Électorat RN : "CNews et Bolloré n'ont pas inventé le racisme"
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  • Avec
    Félicien Faury
  • Presentation
    Paul Aveline
  • Préparation
    Adèle Bellot
  • Réalisation
    Antoine Streiff
Offert par le vote des abonné.e.s

Ils étaient près de 8 millions aux élections européennes, et plus de 10 millions aux législatives, à voter pour le Rassemblement National et ses allié·es des Républicains. Mais qui sont les électeurs du RN ? Tous racistes, tous désabusé·es, ou un peu des deux ? C'est en ces termes que le cadrage médiatique s'est fait. Il y a ceux qui ne veulent pas ou plus entendre parler des motivations les moins avouables du vote pour l'extrême droite - racisme, islamophobie, antisémitisme - vieille rengaine qui ne suffirait plus à expliquer la situation, disent-ils. À l'analyse idéologique, ils préfèrent l'analyse sociologique d'un électorat laissé à la marge, abandonné, en colère, prompt à renverser la table une bonne fois pour toutes. Et si les deux explications n'étaient pas incompatibles ?

Pour en avoir le cœur net, notre invité, le sociologue Félicien Faury, a passé six ans sur le terrain à rencontrer cet électorat. Six ans d'enquête sociologique, d'entretiens et d'analyses pour tenter de dégager une réponse, forcément pas aussi simple qu'on la voudrait. Une somme publiée aux éditions du Seuil, sous le titre : Des électeurs ordinaires. Enquête sur la normalisation de l'extrême droite

Déni de racisme

C'est l'un des arguments les plus développés sur les plateaux : parler de la composante raciste de l'électorat RN serait contre-productif, dépassé, en quelque sorte un peu has been. Un fait pas si nouveau, comme le rappelle Félicien Faury : "Il y a plusieurs processus de déni du racisme. D'abord, le racisme, c'est un ailleurs : aux États-Unis, dans les pays du Sud. C'est un passé : «Oui, la France a pu être raciste, mais ce n'est plus le cas actuellement». Et il y a le vocabulaire du «résiduel». Le racisme est encore présent, mais ça ne peut pas être central."

Le vote RN, vote anti-élites (mais pas n'importe lesquelles)

L'électorat RN se construit en partie en opposition aux "élites", même si celles-ci ne sont pas toutes visées de la même manière. Pour Félicien Faury, il y a d'abord les "ultra-riches, les personnes qui se gavent, qui veulent montrer qu'elles ont de l'argent." Et puis les "élites culturelles", même si le terme "élites" s'applique moins dans ce cas précis, tant l'écart est moindre : "C'est l'instituteur du coin, le responsable associatif. [...] Pour qu'il y ait une critique des élites économiques, il faut qu'il y ait des écarts assez béants, par contre, vis-à-vis de ces petites élites du diplôme, on peut avoir des écarts sociaux qui sont minimes. Mais le capital culturel joue tellement, que ça peut être ce type d'écarts qui sont les plus blessants."

Quelle responsabilité pour les médias ? 

Les médias font-ils le vote RN ? L'ont-ils libéré ? Félicien Faury alerte sur un raisonnement trop simple, qui consisterait à faire des médias Bolloré (entre autres), des faiseurs d'électorat. Mais le sociologue nuance, en précisant qu'ils ont quand même une responsabilité : "Ce ne sont pas CNews et Bolloré qui ont inventé le racisme dans la société française, ce sont des racines bien plus profondes. Par contre, ils contribuent à le légitimer, l'exposer et aussi à le politiser. La question, c'est à quel moment ça devient une donnée politique, une donnée électorale, à quel point c'est transformé en vote. C'est une des fonctions des médias de droite ou d'extrême droite de politiser cette question."

Pour aller plus loin 

- Le livre de Félicien Faury, Des électeurs ordinaires. Enquête sur la normalisation de l'extrême droite (Seuil, 2024).
- Notre dossier sur l'ascension du RN et les législatives anticipées de juin et juillet 2024.



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