"Hors-Série", Judith Godrèche et... "Arrêt sur images"
Depuis une semaine, l’actrice et réalisatrice Judith Godrèche critique, sur son compte Instagram, une émission de notre filiale "Hors-Série", consacrée au film de Bernardo Bertolucci, "Le Dernier Tango à Paris". "Arrêt sur images" a été mentionné à plusieurs reprises dans cette polémique. L'occasion de repréciser ici les liens exacts qui nous unissent à "Hors-Série".
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Commentaires préférés des abonnés
Pour ma part je trouve tout à fait normal qu'ASI n'interfère pas dans ce que fait Hors Série. On ne peut pas critiquer Bolloré qui fourre son nez dans les rédactions des médias qu'il possède et vouloir faire de même. On peut se réjouir au contraire q(...)
Je suis choquée et déçue d'apprendre qu'une partie de ma modeste contribution à ASI en tant qu'abonnée sert à soutenir financièrement une émission dont le collaborateur régulier est JF Rauger, programmateur de la cinémathèque. En effet, sa programmat(...)
Non, l’extrait n’est pas vraiment sorti de son contexte. L’émission complète est un malaise permanent. Les Dans le film sont bien trop souvent des éloges des pires réalisateurs et acteurs. L’émission précédente était sur Depardieu et était très compl(...)
Derniers commentaires
Trois femmes ont témoigné à l’Assemblée nationale, accusant l’humoriste Yassine Belattar, de comportements abusifs, violences, et intimidations. Les récits évoquent des agressions sexuelles, un climat de terreur et des menaces de mort, pour faire taire les dénonciations. En 2019, Belattar, avait déjà été entendu par la police, à la suite d’une plainte pour menaces de mort déposée par Bruno Gaccio. De nombreux témoignages, recueillis, l’accusaient de comportements inappropriés dans un cadre professionnel ou para-professionnel.
Rien à voir (j'espère), mais Lynch.
Je le voulais vivant plus longtemps. Avec plus de choses.
Les autres que lui sont si souvent interchangeables.
Les échanges sont tendus aussi sur la partie commentaires de Hors Série sur la dite émission - que je n'ai toujours pas regardée (elle dure 2 heures...) comme j'imagine la plupart des forumeurs
Je vous transmets l'un des derniers émis par une abonnée du site suite à une controverse avec une abonnée choquée qui annonce son désabonnement suite à l'émission (la réponse d'un des administrateurs du site faite là-dessus est un peu choquante, je trouve, mais bon...)
On ne peut pas dire qu'affirmer que l'émission et ses concepteurs/animateurs font l'apologie du viol relève de l'analyse de film. Or vous n'avez basé votre premier commentaire sur aucun élément concret. Une seule remarque, de JF Rauger, prêtait vaguement à confusion, lorsqu'il a demandé si on pouvait faire des films sans violer les acteurs, mais
1) il parlait évidemment de viol symbolique (violer l'intimité, la psyché des acteurs, ce que Brando aussi dit avoir subi pendant le tournage) et
2) Murielle Joudet a tiqué en entendant cette interrogation (qui était, je le répète, une interrogation et non une affirmation et encore moins un éloge).
Personne ne dit à aucun moment que ce que Bertolucci a fait à Schneider était louable. Et il est souligné que Schneider a non seulement souffert pendant le tournage, mais encore elle a subi à la sortie du film la misogynie crasse et le puritanisme de toute la société de l'époque.
Votre accusation était brutale, elle s'avère largement injustifiée. Quelle réponse attendiez-vous ?
Réjouissez-vous cependant, Judith Bernard et Murielle Joudet vous auront au moins répondu. Moi cela fait une demi-douzaine de fois que j'envoie un commentaire, franchement enthousiaste, ou pour corriger une erreur ou encore apporter un autre angle de lecture. Je le fais toujours de façon posée, bienveillante et etayée, et pourtant jamais je n'ai eu droit à la moindre réponse d'aucun des membres de Hors série.
Il faut croire qu'ici comme à peu près partout ailleurs, la polemique fait davantage réagir que le plaisir de penser ensemble, sans hiérarchie entre les rôles et les fonctions.
C'est dommage car il me semble qu'il y avait moyen d'avancer sur ces sujets compliqués, de réfléchir notamment aux métiers du cinéma. Pour ma part je pense que Bertolucci a exercé une domination sur ses acteurs (et plus particulièrement son actrice) précisément parce qu'il ne les pas suffisamment DIRIGÉS, parce qu'il ne les a pas considérés comme de véritables travailleurs à qui l'on doit des consignes claires et des conditions de travail satisfaisantes. Ça c'est un premier point. Mais surtout que le film, dans sa facture même, en tant qu'oeuvre d'art et non plus support politique, en pâtit. C'est ce que j'esquissais dans mon commentaire. Je continuerai donc à discuter avec moi-même et on en restera collectivement à la polémique.
Bien à vous toutes.
Par Maud Assila, le 06/12/2024 à 06h29 ( modifié le 06/12/2024 à 07h15 )
J’ai longtemps été abonné à Hors Série, et je continue de visiter le site. Moi-même plutôt cinéphile et fréquentant régulièrement la Cinémathèque française, j’étais notamment assez intéressé par les émissions de Murielle Joudet… jusqu’à me lasser de ses entretiens un peu trop complices avec l’un des vieux mâles blancs du boys band de ladite CF et pour leur monomanie des films classiques hollywoodiens (que j‘apprécie pour ma part, mais SVP, de l’air ! ouvrez les frontières… géographiques, mais aussi de genre). C’est d’autant plus regrettable que Joudet autrice est bien moins conventionnelle.
Robin Andraca, ASI, quelqu'un... Pourriez-vous répondre aux questions d'ordre éthique que vous posent plusieurs commentaires sur votre soutien financier et logistique, via votre "filiale", à une émission manifestement habituée à se positionner du côté des auteurs de VSS dans le cinéma (Depardieu, Breillat,...) et ayant une forte connivence avec la direction toxique de la Cinémathèque ?
Une part de l'argent de vos abonnés sert-il à ce soutien ?
Et, Robin Andraca, comment faut-il intrepréter le fait que vous repreniez à votre compte, sans guillemets ni distance, l'argument allégué par la Cinémathèque pour annuler la projection du Dernier Tango à Paris : "des raisons de sécurité" ? Criminaliser quelques manifestantes pacifistes, généralement vite entourées de CRS (on peut compter sur Bonnaud pour cela, vu sa haine des féministes), les présenter comme des dangers publics, est-ce vraiment le rôle d'ASI ?
Merci de répondre.
Rien ne justifie le harcèlement de qui que se soit.
Par contre, Murielle Joudet, faut pas la confondre avec autre chose qu'une critique du sérail qui a défoncé le livre de Geneviève Sellier (analyste dans l'excellent post-pop) parce qu'il ne faudrait surtout pas se remettre en question dans ce petit milieu pas toujours très ragoutant de la cinéphilie professionnelle (je le sais, je l'ai un peu fréquenté de loin, ah ça y avait du monde pour signer des tribunes pour défendre Jean-Claude Brisseau). Murielle Joudet qui a sorti un livre d'entretien avec Catherine Breillat, accusée par Caroline Ducey d'avoir littéralement organisé son viol durant le tournage de Romance (film complètement naze par ailleurs mais porté au nues, comme l'ensemble de l'oeuvre de Breillat, par la critique), la même Breillat qui mettait une lumière amourachée sur l'acteur de porno Rocco Siffredi, connu dans le milieu comme étant particulièrement violent.
Donc voilà, y a pas le méchant Rauger et la gentille Joudet. Ce sont deux chiens de garde d'une vieille cinéphilie moisie, dans laquelle on peut débattre sans sourciller de question comme "Peut on faire un bon film sans violer ses acteurs". La fantasmagorie claquée de l'artiste romantique et torturée qu'on se trimballe depuis le 19eme, faudrait voir à la jeter à la poubelle. L'art, c'est comme le reste. C'est une production avec des conditions de production et des rapports de pouvoir. Actrice, c'est un métier (actrice porno aussi d'ailleurs, même si c'est pas le même métier).
Je me suis parfois interrogé sur le statut juridique d'un metteur en scène par rapport à un acteur ( et plus souvent une actrice).
Est-ce que c'est le lien de subordination du salarié à l'employeur ?
Où verrait-on une maltraitance devenue banale et institutionalisée ?
Une espèce d'excuse " qui aime bien, châtie bien" ?
C'est plutôt effrayant. Et parfois, avec la caution de la victime elle-même.
Une référence à la diffusion récente d'une interview de Sharon Stone évoquant Paul Verhoeven pour une scène mythique de Basic Instinct. Et lui donnant raison, a posteriori, de sa violence et de sa traitrise de metteur en scène, au regard de l'efficacité du résultat obtenu.
Pas très réjouissant pour la sérénité des rapports humains.
Je suis choquée et déçue d'apprendre qu'une partie de ma modeste contribution à ASI en tant qu'abonnée sert à soutenir financièrement une émission dont le collaborateur régulier est JF Rauger, programmateur de la cinémathèque. En effet, sa programmation, ainsi que maints propos de Frédéric Bonnaud se sont illustrées depuis plusieurs années par leur sexisme violemment assumé.
Bien sûr, rien ne justifie le harcèlement que subit Muriel Joudet.
Mais je trouve l'article de Robin Andraca d'une hypocrisie crasse : on soutient, on héberge une émission sans aucunement se soucier de ses contenus ? Alors, pourquoi la soutient-on plutôt qu'une autre production, de droite par exemple ?
L'article de Politis sur les méthodes brutales et le harcèlement qu'impose JF Rauger à son équipe - F. Bonnaud n'étant pas en reste - m'a rendu le visionnage de l'émission sur Le Dernier Tango à Paris insupportable :
https://www.politis.fr/articles/2025/01/climat-deletere-et-management-toxique-la-cinematheque-francaise-en-pleine-tourmente/
Hors sujet (quoique...)
Est ce que l'art lyrique n'a pas perdu de sa beauté en refusant (depuis quand, d'ailleurs?) de castrer les petits garçons à la voix d'or? (Je précise le second degré, le forum est devenu tellement réactif, dans le mauvais sens, que je risque de me faire écharper).
Murielle Joudet, journaliste-pigiste pour Hors-Série, violemment prise à partie sur les réseaux sociaux.
c'est bien le problème de notre société actuelle; les gens se lâchent (souvent cachés derrière des pseudos) pour déverser le haine sur n'importe quel sujet.
Regardez les commentaires de la presse locale à propos d'un fais divers, de la neige etc... C'est glaçant !
Peut-on revenir en arrière... je ne sais pas ?... J e crains que non
la preservation de l'indépendance journalistique n’empêche pas la critique a posteriori. je ne m'offusquerais jamais qu'un Bollore dise qu’une emission de cnews lui plait ou encore mieux ne lui plait pas. je m'offusque du fait qu'il impose sa ligne éditoriale ou qu'il censure a priori ce qui pourrait ne pas lui plaire.
C'est par ailleurs dans le giron d'@si de critiquer les medias... ce qui remet sur le tapis l’éternelle question de la critique des medias "amis". ce qui n'est pas un sujet facile quand on voit les reactions que provoquent les articles sur "lemediatv" ou "lediplo".
Il y a beaucoup trop de problèmes avec la Cinémathèque ; aucune envie d'écouter ces deux personnes sur un sujet difficile.
Que vient faire ASI dans cette galère ?
Non, l’extrait n’est pas vraiment sorti de son contexte. L’émission complète est un malaise permanent. Les Dans le film sont bien trop souvent des éloges des pires réalisateurs et acteurs. L’émission précédente était sur Depardieu et était très complaisante avec l’acteur qu’il était dans les années 70. Il y a tellement à dire sur le cinéma, mais ça parle quasiment tout le temps de la “nouvelle vague” en minimisant ses pires horreurs.
Après 8 ans, je viens de couper mon abonnement. HS s’est transformé en élitisme intellectualiste à tendance conservateur qui ne se remet plus en question.
En tant que société mère vous soutenez votre "fille" si c'est nécessaire, vous lui prêtez vos locaux, son indépendance éditoriale est entière . Parfait . Ma question : que se passe-t-il si Hors Série " dérape " ? je ne dis pas que c'est le cas, mais tout peut arriver n'est-ce pas ... ( cf la récente chronique de DS sur Charlie et Philippe Val ) ???
C'est effectivement le coeur du problème.
Si juridiquement, ASI est irréprochable... cela ne veut pas dire que rester actionnaire de Hors-Série soit éthique.
J'écris cela sans avoir vu aucun Hors-Série, donc sans savoir si le contenu cautionne les VVS. La question de Grattecul me semble juste mériter d'être posée, et ici elle semble un peu éludée...
Ce qui n'est pas clair, et qu'ASI n'a pas forcément intérêt à révéler, c'est à quelles conditions le partenariat peut être dénoué, si...
Bref, à suivre.
Et en attendant, un post pop sur Tango à Paris ??????
Il me semble que DS en a déjà parlé...
PS : pour la fameuse scène, on peut penser en visionnant que les acteurs "jouent". Mais j'ai cru comprendre qu'en fait il n'y avait pas eu simulation. Ce qui signifie viol, pas seulement simulacre de viol... autrement dit Robin devrait peut être vérifier ce que dit exactement Maria Schneider, de toutes façons traumatisée par le tournage.
PS2 : ASI aurait aussi pu mentionner que Judith Godrèche milite avec succès pour des coachs de plateaux qui s'assurent qu'on ne "vole" rien aux acteurs-trices, et que leur consentement à jouer certaines scènes n'est pas manipulé... Autrement dit, oui on sait qu'on peut tourner sans v(i)oler...
Il n'y a pas eu de viol au sens de coït, cet aspect était simulé. Il y a eu viol au sens de beurre appliqué à la main dans la raie des fesses, sans consentement, sans information préalable, ce qui est deux choses : une transgression de l'intimité sexuelle (c'est une violence sexuelle, que l'on regrette ou non que la définition juridique du viol exige la pénétration), et c'est une forme extrême d'un type de manipulation semble-t-il courant et, à certains degrés, accepté dans le cinéma, qui consiste à susciter par n'importe quel moyen les émotions qu'on souhaite filmer (cf le mobbing de Shelley Duvall sur Shining). Méthode qui a souvent été elle-même illustrée, glorifiée, critiquée ou excusée au cinéma et à la télévision (de The Stuntman à Barry).
Aux yeux de Bertolucci, il s'agissait d'une pratique légitime : humilier pour filmer l'humiliation sincère (dans The Stuntman, de Richard Rush, le réalisateur fictif montre "accidentellement" les scènes de sexe aux parents de l'actrice pour profiter des larmes de cette dernière dans le tournage d'une scène émotive). Pour Maria Schneider, c'était, outre la réelle violence de l'acte sur son corps, une scène non souhaitée qui allait la hanter par la suite (via le regard du public et de la rue). Dans le contexte #metoo, c'est le caractère sexuel de cet acte qui focalise le jugement, par association aux abus sexuels perpétrés dans la profession (avec en commun l'instrumentalisation patriarcale du corps des actrices et l'indifférence au consentement).
Donc voilà, pour situer exactement de quoi on parle et du sens dans lequel on utilise les mots.
Merci beaucoup pour ces précisions.
Et oui, certaines VVS sans "viol" (pénétration intime) peuvent être tout aussi violentes ou humiliantes que le viol...
Mais j'avoue que ces pratiques de tournage, pas toujours liées à la sexualité, sont une découverte pour moi.
Sur Shining en particulier, je n'avais encore rien lu de tel.
Naivement, j'admirais la performance d'acteur/actrice...
Décidément, on a du chemin à faire...
Bref, encore merci pour ce post documenté... ça ne peut qu'aider...!
"Naivement, j'admirais la performance d'acteur/actrice..."
Ah, les performances d'acteur au cinéma ! Avec le plan d'un gosse qui pleure parce qu'on lui a pris sa barre de chocolat, on peut exprimer bien des choses...
Ah bah je vais me faire des amis, mais cet exemple me renvoie directement à ce questionnement que je trouve authentiquement intéressant : "peut-on faire un film sans violer des enfants ?" (pour reprendre la formule de machin).
Je mentionne ailleurs ce continuum de manipulation directoriale plus ou moins consenties, ou excusées (tôt, tard, pas), ou souhaitées, par lequel un.e réalisateur.ice peint son film avec des corps et des émotions. Il y a beaucoup d'exemples bénins, comme Rickman qui tombe à la fin de Die Hard (on lui dit que son personnage va tomber à 3, on compte jusqu'à 2 et on le lâche au-dessus du matelas en filmant sa surprise), Ridley Scott qui ne prévient pas les acteurices qu'un "animal" va jaillir de la poitrine de John Hurt dans Alien, ou Friedkin qui fait détonner des armes à feu cachées dans le décor pour filmer les sursauts des acteurs (Jason Miller lui rappellera qu'il est acteur et donc qu'il pourrait aussi faire semblant si on lui demande). Et il y a beaucoup d'exemples graves (de Duvall à Schneider), exemples souvent féminins d'une part parce que le cinéma patriarcal demande certainement aux personnages féminins un autre registre d'émotions, et d'autre part parce que la relation vieux réalisateur masculin vs jeune actrice féminine pousse plus loin le rapport de domination et donc l'auto-permissivité du réalisateur.
Il faudrait un inventaire de ces méthodes, hiérarchisées de l'anecdotique goguenard à l'horrifique. Ce serait un intéressant parallèle avec le sujet très voisin de la sécurité physique sur le set, où l'on évoque avec un mélange ambigu d'horreur et d'amusement nostalgique les risques anciennement imposés les acteurices au milieu d'explosions pyrotechniques, de cascades et de coups de feu filmés sans aucune régulation ni charte de sécurité au travail. Le psychique et le physique se rencontrant parfois, avec (outre les fractures et blessures) le traumatisme enduré par des acteurices lors d'épreuves physiques réelles. Je pense aux reproches faits par Sarah Polley à Terry Gilliam pour son inconscience notoire sur le tournage de Münchhausen, et l'enfer réel qu'elle a dû traverser comme petite fille (notamment sur un faux champ de bataille aux explosions réelles).
Mais à nouveau, où tracer une limite mouvante et nécessaire entre l'acceptable et l'inacceptable. Et la question des enfants l'illustre particulièrement : en-deçà de quel âge la manipulation est-elle le seul moyen d'obtenir l'émotion souhaitée (par la production) ? Quelles implications ? Quel poids moral objectif à ajouter un chagrin "superficiel" (exemple de la barre de chocolat) à la cascade des chagrins inévitables des petits enfants (subjectivement, je considère ces chagrins comme absolument vertigineux, intolérables et sérieux : le chagrin de l'impuissance totale face à l'environnement), quel poids moral à la relative indifférence à provoquer ces chagrins (même si c'est généralement surcompensé juste après la scène). Outre ce que subissent les acteurices, un problème est la domination elle-même, dans laquelle se le réalisateur se complait et prend ses habitudes (sans aller jusqu'à demander à quel point il s'en délecte).
Nous sommes à une époque de questionnement des implications et conséquences. Une période de mesures (souvent horriblement hypocrites) sur le bien-être animal au cinéma. Mais aussi une période de conscientisation sur les coûts écologiques. Une période où l'on se demande qui paie le prix de nos conforts. Un appel (vain) à la décroissance carbone, à la privation de luxes néfastes, jusque dans les représentations et les fictions flatteuses (récits d'aventures coloniaux, etc). Nous cherchons les alternatives éthiques là où elles sont possibles, fussent-elles limitantes, et nous cherchons l'annulations de pratiques qui n'offrent pas d'alternatives ethiques. L'exemple type étant la question de la consommation de viande.
Alors quel est l'impact de ces conscientisations générale sur la production cinématographique. Aujourd'hui, les acteurices sont beaucoup plus protégé.es sur le plan physique, malgré la complexe (et viriliste?) admiration pour les mises en danger insensées des ères précédentes. Le coaching supervise de mieux en mieux les aspects relationnels et les cascades psychiques. La virtualisation croissante met les acteurices à l'abri. Est-ce la mise en place d'un cinéma éthique ? Ou alors... est-ce une illusion, parce que des degrés de manipulation resteront nécessaires, validés, glorifiés, sans être acceptable ?
Ce n'est pas une question rhétorique : beaucoup d'industries sont perverses à un niveau fondamental, et légitimement interrogées à un niveau existentiel. J'aime le cinoche et son histoire. J'aime aussi beaucoup la viande. J'aime beaucoup de choses toxiques dont je suis conscient qu'un deuil partiel ou total est nécessaire. Alors on en revient à ça. Peut-on faire du cinéma sans voler la barre de chocolat d'un enfant, et si non, quel est le coût moral acceptable ?
J'aime beaucoup Granier-Deferre. J'aime beaucoup Le Chat. Ce film inclut un cadavre félin dont je soupçonne qu'il peut être réel. Un chat a-t-il été assassiné pour la séquence ? Le film en valait-il la peine ? L'industrie cinématographique en valait-elle la peine ? La question se pose à chaque "peut-on faire sans", quand la question se veut purement rhétorique et sous-entend que non.
Si on pousse toute cette façon de faire à son paroxysme, on obtient Roar:
https://fr.wikipedia.org/wiki/Roar_(film)
Peut être aussi que ce que ça révèle en fond, c'est le fainéantise de réalisateurs sadiques, qui au lieu de travailler correctement les scènes avec des acteurs, préfèrent prendre des raccourcis fâcheux pour obtenir ce qu'ils veulent. Mais... tout ça c'est du cinéma, tout est faux, donc à quoi sert l’entêtement à malmener des gens pour que ça fasse plus vrai?
Oui, franchement c'est un sujet intéressant - mais surtout dans les zones grises, loin entre les extrêmes où les consensus se rejoignent : chercher le point où on est dérangé.e sans vraiment réussir à se positionner de façon tranchée (sauf quand on est dans un trip militant où charger en tête des autres en faisant "rouaah" avec le cerveau éteint est une fin en soi).
Donc la paresse, ou les limites de moyens (trucages), de temps, etc. Bien sûr, les production cheapos dans le cinéma bis bas de plafond sont des mines d'anecdotes. Mais les pratiques dans les productions perçues comme respectables... Est-ce qu'il y a d'autres aspects sous-jacents, outre la paresse ou les limites de ressources : un sorte de plaisir infantile à jouer au démiurge, à manipuler comme des pions des humains qui (contexte validant) vous remercieront après coup ? Quelque chose qui entre en résonnance avec des attitudes hors plateau ?
Je maintiens que la plus grande quête humaine est la recherche de la validation sociale de la méchanceté et de l'égocentrisme. Le cinéma offre des opportunités fabuleuses, et c'est peut-être cela aussi que ça révèle, à des niveaux différents (plus ou moins potaches ou malsains).
Parce qu'on peut aussi hiérarchiser toutes ces anecdotes sur un axe qui va du "nécessaire" (on pouvait pas faire autrement, c'était soit on faisait comme ça soit on laissait tomber) au vraiment gratuit (okay on aurait pu faire différemment mais c'est moi que je décide comment on fait tihihi). Et y en a pas mal dans cette dernière catégorie...
« Est-ce qu'il y a d'autres aspects sous-jacents, outre la paresse ou les limites de ressources : un sorte de plaisir infantile à jouer au démiurge, à manipuler comme des pions des humains qui (contexte validant) vous remercieront après coup ? Quelque chose qui entre en résonnance avec des attitudes hors plateau ? »
Peut-être qu'on pourrait commencer par arrêter de lever vers les réal de grands yeux béats d'admiration et les faire descendre de leur piédestal (pas étonnant que ça leur monte à la tête) pour reconsidérer la dimension collective du cinéma ?
Il y a certainement des personnalités très créatives derrière la caméra mais que seraient-elles sans personne pour gérer la lumière, créer les décors, les costumes, la musique ? Sans faux raccords et sur une bonne histoire si possible...
Entre autres.
Notre société aime l'hyperpersonnalisation (une façon aussi de justifier certains salaires, je suppose) mais les réal ne sont pas à la source de tout le film. Surtout à Hollywood, où on fait une utilisation poussée des script doctors.
Et là c'est la dimension visiblement créatrice mais allez tourner un film sans manger, dormir, ni des gens pour organiser un tournage qui va durer des mois...
« Je maintiens que la plus grande quête humaine est la recherche de la validation sociale de la méchanceté et de l'égocentrisme. »
C'est possiblement un peu hors sujet (ou pas ?) mais ça m'interpelle. Vous expliqueriez ?
Dans ce contexte, le metteur en scène est celui qui dirige le plateau et qui décide de ce qui est infligé aux acteurices - les autres sont complices passifs. Le metteur en scène est le chef de ses marionnettes, qui elles, lèvent les yeux sur lui (la plupart du temps c'est un lui) en quête d'instructions et de validations. Dynamique rarement changée (quand le pouvoir starifié de l'acteurice en fait l'autorité).
Alors oui, la starification est un gros problème, à plein de points de vue, et dans plein de domaines. Souvent un effet capitaliste arithmétique : quand une grosse portion de la population mondiale est prête à payer quelques centimes pour une star du showbiz ou du sport, ça s'accumule vite en une puissance monétaire disproportionnée. Pareil avec la somme de sympathie ou de familiarité à la place des centimes. Et c'est encore décuplé par une culture qui valorise le succès : une personne riche est vertueuse et exemplaire parce que riche, une personne admirée est admirable parce que consensuellement admirée, etc. Une personne célèbre est célèbre d'être célèbre. De là découle beaucoup de folie. Et effectivement, on est aussi dans une culture du prestige individuel, et c'est très profond : à peu près toutes nos fictions sont des fictions de Le Héros (les producteurs de la série télévisée Mission Impossible ont eu du mal à imposer une équipe comme protagoniste, et on voit que ses adaptations ciné reviennent à un héros central dominant), souvent épaulé par, au service de ou confronté à "la science" incarnée par la figure de Le Savant. Et les narratifs de vulgarisation scientifique, scolaires, journalistiques, emboîtent le pas, avec La Personne qui est "le/la inventeurice de", avec Le Personnage Historique qui a orienté le pays vers ceci cela, etc. Alors mécaniquement, on retrouves ces narratifs individualistes dans l'héroïsme artistique (Le Auteur, etc). On veut une figure.
C'est un truc à casser à plein de niveau, parmi d'autres. La mode progressiste est à "refuser de séparer l'homme de l'oeuvre", avec l'idée de condamner un malfaisant pour sa vie privée en condamnant l'oeuvre qui le porte. Mais c'est exactement la perversité du système conservateur, qui lui aussi associe l'homme et l'oeuvre (en protégeant l'homme pour protéger l'oeuvre, ou en glorifiant l'homme par la glorification de l'oeuvre), ce qui est, effectivement, particulièrement absurde quand l'oeuvre est aussi collective qu'un film. C'est justement parce que l'oeuvre est indistincte d'un auteur (individualisé) que cet auteur devient intouchable aux yeux des conservateurs, et l'oeuvre (avec ses co-auteurices) éradicable* aux yeux des progressistes. Alors que si on brise cette héroïsation, et cette identification, on peut juger un homme pour sa simple identité individuelle, sans le bouclier de son oeuvre, et sans répercussion sur celle-ci et ses co-auteurices. Mais pour cela, il faudrait que les oeuvres donnent moins de pouvoir financier et symboliques à leurs "auteurs", donc à la fois dé-individualiser leur création, et casser cette arithmétique financière (par exemple en plafonnant les revenus). À contre-pied de notre culture capitaliste/individualisante.
[* à noter que dans le cas de Last Tango in Paris, ici, la requête n'était pas l'effacement, mais la contextualisation, comme les préfaces à Tintin au Congo, ce qui est vraiment la gestion la plus cool de ces enjeux, la plus win-win (d'autant pus généreuse que le film n'est pas entaché par la vie extérieure du cinéaste mais pas sa méthode de production même), et qui fait vraiment des décideurs de la cinémathèque des gros cons super très cons encore plus cons que s'ils étaient juste trop cons.]
Bon, je tartine. Pour l'hors-sujet, brièvement : Dans tous les univers contraires que j'ai traversés, tous les camps du bien et les camps du mal, j'ai toujours rencontré la même délectation à la haine et à la violence vertueuses. Toujours les mêmes sauts opportunistes à pieds joints dans les interprétations pré-construites qui légitiment une cible exutoire, une minute de la haine orwellienne, un qui-va-payer-pour-les-autres sans grande curiosité pour les faits et considérations qui risqueraient de modérer ou culpabiliser cet élan. Ceci indépendamment de la qualité objective des valeurs prônées (racisme, antiracisme, virilisme, féminisme, etc). Quand on ajoute à ça les constructions de réseaux de solidarité par altérisation (in-group vs out-group), qu'il s'agisse de mouvement idéologiques, ou d'identités nationales, religieuses, etc... et quand on le place -en plus- dans une culture capitaliste du "les miens avant autrui" (une validation de l'égocentrisme sinon de la prédation), on trouve en commun ce feu vert moral à se comporter comme un salaud envers une personne marquée ennemie, en piétinant ou éludant tous les freins intellectuels, les doutes, les nuances (nuances réclamées pour soi-même seulement), les scrupules qui interdiraient ce défoulement. Du coup, je pense que le moteur le plus profond des comportements sociaux est l'ouverture d'une validation de méchanceté (cruauté, prédation, domination, violence) dans un ordre social dont la cohésion dépend de ses injonctions ostensibles à la collaboration. Mais bon, je suis dans une phase un peu fatiguée et désabusée, et ma méfiance envers les humains finira par retomber de nouveau, je finirai par me remettre à croire à la bienveillance... À tort, bien sûr...
Yep, merci beaucoup pour toutes ces précisions, très utiles pour quelqu'un comme moi qui n'y connait strictement rien en cinéma. C'est... terrifiant, déprimant et malheureusement pas surprenant tout ça...
agression sexuelle est le terme juridique : Constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise ou, dans les cas prévus par la loi, commise sur un mineur par un majeur.
Pour obtenir la réaction de la jeune femme et non de l'actrice, Bertolucci et Brando ne l'ont prévenue que qques secondes avant le tournage de la scène, c'e'st une première chose. Mais ce qj'on voit à l'écran, cad la brutalité de Brando qui l'écrasse violemment de tout son poids, la déshabille tout aussi brutalement, etc. et même si il n' a pas touche son entre fesses avec le beurre, tous ces actes bien réels et pas fictifs constituent une agression sexuelle selon la loi. S'il y a avait eu pénétration, un viol.
Me trompe-je, comment être à la place d'une personne?, mais je crois que ce qui a été blessant pour Maria Schneider en plus du tournage en lui-même c'est que c'est devenu une blague salace dégradante. Je n'avais pas vu le film à l'époque, trop jeune, mais j'avais entendu ricaner je ne sais où, (pilote?) sur le beurre..
y a un sketch de Coluche, déjà. "Charentes Poitou, ça rentre partout"...
Désolé de le dire mais Godreche instrumentalise ce qui lui ai arrivé pour avancer sa carrière de réalisatrice. Elle le dit bien: Elle accuse le cinéma francais de ne pas forcément financer son prochain film (elle en tourne un là) parce qu'il y a omerta sur les VSS. C'est peut-être le cas mais c'est manipulateur de sous-entendre que si son prochain film n'est pas financé c'est parce que le cinéma est automatiquement du côté des prédateurs. Y'a pleins de raisons pour quoi un film n'est pas financé. Elle place ses pions et j'imagine que ça fait parti du jeu mais ça laisse un goût amer dans la bouche.
Gaffe tout de même au d’où on parle. L’idée que pour que le film soit bon il faut que l’acteur soit violé, est une idée de voyeur, ici, le programmateur/critique. elle rejoint à mon sens tout ces histoires management qui vont de la mise au placard jusqu’au harcèlement pour faire craquer un salarié ou employé et qu’il démissionne.
Employer personne pour une quelconque tâche réclame en retour du respect envers elle, voire un respect mutuel. Un travail n’a pas à démolir une personne, qu’importe l’esthétique en jeu, qu’elle soit de production comme d’art.
Total soutien à Muriel Joudet, merci d'en avoir fait de même. La pureté de la cause que l'on défend ne peut nullement justifier tout ce qui est fait en son nom.
Jean-François Rauger est le seul à blâmer dans cette affaire, les films diffusés aux heures de grande écoute à la télé montrent des séquences mettant en scène des rapports violents où le consentement n'a rien d'évident, cette expression artistique est-elle défendable en vue de l'éducation des jeunes? ne pas les sensibiliser sur le problème ne serait-il pas hypocrite? les victimes de l'abbé Pierre doivent-elles dénoncer ce qu'elle ont subit malgré le décès de leur agresseur? n'est-ce pas pédagogique? Judith et ses consœurs ont du pain sur la planche avant une prise de conscience de la société, sachant qu'il y aura toujours des partisans de l'autorité, de inégalité, de la violence et la misogynie, la haine!