Tunisie, Egypte : embarras de certains intellectuels
"Dans Libération du 3 février, Alain Finkielkraut prend la parole pour expliquer son silence sur ce qui se passe dans le monde arabe. Il ne nous épargne hélas ni amalgames, ni omissions, ni contre-vérités." écrivent Sophie Bessis et Ali Mezghani. Dans une autre tribune, André Glucksman réagit aussi. "Une révolution surprend le monde, ceux d’en haut pris de panique, ceux d’en bas qui n’en reviennent pas (...) D’où le crêpage de chignon français qui agite Clochemerle : la droite a fauté, tambourine la gauche, qui oublie soigneusement d’expliquer pourquoi Ben Ali (et son parti unique) restait membre de l’Internationale socialiste, tout comme Moubarak (et son parti monocratique). Le premier fut radié le18 janvier, trois jours après sa fuite. Le second le 31, sur les chapeaux de roue. Nul ne leva le lièvre. Pas la presse, négligente. (...) Plutôt que d’interroger ce goût très partagé pour les autocrates, il sied d’incriminer en boucle le «silence des intellectuels»." |
Libération 7 février 2011
"Emprisonné sous Ben Ali puis exilé en France, Moncef Marzouki (...) fustige la diplomatie française, qui a longtemps laissé entendre que la démocratie n’était pas compatible avec l’islam et les pays arabes. L’auteur du prémonitoire “Dictateurs en sursis” (L’Atelier, 2009) sera candidat à la prochaine élection présidentielle tunisienne" souligne Telerama.fr.
Le Monde daté dimanche 6 février 2011
"Applaudir, bien sûr. Se réjouir, évidemment. Mais éviter de s'emballer. Et surtout rester prudent. Face à la contestation qui gronde dans le monde arabo-musulman, les intellectuels français semblent tiraillés entre ces deux injonctions contradictoires. D'habitude si prompts à s'enflammer quand un peuple se dresse contre la tyrannie, les voilà qui se font étonnamment discrets. " Cet assourdissant silence n'est pas habituel, convient le sociologue Rémy Rieffel, auteur d'une étude consacrée aux Intellectuels sous la Ve République (Hachette, 1995). Cela dit, il s'explique par le fait que beaucoup de nos intellectuels sont gênés aux entournures" écrit Le Monde ce week-end.La gêne, donc. Voilà ce qui rendrait nos clercs aujourd'hui si peu diserts. Pour le philosophe Régis Debray, l'explication est toute trouvée :" Que voulez-vous attendre de gens qui passent leurs vacances dans leur riad à Marrakech ou dans des palaces en Tunisie ou en Egypte ? "A cet argument, le pourfendeur duPouvoir intellectuel en France(Ramsay, 1979) en ajoute un second :" Ils sont tétanisés parce qu'ils ont une trouille bleue de l'islamisme et qu'ils ne savent pas quoi penser de mouvements populaires qui, tôt ou tard, risquent de se retourner contre Israël. "
" En répétant "mieux vaut Ben Ali que Ben Laden", et "plutôt Moubarak que les Frères musulmans", beaucoup se sont empêtrés dans une contradiction : les mêmes qui défendaient les droits de l'homme en Europe de l'Est soutenaient les dictateurs du monde arabe sous prétexte qu'ils étaient des remparts contre l'islamisme. Toute la difficulté, pour les intellectuels, est de concevoir l'inscription des valeurs démocratiques dans des cultures politiques différenciées ", explique le directeur de la revue Esprit" Olivier Mongin.
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