"XXI, c'est la revue dont on rêvait tous"
A mi-chemin entre le livre et le magazine, un drôle de produit hybride prolifère ces temps-ci sur les tables des librairies. Ce sont les revues bimestrielles, trimestrielles, semestrielles proposant des articles fouillés, dégagés de l'actualité, souvent somptueusement illustrés. Ces revues se dégagent aussi spectaculairement des formats médiatiques habituels. Il était donc naturel de consacrer une émission à ces revues dans notre série d'été sur le hors-format. Et si vous ne savez pas ce qu'est un "mook", lisez d'abord notre enquête sur ces drôles d'objets éditoriaux.Ces revues représentent-elles l'avenir de la presse ? En cherchant à se dégager des formats médiatiques traditionnels, ne sont-elles pas en train de créer leur propre format ? Pour répondre à ces questions, trois représentants de ces revues sur notre plateau : Patrick de Saint-Exupéry, rédacteur en chef de la revue XXI, Adrien Bosc, fondateur de la revue Feuilleton, et Marc Fernandez, rédacteur en chef de la revue Alibi.
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Derniers commentaires
Dès sa création en 1998, la revue L'Alpe (que je dirige) s'est voulue à mi-chemin entre le livre et le magazine, tant sur la forme que sur le fond. Avec près de 60 numéros parus à ce jour, elle marie journalisme et recherches en sciences sociales, tout en imposant son exigence en matière d'iconographie.
La revue aborde le thème des cultures et des patrimoines de l'Europe alpine et évoque également des problématiques contemporaines comme dans ce récent numéro dédié aux résistances :
http://www.lalpe.com/lalpe-54-resistances-aux-alpes-citoyens
Cordialement,
Pascal Kober
PS. Ne pas oublier également, parmi les grands ancêtres de XXI, des revues plus spécialisées comme Le Chasse-Marée, créé en 1981 par Bernard Cadoret, sur le thème de l'ethnologie maritime. Ou encore Le Festin et 303, revues régionales consacrées à l'Aquitaine et aux pays de Loire.
Je trouve qu'il y a des termes techniques qui restent un peu mystérieux et qui ne sont pas repris. Du genre : "editing". Je ne sais pas non plus ce qu'est un "feuillet" (je viens juste de regarder sur wikipédia).
Et pour la mise en page… Moi j'ai juste l'impression que beaucoup de magazines ont ce genre de mise en page dénuée d'originalité (enfin du peu que j'ai vu). Pas de quoi en faire un plagiat.
Oui, mais d'une presse réservée à une "élite" intellectuelle et socio-économique. Ce phénomène acte la fin de la presse écrite comme outil de la démocratie, avec la subsistance de publications de "niche", très coûteuses et exigeantes, donc réservées à la bourgeoisie intellectuelle (cf. "La Fin des journaux" de Bernard Poulet).
Mais il a fait le portrait d'un demi-fou qui prétendait recueillir le matériau pour une "histoire orale globale de New York". C'est son seul portrait long, format livre. Quand ce farfelu est mort, on n'a trouvé que quelques feuillets. Et Mitchell à son tour a cessé d'écrire. Il est toujours resté au New Yorker où il allait chaque jour dans son bureau, mais n'a plus rien publié de 1964 à sa mort en 1996.
Avec le recul du temps, c'est étonnant, un monde tout à fait disparu, qui pour nous appartient à l'univers du cinéma.
Moi qui suit une grande fan de XXI et qui aime beaucoup ce format, je trouve qu'il y a quand même deux points dérangeants:
- sur le modèle économique, on note que ces revues fonctionnent avec un petit noyau d'employés et beaucoup beaucoup de pigistes qui ont un emploi autre (j'extrapole à partir de XXI sur ce point là). Ca ne va peut-être pas "aggraver" les conditions de travail dans la presse comme le dit St Exupery (difficile de les aggraver de toutes manières...) mais ça jette un froid quand certains voient les revues hors formats comme modèle idéal et qui réinsuffleraient le souffle sacré dans notre vieille presse moribonde !
- Le prix. Daniel a raison en parlant de concurrence, à ce prix-là on en achète une seule par mois de ces revues. J'ai été tentée par 6 mois mais à 25 euros, non, ce n'était pas possible.
Manquent effectivement des revues telles que Le Tigre ou L'impossible. Et surtout j'aurai aimé qu'on entre plus dans le sujet de la charte graphique qui reflète à mon sens une évolution de notre société où le nombre d'illustrateurs a explosé. On est plus strictement dans la photo, il y a photoshop qui s'en mêle et ça c'est générationnel. C'est certainement ça aussi qui a fait le succès de XXI, tout un lectorat a pu s'identifier là...
Qu'en pensez-vous?
PS: ma biche me demande de signaler le petit foutage de gueule que constitue le fait que France Inter va directement sur ce créneau du mook sans rien proposer de neuf. Que de la resucée en papier.
En effet, le monde ne se raconte pas et ne se comprend pas en quelques lignes, assortis d'effets de loupe déformants, de stéréotypes faciles et de raccourcis style Gentils contre Méchants. Il est très heureux et très sain qu'une revue comme XXI persévère et conserve du succès, entre mise en valeur d'un bel objet d'édition et culture d'une intelligence du monde ouverte et subtile.
Ha, c'est sûr, il est moins rigolo que Mr Poulpe.
Dommage que vous n'ayez pas abordé vraiment la spécificité qui est proprement littéraire, dans le sens où il y a une vision du monde qui passe par l'intérieur. Je me souviens du numéro 1 de XXI, où il y avait un article d'Emmanuel Carrère sur d'étranges et sombres liaisons entre un sculpteur russe et le maire de la petite ville de Bretagne où je suis allée au lycée.
C'était comme soudain cette ville au fin fond de nulle part, rejoignait l'Histoire, avec des questions sur la Guerre Froide, et un monde qui paraissait tellement étranger.
Le maire en question s'est fait jeter comme un malpropre aux élections suivantes. Et lorsque je retourne chez mes parents, je passe devant la statue de Jean Paul II, et je repense à tout cela. Et d'ailleurs, je n'avais rien compris, mais je ne pense pas que Carrère voulait dire quelque chose de plus que ce que j'ai compris. Parce que cette histoire ne saurait vivre que dans le secret.
Comme d'habitude, il voulait parler de nos mondes qui sont comme des éventails pliants, Quand ils sont repliés, et secrets, tout est si petit, chaque pli nous met si prêts les uns des autres. Et lorsque l'éventail s'étale, pour nous donner de l'air, soudain, il s'étend, tous les plis s'aplatissent, s'éloignent les uns des autres, et la cohérence se perd. Tout devient flou, et pourtant le dessin qui est peint apparaît dans une telle beauté.....
En ce sens, XXI est l'éventail du monde, Il déploie la splendeur et l'aventure du monde sous nos yeux. C'est de la vraie littérature. Quand une histoire y est racontée en BD, c'est comme si c'est nous qui nous trouvions dans ces constructions graphiques. Nous vivons avec ces gens dont on raconte l'histoire. Une ambiance est rendue, que ce soit en mots ou en dessin, et c'est comme s'il nous était donné de pouvoir relire le monde, même si on connaît déjà cette partie de l'histoire. Nous sommes ailleurs.
XXI, c'est comme quand on lit la dernière phrase de Cent ans de Solitude, de Gabriel Garcia Marquez, qui ne fait qu'illustrer le titre du livre. Et pourtant, vous vous dites que vous n'aviez pas tout suivi. Soudain, tout devient clair, et c'est comme si le livre se retournait entièrement, comme si une belle mosaïque se reconstituait,
Dans ce tumulte de l'histoire et du monde de Macondo, vous réalisez soudain que nous sommes tous seuls face à notre propre histoire.
Que c'est nous et notre regard qui faisons le monde.... Qu'il n'est question que de nous; le lecteur, qui nous débattons là-dedans.
XXI, ce n'est pas Actuel, c'est tout-à-fait autre chose, même si la filiation est évidente.
Dommage en tout cas que actuel, au moins, n'est pas été cité.