Pour Anne-Claire Coudray, on ne parle pas assez d'immigration
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Pour Anne-Claire Coudray, on ne parle pas assez d'immigration

Tous les samedis (aujourd'hui, exceptionnellement, le vendredi), l'édito médias de Pauline Bock, envoyé dans notre newsletter hebdomadaire gratuite, Aux petits oignons : abonnez-vous !

C'est juste après la prise de parole de Jean-Michel Aphatie que l'on sursaute en regardant Quotidien, le 4 juillet. Il vient d'expliquer que selon lui, la situation politique actuelle est en grande partie imputable à Éric Zemmour, qui a "bouleversé les mentalités ces quinze dernière années, en ouvrant la possibilité d'être raciste en France" et que le vote du Rassemblement national "s'alimente à beaucoup de choses", parmi lesquelles, "évidemment", le racisme. Deux propos sensés, percutants, et surtout bien trop rares de la part d'un éditorialiste politique ces derniers temps.

Ce n'est pas Aphatie qui nous fait sursauter, mais l'invitée Anne-Claire Coudray, la patronne et co-présentatrice du 20 Heures de TF1. Après avoir, plus tôt dans l'émission, déclaré que les médias sont "passés à côté, collectivement, d'une souffrance qui s'exprime aujourd'hui" par le vote RN, la voici qui lève les yeux au ciel face au discours d'Aphatie et lui lance : "Je suis désolée, mais je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites. Les politiques ont refusé de parler d'immigration et de sécurité pendant des décennies !" C'est là, qu'on sursaute. Parce que c'est soit un mensonge aberrant, soit une admission terrible d'inculture politique. Comment la cheffe du 20 Heures de TF1 peut-elle affirmer ceci, alors que cela fait des décennies que les politiques - et les médias - ne parlent de presque rien d'autre ? Que ma génération n'a connu que cela : des politiques obsédé·es par l'immigration et la sécurité, depuis - au moins - le 21 avril 2002 ?

Coudray poursuit : "Ce sont les partis politiques qui hurlent au racisme qui ont refusé de parler d'immigration et de sécurité pendant des décennies !" Aphatie a beau répondre que "chaque année, il y a une loi votée sur l'immigration" et qu'elle est le sujet de "multiples débats, partout", Coudray poursuit son déballage d'éléments de langages qui semblent tout droit piochés chez les candidat·es RN : "Et la laïcité à l'école est un vrai problème ! Et je peux vous en citer, des partis qui ont minoré ce problème ! Et je pense que quand on le vit au quotidien, au bout d'un moment, on est prêt à tout essayer." Elle prend l'exemple des profs, "qui ont l'impression d'être délaissés", et dit qu'elle "peut en trouver des milliers"... sauf qu'elle ne parle pas du manque de moyens, des absences non-remplacées ou des locaux délabrés, mais... de l'abaya. N'ayant pas d'autre argument, elle répète que Jean-Michel Aphatie "parle de la macro", mais que lorsqu'on "vit au quotidien ce problème", eh bien... on finit par voter RN, apparemment. Comme si le vote RN était la seule solution ; comme s'il allait de soi pour tous les laissé·es pour compte. Personne, en plateau, ne rappelle que le programme social du RN est inexistant, et que Bardella fait déjà marche-arrière sur ses promesses économiques.

Pour parler de "partis qui hurlent au racisme", comme s'ils l'inventaient, Anne-Claire Coudray n'a sans doute pas lu l'enquête sociologique sur le vote RN de Félicien Faury, qui est notre invité dans l'émission de la semaine (voir ci-dessous). Si elle l'avait lue, elle saurait sûrement que le racisme, s'il n'est pas la seule raison du vote RN, en est une cause majoritaire. A-t-elle pu fermer les yeux à ce point sur ce qu'il se passe en France ces dernières semaines ? Sur ces candidat·es RN qui déclarent qu'ils ont "un dentiste musulman" et "un ophtalmo juif", qui portent des casquettes nazies, arborent des croix celtiques et pensent que les Nazis étaient "le premier parti socialiste", ou encore que les propos de Jean-Marie Le Pen sur les chambres à gaz "n'étaient pas antisémites" ? Sur les agressions racistes et homophobes, d'Avignon à Paris, de l'Ain à la Sarthe, dont la violence, la régularité, s'amplifie chaque jour ? La "souffrance qui s'exprime", celle de tous les gens terrifiés qui retiennent leur souffle avant le scrutin de dimanche, n'est-elle pas assez claire ?

Anne-Claire Coudray ne voit peut-être pas le racisme, mais il est bien là. Il est partout dans cette campagne, et dans la précédente : depuis le début de la campagne des européennes, les médias prétendent que le RN n'est plus raciste. Ce parti ne cesse pourtant de nous prouver le contraire.

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