Lambert : la seule question que BFMTV n'a pas posée
A Dominique Rizet, propulsé sur le plateau de BFMTV, à 21 heures 37, mardi soir, par le nième rebondissement hallucinatoire de l'affaire Gregory : le juge Lambert a été retrouvé mort chez lui, au Mans. Le juge Lambert. Le maudit petit juge. Le responsable de tous les dérapages de l'enquête initiale. Ce petit juge, cible d'un scoop dont BFMTV le matin même était si fier,une"bombe atomique", : les "carnets" de son successeur, le juge Maurice Simon. Ces "carnets", dont BFM relit en boucle des extraits, le soir, après la terrible nouvelle, ces carnets dans lesquels Simon, le successeur, se disait "confondu devant les carences, les irrégularités", de l'enquête menée par Lambert. Ces carnets qui, à en croire L'Est républicain, sont un des "nouveaux éléments" -avec, notamment, un témoignage, en 2016, de Laurence Lacour - ayant relancé l'affaire en 2017.
Et maintenant, ce soir, voilà que Rizet, sa bombe atomique à la main, doit se dépatouiller de la nouvelle, révélée quelques instants plus tôt par Le Parisien (qui n'est pas cité sur le plateau de BFM) : Lambert retrouvé mort chez lui. Comme à regret, toujours sans citer sa source, Rizet liste les détails. La tête dans un sac en plastique. Une cravate nouée autour du cou. Déjà, sur le plateau, déboulent les grégorologues désormais patentés qu'on a pu rameuter en urgence, et pour qui le suicide ne fait pas de doute. Et de dévider pour la millième fois le catalogue de toutes les erreurs du petit juge, les revirements, le narcissisme, le départ en week-end de la Toussaint 1984, maintenu malgré les aveux de Murielle Bolle.
Et ce plateau irréel funambulise entre ces deux informations, le scoop du matin et la mort du soir, sans jamais poser la question sacrilège : par hasard, pourrait-il y avoir un lien entre les deux ? Par hasard, ne se trouverait-on pas au coeur d'un nouveau dérapage journalisitique d'anthologie, après les dérapages canoniques du siècle dernier (le "forcément sublime" de Duras, les jouets apportés sur la tombe de l'enfant pour la belle photo, etc) ? Par hasard, le système médiatique ne serait-il pas enfermé dans la boucle d'un scandale sans fin ? A cette question, à laquelle Rizet répond implicitement en soulignant que sa "bombe atomique" est aujourd'hui versée au dossier judiciaire, il n'est évidemment pas de réponse évidente. Mais en temps ordinaire, c'est le métier de BFM, d'aligner sans relâche toutes les questions sans réponse, les questions qui font durer le suspense, qui tiennent l'audience en haleine, qui interdisent de décrocher, toutes les questions, donc. Sauf celle-ci.
Cet article est libre d’accès
En vous abonnant, vous contribuez
à une information sur les médias
indépendante et sans pub.
Déjà abonné.e ? Connectez-vousConnectez-vous