-Sophie et au lider maximo pour mettre ainsi le poing sur un doigt oh combien sensible.
Le sens (du) commun... Valeur en perdition.
Est-ce que quelqu'un d'informé sait si cette notion a déjà été interrogée concernant les manuels scolaires ?
Ils sont écrits par des profs et inspecteurs, qui réinvestissement la connaissance acquise dans le cadre de leur exercice professionnel, donc, au départ, cette connaissance est entièrement issue du domaine public, et les gens qui l'ont ont été payés pendant qu'ils l'ont acquise.
Et, alors même que l'Etat dispose de moyens d'impression et de diffusion, ce sont des éditeurs privés qui éditent les manuels.
Ils les vendent majoritairement à des établissements publics.
On a donc un détour par le privé d'un bien issu du public et destiné au public.
N'y aurait-il pas là un domaine qui répondrait très exactement aux Communs ?
Exactement. Et si on va au bout de sa réflexion... c'est le cas de tout savoir, et de toute création humaine. Combien de fois, en tant que formatrice, je me suis dit que les "formés" m'enrichissaient au moins autant que moi je les enrichissais. Avec pour consolation que cette connaissance acquise, j'allais la répercuter sur d'autres, et ainsi de suite.
C'est pareil dans le domaine artistique: un artiste se nourrit de tout ce qui l'entoure, et le "rend" ensuite au public. Qu'il "gagne sa vie" ou plutôt de quoi vivre ainsi, pas d'objection. mais qu'il s'approprie son oeuvre, la vende au plus offrant qui va l'enfermer dans son appartement comme ce fut le cas pour "L'origine du monde", ou qu'il s'approprie, en plus, un lieu public, comme dans cette controverse extravagante des colonnes de Buren, ou pour le viaduc de Millau... On voit bien à quel point c'est illégitime.
Tout est là:
http://www.wikivalais.ch/index.php/Consortages_en_Valais.
Et je lis dans Wikipédia à propos de la "Vaine pâture" (souvenirs d'un enseignement d'histoire au collège) qu':
"En Franche-Comté et, notamment dans le Haut-Doubs, l'usage [de la vaine pâture] a perduré jusque dans la seconde moitié du vingtième siècle et a progressivement disparu dans les années 1960."
Dans les deux cas, il s'agit de territoires plutôt agricoles où l'esprit de l'économie de subsistance n'a pas entièrement disparu.
Les propos de M. Genovese m'ont aussi fait penser à "Small is beautiful" de Schumacher, best-seller des années 1970.
Le passé se recycle, chic!
C'est dommage.
J'enrage chaque année quand je vois le budget consacré à l'achat de manuels scolaires dans ma commune ( ou, plus exactement, la part du privé dans le prix, alors que ce qu'apporte le privé, le public sait le faire, et l'essentiel du boulot est fait par le public !)
--
je me demandais si en agriculture, il n'y avait pas eu appropriation de communs (dans les années 60 il me semble) quand les grandes firmes se sont appropriés des graines alors qu'elles étaient le résultat de milliers d'années de sélection. Aujourd'hui un agriculteur ne peut utiliser ses propres graines, il doit acheter celles inscrites dans un répertoire officiel et détenues par des firmes. D'ailleurs cela a réduit la diversité des espèces cultivées.
C'est un sujet passionnant en effet.
Enfin j'espère !
PG
Il relate l'histoire d'Aaron Swartz aujourd'hui décédé , un activiste ayant entre autre été un des contributeurs majeur à la création des créatives commons.
Sa trajectoire permet d'évoquer plusieurs des problématiques traitées dans cette émission .
http://www.bibliobsession.net/2014/08/01/attention-film-documentaire-incontournable/
J'aurais juste aimé entendre parler de l'association Terre de Liens (http://www.terredeliens.org/) qui s'inscrit complètement dans cette démarche...
En tout cas cet ancien/nouveau concept est porteur d'espoir pour apporter une alternative au capitalisme sauvage et destructeur, tout en évitant d'en venir à une gestion trop étatique (et donc éloignée du terrain) dans le style du communisme passé. C'est une troisième voie qu'on aimerait voir enseignée et élargie pour être appliquée au plus grand nombre de domaines possible.
https://www.canal-u.tv/video/universite_toulouse_ii_le_mirail/les_communs_quelles_definitions_quels_enjeux_genevieve_azam.13502