Rousseau, "élections piège à cons", d@ns le texte
Rousseau, je me souviens l’avoir croisé pendant mes études: un pas drôle, et même un peu parano, dont on étudiait poussivement le début des Confessions comme un texte fondateur de l’autobiographie – avec quelle mégalomanie! Je me souviens bien mieux des sarcasmes croustillants de Voltaire et des formules écolo qu’on collait au «promeneur solitaire» – ah, comme on riait, de ce «bon sauvage» qu’on se figurait à quatre pattes, auquel il aurait fallu revenir pour toucher enfin au bonheur…
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Derniers commentaires
Architecture de roman très insolite, et d'une exigence dont je pense qu'elle pourrait plaire par ici.
"Nos mères", éd. Verdier.
http://www.franceinter.fr/player
Votre conclusion est cependant indignement restrictive : la vie en société engendre des tas de choses, c'est la manière dont on vit particulièrement avec certaines règles sociétales qui peut engendrer la violence. La propriété privée est un détail, significatif, certes, mais certainement pas fondamental (Rousseau le considère, lui, comme fondateur du paradigme moderne, de ce que j'en ai compris -- mais vous allez sûrement me détromper ^^).
Si je relis en entier il me semble bien au contraire qu'il pointe bien l' appropriation ("Ceci est à moi", vs "les fruits sont à tous" la terre n' est à personne" comme la source de la guerre.
Maintenant, si j' ai bien écouté ce que disaient les deux archeologues sur le plateau de F. Taddei l' autre jour, les preuves expérimentales semblent indiquer que même si la violence à laissé des traces à toutes les époques ce n'est qu'a partir du néolitique et de l'invention de l'agriculture qu'ils observent ce que l'on peut à coup sur interpreter comme des traces de guerre.
De ce point de vue il viennent, en démontrant que l'invention de la guerre et de l'agriculture sont concomittantes, conforter l'intuition de J.J. Rousseau que l'une est surement la cause de l'autre.
Non?
Leur conclusion : il n'existe AUCUNE preuve ou indice archéologique que l'homme à ses origines (au paléolithique, c'est à dire le nomade chasseur-cueilleur) eût été un être violent et pratiquant la guerre. Au contraire l'empathie aurait été un facteur de survie de l'espèce. En revanche, l'instauration de l'agriculture, et de la propriété privé (néolithique) coïncide avec l'apparition de cette violence.
Autrement dit : l'homme à l'état naturel est un être tempéré non enclin à la violence. C'est l'instauration d'une société qui crée et amplifie le comportement violent de l'homme.
Après des siècles de moqueries sur le mythe du "bon sauvage", on a la confirmation que (probablement) le plus grand philosophe français avait raison, et que son "Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes" est basé sur une thèse désormais attestée.
Contre les théocrates Bossuet, Filmer, contre Hobbes ("l'homme est un loup pour l'homme"), contre Locke (les inégalités sont naturelles), contre Pufendorf et Grotius qui établissent l'esclavage comme une liberté (!) et étant dans notre nature, contre Voltaire l'insulteur, Rousseau, esseulé, moqué, avait réussi par la force de son raisonnement à percevoir la nature profonde de l'homme.
Mais alors allons plus loin maintenant que l'on a sait que le "Discours sur l'inégalité" repose sur une base attestée, que la violence naît en l'homme avec l'établissement de la société, de la propriété privé. Si Rousseau a raison au début de sa thèse déductive, pourquoi aurait-il tort à la fin ? Il arrive à déduire que la démocratie représentative n'est qu'un leurre, qu'elle n'aboutit pas à l'établissement de la volonté générale, mais à la conservation et au développement des inégalités. Seul le peuple peut décider des lois sous lesquels ils souhaite se soumettre, car les représentants du peuple... ne représentent pas le peuple, mais eux-mêmes... La représentation étant impossible.
« La souveraineté ne peut être représentée, par la même raison qu'elle ne peut être aliénée ; elle consiste essentiellement dans la volonté générale et la volonté ne se représente point ; elle est la même ou elle est autre ; il n'y a point de milieu. Les députés du peuple ne sont donc ni ne peuvent être ses représentants, ils ne sont que des commissaires ; ils ne peuvent rien conclure définitivement. Toute loi que le Peuple en personne n'a pas ratifiée est nulle ; ce n'est point une loi. »
A cette époque où l'on cherche désespérément une réponse à la crise politique, réponse qui ne pourra plus se borner à une dissolution ou un changement de ministres, la démocratie citoyenne qu'envisage Rousseau comme forme politique et sociale la plus aboutie en terme de réduction des inégalités mérite une profonde réflexion.
Pas étonnant que Rousseau ait été discrédité par les milieux du pouvoir!
J'ai redécouvert (un peu) Rousseau, merci à Judith et Jean Paul Jouary pour ces perspectives et ces analyses.
http://linformationnationaliste.hautetfort.com/archive/2013/05/09/aristote-ou-rousseau-les-fondements-philosphiques-du-debat-s.html
Mais! Judith, quand vous dites que vous n'aviez jamais vu Rousseau de cette façon là, je me sens assez pantois. "Du contrat social" est un livre fondateur du point de vue de la pensée politique, et c'est à mon avis la plus immense contribution pour définir le concept de démocratie.
Là où ça me trouble, c'est qu'il suffit de le lire pour s'en rendre compte...
D'autre part, j'ai été assez surpris de voir que la pensée de Rousseau souffrait de tels préjugés négatifs (cf. vous et votre interlocuteur) dans les facultés de lettres et de philo, alors que pour moi, qui ai fait des études de droit, Rousseau m'a au contraire été présenté comme le seul qui a pensé la démocratie directe (alors que tous les autres ne pensaient qu'à la démocratie représentative). Bref, on s'en foutait de son histoire personnelle ou de sa psychologie, seule comptait la pensée politique.
Autre chose qui me trouble : votre entretien avec votre invité oppose souvent Rousseau à Voltaire. Certes oui ils n'étaient pas d'accord. Mais du point de vue de la pensée politique et institutionnelle, la pensée de Rousseau est incomparable à celle de Voltaire! Où Voltaire a t il (par exemple) proposé une ébauche de système politique?
A ma connaissance, nulle part. En faculté de droit, et en histoire des idées politiques, Voltaire est... tout simplement absent! Il n'existe pas.
On devrait plutôt opposer Rousseau à Montesquieu : ça aurait un intérêt là au moins.
Alors non, la pensée de Rousseau n'est pas chiante! Elle est énorme du point de vue politique et institutionnel, et s'il faut s'accrocher certes un peu, c'est cette intelligence qui manque tant aujourd'hui.
Freud
« Nous ne doutons pas de votre courage et de votre amour pour votre patrie et nous ne croyons pas non plus que vous soyez le monstre décrit par vos adversaires »
Gandhi à Hitler , le 24 décembre 1940
"Je serai un président comme Louis de Funès dans le Grand restaurant : servile avec les puissants, ignoble avec les faibles. J’adore"
Nicolas Sarkozy
« Il m’a dit que tous les êtres simples et bons de ses romans (comme la petite Nell) représentent ce qu’il aurait aimé être ; et ses personnages de scélérats, ce qu’il était (ou plutôt, ce qu’il découvrait en lui-même), sa cruauté, ses assauts d’hostilité sans raison envers les êtres sans défense qui cherchaient auprès de lui quelque réconfort, son éloignement de ceux dont il aurait dû s’occuper, étant épuisé par l’écriture. Il y avait deux hommes en lui, me confia-t-il : l’un ressent ce qu’il faut ressentir, l’autre l’inverse. C’est à partir de celui-ci que je construis mes personnages malfaisants ; à partir du premier, j’essaie de vivre ma vie. »
Fédor Dostoïevski qui raconte son entretien avec Charle Dickens
« Une partie des Turcs (c'est-à-dire les Mongols) et les nomades du Nord, les Noirs et les nomades du Sud, et ceux qui leur ressemblent sous nos climats : leur nature est semblable à celle des animaux muets et selon mon opinion, ils n'atteignent pas le rang d'êtres humains. Parmi les choses existantes, ils sont inférieurs à l'homme mais supérieurs aux singes car ils possèdent dans une plus grande mesure que le singe l'image et la ressemblance de l'homme. »
Maïmonide
, « Si je pouvais sauver l’Union sans libérer d’esclave je le ferais et si je pouvais la sauver en libérant tous les esclaves, je le ferais et si je pouvais la sauver en en libérant certains et en en laissant d’autres, je le ferais aussi. »
Abraham Lincoln
Cordialement
Bon, Judith, mille fois merci pour ces émissions de remue-méninges enthousiasmantes qui me permettent (à bientôt 60 balais) de continuer à développer mes neurones et me faire croire que je suis intelligente.
Vite, plein d'émissions encore !
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bravo et merci pour cette heure d'émission éclairante. Son forum est actif depuis un mois déjà ! Le hasard me fait rencontrer aujourd'hui un petit livre que plusieurs parmi vous doivent connaître , écrit en 1932 par Ernst Cassirer « Le problème Jean-Jacques Rousseau » traduction en français préfacée en 1987 par Jean Starobinski.
Voici un passage de la préface de Jean Starobinski : « Les pages du ' Contrat ' qui prêtent aujourd'hui à réfléchir sur la légitimité du ' pouvoir ' sont traitées par Cassirer sous leur autre aspect : il y voit une théorie des conditions juridiques du ' progrès moral ' . En quoi il apparaît bien que Cassirer privilégie l'anthropologie et l'éthique par rapport à la philosophie politique. Eric Weil, qui avait été l'élève de Cassirer à Hambourg, a consacré à Rousseau et à sa politique un admirable article, qui peut être considéré comme le complément de la lecture de Cassirer, mais dans une approche moins indulgente, qui n'aboutit pas à des solutions conciliatrices. Passé le principe de la primauté du droit , Weil doute de la viabilité de la théorie politique formulée par Rousseau : la société du contrat semble moins destinée à servir de modèle régulateur pour une transformation effective qu'à poser dans l' absolu les normes au nom desquelles Rousseau se sent autorisé à récuser tout ordre social existant. Dans l'interprétation de Weil, le versant accusateur de l'attitude de Rousseau compte davantage que les perspectives réparatrices selon lesquelles Cassirer, à la suite de Kant, avait lu la grande leçon de Rousseau. »
Bibliographie du préfacier J. Starobinski, moins « ancien » que le philosophe Ernst Cassirer : le pt. de vue d'Eric Weil, « Rousseau et sa politique », in " Pensée de Rousseau "(G. Genette et T. Todorov éd.), Seuil, Paris, 1984, pp. 9-39.
Oh oui ! Combien nos "Castex & Sürer" suivis du " Lagarde & Michard" contribuaient à enfermer Rousseau dans une schématisation réductrice qui en faisait un quasi-romantique illuminé, préoccupé de pédagogie irréaliste, de musique foireuse et qui avait abandonné ses enfants à l' Assistance !....
merci pour cette émission. Une des questions n'ayant pas été vraiment abordée est celle de la relation entre Rousseau et le "progrès". D'après mes souvenirs, Rousseau se distinguait sur cette question des philosophes des Lumières et rechignait, par exemple, à donner tout crédit aux médecins. Il semble là aussi que l'on trouve des échos contemporains dans son oeuvre, au sens où notre relation au progrès est aujourd'hui clairement désenchantée. Que dirait Rousseau du principe de précaution ?
Bravo pour une superbe émission, qui invite à repenser les modalités de la démocratie représentative, et à prendre du recul sur un système auquel nous sommes tellement habitués, que tout modèle alternatif semble avoir perdu beaucoup de crédibilité. Je vais dévorer « Rousseau, citoyen du futur » de Jean-Paul Jouary et lire aussi bien-sûr « Du Contrat Social ou Principes du Droit Politique ».
J’ai toujours détesté Voltaire, non pas tellement pour sa prose très efficace et qui, il faut le dire a marqué, le XVIIIème siècle (ainsi que les siècles suivants!) ; mais pour le hiatus entre son discours humaniste et ses investissements dans les bateaux de commerce négriers. De Rousseau, je ne me rappelle que le mythe « du bon sauvage », votre conversation avec Jean-Paul me fait donc entrevoir un penseur beaucoup plus complexe.
A mon avis la foi de Rousseau ne disqualifie en rien sa philosophie, néanmoins, vos interrogations sur l’actualité d’un philosophe chrétien et ses propositions sur le « vivre ensemble » dans une société moderne, reflète l’idée de laïcité de la France d’aujourd’hui.
Encore une fois merci pour une émission prodigieuse, qui va renouveler mes lectures pour les quelques semaines, sinon mois à venir. J’ai trouvé cette émission très pédagogique, elle devrait être d’utilité publique et ouverte à tous. Au delà de Rousseau, les questions de l’injustice, du rapport dominant/dominé … et de façon plus générale comment nous positionnons notre contribution à la vie de la cité, relèvent de problématiques universelles. Votre entretien avec Jean-Paul Jouary ouvre des pistes de réflexion, qui devraient être proposées au plus grand nombre.
Le livre est disponible en eBook, à un prix normal.
Mais
il est vendu avec des DRM
Les DRM sont pour moi le Droit de Regard du Marchand sur mes usages du livre : le matériel que j'utilise, les copier coller, l'impression, le prêt.
Pourquoi des DRM sur un tel livre ?
Qui peux passer le message à l'auteur ? à l'éditeur ?
Bon bah c'était juste pour dire merci à Judith, ça fait 2 fois que je regarde cette émission terriblement passionnante ! Avec, certes, quelques soucis techniques, mais bon, vu que j'écoute généralement tout ça dans mon plumard avant de m'endormir entre 1h et Xh du mat', je regarde généralement plus le vide obscur de mes oreillers que toutes ces sèches images ! D'ailleurs, au deuxième visionnage, je vois pas trop à quoi elles servent, finalement !
Donc merci Juju de m'avoir empêché de me coucher tôt, 2 fois ! Pas tant pour Rousseau, je viens pas de ce monde littéraire, donc j'ai trop de choses à apprendre, mais parce qu'elle m'a fait comprendre certaines choses ancrées dans mes viscères sans pouvoir y plaquer des mots et des concepts, clairement et proprement !
Pi je vais courir la montrer à mon vieux grand-père, fan de Rousseau et qui ne me semble pourtant pas vraiment en avoir la philosophie politique (il vote Dupont-aignan.......), je vous raconterai peut être la drôle expérience :-)
Merci encore !
PS : Prononcer un peu plus lentement les citations, plz, c'est chiant de devoir tendre le bras et ouvrir un oeil puis l'adapter à l'éclairage agressif de l'écran pour revenir 30s en arrière ;-)
Merci
L'émission m'a rappelé ce doux souvenir et je me suis dis : "La modernité de Rousseau ! bon sang mais c'est bien sûr !"
Merci pour tout.
;-)
Ca donne effectivement envie de relire et de redécouvrir Rousseau.
Merci Judith, et merci @si.
Bravo Judith!!!
Un élément de réponse aux 2 questions de Rousseau (voir vidéo à 1:08:45):
1. relation dans l'apprentissage langue <=> pensée
2. apprentissage de la justice dans une société injuste
Chomsky linguiste éminent qui se réclame d'un "libéralisme classique" ancré dans la tradition des Lumières (Rousseau, Wilhelm von Humboldt) s'est posé la même question:
"Language and Freedom" (1970). Texte traduit dans un recueil aux editions Agone "Raison & Liberté".
Chomsky a des écrits seulement dans son champ de recherche, mais aussi: sur la pédagogie, sur l'anarchisme...
En bout d'une longue tradition et dans un même ordre d'idée sur la Nature Humaine et l'analogie linguistique, John Mikhail se pose dans "Elements of Moral Cognition: Rawls' Linguistic Analogy and the Cognitive Science of Moral and Legal Judgment" la question d'une morale universelle innée en se basant sur les principes de recherches de Chomsky pour le language (voir en francais cette page et surtout la partie III).
Sur l'avènement des sciences cognitives, voir le post de Normand Baillargeon sur son Blog.
Rousseau a tout compris. Nos représentants ne nous représentent pas. Ce système finira bien par exploser.
Bonne émission.
Un rousseauiste/voltairien
Une régalade, une de ces pâtisseries spirituelles qui agit à la manière des madeleines, une confiserie suffisamment épicée qui réveille les sens et suscite les méninges de l’asinien obtus que je suis.
Notre subtile hôtesse, en marquise éclairée, avait délaissé le noir des habits magistraux pour un velours teinté d’espoir, avait abandonné les cafaits de bric et de broc pour un salon Procope du siècle des Lumières, tant elle attendait de son rendez-vous DLT avec Jean Paul Jouary, disciple philosophe du grand Jean Jacques (est –il vraiment nécessaire d’ajouter Rousseau tant le prénom suffit à lui seul à identifier le monstre ?) des révélations nouvelles et lumineuses.
Fut-il à la hauteur des attentes de JB ? Je ne sais.
Judith est Voltairienne… un peu… beaucoup … elle le dit, elle l’écrit un peu… beaucoup, alors être Rousseauiste, le pourrait-elle si elle le voulait vraiment un peu… même beaucoup?
L’un est nerveux et vif, l’autre patient et lent.
Avec JJR ce ne sont pas les bruits les intrigues, les mouvements de la cité, les modes et les libertinages, un peu du tout qui animait Voltaire, JJR c’est une longue marche à travers les vallées, les campagnes et les forêts, c’est une pensée qui chemine et cherche dans son parcours celui d’une eau pure et limpide.
Avec qui et où vraiment notre exquise marquise du jour, dont nous connaissons les qualités extrêmes en jeux et les compagnies, eut égaré ses pas ?
Certainement pas avec JJR, JB le reconnaît mais ce n’est pas sa faute à elle, la pôvresse, c’est la faute à Lagarde, c’est la faute à Michard et leurs 3 milliards d’exemples qui lui auraient donné un visage si sombre… et puis JJR est croyant et rationnaliste… et puis il ne donne pas de solution… alors malgré toute sa bonne volonté et les nouveaux disciples du mage N&B de la TV ressuscité en majesté sur notre terre asinienne …JJR
Mais charmante Judith puisque vous prêtez votre fausse naïveté à cette thèse du complot contre JJR auquel ne croit pas un seul instant JPJ, je me permets aussi de vous porter ma contradiction celle de ce que j’entendis en école chrétienne, celle de mon professeur de première, prêtre de son état, qui tient en quelques mots , « Voltaire fut un coquin dans sa vie et ses lettres, Rousseau fut philosophe » mais surtout celle d’un des plus fameux grammairien qui saura vous toucher mille fois mieux que moi, Louis Nicolas Bescherelle, qui dès l’édition de 1856 de son dictionnaire terminait ainsi son hommage appuyé à Rousseau « l’écrivain le plus éloquent du XVIIIème siècle » par ses mots « quant à ses œuvres, il faut les lire, les relire et les relire encore » .
Jean Paul Jouary ne dit pas autre chose et n’aura pas de mal à gagner de nouveaux lecteurs à Rousseau tant ce qu’écrivit le grand philosophe des lumières est audible aujourd’hui comme hier dans son verbe sincère dans son questionnement sans réponse, tous n’en seront pas et préféreront Voltaire, son cynisme, sa « nervosité moderne » son agitation « médiatique »…
Non JB, comme le dit JPJ, les hommes de son temps ne furent indifférents à aucun de ces 2 monstres si différents, pas plus que nous ne pouvons aujourd’hui dénier à l’un et à l’autre des qualités certaines.
Personnellement, si j’aime Rousseau et si son influence est encore si grande en moi c’est à la lecture des récits de grands découvreurs tels Bougainville, Cook, La Pérouse, tous ses contemporains, marins des solitudes, éclairés à l’esprit des Lumières et singulièrement à ses réflexions.
La violence et la haine de Voltaire à l’égard de Rousseau ne fut amplifiée sans doute que par sa jalousie extrême au succès immense du philosophe solitaire et intime.
Paradoxalement, elles ont concouru à distinguer nettement leurs traits et leurs statures mais les hommes de la Révolution ne s’y sont pas trompés quand ils ont placé et Voltaire et Rousseau au Panthéon de leurs grands hommes… alors le magicien N&B et ses complots à rallonge, repris et hennis du fond de l’étable asinienne jusqu’à ne plus rien entendre …
Allez Judith au terme de cet entretien précieux autour de Jean Jacques qui ne vous aura sans doute pas convertie tant vous aimez le jeu, le rire et la danse, j’aurais laissé la conclusion à un autre monstre de leurs descendances :
Je suis tombé par terre c’est la faute à Voltaire, le nez dans le ruisseau c’est la faute à Rousseau…
d'ailleurs): « Je Ne Suis Pas D’accord Avec Ce Que Vous Dites, Mais Je Me Battrai Jusqu’au Bout Pour Que Vous Puissiez Le Dire » ...
merci Judith pour cette émission et merci AirOne de m'avoir rassuré quant à la qualité du son. quand au reste de la réalisation, je n'y est pas
prêté attention une seule seconde, accaparé que j'étais par ce qui s'y disait.
Très bien émission sinon.
Bravo Judith d'avoir remis les choses en place même si à la fin, un peu énervé, une foi qu'il a pris la mouche, et son propos "Vous êtes comédienne, vous êtes professionnelle et vous aimez qu'on vous laisse faire votre métier, laissez les politiques" faire le leur, là dessus ironiquement, Judith à dit "Je travail avec des amateur", réponse d'attali "ça se voit" (1:04:30 environs)
Il n'y a que lui qui pense, personne ne peut faire de la politique mise à part les professionnelles c'est à dire les libéraux qui sont au pouvoir avec en plus comme argument "cette "gouvernance planétaire de la finance" qui ne marchera JAMAIS et qui serait la mort des états
Bravo Judith pour votre intervention sur ce plateau, dommage que vous n'avez pas réussit à lui clouer le bec, il est coriace le bougre !!!
Bravos à vous.
Aussi, j'ai souvenir des émissions d'Henri Guillemin sur Rousseau faisant une présentation similaire, agrémentée d'anecdotes.
Rousseau (1)
Rousseau (2)
Très bonne émission dans l'ensemble. Félicitations pour ce choix.
Juste deux réserves (ne pas s'arrêter à la première, la seconde m'important davantage) :
- il y a eu des réactions très maladroites sur ce forum concernant votre texte d'introduction. Je ne les justifie pas, mais on peut comprendre le côté un peu vexant de se retrouver embrigadé dans ce "nous" (nous, formatés par Le Lagarde et Michard). Avant de visionner l'émission, j'avoue avoir été un peu "agacé" à la lecture du deuxième paragraphe qui passe donc du "je" au "nous". J'ai "subi" la même formation, et ça ne m'a pas empêché d'aller "chercher" Rousseau dans son "endroit avec un peu des épines autour"... Il me semble d'ailleurs qu'au sein de la philosophie politique, Rousseau a souvent été au premier plan des références, ne serait-ce que grâce à son concept théorique d'état de nature, que reprend à son compte un John Rawls par exemple. Bon cela dit, il n'y a pas de quoi fouetter un chat, et surtout pas de quoi provoquer le genre de réaction qu'on a pu lire.
- concernant le fait que, selon vous, son "modèle politique ne marche que si on est tous dans une espèce de vertu chrétienne", je ne peux que vous conseiller de relire plus attentivement le chapitre si important de la "Religion Civile" dans le Contrat Social. Rousseau y dit précisément qu'il ne voit rien de plus contraire à l'esprit social que le Christianisme de l'Evangile. Ici il faudrait beaucoup citer. Je me contente de vous y renvoyer.
Merci en tout cas.
Très mauvais son dans cet enregistrement, complètement inécoutable ...
Une question posée durant l'émission m'a interpelé. Il s'agit de la confiance dans l'investissement politique du peuple, et le pessimisme de Rousseau. Cela me donne envie de tartiner un peu de ma culture philosophique - que l'on me pardonne - car cela m'évoque immédiatement deux auteurs - Platon et Hobbes. Mais avant d'entrer dans de l'exposition doctrinale, il faudrait que j'explique quelle association d'idée me pousse à en parler en résonance à cette question.
Il me semble que la question de l'investissement du peuple dans les affaires politiques porte en elle un certain nombre d'interrogations subsidiaires, dont l'une d'entre elles n'a pas été évoquée durant le plateau (mais le temps étant limité, peut-on jamais être exhaustif?) : il s'agit du problème de la connaissance et de l'instruction. Car les conditions de l'investissement politique du peuple reste globalement le problème de son investissement dans la constitution de la loi (il me semble en tout cas que c'est bien cette question qui est était sous-entendue avec l'exemple des votations). S'il faut des gouvernants qui ne soient pas des dirigeants, cela signifie qu'il faut donc des responsables politiques qui se contentent de faire appliquer la loi, ou en tout cas un certain nombre de décisions politiques. Mais si le peuple est celui qui doit prendre ces décisions politiques, cela suppose qu'il doit également disposer des moyens pour saisir quelles sont les urgences politiques, quels sont les problèmes politiques qu'il faut résoudre. Cela mène donc tôt ou tard à la question de la connaissance.
Je parle de connaissance, mais on pourrait ici m'attraper au collet et faire valoir qu'en fait il est avant tout question de moralité. Et c'est bien là le cercle dont parlait Jouary : un peuple dont les moeurs sont constitués par une société injuste peut-il subitement prendre des décisions en faveur de la justice? Les moeurs ne sont pas nécessairement moraux, il faut donc une connaissance du bien et du mal, une moralité, qui permette de produire des lois et des actions politiques que l'on jugera bonnes. Il me semble donc que le cercle dont parle Jouary peut être reformulé d'une autre manière : une loi bonne doit mener à l'amélioration de la société en passant par un perfectionnement moral du peuple; mais ce perfectionnement moral doit déjà être supposé au moment de la création de lois bonnes puisque le peuple doit constituer la loi. Chacune des branches devant causer l'autre, il apparaît que l'on remontera à l'infini de cause en cause, puisque qu'aucune de ces branches n'est immédiatement cause d'elle-même.
J'en viens donc à Platon et Hobbes. Platon est trop souvent mal compris par les élèves, quand il n'est pas, purement et simplement, mal enseigné. Démocrates que nous sommes, comment ne pas nous offusquer d'entendre Platon nous parler dans la République d'un roi philosophe, ou philosophe roi? Le salaud veut nous mener dans un despotisme éclairé, Robespierre avant l'heure, trahison ! Effaçons ces réactions spontanées, si vous le voulez bien, et entrons dans le détail. Platon ne pose la question du roi-philosophe qu'en réponse au cercle que j'ai exposé plus tôt. Il s'agit de déterminer les conditions de l'avènement d'une cité juste, toute hypothétique qu'elle soit. Or Platon est théoricien de ce que l'on nomme traditionnellement la vertu-science. Du point de vue du deuxième Platon (car il y a plusieurs Platon, son oeuvre connaît une évolution très complexe) la vertu n'est accessible qu'à condition de savoir ce qui la compose. la moralité est un art, une technique, ayant nécessairement une part pratique et une part théorique indissociables. Or, le savoir suprême se trouve être l'idée de BIen, pour deux raisons : d'abord parce que l'idée de Bien contient toute les autres idées ; ensuite parce que l'idée de Bien n'est pas purement morale, elle est morale et ontologique. Le Bien, c'est l'achèvement de l'être, c'est l'intégralité de l'être, saisi dans sa quintessence. Quiconque saisit le Bien, saisit simultanément l'intégralité de la réalité et déchiffre sa signification morale. Cela se confirme : il est bien question ici d'un savoir suprême. Or le roi-philosophe n'est pas tout seul, dans la cité idéale envisagée par Platon. Il est entouré de gardiens. Et il ne faut pas se tromper : les gardiens ne constituent pas la milice locale au service du roi. Au contraire, le roi est choisi parmi les gardiens. Ce qui signifie que tous les gardiens sont philosophes, et que le roi se contente d'en être le représentant responsable de la législation. Autrement dit, ce que Platon propose, en parlant du roi-philosophe, c'est de faire constituer la loi par celui qui saisit l'idée de Bien. Or chaque gardien a reçu en principe le même enseignement : arithmétique, géométrie, harmonie et dialectique. Chaque gardien, dans l'idéal, devrait s'être approché du savoir suprême (car pourra-t-on jamais le posséder?). Peu importe donc celui d'entre eux qui sera roi, tous seront d'accord sur la manière de procéder pour connaître, et sur ce qu'est la vertu. Dès lors, le rôle du roi est d'écrire les lois bonnes, et celui des gardiens sera de rappeler à l'ordre tout citoyen qui en perd de vue le sens et manque ainsi à se prendre en charge lui-même. Ce qui est intéressant ici, c'est que la recherche de la connaissance de la moralité est privilégiée, avant le projet politique lui-même. Il s'agit pour Platon de s'affranchir de l'immoralité ambiante par une vie dédiée à la connaissance et à la morale. Cela n'aura des conséquences politiques que par-après.
Mais je souhaitais parler de Hobbes, en tant qu'il propose exactement l'ordre inverse de résolution du même problème. Hobbes, dans le Léviathan, s'interroge sur ce qui constitue un Etat, en imaginant les hommes à l'état de nature, c'est-à-dire à l'état anté-politique. Avant l'avènement de tout Etat, les hommes sont pris dans un désir insatiable, dont il n'est pas sûr que tout un chacun sache s'en déprendre. Or, un désir insatiable dans un monde aux ressources limitées, et sans promesse de punition contre tout acte de violence, mène à une guerre généralisée et constante. Car les hommes les plus en proie à la démesure n'hésiteront pas à tuer et à voler, et les autres devront alors s'armer préventivement et attaquer avant d'être eux-mêmes attaqués. Cet état de guerre est insupportable, en tant que les hommes y risquent constamment leur vie. La raison impose donc de chercher à maintenir la paix. Voilà l'acte de naissance de l'Etat, par le biais d'un contrat social. Je passe les détails. Il se trouve qu'à la tête de cet Etat, il doit y avoir un souverain. Il est le représentant du peuple, et donc celui qui constitue le peuple en rassemblant le droit de chaque individu. La souveraineté provient du transfert du droit de chaque individu en un individu ou une assemblée souveraine. Aucun membre du peuple ne peut légitimement s'élever contre son souverain, sinon cela signifie qu'il n'est pas véritablement souverain. Je vous passe encore quelques détails pour en arriver à la charge du souverain. Selon Hobbes, cette charge est unique et simple : faire en sorte de maintenir la paix. Mais cela peut prendre plusieurs formes. La forme la plus simple concerne le fait d'assurer la sécurité par la constitution d'une force armée qui protège le peuple des intrusions extérieures (invasions diverses) et des désordres intérieurs (meurtre, vol, viol, toutes sortes de joyeusetés). Mais à cette fonction proprement négative se voient associées deux fonctions positives : le souverain a également la charge de produire des lois bonnes et d'assurer l'instruction du peuple. L'instruction du peuple est en partie morale, il faut encourager les comportements qui garantissent le maintien de la paix (comme par exemple la modestie, le respect d'autrui, etc). Elle est en partie juridique. Mais en dernière instance elle est scientifique puisque c'est bien la connaissance de la nature du monde qui permettra de comprendre pourquoi les lois sont ce qu'elles sont. Reste à définir ce qu'est une loi bonne. Si l'on se contente d'affirmer qu'une loi bonne est une loi qui veut le bien, alors qu'est-ce qui garantit que le souverain ne se trompera pas sur le bien? Hobbes propose un autre mode de compréhension de ce qu'est une loi bonne : c'est une loi qui garantit la cohésion de l'Etat et du peuple. C'est-à-dire donc une loi qui permet à terme au souverain de demeurer souverain. Car si la guerre recommence, la souveraineté est de fait brisée. Si le peuple n'est plus unifié et entre en guerre civile, la souveraineté de fait n'est plus. Le souverain doit faire en sorte de rester souverain; et donc de maintenir la paix; et donc de produire des lois qui assureront la meilleure cohésion possible. Or seule la moralité, en dernière instance, assure une véritable cohésion à long terme. Ici la solution de Hobbes au cercle qui nous occupe est exactement inverse : l'instruction n'est pas première, elle est seconde à la souveraineté. Il s'agit simplement d'élucider en quoi consiste effectivement la souveraineté, pour faire comprendre au souverain que son intérêt, c'est la paix, et donc l'amélioration morale de la société.
Je voulais exposer ces deux solutions; pour rappeler que la littérature philosophique pose effectivement des problèmes, mais réfléchit aussi à des solutions concrètes.
En tout cas merci pour cette émission.
Mais justement, les deux solutions que vous évoquez ne peuvent fonctionner. Tant que l'intérêt général ne se confond pas avec l'intérêt de tous.
Il serait préférable d'argumenter un peu plus sur ce dernier point.
Pour résumer, Rousseau distingue intérêt général ( de l'espèce) et intérêt de tous (de l'individu). Dans un monde parfait, les deux seraient très proche. En tout cas liés l'un a l'autre. Dans la réalité et dans l'histoire, on en est loin. Je ne vois pas comment le système hobbes peut permettre d'y arriver. C'est évidemment la méthode qui semble la plus juste.
Pour ce qui est de Platon, et de son roi philosophe, qui ressemble le presque à un dictateur, les chances d'y parvenir sont meilleures à mon sens, mais tout dépend de la personnalité du roi. Et le problème se pose quand il s'agit de choisir le roi.
Pour faire simple, j'ai l'impression que vous proposez ces deux portraits pour montrer que les voies vers le progès social sont multiples. On parle du contrat social de JJR qui semble inachevé, et vous présentez deux auteurs qui ont proposés des solutions. Mais moi, qui n'est que parcourus le contrat social, j'y vois une impasse qui est tout à fait compatible avec mon point de vue pessimiste de la situation.
Si on considère la période pré civilisationnelle , avant l'agriculture, on parlera d'état de nature. La société idéale est devant nous.
quelles sont la ou les solutions pour passer du premier état au second.
Dans un premier cas que vous présentez, on s'en remet à un groupe d'experts qui se chargeraient de propager la bonne parole.
Dans le second cas, Hobbes, d'un commun accord, les individus se constituent en groupe et nomment en commun des responsables qui auront la charge de préparer les individus au changement.
Education par le haut, ou éducation par le bas.
Je ne vais pas rentrer dans les détails concernant la question de la morale. Quelle est la morale, quel est l’intérêt commun? L'intérêt d'un individu?
Le problème des deux solutions vient du fait quelles partent d'une initiative. Une initiative qui conduit au pouvoir. Car quelque soit celle de ces deux propositions, elle sont toutes pyramidales.
Et pour être au sommet d'une pyramide, il faut le vouloir.
Dans le cas de la démocratie, si l'on considère que les individus ne sont pas "mûrs", il y a fort à parier qu'ils se baseront sur de mauvais critères de sélections. Sans parler du fait que la nécessité de se constituer en groupe vient de tensions existantes qui prouvent que les intérêts seront divergents au moment du choix. Logique donc que le choix résulte d'une volonté de préserver les intérêts plutôt que dans la recherche d'un moyen de les dépasser. Cercles Vicieux?
La solution serait donc la dictature d'Aristote... Mais les limites en sont évidentes. La suspicions, le sentiment d'injustice. Et puis encore faut il espérer que la ou les personnes soient à la hauteur.
D'un coté je suis pessimiste, mais d'un autre je suis très enthousiaste par exemple avec le Venezuela qui pourrait presque me faire mentir...
Bon, je n'arrive pas vraiment à être clair... Peut être ai je mal interprété votre post... Je vais continuer à méditer
Là il devrait te donner un cours de guitare, là tu vas douiller :)
gamma
Platon, j'ai commencé à lire, et j'ai surtout visionné un bon nombre de conférences de Stiegler, qui comme vous parle de deux Platons.
A vrai dire, les historiens de la philosophie distinguent, par l'évolution du style et du contenu doctrinal, trois périodes dans l'oeuvre de Platon. Il y a la période socratique, qui ressemble reprendre des dialogues qui ont effectivement eu lieu entre Socrate et ses contemporains. On y trouve peu d'idées qui soient effectivement le produit de Platon, et cela explique pourquoi ces dialogues sont aporétiques (c'est-à-dire qu'ils ne proposent pas de solution au problème qui est posé, élément caractéristique de l'ironie socratique, qui feint de ne rien savoir).
La deuxième période est la plus célèbre, c'est généralement celle qui est étudiée au lycée. Il s'agit du Platon de la théorie des idées ("idées" qu'on traduit de plus en plus par "formes intelligibles", traduction plus littérale et qui permet de faire l'économie des interprétations psychologisantes de l'ontologie platonicienne). C'est le Platon de la République et du Banquet. Ce Platon-là a établi un projet scientifique qui s'avère également être un projet politique, j'en ai déjà parlé précédemment.
La troisième période est plus trouble et moins évidente. Là où, au sortir du lycée, nombreux sont les étudiants qui s'imaginent un Platon dogmatique, avec ses formes intelligibles qui régiraient le monde, il s'avère que le troisième Platon est un Platon qui doute et qui interroge sa propre doctrine. De cette période, on retient quatre dialogues importants : le Parménide, le Théétète, le Sophiste et le Politique. Je passe sur le Timée qui a une position particulière. Le Parménide raconte la rencontre hypothétique entre le vieux Parménide (philosophe présocratique de l'île d'Elée, inventeur du clivage entre être et non-être, et dont ce dernier Platon se revendique particulièrement) et le jeune Socrate, exposant une doctrine qui ressemble étrangement à la théorie des formes intelligibles. Or ce dialogue pose une série de difficultés à cette théorie, par le biais d'objections portées par Parménide à Socrate. Le Théétète aurait peut-être précédé le Parménide. Il s'avère être un dialogue dans lequel le vieux Socrate tente avec l'aide du jeune Théétète de définir ce qu'est la science (comprendre donc, le savoir, la connaissance absolue). Ce dialogue aboutit sur un échec. Le Sophiste serait peut-être la réponse au Théétète. Ce dialogue raconte les mêmes personnages se rassemblant le jour suivant. L'un d'entre eux introduit un nouveau protagoniste en la personne de l'Etranger. Il se présente comme un Eléate, et Socrate le qualifie de véritable philosophe. Ce dialogue, ainsi que le Politique pose en fait trois questions, réclame de fournir trois définitions : qu'est-ce que le philosophe?, qu'est-ce aue le sophiste?, et qu'est-ce que le politique?... Dans le Sophiste, l'Etranger mène le dialogue avec Théétète. Ce dialogue pose une question abyssale et difficile, déjà traitée dans la République et pourtant avec moins de profondeur : qu'est-ce qu'une image? Cela présuppose que l'image est. Or l'image est différente de la chose dont elle est l'image. Elle est donc une illusion. Or peut-on dire qu'une illusion est? Il semble difficile de répondre par un oui catégorique. Mais si elle n'est pas complètement, alors la difficulté est encore plus grande : cela signifie qu'une chose peut à la fois être et ne pas être, autrement dit nous avons fait être le non-être. Ce qui va contre Parménide. Et c'est cette difficulté qu'il faut traiter dans ce dialogue, le statut ontologique de l'image.
Voilà pour le petit topo rapide.
Si on considère la période pré civilisationnelle , avant l'agriculture, on parlera d'état de nature. La société idéale est devant nous.
Deux problèmes dans ce que tu dis. D'abord la théorie de l'état de nature n'est pas omniprésente dans les interrogations de philosophie politique. Platon ne postule aucun état de nature dans l'élaboration de sa cité juste. Et Hobbes ne considère absolument pas que nous nous trouvons dans une situation d'état de nature.
Et c'est là le deuxième problème : chez Hobbes comme chez Rousseau (qui discute avec Hobbes), l'état de nature est fictif. A aucun moment de l'histoire il n'est considéré comme ayant existé. La démarche de Hobbes est définitionnelle. Il ne s'agit pas d'expliquer comment les Etats se sont effectivement constitués, il s'agit plutôt élucider quelle est la nature de l'Etat, et de la souverainté. Or Hobbes passe par une anthropologie matérialiste pour élaborer sa réflexion politique. Le problème tient donc dans ce que signifie l'Etat pour l'homme. C'est en posant cette question qu'il en vient à imaginer un état de nature, qui permet simplement de faire la différence entre la pure nature humaine et l'homme pris dans la situation politique. En faisant cette différence, on parvient alors à élucider la nature de l'Etat civil. Voici le pur homme, voici ce qu'il devient sous l'influence politique, voici donc la nature du politique. Il n'est donc pas pertinent de penser cela d'un point de vue factuel et archéologique, puisque justement la question n'est pas de déterminer factuellement comment les Etats se sont constitués, mais plutôt de déterminer logiquement à quoi sert l'Etat et que doit-il faire. Rousseau doit beaucoup à Hobbes de ce point de vue, même s'il en est un farouche adversaire. Et précisément, Rousseau répondra à Hobbes en précisant l'analyse de ce qu'est l'homme à l'état de nature. Chez Hobbes, l'état de nature n'est pas un état pré-social, mais un état pré-politique. Autrement dit, l'homme à l'état de nature, c'est l'homme sans la loi, sans le droit positif. Il s'agit de l'homme sous le pur égide du droit naturel, qui est simplement affirmation de sa propre vie et l'exigence de sa propre survie individuelle. L'état de nature n'empêche donc pas l'organisation des hommes dans une dimension sociale.
Rousseau ira plus loin que Hobbes, en envisageant un état de nature qui est à la fois pré-politique et pré-social. Mais là non plus Rousseau n'essaie pas d'expliquer comment les sociétés se sont factuellement constituées. La question est toujours d'élucider le rôle de l'Etat civil, c'est-à-dire de saisir en quoi consiste le contrat social. Quelle est sa nature? Que réclame-t-il? Et donc que peut faire légitimement un souverain? Et la finesse de Rousseau lui permet justement de renverser la perspective hobbesienne, qui émet de sérieuses réserves quant au bien fondé de la démocratie (je sens que ça va en faire sursauter plus d'un, néanmoins la question est intéressante et mérite d'être posée). Chez Hobbes, la souveraineté a des obligations à l'égard du peuple, mais le peuple n'a aucun pouvoir politique légitime contre la souveraineté. Le seul moyen d'aller contre la souveraineté, c'est de la défier, c'est donc la guerre. Rousseau va légitimer au contraire une relation politique du peuple au souverain, comme une condition sine qua non de la légitimation du souverain. Je vais un peu vite sur ce point, il y aurait beaucoup de choses à discuter. Ce que je voulais surtout ici, c'était rappeler la signification de l'emploi de l'hypothèse de l'état de nature. Il s'agit de répondre à des questions anthropologiques, mais surtout en définitive de déterminer par une opération logique en quoi consiste le contrat social, l'Etat civil et la souveraineté.
quelles sont la ou les solutions pour passer du premier état au second.
Dans un premier cas que vous présentez, on s'en remet à un groupe d'experts qui se chargeraient de propager la bonne parole.
Dans le second cas, Hobbes, d'un commun accord, les individus se constituent en groupe et nomment en commun des responsables qui auront la charge de préparer les individus au changement.
Education par le haut, ou éducation par le bas.
Ici donc le problème se pose d'une mauvaise interprétation des projets politiques que j'ai exposés précédemment. Il ne s'agit pas de se demander comment passer de l'état de nature à l'organisation sociale, puis à l'organisation politique. Non, le constat de Platon, de Hobbes ou de Rousseau, c'est chaque fois de montrer que la cité, l'Etat civil, la communauté politique actuelle n'est pas juste. Et chaque fois il s'agit de répondre à la question fondamentale qui en découle : en quoi ça consiste exactement, le politique? Comment mettre fin à la violence? C'est la fameuse question posée par Socrate à ses contemporains au tout début de la République : alors qu'ils le croisent dans une fête, ils souhaitent le retenir de force pour profiter de sa compagnie.
"POLEMARQUE : Socrate, j'ai l'impression que vous prenez la direction de la ville, comme si vous repartiez.
SOCRATE : L'impression n'est pas fausse.
POLEMARQUE : Vois-tu combien nous sommes?
SOCRATE : Bien sûr.
POLEMARQUE : Dans ce cas, de deux choses l'une : ou vous nous battez à la lutte, ou vous restez là.
SOCRATE : Et il n'existe pas d'autre solution ? vous faire admettre, par exemple, qu'il faut nous laisser partir ?
POLEMARQUE : Mais pourriez-vous faire admettre quelque chose à des gens qui n'écoutent pas ?"
(J'ai pris la traduction de Jacques Cazeaux de 1995, publiée au Livre de Poche)
Et c'est bien la question posée, dans les habituelles et élégantes mises en abime de Platon : y a-t-il un autre moyen que la violence dans la relation politique? ne pourrait-on pas discuter? Faut-il que le plus fort impose sa volonté à tous? Et en même temps, peut-on amener l'homme violent à discuter, s'il refuse d'écouter? Expérience que Platon a bien connu à Syracuse.
Hobbes écrit en pleine guerre civile anglaise. L'enjeu de la souveraineté, il le présente comme le retour à la paix, l'état de nature étant un état de guerre permanent. Il s'agit avant tout de faire cesser le désordre politique qui sème la mort et empêche tout dialogue.
Rousseau écrit dans un contexte un peu différent : il se préoccupe beaucoup de l'organisation sociale, économique, productive au-delà du politique. Mais la question demeure la même : de quel droit laisser celui qui a le plus de puissance accéder au pouvoir et imposer sa volonté à tous?
La question de l'élévation morale de la communauté est une question d'éducation parce qu'elle passe systématiquement par l'enjeu de la connaissance. Il faut connaître la nature de la justice, pour Platon. Il faut connaître la nature de l'Etat civil pour Hobbes, il faut connaître la nature du contrat social pour Rousseau. Il faut que chacun s'accorde sur ce qu'il faut chercher à atteindre, à accomplir, à achever, dès lors qu'il est question de politique. Et c'est là qu'apparaissent éventuellement les utopies. Il s'agit de comprendre ce que l'on souhaite effectivement achever. Mais il faut aussi se rendre capable de l'achever. Et c'est là que les choses se compliquent, puisqu'il faut également apprendre soi-même à se rendre moral. il faut produire des modèles qui ne sont nulle part. C'est là toute la difficulté.
Le problème des deux solutions vient du fait quelles partent d'une initiative. Une initiative qui conduit au pouvoir. Car quelque soit celle de ces deux propositions, elle sont toutes pyramidales.
Ce que tu dis ici me pose problème, dans la mesure où tu sembles considérer que le pouvoir est intrinsèquement mauvais, et qu'il n'existe de pouvoir que politique. Or antérieurement à l'avènement de la loi, de représentants politiques et d'une institutionnelle globalisante, il existe déjà du pouvoir, d'une nature autre que purement politique.
Une fois encore, les philosophes dont on parle ne partent pas d'un état de nature, mais du constat de leur propre société et de ses dysfonctionnements. L'enjeu n'est pas de faire comme s'il n'y avait aucun pouvoir pour en produire un. L'enjeu est au contraire d'amener le pouvoir tel qu'il existe actuellement à ne plus outrepasser ses droits. L'enjeu de Platon, entre autres, c'est de faire obstacle aux rhéteurs et sophistes qui manipulent les citoyens athéniens et par ce biais prennent le contrôle de la cité démocratique. Hobbes veut mettre fin au règne des prédicateurs qui, au nom de leur foi, troublent l'ordre politique et entretiennent une guerre civile sur la base d'un fanatisme aveugle. Rousseau veut mettre en question le pouvoir des nobles, mais aussi des propriétaires bourgeois, qui se disputent le pouvoir sans jamais faire preuve d'une véritable préoccupation politique. Autrement dit, il ne s'agit pas de produire un pouvoir illégitime, il s'agit de guider un pouvori en place vers une position plus juste.
Dans le cas de la démocratie, si l'on considère que les individus ne sont pas "mûrs", il y a fort à parier qu'ils se baseront sur de mauvais critères de sélections. Sans parler du fait que la nécessité de se constituer en groupe vient de tensions existantes qui prouvent que les intérêts seront divergents au moment du choix. Logique donc que le choix résulte d'une volonté de préserver les intérêts plutôt que dans la recherche d'un moyen de les dépasser. Cercles Vicieux?
Cela fait partie des problèmes à résoudre. Ce n'est pas un simple état de fait indépassable. Rousseau parle déjà d'une époque où une large partie de la population est illétrée. Comment lui faire comprendre les enjeux profonds du politique, si déjà ils n'ont pas les moyens de se cultiver par eux-mêmes. Les choses changent, rien n'est encore décidé. Mais comme le fait remarquer Hegel, qui fut un lecteur de Rousseau absolument passionné (il écrivait "Vive Jean-Jacques!" dans les marges de ses cahiers d'étudiant), le devenir de l'homme dans l'histoire est truffé de contradictions qui se surmontent contre toute attente.
La solution serait donc la dictature d'Aristote...
L'expression me choque. Pourrais-tu préciser ce que tu veux dire par là? En quoi Aristote propose une dictature?
Bon, je n'arrive pas vraiment à être clair... Peut être ai je mal interprété votre post... Je vais continuer à méditer
La difficulté principale de la philosophie, c'est d'arriver à une compréhension suffisamment mûre du problème que l'on cherche à poser. C'est là un exercice qui réclame patience et constance dans l'effort. Mais il y a lieu d'approfondir à plusieurs, et c'est là le plus grand réconfort en la matière. Essaie d'approfondir ce qui te dérange et que tu essaies d'exprimer.
C'est vrai qu'une chronique qui ferait le point sur certains éléments de l'histoire de la philosophie, texte en main, serait intéressante. Je crois que ce serait même encore plus intéressant sous la forme d'une émission. Mais encore faudrait-il que le concept ne soit pas un deuxième D@ns le texte, car Judith Bernard s'en sort déjà bien (malgré une certaine défiance à l'égard de la philosophie que l'on ressent parfois...?).
Mais l'histoire de la philosphie étant tellement vaste, nul ne pourrait tout savoir. Il serait intéressant d'établir un modèle ouvert aux contributions extérieures. Il y a beaucoup d'experts passionants à entendre ou à lire.
Gaffe, vous êtes définitivement atteint par le virus Consensus 39 !!!
Asinautes, fuyez avant qu'il ne soit trop tard ! Courrez vous faire vacciner, faute de quoi vous prenez le risque de contaminer toute la société !!!
gamma
J'ai cru, un instant, que vous alliez proposer une méthode (scientifique) de le faire.
Le dites pas en rigolant, Aloys.
Si "les philosophes" faisaient un effort pour être plus clairs, ils seraient écoutés et lus.
Si vous en avez l'occasion, lisez "Impostures intellectuelles", d'Alan Sockal et Jean Bricmont.
Avez-vous remarqué par exemple, dans l'émission précédente, que Bégaudeau, agrégé de lettres, avoue qu'il a du mal à lire Deleuze ? Ça ne vous interroge pas ?
J'ai l'absolue certitude que beaucoup d'intellectuels, notamment en France, sont dans une course permanente à l'abscons, le plus fort étant celui qui sera capable d'aller le plus loin dans la jungle de l'incompréhensible. Ils ont fini pas accréditer l'idée que plus ils sont difficiles à lire plus ils sont profonds.
La science fonctionne d'une manière rigoureusement opposée. Modestement, elle ne crée pas de la pensée . Elle se propose simplement de rendre plus facile à comprendre une réalité objective préexistante.
Et, si vous en avez le loisir, posez-vous la question : "Pourquoi sommes-nous tellement effrayés par le projet de rendre le monde compréhensible ?"
Le "hasard non-local" ou "l'inflaton" sont-ils, pour l'honnête homme, moins abscons que le "foncept" ou la "différance" ? (quoique, aujourd'hui, l'orthographe....).
J'ai aussi connu des physiciens qui avaient du mal à lire Boltzman, ça n'a pourtant jamais constitué une argument pour cesser de le lire et pour considérer qu'il ne dit que des conneries. (Au fait, savais-tu qu'il n'existe aucune traduction française des Principia de Newton? C'est curieux comme les physiciens français lisent peu...)
Sokal et Bricmont n'ont, dans leur livre que j'ai lu avec attention, à aucun moment fait la démonstration d'une imposture. Ils ont par contre à chaque fois montré qu'ils ne comprenaient pas ce qu'ils lisaient. Or on ne le répètera jamais assez, dire "je ne comprends pas" ne justifie jamais de passer par inférence à "cela ne veut rien dire".
La position de Derrida sur ce livre : http://peccatte.karefil.com/SBPresse/LeMonde201197Derrida.html
Celle de Bruno Latour http://www.liberation.fr/sokal/latour.html
J'aurais été ravi d'ajouter une réponse de Deleuze, néanmoins les auteurs qui l'attaquent ont courageusement attendu qu'il se suicide pour essayer à leur tour de le tuer. C'est sûr que ne pas avoir à debattre avec ses adversaires est toujours pratique. Par contre, je peux faire référence à un passage de l'abécédaire dans lequel Deleuze traite de ses rapports avec la science : http://www.youtube.com/watch?v=atXbudwJUVc et la suite ici http://www.youtube.com/watch?v=S-0701YRPqc
J'ai l'absolue certitude que beaucoup d'intellectuels, notamment en France, sont dans une course permanente à l'abscons, le plus fort étant celui qui sera capable d'aller le plus loin dans la jungle de l'incompréhensible. Ils ont fini pas accréditer l'idée que plus ils sont difficiles à lire plus ils sont profonds.
Prôner la rigueur de la science pour finalement brandir des certitudes sans preuve... Quelle ironie que cette contradiction...
Par ailleurs, il faudra expliquer comment les philosophes font donc pour se comprendre entre eux, s'ils ne pratiquent que cette sorte de sophistique? A moins que tu n'ais simplement jamais fait l'effort d'apprendre à lire un ouvrage de philosophie. Mais de ce point de vue, je te rejoins parfaitement : si ça demande du travail pour comprendre, pourquoi se faire chier? Ça n'en vaut sans doute pas la peine. C'est sans doute ce que doivent se dire les créationnistes devant L'origine des espèces de Darwin.
La science fonctionne d'une manière rigoureusement opposée. Modestement, elle ne crée pas de la pensée . Elle se propose simplement de rendre plus facile à comprendre une réalité objective préexistante.
Les philosophes ne discutent donc pas du réel? Alors quel besoin pour le scientifique de venir leur faire la leçon?
Mais par ailleurs, c'est vrai que Newton n'a pas inventé un concept d'espace pour que les forces vectorielles qu'il cherche à décrire puissent prendre sens, lorsqu'il élabore ses lois de la mécanique. Concept qui, par ailleurs, sera repensé par Einstein, mais également par les théoriciens du big bang... Si un scientifique ne crée pas de la pensée pour rendre le réel compréhensible pour l'homme, alors la science ne saisit aucune réalité... (Le chat de Schrödinger, est-ce de la pensée?... On appelle ça comment déjà?... Ah oui : une expérience de pensée, comme le démon de Laplace ou le démon de Maxwell...)
Et, si vous en avez le loisir, posez-vous la question : "Pourquoi sommes-nous tellement effrayés par le projet de rendre le monde compréhensible ?"
C'est curieux, j'avais toujours pensé que les partisans des autodafés étaient les premiers concernés par ce genre de peur... Sokal, cesse donc d'avoir peur de rendre le monde compréhensible!
Les "Principia" ont été traduits par Gabrielle-Emilie de Breteuil, Marquise du Châtelet
et publiés en 1758.
(disponible gratuitement en version numérique ches chez google-books)
Savez-vous, à votre tour, qu'Emilie du Châtelet a collaboré avec plusieurs des grands savants de son époque et est considérée comme une des toutes premières femmes scientifiques françaises.
Néanmoins, si tu veux discuter les enjeux d'une traduction moderne, voilà un débat fort intéressant et qui n'est pas affaire d'erreur de traduction. On peut tenir compte également de ce qui est venu après, et proposer des éditions critiques. Si cela te pose problème, ce n'est pas pour autant illégitime.
Bien sur que non dans cette version. mais, pour être précis comme vous le souhaitez,
l'était dans votre message original où vous trouviez "curieux que les physiciens lisent peu.".
.Pour le reste"proposer des éditions critiques. etc.." ce serait évidemment interessant et, justement, je les lirais avec intérêt.
Mais il est vrai que mon but n'était pas d'incriminer les physiciens français, plutôt de pointer du doigt l'intérêt relatif que l'on porte fnalement aux ouvrages scientifiques, dont on fait pourtant l'éloge ici contre les ouvrages philosophiques.
Celle de Bruno Latour ...
Je ne me souviens plus si Derrida appartient à la liste des imposteurs que dénoncent Sokal et Bricmont. Il fait peut-être partie du casting, mais dans un supporting role.
En revanche, Bruno Latour est la star du bouquin. L'imposteur vedette*, suivi de près pas Jacques Lacan.
Le moindre mérite de Sokal et Bricmont n''est pas de s'être plongé dans cette littérature nauséabonde pour en démontrer les trucages.
Et vous me demandez de lire ça ?. Mé ça va pô la tête ?! :o)
Pour être plus sérieux, la parution de ce bouquin a provoqué un tel scandale et une telle avalanche de publications dans la presse que je ne vois pas ce que je pourrais ajouter. Nous n'allons pas relancer le débat quinze ans après. La plupart des auteurs (sauf quelques courageux) ont pris a partie violemment Sokal et Bricmont. Mais que pouvaient-il faire d'autre, puisque leur passivité jusqu'à la parution du bouquin les rendait objectivement complices des imposteurs ?
Pour clore le débat (désolé, mais je m'en tiendrai là), j'ajouterai ceci : je suis persuadé, Damien, que vous êtes sincère et que mes propos vous choquent. Ça me désole vraiment, tellement les choses sont claires pour moi. Si je ne veux pas d'un débat, c'est que j'ai la conviction qu'il n'aurait pas d'issue.; nos univers respectifs sont trop éloignés l'un de l'autre pour que nous puissions communiquer. Et puis, je veux pouvoir consacrer un minimum d'attention à mon cher Aloys von Hindenbourg.
* ce qui ne l'a pas empêché de poursuivre sa brillante carrière et son ascension vers les honneurs.
Je trouve comme vous (voir un de mes posts ci-dessus) cette distinction anormale. Mais ce n'est pas ce que dénonce Sokal. Le langage de Bruno Latour en ce qui concerne la relativité einsteinienne est très clair (voir un autre post voisin). Il prétendrait, car il a quand même utilisé le conditionnel (My claim would be ), qu'en l'absence de l'énonciateur qu'Einstein avait (inconsciemment) dissimulé, sa théorie serai incompréhensible. Il l'accuse même d'être tétu (voir les italiques).
C'est avant tout de la querelle de chapelle. Au pire, Bruno Latour a tort, et il suffit de le réfuter (quel rapport entre avoir tort et être un imposteur?). Au mieux, il apporte quelque chose de pertinent et ça ne révolutionnera nullement l'histoire de la physique. Ça n'a rien de grave, ça ne justifie pas le procès.
Encore moins celle de la philosophie !
(Par ailleurs, je défends Latour, mais je ne suis pas pour autant convaincu par sa théorie constructiviste. C'est juste qu'on pourrait proposer des critiques plus pertinentes que celle que Sokal a proposée.)
Puisque c'est à ce point évident, pourrais-tu rappeler les grands points de cette démonstration si brillante? Je ne doute pas que mon esprit sera emporté par la vigueur du raisonnement.
Pour être plus sérieux, la parution de ce bouquin a provoqué un tel scandale et une telle avalanche de publications dans la presse que je ne vois pas ce que je pourrais ajouter. Nous n'allons pas relancer le débat quinze ans après.
C'est pourtant toi qui mets ça sur le tapis. Et l'instant d'après du nous dit que ce n'est que du passé et qu'il n'y a plus rien à en tirer? Décide-toi!
La plupart des auteurs (sauf quelques courageux) ont pris à parti violemment Sokal et Bricmont. Mais que pouvaient-il faire d'autre, puisque leur passivité jusqu'à la parution du bouquin les rendait objectivement complices des imposteurs ?
Complices d'une imposture qu'il reste encore à démontrer? Oui, quelle terrible situation! Et ça valait bien la peine de se faire à la place instigateur de la bêtise systémique, en crachant sur des auteurs que l'on n'a même pas lu...
Pour clore le débat (désolé, mais je m'en tiendrai là)
Alors encore une fois, pourquoi être revenu là-dessus si tu n'as rien à défendre, mais juste des convictions à étaler?
j'ajouterai ceci : je suis persuadé, Damien, que vous êtes sincère et que mes propos vous choquent.
Oui, je crois que ma position est assez claire sur le sujet. Bien que je puisse encore approfondir la demonstration au besoin.
Ça me désole vraiment, tellement les choses sont claires pour moi.
Et pourtant cette clarté ne peut se résoudre à produire une véritable démonstration. Au point que tu n'as même pas lu les auteurs que incrimines!
Si je ne veux pas d'un débat, c'est que j'ai la conviction qu'il n'aurait pas d'issue.;
Ah bon. Pourtant une imposture est facile à démasquer. Je peux (et je l'ai déjà fait plusieurs fois sur ce forum) montrer à quel point l'oeuvre de Michel Onfray est une imposture. J'aimerais que tu fasses de même, puisque les choses sont si claires pour toi.
nos univers respectifs sont trop éloignés l'un de l'autre pour que nous puissions communiquer.
Tu crois donc moins à la rationalité que moi. Je suis tout-à-fait capable d'argumenter en la matière. Je n'ai pas besoin de me cacher derrière un prétendu clivage entre pensée littéraire et pensée technique. (faudra un jour que tu lises Gilbert SImondon, un ingénieur pourtant docteur en philosophie, qui a produit une oeuvre remarquable sur la technique)
Et puis, je veux pouvoir consacrer un minimum d'attention à mon cher Aloys von Hindenbourg.
Magnifique retournement, en quelques posts, de la profession de foi anti-philosophique à la fuite remarquable devant la nécessité de justifier ses propres propos.
Je n'ai rien contre toi, Julot, et tu savais déjà ma position en la matière avant d'écrire ce post. Tu devais donc t'attendre, en dégainant Sokal, à me voir réagir. Je trouve très dommage que tu gaches cette bonne occasion de mettre les choses au clair pour tout le monde.
"imposture: action délibérée de se faire passer pour ce que l'on est pas"
"My claim would be that without the enunciator's position (hidden in Einstein account) and without the notion of center of calculation, Einstein own technical argument is ununderstandable, so is the reason why he prefers above all to maintain the forms of thr natural laws against all transformations of space, time and characters."
Bruno Tatour in "A relativistic account of Einstein relativity". Social Studies of Science Vol.18 pp.3-44, 1988. Dans la conclusion de son article (les italiques sont de lui ).
Je ne traduis pas in extenso. On peut tout de même comprendre que sans la contribution de Bruno Latour la relativité einsteinienne serait restée incompréhensible ! Et il s'agit bien d'arguments techniques !
Citer aveuglément, dire que c'est n'importe quoi, et ne rien justifier de ce que l'on avance, n'importe qui peut le faire sur n'importe quoi.
L'article est disponible (en pdf) sur le web comme d'ailleurs la traduction des "Principia" de Newton par Emilie du Châtelet.
Je vous laisse le soin de les rechercher si vous y êtes intéressé.
Et je sais pourquoi en fait tu n'en proposes pas. C'est parce que tu ne fais que répéter ce qui est écrit dans le livre. Or dans le livre il n'y a pas de démonstration. Ce qui est exactement ce que je lui reproche. Du coup, tu ne peux plus te contenter simplement de répéter comme un perroquet ce que dit Sokal. Il va falloir que tu réfléchisses par toi-même, et que tu lises les auteurs incriminés (que de toute évidence tu ne connais pas).
Les partisans de Sokal se croient souvent partisans de l'inteligence, de la clarté et en définitive des Lumières. Mais dans les faits, leur démarche ne relève de rien d'autre que du pur et simple obscurantisme : on ne sait pas de quoi on parle, on attaque à tout va sans rien proposer d'autre que des opinions dogmatiques (c'est à dire jamais accompagnées de démonstration), et au final on a juste le choix entre les croire sur parole ou être un imposteur. Voilà bien la preuve que Sokal n'a rien apporté à la postérité - comme le fait d'ailleurs valoir Derrida - si ce n'est un canular et un pamphlet. Qui en parle encore? Julot le faisait remarquer. Et là aussi on a eu la réponse : seuls les partisans de Sokal voient encore dans Sokal l'homme providentiel qui va nous sauver des imposteurs.
On peut constater à la lecture qu'en aucun point du raisonnement de Latour les arguments présentés ne s'appliqueraient pas à la relativité Galiléenne qui a précédé d'à peu près trois cent ans celle d'Einstein. Bien sûr ce sont les transformations de Lorentz qui sont citées mais même pas le fait que le passage de celles de Galilée à celles-ci a été inspiré à Einstein par des réflexions sur la vitesse de la lumière. En tout état de cause, tous ses arguments « relativistes » seraient tout autant galiléens qu'einsteniens
( peut-être ne me croirez-vous pas, auquel cas il vous faudra le lire pour me démentir)
Une affirmation comme « either the laws are dependant on the choice of independant observers, or the observers are made dependant, thus rendering laws independant » est anti-relativiste que ce soit au sens galiléeen ou einsteinien !
Ce qu'affirment ces théories c'est que l'expression des lois (à ne pas confondre avec les lois elles-mêmes) dépendent du système de référence.Vos connaissances de la relativité ou tout simplement du langage courant sont certainement suffisantes pour que vous saisissiez la différence.
Les lois de compositions des vitesses (puisqu'il les cite) sont différentes dans les deux relativités , mais bien évidemment relativement invariantes dans chacune d'entre elles (vous me suivez?).
Exit donc dans les relativités physiques l'énonciateur prétendument caché (hidden) dans les théories relativistes et tellement nécessaire au raisonnement Latourien.
Que dire de l'epoustouflante « it is time to see how these figths against privileges in economics and physics are, litterally not metaphorically, the same » (demander son avis à Frédéric Lordon ? Ah non , ce n'est pas un philosophe.
J'irais plus loin si je ne craignais de vous ennuyer car vous savez tout cela.
L'évidence reste que Bruno Latour n'a pas compris la relativité en physique tout court.
C'est d'ailleurs le cas de très nombreuses personnes. Des études sérieuses (tiens voilà que je joue à Sebastien Bohler) ont montré depuis longtemps que la plupart des gens, même cultivés, retournent très vite au stade Aristotélicien de la physique. On vit il y a quelquess années un chercheur CNRS confirmé croire que c'est Galilée qui avait énoncé le premier la rotondité de la terre (Serge Galam , physicien et épistémologue disait-on, Le Monde 02/07/07).
Les analogies qu'il, Bruno Latour, énonce dans le cadre de la sociologie ont peut-être, je ne saurais vraiment le dire, une pertinence. L'imposture, celle que dénoncait Bricmont et Sokal, est de faire croire a sa compétence en relativité (au point d'en rendre compréhensible au pekin moyen et à Einstein lui-même la théorie) pour asséner, parmi d'autres, des phrases comme celles que j'ai cité ci-desssus ;
D'où l'accusation d'imposture. Il se positionne, sa conclusion l'affirme, en explicitateur du travail d'Einstein, laissant supposer qu'il l'a compris et même amélioré. Peu de physiciens, surtout, je vous l'accorde, parmi ceux qui lisent peu ou que l'on accuse de lire peu, qui réfléchissent peu ou que l'on accuse de réfléchir peu, ne soutiendait cette position. LES AUTRES NON PLUS !
On peut enfin passer aux choses sérieuses!
Par contre, tu m'excuseras, mais je trouve parfois la formulation un peu trouble. Je vais donc devoir te demander de préciser un certain nombre de choses, parce que pour l'instant j'ai du mal à suivre ta démonstration.
Le projet de Latour, dans son article, est de montrer que le travail d'Einstein est « explicitement social » et de tenter d'apprécier si on peut apprendre d'Einstein une façon d'étudier la société.
Donc ça c'est le projet général de l'article. Quand tu le cites, disant que donc la demonstration consiste à prouver que le travail d'Einstein est explicitement social, je ne comprends pas très bien ce que tu veux dire. On pourrait entendre par là que son travail est le produit de conditions sociales particulières (c'est le genre de lectures sociologisantes auxquelles Latour m'a habitué et me rend méfiant), mais on peut aussi comprendre par là que ce à quoi il pense quand travaille sur la relativité, ce sont des situations sociales concrètes.
Mes connaissances de Latour me poussent plutôt à comprendre ta phrase dans le premier sens, mais la seconde partie de taphrase semble aller dans le deuxième sens, puisque le projet de l'article serait donc d'extrapôler les outils einsteiniens pour penser la relativité, à des objets d'une autre nature que les phénomènes de gravitation. Ces autres objets seraient des situations sociales. Il chercherait donc d'une part à se saisir des outils einsteiniens, et d'autre part à en proposer une interprétation qui permette de les employer dans des situations qui intéresse la sociologie.
Est-ce que tu signifies ces deux choses, l'une des deux ou aucune d'entre elles? Cela me permettra de mieux comprendre.
On peut constater à la lecture qu'en aucun point du raisonnement de Latour les arguments présentés ne s'appliqueraient pas à la relativité Galiléenne qui a précédé d'à peu près trois cent ans celle d'Einstein.
Alors pourrais-tu déjà commencer par m'éclairer sur en quoi consiste la différence entre les deux relativités? Ça devrait déjà rendre ton analyse plus claire pour tout le monde.
Ensuite, j'ai une question bête à poser. J'ai cru comprendre que de toute manière, Einstein était obligé de réinterpréter la relativité galiléenne au regard de la nouvelle théorie qu'il propose, sans quoi on perdait l'explication de certains phénomènes en chemin. Se peut-il que Latour s'attache, dans la contribution d'Einstein, aux points qui reprennent également Galilée? Est-ce possible?
Troisièmement, qu'il n'ait pas su retrouver toute la nouveauté d'Einstein fait de son travail d'interprétation un travail pauvre, en particulier pour un physicien. Tout-à-fait d'accord, en supposant que ce soit effectivement le cas (quelques citations ne seraient pas de refus).
Néanmoins il n'y aurait d'imposture que dans la mesure où il prétendrait expliquer la physique au physiciens (débutants ou confirmés). Alors qu'il semble, comme on l'a dit plus haut, qu'il ne s'adresse qu'à des sociologues pour essayer de leur fournir des concepts dont la nouveauté ne concernerait que la sociologie. Ce qui veut qu'Einstein n'est intéressant pour Latour dans cet article précis que dans la mesure où il offre des outils pour penser des phénomènes relationnels. Einstein ne serait donc nullement étudié pour l'explication du monde physique qu'il parvient à produire, mais simplement pour ce que signifie la relation entre l'observateur et le corps en mouvement.
On en vient donc à un point déjà formulé plus haut : erreur, oui, pourquoi pas. Et dans ce cas, il faut proposer une rectification pour qu'on cesse de se tromper. Imposture, non. Lire un auteur, qu'il soit physicien, philosophe, homme politique, sociologue ou linguiste, tout le monde ne a le droit dans la communauté scientifique (ou alors vraiment il y a un problème). On peut se tromper dans la lecture, mal comprendre un point de détail pourtant important. C'est déjà arrivé, ça arrivera encore. Mais en quoi lire un auteur devrait mener à des prétentions supérieures, du style "moi aussi je suis physicien", ou alors "je comprends mieux la physique que les physiciens"? Et où trouve-t-on ces prétentions dans ce texte précis de Latour? Voilà déjà un certain nombre de choses supplémentaires à aller chercher dans ce texte pour pouvoir confirmer l'accusation d'imposture.
Bien sûr ce sont les transformations de Lorentz qui sont citées mais même pas le fait que le passage de celles de Galilée à celles-ci a été inspiré à Einstein par des réflexions sur la vitesse de la lumière.
Je ne comprends pas très bien l'argument ici. Veux-tu dire qu'il ne connait pas bien l'histoire de la physique? C'est tout à fait possible, mais j'aimerais savoir quel rapport cela a avec son projet? (en supposant qu'il a bien le double sens proposé en début de post) Si le but est simplement de comprendre quel sens a la relation, chez Einstein, dans le rapport entre observateur et corps en mouvement, en quoi Galilée et Lorentz auraient dû l'intéresser?
A moins que je ne comprenne pas un point dans ton argumentation, auquel cas je te prie de me l'expliquer, ça me fera du bien.
En tout état de cause, tous ses arguments « relativistes » seraient tout autant galiléens qu'einsteniens
Si tel est le cas c'est très intéressant de le préciser. Cela doit nous amener à proposer deux définitions distinctes de la relation : le sens qu'a la relation dans les textes de Galilée, et le sens qu'a la relation dans les textes d'Einstein.
Néanmoins, est-ce que cela invalide la démarche de chercher un sens à la relation dans les textes d'Einstein?
( peut-être ne me croirez-vous pas, auquel cas il vous faudra le lire pour me démentir)
Je suis prêt à te croire sur parole, si tu peux me donner des références (genre ça c'est dans tel article, ça c'est dans tel texte). Une petite citation de temps en temps, ça ne mange pas de pain et ça aide aussi le lecteur. ;)
Une affirmation comme « either the laws are dependant on the choice of independant observers, or the observers are made dependant, thus rendering laws independant » est anti-relativiste que ce soit au sens galiléeen ou einsteinien !
Je vais essayer de traduire la citation, de l'anglais au français, ce qui permettra de vérifier si j'ai bien compris :
"soit les lois sont dépendantes du choix des observateurs indépendants, soit les observateurs sont rendus dépendants, et par conséquent rendent les lois indépendantes"
Si je comprends bien, c'est le jeu entre dépendance et indépendance qui casse la relativité, puisse la relativité implique qu'il n'existe aucune réalité indépendante. Reprends-moi si j'ai mal compris.
Ce qu'affirment ces théories c'est que l'expression des lois (à ne pas confondre avec les lois elles-mêmes) dépendent du système de référence.Vos connaissances de la relativité ou tout simplement du langage courant sont certainement suffisantes pour que vous saisissiez la différence.
On va le vérifier tout de suite, car je vais reformuler pour voir si j'ai bien compris. Cela signifie que les équations des lois contiennent des variables qui ne sont déterminées qu'en fonction du système de référence? Et ces variables seraient, je suppose, l'espace-temps qui englobe l'observateur et le mouvement observé, la vitesse de l'observateur et du corps en mouvement. Y a-t-il autre chose? Est-ce que j'ai bien tout compris?
Les lois de compositions des vitesses (puisqu'il les cite) sont différentes dans les deux relativités, mais bien évidemment relativement invariantes dans chacune d'entre elles (vous me suivez?).
Je suppose que quand tu parles des "deux relativités", tu signifies en fait les deux théories de la relativité, einsteinienne et galiléenne? Ou alors tu parles des deux perspectives, celle qui part du corps en mouvement et celle qui part de l'observateur? Pour l'instant je penche pour la première possibilité (si ce n'est pas ce que tu signifies, il va falloir m'éclairer).
En partant de ce sens là des "deux relativités", ce que je comprends de ta phrase, c'est que "les lois de composition des vitesses" n'incluent aucune variable, mais que dans chacune des théories elles prennent une interprétation différente? (je fais ce que je peux pour comprendre, mais franchement là tu vas un peu vite, il faudrait prendre ton temps pour proposer une explication plus fournie et plus paisible : comme tu vois, je suis tout disposé à te suivre à hauteur de mes moyens, mais là il faudrait que tu m'aides un peu)
Exit donc dans les relativités physiques l'énonciateur prétendument caché (hidden) dans les théories relativistes et tellement nécessaire au raisonnement Latourien.
Pourrait-on prendre un peu plus de temps pour clarifier une série de questions?
1) Il faut se mettre d'accord sur ce qu'il faut comprendre concernant ce qu'est cet "énonciateur" introduit par Latour dans sa démonstration. Où le cherche-t-il? Pourquoi en a-t-il besoin? Que doit-il permettre de prouver?
2) Le fait que cet énonciateur soit présenté par Latour comme caché, cela signifie-t-il qu'il est caché dans le texte mais supposé implicitement? Auquel il prétend le révéler par une interprétation du texte, interprétation plus ou moins légitime, je suis prêt à l'accorder. Ou cela a-t-il un autre sens? En quoi est-il caché? Ou est-il caché? Comment le révèle-t-il? Ce sont là les trois questions importantes ici.
3) Quel rapport Latour prétend-il trouver entre cet énonciateur et les théories relativistes? Quelle place lui donne-t-il non plus dans sa propre démonstration, mais dans celle d'Einstein?
Je pense que ça permettra de mieux comprendre le propos de Latour, et le tien.
Que dire de l'epoustouflante « it is time to see how these figths against privileges in economics and physics are, litterally not metaphorically, the same »
Une fois encore, traduction : "Le temps est venu de voir à quel point ces combats contre les privilèges en économie et en physique sont, littéralement et non métaphoriquement, les mêmes."
Il me semble qu'ici, Latour prend donc une position épistémologique tout-à-fait foucaldienne, puisqu'il entend mettre en rapport Einstein et d'autres théories de la même époque. C'est la recherche de ce que Foucault nommait les épistémès, ordre global propre à une époque qui met en rapport les mots et les choses, les phénomènes et leur interprétation. Autrement dit, le propos de Latour est que la notion de relation chez Einstein met en question la possibilité d'une position privilégiée d'un des pôles de la relation. Or si on étudie une hiérarchie sociale, ici aussi on entendra un ensemble de relations avec des pôles privilégiés par rapport à d'autres.
Je comprends bien qu'au sens strictement physique, on s'en fout au plus haut point. Mais, une fois encore, la réflexion que propose Latour ne porte pas sur le sens physique de la théorie d'Einstein, mais au contraire sur des emplois d'outil récurrents - ce que Foucault nommait également des régularités de discours - et sur le sens qu'ils permettent d'apporter si on les transpose à d'autres disciplines (ce qui est moins foucaldien, mais Foucault ne l'a pas interdit non plus, et l'a même pratiqué à sa manière en transférant des concepts tirés de l'histoire à d'autres domaines de réflexion). Aussi, ça ne doit pas embêter le physicien, puisque Latour :
1) ne prétend rien enseigner sur la physique ici (proposer une interprétation, ce n'est pas enseigner : l'interprétation de Copenhague n'empêche pas de s'interroger différemment sur le sens des doubles équations, probabilistes et déterministes, de la mécanique quantique, ni d'ailleurs de les apprendre sans se poser la question)
2) il adopte sur un texte écrit par un physicien une méthode qui ne choque personne dès qu'on l'applique à des textes issus d'autres domaines de réflexion.
Aussi j'essaie de répondre à ta question de rhétorique, que dire de cette phrase? Qu'elle montre que Latour ne fait pas de physique ici, mais s'interroge sur le sens que pourrait avoir l'interprétation qu'il propose de la relation chez Einstein, dès lors qu'on l'applique aux phénomènes sociaux d'organisation hiérarchique dans les organisations économiques.
Et à mon avis, si on demandait son avis à Lordon, il n'est pas certain qu'il trouverait ça débile.
(demander son avis à Frédéric Lordon ? Ah non , ce n'est pas un philosophe).
Bon, là, je ne vois pas vraiment où tu veux en venir. Tu m'accuses de ne vouloir entendre que le propos des philosophes? Ou alors tu accuses les philosophes de fourrer leur nez partout? Penses-tu que c'est là quelque chose qui fait avancer ta démonstration?
J'irais plus loin si je ne craignais de vous ennuyer car vous savez tout cela.
J'ai écrit ailleurs sur ce topic que l'apprentissage de la lecture philosophique implique d'apprendre à s'ennuyer. Ennuie-moi, s'il-te-plaît, parce que j'ai bel et bien envie que toi et moi, nous allions ensemble au fond des choses. Par donc du principe que je ne connais rien à rien, et explique-moi tout. Ça me fera le plus grand bien.
L'évidence reste que Bruno Latour n'a pas compris la relativité en physique tout court.
C'est tout-à-fait possible qu'il ne l'ait pas compris. Ça ne fait pas de lui un imposteur.
Par contre, j'aimerais bien que tu m'expliques cette "évidence". Quels sont les éléments que tu as soulevés qui rendent cela évident? Ma question est sincère, je n'ai pas vu le point saillant qui rend ton propos évident, j'aimerais que tu le mettes plus clairement en avant pour que je comprenne bien. Parce que pour l'instant je ne comprends pas bien le mouvement genéral de ton argumentation. A partir de quelles prémisses déduis-tu cela? Histoire que je comprenne bien.
C'est d'ailleurs le cas de très nombreuses personnes. Des études sérieuses (tiens voilà que je joue à Sebastien Bohler) ont montré depuis longtemps que la plupart des gens, même cultivés, retournent très vite au stade Aristotélicien de la physique. On vit il y a quelquess années un chercheur CNRS confirmé croire que c'est Galilée qui avait énoncé le premier la rotondité de la terre (Serge Galam , physicien et épistémologue disait-on, Le Monde 02/07/07).
Ok, pourquoi pas. N'est-ce pas le signal qui devrait inciter les physiciens français à proposer au grand public des ouvrages de vulgarisation qui permettent justement de cesser de se tromper?
Et maintenant que j'y pense, en quoi ça fait de Latour un imposteur?
Les analogies qu'il, Bruno Latour, énonce dans le cadre de la sociologie ont peut-être, je ne saurais vraiment le dire, une pertinence.
Alors tu ne peux pas juger de sa prétendue imposture...
L'imposture, celle que dénoncait Bricmont et Sokal, est de faire croire a sa compétence en relativité (au point d'en rendre compréhensible au pekin moyen et à Einstein lui-même la théorie) pour asséner, parmi d'autres, des phrases comme celles que j'ai cité ci-desssus ;
Là par contre je ne comprends pas bien ton propos. Bricmont et Sokal affirment que la demarche de Latour est une démarche de vulgarisation. C'est-à-dire faire prendre connaissance, en procédant à des explications simplifiées, du sens d'une théorie propre à un domaine, qu'il soit scientifique, philosophique ou autre. Mais il est clairement apparu dans ta démonstration que Latour ne propose absolument pas une vulgarisation. Qu'est-ce qui le montre?
1) Il n'explique pas la théorie dans son intégralité, et ne la recadre même pas au regard de l'histoire de la physique.
2) Il emploie un langage qui ne serait, de toute manière, pas compréhensible "au pékin moyen" pour reprendre tes termes. Et il publie sur un support qui ne s'adresse pas au plus grand nombre.
3) Il interprète Einstein sans jamais se préoccuper de la réalité physique, mais en s'intéressant seulement au fonctionnement du mot-outil "relation". C'est à dire qu'il propose une interprétation (et non une explication) de comment se comporte la relation - au niveau purement conceptuel - dans le texte d'Einstein.
4) Il présente explicitement ce qu'il vise : son but avoué est de penser un autre type de relation hiérarchique dans le cadre économique!
En quoi ça devrait emmerder les physiciens? Je ne comprends pas. Si l'on soupçonne Latour de faire concurrence dans le marché de la vulgarisation scientifique, alors ça veut dire que ce marché se porte bien mal. Et ça ce n'est pas de la faute de Latour.
Si l'on accuse Latour de ne pas bien comprendre la physique, pourquoi ne pas simplement rectifier son propos? Quel besoin de parler d'imposture?
Si l'on s'en tient à la conclusion du livre de Sokal et Bricmont, leur reproche en dernière instance, c'est que les sciences sociales s'inspirent de concepts qui proviennent de la physique. Et là non plus, il n'y a pas de véritable démonstration de l'invalidité de ce genre d'analogie. On reproche simplement aux sociologues de faire des tentatives conceptuelles, sans jamais se demander comment elles sont effectivement reçues par la communauté scientifique, et si elles produisent effectivement des théories monstrueuses, sans queue ni tête. On essuie simplement une désapprobation d'un physicien, qui ne s'est pas intéressé au domaine dont il parle. Et ça produit un étrange effet miroir : si le sociologue n'a pas le droit d'ouvrir sa gueule sur les textes de physique, pourquoi le physicien disposerait, lui, de ce droit? A moins de supposer un privilège des sciences "dures" sur les sciences "molles". Mais une telle démarche jusqu'à présent n'a pas été justifiée sur le plan épistémologique. C'est donc bien sur une hiérarchie institutionnelle que l'on s'appuie, si l'on cherche à soutenir un propos de cet ordre.
D'où l'accusation d'imposture. Il se positionne, sa conclusion l'affirme, en explicitateur du travail d'Einstein, laissant supposer qu'il l'a compris et même amélioré.
Je crois que là on a mis le doigt sur quelque chose. Il y a vraiment une différence de lecture du texte. Sa conclusion ne m'apparaît pas être en dernière instance le résumé d'une explication de texte. Expliquer un texte, c'est s'appuyer sur lui. Par contre, interpréter un texte, c'est autre chose. Il existe une école herméneutique qui défend une certaine violence à l'égard du texte dans l'interprétation. Les deux grands représentants de cette école sont Nietzsche et Heidegger. Foucault en fait partie, dans une certaine mesure. Mais cette école herméneutique ne prétend jamais faire toute la lumière sur un auteur ; on prétend plutôt le déraciner et le morceler, pour soi-même tenter de penser autre chose. Cette école ne prétend pas produire des interprétations canoniques. Nietzsche, en écrivant La naissance de la tragédie, se permet des largesses dans l'étude de la culture grecque. Les philologues ont réagi, et ont produit un ensemble de texte qui ont permis de rétablir l'interprétation actuellement la plus satisfaisante au regard des éléments dont on dispose. Par cette démarche, on a gagné à tous les tableaux : l'ouvrage de Nietzsche permet de penser d'autres choses, et néanmoins la philologie n'a pas perdu au change. Pourquoi ne pourrait-on pas faire de même avec la physique? On veut une répartition scientifique du travail? Ok, on fait ça. Latour propose une interprétation qui le sert lui pour ses travaux sociologiques, et les physiciens repassent derrière pour rappeler ce que signifie effectivement la théorie d'Einstein au regard de la réalité physique. Si on fait ça, au final tout le monde est content.
Donc pour revenir à ton propos, Latour n'apparaît pas comme "explicitateur", mais comme interprète. Il laisse supposer qu'il défend, par une série d'arguments qu'il est possible de confronter, une argumentation. Par d'argument d'autorité là-dedans : rien ne t'empêche de lire son article et d'en produire un pour le contredire et débattre avec lui. Quant à savoir s'il a amélioré le travail d'Einstein, là, non, je suis désolé, mais rien dans le texte ne permet de le dire. Pour améliorer le travail d'Einstein, il faudrait qu'il s'attaque à une description de la réalité physique. A aucun moment une telle démarche n'est effectuée. Il prétend révéler un implicite dans le texte d'Einstein. S'il se trompe, tant mieux : ça donne l'occasion de refaire le point sur Einstein pour que tout le monde comprenne bien. Mais le véritable moyen d'évaluer la valeur de cet article de Latour, ce n'est pas de savoir si ça éclaire Einstein, c'est plutôt de savoir ce que ça apporte aux sciences sociales.
Peu de physiciens, surtout, je vous l'accorde, parmi ceux qui lisent peu ou que l'on accuse de lire peu, qui réfléchissent peu ou que l'on accuse de réfléchir peu, ne soutiendait cette position. LES AUTRES NON PLUS !
Alors où est le problème, si la physique ne s'en trouve pas mystifiée? De quoi te plains-tu?
En fait c'est ce que veut dire Latour que vous ne comprenez pas. Ses phrases exactes sont :
" in what ways can we, by reformulating the concepte of society, see Einstein work as explicitely social ". (italiques de Latour)
« how can we learn from Einstein how to study society ».
Au risque de me répéter je ne critique pas ces intentions, ni même ne juge si il est parvenu à les réaliser. Le titre de l'article étant « A relativistic account of Einstein's relativity » je m'attends à ce que ce que l'auteur manifeste une certaine compréhension de cette théorie.
" ''On peut constater à la lecture qu'en aucun point du raisonnement de Latour les arguments présentés ne s'appliqueraient pas à la relativité Galiléenne qui a précédé d'à peu près trois cent ans celle d'Einstein."
Alors pourrais-tu déjà commencer par m'éclairer sur en quoi consiste la différence entre les deux relativités? Ça devrait déjà rendre ton analyse plus claire pour tout le monde."
Il suffit de demander. On passe de la relativité galiléenne à celle d'Einstein en intégrant dans les lois dont on exige justement l'invariance par changement de référentiel (dois-je expliquer ce dont il s'agit?) celles de l'électromagnétisme que Galilée ne pouvait connaître (dois-je expliquer pourquoi?).
--" Se peut-il que Latour s'attache, dans la contribution d'Einstein, aux points qui reprennent également Galilée? Est-ce possible? "
Bien sûr, et c'est même pourquoi on pourrait lui reprocher d'avoir choisi de parler de la relativité Einsteinienne par pur snobisme puisque ses arguments s'appliquent aussi à la Galiléenne avec laquelle en principe ( seulement en principe hélas) tout le monde est plus familier. (la notion de durée n'y est pas remise en cause).
--"(quelques citations ne seraient pas de refus)".
Je ne voudrais pas me faire reprocher de les séparer d'un ccontexte important !
" Einstein ne serait donc nullement étudié pour l'explication du monde physique qu'il parvient à produire, mais simplement pour ce que signifie la relation entre l'observateur et le corps en mouvement."
Bien sûr , et c'est justement là qu'il pêche, puisque, selon lui , l'observateur ne peut se passer d'un « énonciateur », chef de poste d'un centre de triage imaginaire (ces expresssions métaphoriques ne sont pas de Latour) pour valider ses observations.
--" Néanmoins il n'y aurait d'imposture que dans la mesure où il prétendrait expliquer la physique au physiciens (débutants ou confirmés). Alors qu'il semble, comme on l'a dit plus haut, qu'il ne s'adresse qu'à des sociologues ... "
C'est justement parce qu'il s'adresse à des sociologues, légitimement peu férus en relativité, que sa prétention à rendre compréhensible (je répete une troisième fois, c'est lui qui l'affirme dans sa conclusion citée dans un post précédent et que je vous laisse traduire! ) le travail d'Einstein qu'il n'a lui-même pas compris est et reste une imposture !
--"C'est tout-à-fait possible qu'il ne l'ait pas compris. Ça ne fait pas de lui un imposteur."
Réponse ci-dessus.
--" Alors tu ne peux pas juger de sa prétendue imposture... "
Si l'on accuse Latour de ne pas bien comprendre la physique, pourquoi ne pas simplement rectifier son propos? Quel besoin de parler d'imposture?
Pas besoin de rectifier. Tout est dans le premier article d'Einstein (1905) dont il existe des traductions en français (Sur l'électrodynamique des corps en mouvement).
--"Si l'on s'en tient à la conclusion du livre de Sokal et Bricmont, leur reproche en dernière instance, c'est que les sciences sociales s'inspirent de concepts qui proviennent de la physique" .
Ah bon !
Il est clair maintenant que même si vous l'avez lu , vous ne l'avez pas compris.
Bon, je vais, quant à moi, en rester là .
D'autant que, comme pour la philosophie, on peut s'initier à la physique en lisant. Et en s'ennuyant un peu au départ.
--"Alors vas-y! Lance-toi! Lis un auteur qui t'intéresse! Réserve-toi un lieu et des moments dans ta journée pour le faire! "
Suggestions :
Galileo Galilei :Dialogo sopra i due massimi sistemi del mondo (il existe une traduction en français (partielle mais moderne ).
Albert Einstein: Quatre conférences sur la théorie de la relativité.
Je vais commencer par traduire la conclusion, puisque cela m'a été demandé :
"My claim would be that without the enunciator's position (hidden in Einstein account) and without the notion of center of calculation, Einstein own technical argument is ununderstandable, so is the reason why he prefers above all to maintain the forms of thr natural laws against all transformations of space, time and characters."
Bruno Tatour in "A relativistic account of Einstein relativity". Social Studies of Science Vol.18 pp.3-44, 1988. Dans la conclusion de son article (les italiques sont de lui ).
Je ne traduis pas in extenso. On peut tout de même comprendre que sans la contribution de Bruno Latour la relativité einsteinienne serait restée incompréhensible ! Et il s'agit bien d'arguments techniques !
"Ma thèse serait que sans la position de l'énonciateur (cachée dans le propos d'Einstein) et sans la notion de centre de calcul, l'argument technique d'Einstein est incompréhensible, de même que l'est la raison pour laquelle il préfère plus que tout maintenir les formes des lois naturelles contre toutes les transformations de l'espace, du temps et des personnages."
"Un compte rendu relativiste de la relativité d'Einstein".
Que signifie le relativisme? Ce terme désigne une doctrine de la relation. Cette position est célèbre pour avoir été soutenue par le sophiste Protagoras, qui affirmait que la morale était relative à chaque homme. Ce qui signifie que le bien n'existe pas en lui-même, mais dans sa relation avec les convictions de tel homme particulier. Autrement dit il n'y a pas un bien, mais des biens, autant qu'il y a d'hommes. Platon en a proposé une réfutation, en faisant valoir sa propre théorie de la connaissance, devant aboutir sur l'idée de Bien, comme compréhension suprême de l'univers. Néanmoins Socrate déjà réclamait aux athéniens d'expliquer ce qu'étaient en elles-mêmes les vertus.
Par tradition, on a donc fini par entendre derrière le terme générique de relativisme, une doctrine de la relativité des connaissances. Platon ayant attaché la morale à un projet de connaissance, la relativité des valeurs revenaient à décréter le relativisme du savoir, et donc en définitive de nier la possibilité du projet scientifique occidental. De sorte que chaque victoire des scientifiques était considérée comme une défaite du relativisme.
Plusieurs millénaires plus tard, pour des raisons un peu longues à expliquer (mais si on me le demande je donnerai des références), le relativisme est devenu un projet philosophique qui culmine au XXe siècle. Bachelard, épistémologue de renom, propose de redonner une valeur à la relation. Simondon en tiendra compte dans son ontologie. Canguilhem cherche un caractère subjectif et relativiste à la pathologie et à la normalité dans le cadre médical. Foucault fonde son analyse politique sur la relation de pouvoir. On trouvera encore d'autres exemples, ils sont nombreux, et dépendent de l'histoire de la philosophie (ce n'est donc pas un engouement pour Einstein qui justifie cet intérêt philosophique).
Lorsque Latour propose de donner un point de vue relativiste de la relativité d'Einstein, la question doit être "quels sont les termes de la relation?", c'est-à-dire avec quoi veut-il mettre en relation la relativité d'Einstein? Ici, la réponse paraît claire : il veut mettre en relation la théorie de la relativité avec les conditions sociales de son émergence. Autrement dit, il veut chercher un sens politique à la théorie d'Einstein. C'est là le point de départ du courant de sociologie des sciences dont il est le défenseur. Il s'agit bien d'étudier la communauté scientifique d'un point de vue sociologique, en considérant qu'une théorie n'est pas le produit d'une pure rationalité sans histoire, mais bien le produit d'un groupe de personnes : celles qui font les découvertes, mais également celles qui donnent à ces découvertes de l'importance, voire qui en proposent des interprétations par la suite. La même chose existe en sociologie de l'art, avec des auteurs comme Howard Becker : l'art n'est pas le pur produit d'un génie artistique sans âge, mais bien le produit d'une histoire, d'un groupe d'êtres humains qui compte l'artiste, ceux qui l'exposent, ceux qui vont voir ses expositions et reconnaissent son travail, etc.
Cette posture empruntée par Latour peut être à juste titre qualifiée de sociologiste : il propose un réductionnisme de la science au social. Posture qui choquera légitimement n'importe quel intellectuel, dans la mesure où l'on remet ici en question l'existence même d'une rationalité. Néanmoins, il s'agit d'une hypothèse scientifique intéressante dans la mesure où elle étudie le champ scientifique en suivant une perspective inhabituelle. Max Weber avait déjà écrit Wissenschaft als Beruf dans une vaine similaire, mais en s'intéressant essentiellement à l'existence d'une prétendue éthique de la connaissance. En étudiant "la science comme profession", il désacralise la fonction. Latour veut suivre un chemin similaire, mais plus radical encore.
Voilà pour les grandes lignes qui contextualisent l'article (comme quoi, on peut citer sans décontextualiser, pour peu qu'on prenne la peine d'analyser et d'expliquer le contexte en parallèle). Donc sa conclusion, que veut-elle dire? Il affirme que le centre de calcul et la position de l'énonciateur; c'est-à-dire la position à la perspective globalisante que doit prendre le scientifique pour énoncer des lois et les ordonner suivant une théorie, permet de donner un sens technique aux arguments sur la relativité. Autrement dit, il soupçonne la position "globalisante" du théoricien (perspective qui contiendrait toutes les perspectives) d'être une position de surplomb. Il considère que ce sens est tout-à-fait équivalent à celui du gouvernant qui prétend pouvoir trancher dans les débats publics, comme s'il comprenait tous les points de vue au point de pouvoir en établir chaque valeur individuelle (je simplifie un peu). Latour fait donc comme si la compréhension qu'avait Einstein de la relativité était déterminée au moins pour une part par les modèles politiques contemporains. Position désacralisante, tout-à-fait, mais argumentée. Comprend-il mieux la physique que les physiciens? Sans doute que non. Telle n'est pas sa position en tout cas. Sa prétention est celle de mieux connaître les physiciens qu'ils ne se connaissent eux-mêmes, en les étudiant comme des êtres socialement déterminés. Donc ta compréhension de sa conclusion éclaire, je pense, comment tu en viens à dire de Latour qu'il est un imposteur, alors qu'il a plutôt un position réductionniste radicale. Pour ma part, je ne suis pas convaincu par le réductionnisme, qu'il concerne la socio, la psycho, la neuro, etc. Néanmoins sa position n'est pas celle d'un imposteur, en tant qu'une fois encore il ne prétend pas rendre accessible par une explication la théorie de la relativité, mais en propose une interprétation réductionniste.
" in what ways can we, by reformulating the concepte of society, see Einstein work as explicitely social ". (italiques de Latour)
« how can we learn from Einstein how to study society ».
Au risque de me répéter je ne critique pas ses intentions, ni même ne juge si il est parvenu à les réaliser. Le titre de l'article étant « A relativistic account of Einstein's relativity » je m'attends à ce que ce que l'auteur manifeste une certaine compréhension de cette théorie.
Traduction d'abord : "de quelles manières [notons en particulier le pluriel] peut-on, par une reformulation du concept de société, considérer le travail d'Einstein comme explicitement social."
Cette phrase me semble bien indiquer une volonté d'interprétation, puisque la démarche de reformulation est explicite. N'importe quel lecteur attentif y verra non pas une manière de comprendre Einstein à la lettre, dans sa compréhension la plus orthodoxe possible dans le domaine de la physique. Il propose de le reformuler dans le cadre d'une lecture sociologiste. Il me semble que de ce point de vue, c'est bien Sokal qui se trompe et qui lit trop vite, et sans contextualisation.
Rien ne t'empêche de dire qu'il n'a pas le droit de faire ça, de ton point de vue. Mais ce serait faire preuve de mauvaise foi que de prétendre qu'il n'y a pas de moyen de saisir dans le texte lui-même le projet de Latour.
Deuxième traduction : "comment pouvons-nous apprendre à partir d'Einstein comme étudier la société"
Cette deuxième citation, j'en ai déjà expliqué le sens : recherche d'outils conceptuels. Quel besoin de connaître la physique? Tu dis toi-même qu'il suffit de lire avec patience les écrits scientifiques pour y comprendre quelque chose. C'est ce que fait Latour, il prend simplement un texte et l'interprète conceptuellement. Si tu cherches dans son interprétation un éclairage de la théorie physique, tu t'adresses à la mauvaise personne, son texte est assez explicite là-dessus, et sa démarche sociologique également.
Il suffit de demander. On passe de la relativité galiléenne à celle d'Einstein en intégrant dans les lois dont on exige justement l'invariance par changement de référentiel (dois-je expliquer ce dont il s'agit?) celles de l'électromagnétisme que Galilée ne pouvait connaître (dois-je expliquer pourquoi?).
Oui oui, fais-nous un topo plus approfondi qu'une simple énonciation de jargon.
--" Se peut-il que Latour s'attache, dans la contribution d'Einstein, aux points qui reprennent également Galilée? Est-ce possible? "
Bien sûr, et c'est même pourquoi on pourrait lui reprocher d'avoir choisi de parler de la relativité Einsteinienne par pur snobisme puisque ses arguments s'appliquent aussi à la Galiléenne avec laquelle en principe ( seulement en principe hélas) tout le monde est plus familier. (la notion de durée n'y est pas remise en cause).
Je veux bien admettre un certain snobisme dans sa démarche. A condition qu'on tienne compte également de son approche sociologique, qui consiste bien à vouloir lire sociologiquement les travaux scientifiques.
--"(quelques citations ne seraient pas de refus)".
Je ne voudrais pas me faire reprocher de les séparer d'un ccontexte important !
Comme je l'ai dit plus haut, contextualiser n'empêche pas de citer. Contextualiser nécessite d'expliquer rigoureusement quelle est la démarche globale du texte, le problème auquel il répond; à quoi il sert dans les travaux de l'auteur, etc.
" Einstein ne serait donc nullement étudié pour l'explication du monde physique qu'il parvient à produire, mais simplement pour ce que signifie la relation entre l'observateur et le corps en mouvement."
Bien sûr , et c'est justement là qu'il pêche, puisque, selon lui , l'observateur ne peut se passer d'un « énonciateur », chef de poste d'un centre de triage imaginaire (ces expresssions métaphoriques ne sont pas de Latour) pour valider ses observations.
Si tu parles de "valider ses observations", tu entends alors que l'argumentation de Latour se situe au niveau de la validité dans le domaine physique des propos d'Einstein. Mais, une fois encore, ici le problème ne concerne rien d'autre que la signification de la relation dans une situation sociale, car ce serait là le sens profond de la relativité d'Einstein (position qui suppose encore une lecture sociologiste).
--" Néanmoins il n'y aurait d'imposture que dans la mesure où il prétendrait expliquer la physique au physiciens (débutants ou confirmés). Alors qu'il semble, comme on l'a dit plus haut, qu'il ne s'adresse qu'à des sociologues ... "
C'est justement parce qu'il s'adresse à des sociologues, légitimement peu férus en relativité, que sa prétention à rendre compréhensible (je répete une troisième fois, c'est lui qui l'affirme dans sa conclusion citée dans un post précédent et que je vous laisse traduire! ) le travail d'Einstein qu'il n'a lui-même pas compris est et reste une imposture !
Il y a une contradiction dans tes propos.
Soit tu considères que les sociologues n'ont pas à comprendre la physique. Alors dans ce cas tu ne peux pas reprocher à Latour de ne pas comprendre la physique. Tu interdis simplement à tout sociologue d'en parler, à moins de devenir physicien. Ce qui signifie, une fois encore, que tu leur interdis d'aller chercher des concepts propres aux sciences dures et de les interpréter pour les rendre compatibles à leur propre discipline. Pourtant tu prétends que ce n'est pas la position de Sokal.
Soit au contraire, tu admets que Latour devrait connaître Einstein, mais alors il ne l'a pas appris à titre de sociologue, et en ce cas tout autre sociologue peut apprendre Einstein par un autre biais que celui de Latour. Il n'y a donc pas lieu de réclamer à Latour de se faire explicitateur auprès des sociologues de la théorie physique.
Et c'est bien là la difficulté dans ce que tu lui reproches. Soit on doit se limiter à parler de la physique comme un physicien, soit on doit s'en faire le traducteur parfait et sans reproche (alors que tu affirmais toi-même que les physiciens font cette erreur régulièrement). Dans tous les cas, tu veux donner au physicien une place de donneur de leçon, supérieure à tout autre intellectuel.
--"C'est tout-à-fait possible qu'il ne l'ait pas compris. Ça ne fait pas de lui un imposteur."
Réponse ci-dessus.
--" Alors tu ne peux pas juger de sa prétendue imposture... "
Si l'on accuse Latour de ne pas bien comprendre la physique, pourquoi ne pas simplement rectifier son propos? Quel besoin de parler d'imposture?
Pas besoin de rectifier. Tout est dans le premier article d'Einstein (1905) dont il existe des traductions en français (Sur l'électrodynamique des corps en mouvement).
Ah tiens, une fois encore il faut vulgariser la philo mais pas la physique...
Ok, si tout est dans le texte, comment expliques-tu que Latour n'ait pas compris? A moins que ce qu'il propose soit une interprétation qui se fiche de la physique et ne s'intéresse qu'à la sociologie des sciences.
--"Si l'on s'en tient à la conclusion du livre de Sokal et Bricmont, leur reproche en dernière instance, c'est que les sciences sociales s'inspirent de concepts qui proviennent de la physique" .
Ah bon !
Il est clair maintenant que même si vous l'avez lu , vous ne l'avez pas compris.
Il est surtout clair que tu ne comprends pas les implications de ce que toi-même tu professes. De même que Sokal et Bricmont, qui font une chose et en disent une autre. BIen entendu qu'ils s'efforcent régulièrement, dans le texte, de répéter "ne vous en faites pas, on n'est pas venus vous donner des leçons". Et c'est vrai, ils viennent juste traiter les sociologues d'imposteurs parce qu'ils font de la sociologie et pas de la physique... Et là où Sokal et Bricmont trouvent normal de pouvoir écrire un livre qui prétende (explicitement!) qu'au fond il n' y a rien à comprendre dans les textes difficiles de Deleuze, pourquoi ne trouverait-on pas normal que Latour vienne dire qu'on peut interpréter sociologiquement Einstein? La démarche est la même.
Bon, je vais, quant à moi, en rester là .
D'autant que, comme pour la philosophie, on peut s'initier à la physique en lisant. Et en s'ennuyant un peu au départ.
--"Alors vas-y! Lance-toi! Lis un auteur qui t'intéresse! Réserve-toi un lieu et des moments dans ta journée pour le faire! "
Je ne comprends pas, tu nous inities à la physique ou tu prouves que Latour est un imposteur? Si ta démonstration nécessite des explications, c'est à toi de les fournir, et non aux livres de parler à ta place. En philosophie, je n'ai aucune difficulté à expliquer ce dont j'ai besoin pour prendre une position précise.
Suggestions :
Galileo Galilei :Dialogo sopra i due massimi sistemi del mondo (il existe une traduction en français (partielle mais moderne ).
Albert Einstein: Quatre conférences sur la théorie de la relativité.
Oui, j'ai lu le Dialogues sur les les deux systèmes du mondes de Gallilée, on l'enseigne en première année de philosophie, en histoire des sciences. D'ailleurs, as-tu lu le premier dialogue, portant sur les enjeux de la physique d'Aristote? Parce que le retour des phyiciens à une physique aristotélicienne est fort peu probable, si pour toi la physique aristotélicienne considère que la terre est plate...
Je n'ai pas lu par contre les conférences d'Einstein. J'ai eu d'autres priorités philosophiques. (c'est pas non plus une raison pour être condescendant, hein? ^^)
Il s'agit de "journées" d'un seul et même dialogue. Ce qui a rapport avec la relativité galiléenne est traité dans la deuxième journée.
C'est en vente libre.
De les comprendre
Donc oui, pour moi, la philosophie et les philosophe auraient tout à gagner en s'exprimant dans un langage compréhensible par le commun des mortels
Dans les années cinquante, à l'université nouvelle, il y avait des ouvriers qui prenaient des cours du soir avec Jean-Pierre Vernant. Mais à part ça, il n'a pas le temps, le français moyen... Il doit être vraiment très moyen.
Cela étant dit, tu peux lire David Hume, qui a réécrit l'intégralité de son oeuvre simplement parce que des gens lui avaient fait une réputation de merde en lisant trop vite son texte. Je te recommande en particulier son Enquête sur l'entendement humain. Il y a aussi Berkeley, qui pour les mêmes raisons a produit des versions plus littéraires de son travail. Il y a les Trois Dialogues entre Hylas et Philonous. Eh bien figure-toi que tu t'en plaindrais sans doute quand même. Et la raison en est simple : lire de la philosphie ce n'est pas inné, ça s'apprend et ça demande du travail. Tu veux tout comprendre sans travailler? Alors va à Disneyland, ils t'accueilleront volontiers.
Bref…
Vous devriez lire (ou relire) certains textes philosophiques traitant du mépris. Vous pourriez sans aucun doute en tirer des leçons.
Adressé à Damien au dessus.
Mais sur le fond, ce n'est en rien de l'arrogance. Je ne prétends pas être meilleur que qui que ce soit. J'affirme simplement qu'on ne peut comprendre la philosophie sans en lire. Et pas lire sans s'y exercer. Pas de mépris là dedans. On peut écouter quelqu'un parler, ce qui permet d'avoir une compréhension superficielle. Mais à l'écoute on ne peut pas s'arrêter sur les mots, reprendre l'argumentation dans le détail, et donc au final saisir quel est le chemin intellectuel que l'on nous propose de suivre. Et à l'inverse, celui qui parle n'est pas dans un contexte d'écriture, il ne peut pas aller dans le détail et reprendre ce qu'il dit pour le reformuler plus clairement.
Je me permets d'être agressif avec la centième personne que j'entends se plaindre de ne pas parvenir à comprendre en 20 minutes, ou en 1 heure ce qu'un auteur a mis des années à élaborer. Ce n'est pas moi qui suis arrogant, mais bien mon interlocuteur, pour reprocher aux philosophes de ne pas faire plus que ce qu'ils parviennent déjà à faire. Comme si c'était une affaire de mauvaise volonté, alors qu'en fait ils se battent déjà avec les mots pour parvenir à dire les choses aussi précisément que possible. Comme si c'était plus facile pour eux que pour nous. Elle est là l'erreur.
Et donc oui, Platon ou Mickey : Platon ça se travaille, et ça prend du temps, de l'énergie et parfois même on s'ennuie lorsqu'on traverse encore la phase de découverte. MIckey c'est du divertissement, on s'amuse, pas besoin de faire d'efforts, pas d'ennui, pas de phase d'incompréhension. C'est bien là l'alternative. Quiconque y verra de l'arrogance ou du mépris ne prend simplement pas en compte ce que représente lire ou écrire de la philosophie. Facile de critiquer, plus difficile de franchir le pas et de s'y mettre effectivement. Que ça te plaise ou pas.
Mlemaudit cite Franck Lepage, lequel affirme que le peuple n'a pas le temps. Vous lui opposez Vernant et ses cours du soir aux ouvriers, un truc complètement daté et marginal.
Selon vous, tout Français moyen aurait le temps et les capacités intellectuelles lui permettant d'accéder à la compréhension des grands textes philosophiques. Foutaises.
Mais lui jeter Disneyland à la gueule comme symbole de son inculture, je le répète (que ça vous plaise ou non), c'est le mépriser.
Sinon, je me permets de troller à donf. J'ai regardé le débat Fourest Ramadan chez Taddei. Et j'ai acquis une certitude : Fourest est à coté de la plaque. J'espère pour elle, même si elle semble incapable de le prouver et recourt parfois à des moyens douteux pour tenter d'y parvenir, que Ramadan pratique bien un double discours, car dans le cas contraire, elle est complètement folle. Si Ramadan est bien ce qu'elle prétend, on à affaire à un sacré comédien. Mon interprétation est que Ramadan est simplement un croyant. Il croit en dieu... C 'est bêtes, c'est sûr, mais ça ne justifie en rien le pugilat de Fourest qui elle pour le coup est débordante de mépris... En tout cas la seule certitude, c'est qu'elle fait pas professionnelle. Entre ça et son doc sur les conspirations, je me demande vraiment ce que vous lui trouvez...
Je précise aussi que je serais ravis d'en discuter avec quelqu'un qui n'est pas de mon avis et qui est plus aimable qu'Ulysse à qui je destinais ce post un peu provoc'
Si on se mettait d'accord pour pas mettre la croyance et la religion dans le même panier, ce serait pas mal.
j'ai pas vu l'émission, mais ça fait déjà trois aujourd'hui (Celle avec Judith, celle avec Olivier Berruyer, et le monstrueux Attali vs Ariès), je vais m'arrêter là !
Sur le cas Ramadan, je crains de n'avoir pas assez d'éléments pour en discuter, mais il me semble qu'il n'y a pas besoin de gratter beaucoup pour y voir un double langage. Discutez en avec Yèza par exemple, elle me paraît en connaître un rayon.
Plus globalement, je vous trouve encore plus manichéen que moi ! Vous vous faites des opinions un peu trop facilement.
Donner un avis plus nuancé sur Fourest c'est risquer de passer pour un traître à la cause !!!
J'ai regardé un débat, et au final, je me demande ce que Fourest reproche à Ramadan sinon d'être religieux. Le mal n'est pas dans Ramadan, mais dans la religion. C'est un procès que mène Fourest. Et je trouve qu'elle s'y prend à l'envers. Quelle agressivité pour si peu de pertinence Et pour le coup, après le documentaire sur le complotisme, ça fait deux fois qu'elle me donne cette impression. Je demanderai à l'occasion à Yéza si elle a une preuve factuelle du double jeu de Ramadan.
Je ne vouslais pas assimiler croyance à religion. Je suis convaincu que l'homme à besoin d'une certaine "spiritualité". Une spiritualité qui rassemble. Une spiritualité qu'il remplace cet ersatz que sont les religions.
C'est une demande qui a été faite sur un autre fil de discussion.
A ma connaissance, il n'y a pas à ce jour de preuve factuelle. Seulement des citations plus ou moins tronquées (le cas de la lapidation, par exemple), parfois des liens non traduits (souvent en provenance des Pays-Bas, où Ramadan a eu des démêlés avec la justice). Le tout est très bien synthétisé dans sa notice Wikipedia.
Pour l'anecdote, j'ajoute que parmi les gens qui accusent Ramadan de double langage on trouve l'excellent journaliste d'investigation Mohamed Sifaoui
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pour moi TOUT ce qui nous relie au"choses" est de l'ordre de la croyance
ces croyances contiennent plus ou moins de véracité.
présumé de ce que pourrait devenir les liens sociaux apres de grandes transformations, apres la prochaine"révolution",c'est être croyant;
Je lis ça, et je suis d'accords.
je trouve qu'a bien des égards,ce type de croyance est assez proche d'une croyance religieuse,par exemple dans les deux cas,celui du révolutionnaire comme celui du religieux,un espoir est porté sur la nature de l'homme.
donc selon cette conception de la croyance , c'est le non croyant qui est fou..je dirais même fou dangereux car si tu ne crois en rien,alors pourquoi ne pas tout détruir.
La je suis toujours un peu d'accords, mais je me demande si on parle de la même chose.
La religion, c'est le paroxysme de la croyance. C'est à dire croire qu'on à une explication. Une explication d'un phénomène qui nous dépasse.
Croire est un terme au sens multiples. Si on parle d'avoir l'impression, je suis croyant. Si on parle d'avoir la foi, je suis non croyant. Et quand je parle de foi, je ne parle pas que de religion.
L'homme vit en fonction de sa nature, mais elle n'est pas tout. Le croyant ne voit que sa nature. Le non croyant s'en détache. On va dire qu'il ne faudrait être ni l'un ni l'autre.
C'est sûr que sur le terrain politique et social, je peux passer pour un croyant. Mais je ne crois rien, je crois seulement que la croyance ambiante n'est pas bonne.
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C'est vrai que sur beaucoup de point je rejoins cet indien au nom imprononçable. Cela ne doit pas vous surprendre. J'ai cependant éprouvé une petite gêne tout le long de cette interview, sans réellement pouvoir mettre le doigt dessus. Et j'ai fini par comprendre en arrivant au cinq dernières minutes.
La vie après la mort, la persistance ou bien la réincarnation. J'ai ressenti une certaine croyance ou un évidemment à propos de ce sujet de la part de Krishnamurti.
Je sais bien qu'il est difficile d'affirmer catégoriquement une chose dont on a pas la preuve, mais je ne crois pas à la perception après la mort. Et partant de ça, je crois que l'idée de mort est beaucoup plus problématique à accepter que ne le dit Krishnamurti.
Je rentre là en terrain marécageux, mais je dirais que ce dernier à une vision trop individuelle de l'existence, et selon moi, la mort ne peut être "dépassée" que dans le groupe. Enfin, je ne veux pas dire qu'il faut tous se donner la main et chanter alléluia, mais plutôt qu'il faut "s'inscrire dans un projet collectif" pour "accepter plus facilement" l’inacceptable...
Et puis il y a une part de dramatique dans la vie que l'on ne peut peut être tout simplement pas dépasser.
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Pour mon Pseudo, je n'y avais jamais pensé. C'est vrai que ça pourrait être interprété comme ça... Mais c'est un pseudo qui a une bonne quinzaine d'année, du temps où je jouais en réseau... Je l'ai trouvé dans un bouquin et il était écrit exactement comme ça, sans aucun rapport avec Allah... Je suis perplexe maintenant, je vais me chercher un nouveau pseudo...
Qui nous garantit que dans cette persistance post-mortem de la conscience on gardera le souvenir de celle d'aujourd'hui ?
Il est vrai que, sinon, quel intérêt ?
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"Mais votre béatitude?? Pesons le gain et la perte, en prenant croix que Dieu est. Estimons ces deux cas?: si vous gagnez, vous gagnez tout?; si vous perdez, vous ne perdez rien. Gagez donc qu'il est, sans hésiter. »
Blaise Pascal : Pensées (1670)
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On apprend au passage que les suicides de jeunes recrudescaient déjà en 1972 !
On ne perd rien quand on meurt, certes.
Mais de son vivant, on risque de perdre ...la face. :o)
Donc, moi, finaud, j'entre dans les églises par la porte de derrière et je fais mes prières en cachette.
Moi, je ne crois en rien.
A une exception près : je crois il ne faut pas tout détruire. :o)
Plus sérieusement à présent : avant le moindre débat sur le mot croyance, il faudrait le définir. Généralement, on appelle croyant celui qui croit en un dieu, en des valeurs définies par un dogme religieux.
Il existe heureusement de valeurs qui ne sont pas religieuses et ne sont pas des croyances à proprement parler. Certaine personnes peuvent adopter ces valeurs (la paix, l'harmonie, la beauté, par exemple) sans qu'elles soient rendues sacrées par un messie ou un gourou et entretenues par des cérémoniaux ayant pour fonction d'éviter leur dépérissement. D'autres (tel René Girard) pensent qu'on ne peut pas en faire l'économie et que le monde ira à sa perte si nous ne retrouvons pas le sens du sacré.
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Sauf bien sûr si vous ne voulez cesser de "tremper dans le bagne matérialiste du scientisme." :o)
Et je vous raconte pas la tête au carré que je lui fais. Même pas sa [s]mère[/s] Mère elle la reconnaitra.
(et n'oublie pas l'anniversaire de Nicolas)
Inutile parce que mille fois ressassé et sans issue.
Sur l'ironie de ma situation : mais en d'autres termes (ne sachant pas interpréter vos sous-entendus) ?
Vous dites par exemple que le débat sur Fourest est plié. Et que je suis un con. Vous m'accusez sans démontrer, puisque selon vous, tout est déjà démontré sur d'autres forums. Et puis je vous vois là faire le caliméro parce qu'on vous a pris de haut... Je trouve ça ironique...
Je raconte peut être n'importe quoi, de toute façon j'avais déjà prévu de vous dire ce que j'avais pensé du débat chez Taddei. J'ai peut être sauté sur l'occasion pour vous lancer une pique. De toute façon ce genre de pinaillage ne m'intéresse pas. Détendez vous un peu!!!
A l'origine, C'est Mlemaudit que le Farfadet "a pris de haut" en l'envoyant à Disneyland. Je n'ai fait que réagir à cette outrance.
Mais ne vous méprenez pas. Dans l'esprit du philosophe de service, vous faites aussi partie du lot des fans de Mickey et de Donald.
Sinon, le "philosophe de service" peut bien penser ce qu'il veut (ce dont je ne sais rien pour le moment), ce qui m'intéresse pour l'instant c'est ce que m'apporte sa conversation et aussi ses échanges avec les autres...
Je ne me fais pas [s]trop[/s] d'illusions sur ce que je suis, [s]enfin j'espère[/s]
Et j'espère ne pas t'avoir pris de haut jusqu'à présent, mais avoir essayé de discuter avec toi.
Il se trouve que par ailleurs je mobilise mes références philosophiques, mais c'est destiné à tous. Ça permet de pouvoir me répondre sur ma façon d'interpréter les auteurs, et aussi de donner des points de repère à ceux que ça intéresse.
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Mlemaudit cite Franck Lepage, lequel affirme que le peuple n'a pas le temps. Vous lui opposez Vernant et ses cours du soir aux ouvriers, un truc complètement daté et marginal.
Et pourtant tout le monde crie au génie quand Onfray crée son université populaire... Daté et marginal? Je ne pense pas. Et l'actualité philosophique tend à prouver le contraire : on réclame de plus en plus une vulgarisation philosophique, ce qui explique d'ailleurs la pléthore de livres sur la question dont nous abreuvent régulièrement les maisons d'édition. Mais cette démarche louable ne va pas suffisamment loin. Et c'est bien ça qu'il faut dire aujourd'hui, même si c'et douloureux à entendre et que ça donne envie de répondre "je fais ce que je peux ducon".
Note d'ailleurs que Lepage n'a jamais dit que c'était impossible, mais difficile. Néanmoins, si tu cherches du temps, je t'invite à jeter ta télé par la fenêtre (si ce n'est pas déjà fait), tu vas voir combien tu en gagnes.
Et comme le débat initial ne porte que sur le langage prétendu abscons des philosophes, ta réponse montre bien que tu admets que c'est un faux problème. La question n'est pas "est-ce que les philosophes ne pourraient pas faire plus simple?", ce qui laisse entendre que les philosophes font exprès de faire compliqué, et ça c'est faux et stupide. Par contre, on se demande assez légitimement "comment faire pour avoir le bagage pour comprendre ce qu'ils racontent?". Et là la question est pertinente. Mais ça pose des questions subsidiaires : ne devrait-on pas commencer la philosophie avant la terminale? Proposer des modules d'enseignement libre en horaire aménagée dans les unviersités? Mais il existe déjà des solutions très simples : consulter des dictionnaires philosophiques, lire des commentateurs et des ouvrages d'introduction à tel ou tel auteur.
Et là aussi, une fois encore, on pourrait se plaindre et dire : ben oui mais quand un prof m'explique ça reste quand même plus clair. Oui, forcément. Parce que le prof a passé des heures sur cet auteur et sur bien d'autres et qu'il y réfléchit tous les jours. Et cela, même quand il était étudiant et qu'il bossait à côté de ses études. Autrement dit, en définitive, c'est toujours la préoccupation philosophique qui a le dernier mot. Vivre avec la philosophie. L'amener avec nous, se faire accompagner d'elle. On peut faire plein de choses pour faciliter le chemin, mais on ne pourra jamais l'arpenter à la place de quelqu'un d'autre. La connaissance philosophique est associée à notre être, elle n'est pas un objet dont on peut se débarrasser et le laisser à quelqu'un d'autre. C'est ce que Socrate dit à Agathon dans Le Banquet :
"Ce serait une aubaine, Agathon, si le savoir était de nature à couler du plus plein vers le plus vide, pour peu que nous nous touchions les uns les autres, comme c'est le cas de l'eau qui, par l'intermédiaire d'un brin de laine, coule de la coupe la plus pleine vers la plus vide. S'il en va ainsi du savoir aussi, j'apprécie beaucoup d'être installé sur ce lit à tes côtés, car de toi, j'imagine, un savoir important et magnifique coulera pour venir me remplir. Le savoir qui est le mien doit être peu de chose voire quelque chose d'aussi illusoire qu'un rêve, comparé au tien qui est brillant et qui a un grand avenir, ce savoir qui, chez toi, a brillé avec un tel éclat dans ta jeunesse et qui, hier, s'est manifesté en présence de plus de trente mille Grecs. " (Traduction Luc Brisson)
Le savoir philosophique est initiatique, il ne se transvase pas. Un professeur peut aider à s'initier, mais ce qu'il fera ne servira à rien tant qu'on ne lit pas en parallèle. C'est ce qu'il faut défendre aujourd'hui, pour assurer à tous un véritable accès à la philosophie. Sans quoi, on ne fait que vendre des promesses mensongères à des gens dont je ne doute pas que la démarche est sincère. C'est justement par respect pour eux qu'il faut le leur dire.
Selon vous, tout Français moyen aurait le temps et les capacités intellectuelles lui permettant d'accéder à la compréhension des grands textes philosophiques. Foutaises.
Oui, on a le temps, du moment qu'on prend le temps. Question de choix. Je ne jette pas la pierre à ceux qui ne choisissent pas la philosophie. Mais je ne vais pas pour autant essayer de leur faire croire qu'on pourrait leur offrir un autre moyen. Le seul autre moyen, c'est le dogmatisme : croyez ce que je vous dis, puisque c'est moi qui sais. C'est hors de question, si on a un minimum de respect pour la démarche de la philosophie.
Simone Weil a travaillé comme ouvrière, pour alimenter son oeuvre. elle trouvait quand même la force d'écrire tous les soirs. Un exemple extrême? Tout à fait. Mais il s'agit de montrer que c'est possible, pas que c'est facile. Stiegler a fait de la taule pour bracage. Il a grandi à Sarcelles. Mais il s'est adonné à la philosophie. Epictète était un esclave, et pourtant aussi un maître en matière de philosophie stoïcienne.
Si on se fout de la philo, alors le problème n'existe pas puisqu'on ne souhaite pas la connaître. Si on s'y intéresse, alors il y a une difficulté à surmonter, mais cela demeure possible. Personnellement, si un jour quelqu'un vient me voir et me demande des cours particuliers de philosophie, avec une volonté sincère d'acquérir une connaissance (et donc pas pour passer le bac), je serais prêt à donner ces cours gratuitement. Je ne pense pas être le seul dans ce cas. Mais même avec des cours gratuits, ça ne dispensera jamais de lire.
Mais lui jeter Disneyland à la gueule comme symbole de son inculture, je le répète (que ça vous plaise ou non), c'est le mépriser.
C'est que tu considères qu'en parlant de Disneyland je fais référence à la sous-culture américaine. Alors qu'en parlant de Disneyland, je fais référence à un parc d'attraction. Cette image ne sert pas à lui dire "tu connais rien à rien", mais plutôt "tu dois choisir entre t'amuser et travailler". Et présenter un choix, si extrême soit-il, ça n'a rien à voir avec le mépris.
Je suis navré que le message passe pour arrogant, alors que mon but est au contraire d'inciter à se convertir au travail philosophique. C'est un mode de vie. Ça engage tout notre être.
"tu dois choisir entre t'amuser et travailler"
Moi, quand je travaillais, à la fin de ma journée il m'était impossible de m'investir à ce point dans le "travail philosophique". On peut avoir jeté sa télé depuis longtemps, avoir "du temps" (la belle affaire). Je trouve limite odieux de me reprocher, puisque j'avais le temps, de ne pas faire encore un effort après ma journée de boulot.
Vous reprochez aux prolos de ne pas faire assez d'effort pour appréhender la philosophie, admettez qu'on puisse vous reprocher de ne pas savoir ce qu'est une vie de prolo.
Vous pouvez me citer des tas de prolos qui ont fait ce travail en plus de leur travail, ça reste des exceptions. Il faut une force mentale et une énergie colossales pour faire partie de ces malgré-tout. Quand dans votre vie vous n'avez ni le respect ni le temps pour vous (le temps de repos n'en fait pas partie, admettez au moins ça), vous avez toutes les chances de rester au raz des pâquerettes.
Des cours de philo je ne sais pas ce que c'est. J'ai arrêté mes études avant. Pendant que certains accèdent à ce savoir, d'autres bossent pour le leur payer. N'oubliez jamais ça.
Ca me fait mal, votre discours, j'aimerai au moins que vous compreniez ça.
Si je vous avais lu avant, je n'aurai jamais visionné l'émission sur Rousseau. Je me serais dit c'est pas pour moi. Voilà tout ce que vous réussissez avec votre comportement élitiste.
Ca me fait doublement mal parceque je suis d'accord avec vous sur pas mal de sujets. Onfray par exemple.
Descendez un peu de votre putain de piédestal, lâchez votre toge et vos effets de manche et partez à la rencontre de ceux qui s'y intéressent, et tant pis pour les grands ce de monde si c'est pas corps-et-âme ! Bordel, la philo on en a tous besoin, maintenant que je ne travaille plus j'ai cette soif, cet appel, et je suis en colère, vous avez pas idée !!! Tiens j'en pleure.
Allez vous faire foutre !
Double erreur. Premièrement, je ne reproche rien à ceux qui n'ont pas envie de faire de philosophie. J'encourage ceux qui veulent s'y lancer à travailler. Je n'ai pas précisé selon quelle quantité. Je n'ai pas dit que l'idéal pour étudier la philosophie était d'avoir un métier en parallèle (les grecs ont clairement affirmé le contraire). Pour ma part, j'ai travaillé et je travaille encore la philosophie tout en ayant des obligations professionnelles en tout genre (je cumule trois emplois en plus de mes études).
Et c'est bien là la deuxième erreur : que sais-tu de moi pour dire que je ne sais rien des prolos? Et puis pourquoi devrais-je m'adresser aux prolos plus qu'à n'importe qui? En matière de philosophie, le chef d'entreprise peut me paraître aussi spirituellement mort que n'importe qui d'autre, quel que soit son statut social.
Vous pouvez me citer des tas de prolos qui ont fait ce travail en plus de leur travail, ça reste des exceptions.
Mais la philosophie reste, dans toute société, exceptionnelle. Peu de gens la pratiquent. Qu'ils soient riches ou pauvres, tout le monde trouve très facilement mieux à faire dans sa vie que de la philosophie. Et c'est précisément la raison pour laquelle c'est un choix qui engage toute ta vie. Et quand je dis que ça engage toute la vie, je ne parle pas de toute la vie d'un individu, de sa naissance jusqu'à sa mort. Je dis qu'à partir du moment où il décide de se pencher sur la philosophie, quel que soit son âge ou sa condition, tout ce qui viendra par la suite sera touché par la philosophie.
Stiegler disait dans un de ses cours, il y a très peu de vocations qui ne connaisent aucun arrêt. Les deux qu'il cite volontiers sont le médecin et le philosophe. On n'arrête pas d'être médecin quand on rentre chez soi le soir. De même, on n'arrête pas d'être philosophe quand on rentre chez soi le soir.
Il faut une force mentale et une énergie colossales pour faire partie de ces malgré-tout.
Si tu le dis... Moi je me contente de le faire, c'est tout. La difficulté, c'est de mesurer quel est l'enjeu. Une fois qu'on le comprend, quel que soit l'âge, le sexe, la religion ou la condition sociale, tout le monde est capable de s'y mettre. Mais il faut d'abord comprendre que ça en vaut la peine. Et tu sembles tout-à-fait mûr pour l'exercice.
Quand dans votre vie vous n'avez ni le respect ni le temps pour vous (le temps de repos n'en fait pas partie, admettez au moins ça), vous avez toutes les chances de rester au raz des pâquerettes.
Mais la question qu'on pose est bien de savoir ce que signifie faire de la philosophie. Il n'y a pas de philosophie du dimanche. Même celui qui se contente de maintenir vivantes les pensées d'antan, sans rien chercher à inventer de plus, celui-là est philosophe. Car justement, une pensée n'est vivante que si on vit soi-même son exploration. Je reconnais volontiers comme philosophe l'ouvrier qui lit le même ouvrage de philosophie régulièrement chez lui toute sa vie durant (même s'il commence à 40 ou à 50 ans). Le nombre des livres, la quantité de culture, en matière de philosophie, n'est pas importante. Mais garder vivante une pensée philosophique, c'est un engagement. Traite-moi d'arrogant ou de méprisant si tu veux, mais ce que je dis c'est que c'est à la portée de tous, y compris de toi, ici et maintenant. Mais à condition que tu y donnes une vraie place dans ta vie, maintenant!
Des cours de philo je ne sais pas ce que c'est. J'ai arrêté mes études avant. Pendant que certains accèdent à ce savoir, d'autres bossent pour le leur payer. N'oubliez jamais ça.
Tu ne sembles pas savoir que certains se les payent eux-mêmes. Et en disant cela, je ne te reproche pas de ne pas avoir fait d'étude. J'affirme seulement qu'il n'y a pas de véritable barrière entre toi et la philosophie.
Ca me fait mal, votre discours, j'aimerai au moins que vous compreniez ça.
Ça je veux bien le comprendre. Mais j'aimerais bien que tu comprennes que rien de ce que je dis n'est un reproche qui t'est adressé. On n'est pas meilleur de faire de la philosophie. Mais on ne fait pas de philosophie à moitié. C'est pas agréable à entendre, et j'aimerais bien qu'il en soit autrement. Mais de même qu'on ne peut pas reprocher à la gravité d'exister, on ne peut pas reprocher au savoir philosophique d'être initiatique. C'est comme ça. Et ça ne le rend pas inaccessible, mais ça nécessite de se réserver un peu de temps chaque semaine pour lire. Pour ne se concentrer que sur ça. Tu peux le faire dès aujourd'hui si tu le souhaites!
Si je vous avais lu avant, je n'aurai jamais visionné l'émission sur Rousseau. Je me serais dit c'est pas pour moi. Voilà tout ce que vous réussissez avec votre comportement élitiste.
Je crois que c'est là qu'est le problème : j'essaie de faire le pont entre ces deux idées qui semblent pourtant incompatibles de prime abord. D'une part, la philosophie est initiatique, et nécessite donc de s'exercer à la lecture ; mais d'autre part elle n'est pas inaccessible et élitiste, puisque tout le monde peut lire.
Lire peu, ou lire beaucoup, peu importe. Qu'on lise peu ou qu'on lise beaucoup, on est toujours frustré : il y a trop de choses à connaître en philosophie pour tout savoir. Mais je peux te promettre que, peu importe la quantité de livres différents que tu as lu : si tu fais l'effort de lire un seul livre de philosophie deux fois en entier, tu en auras appris plus sur la philosophie qu'en regardant 50 heures d'émissions sur la philosophie. Parce que ce que tu auras acquis sera à toi, et tu ne le devras qu'à toi et à toi seul. Et tu peux y arriver autant que n'importe qui.
Après, c'est juste une affaire de préoccupation philosophique. A toi de trouver l'auteur que tu as envie d'explorer. Certains ne te plairont pas : laisse-les de côté, tu n'as pas à tout savoir. Mais explore au moins un livre entièrement, peu importe son sujet, son siècle ou sa langue.
Ca me fait doublement mal parceque je suis d'accord avec vous sur pas mal de sujets. Onfray par exemple.
Ce qui montre bien que tu as l'esprit tout à fait mûr pour la philosophie. Essaie de faire l'expérience : choisis un livre dont tu as entendu parler et dont le propos t'intéresse. Réserve-toi un ou deux moments dans la semaine (une ou deux soirées par exemple) et consacre-toi à le lire sérieusement. Si une notion te bloque, arrête-toi et va faire une recherche, puis recommence ta lecture (même si ta recherche te prend deux séances de lecture, par exemple, essaie quand même de la faire jusqu'au bout, en prenant le temps de comprendre). Il faut par contre prendre le temps de rentrer dans le livre. Même pour un universitaire aguerri, tu peux compter en moyenne 15 à 20 minutes de lecture pénible avant d'entrer réellement dans le livre. C'est dû à la concentration : notre corps et notre cerveau n'est vraiment pas foutu pour se poser et lire. Il a besoin d'un peu de temps pour se faire à l'idée et pleinement se concentrer sur l'activité de lecture.
Si tu fais ça, je te garantis qu'en quelques mois, tu auras eu plusieurs prises de conscience en lisant. Car lire un livre de philosophie, c'est un peu comme si on était une chenille essayant d'atteindre le coeur d'un oignon : on traverse des couches successives qui sont des niveaux de compréhension du texte. Au plus on lit le même texte, au plus on le comprend avec finesse. C'est pourquoi il ne sert à rien de lire plein de livres de philosophie un peu. Il faut en lire un, jusqu'au bout.
Descendez un peu de votre putain de piédestal, lâchez votre toge et vos effets de manche et partez à la rencontre de ceux qui s'y intéressent, et tant pis pour les grands ce de monde si c'est pas corps-et-âme ! Bordel, la philo on en a tous besoin, maintenant que je ne travaille plus j'ai cette soif, cet appel, et je suis en colère, vous avez pas idée !!! Tiens j'en pleure.
Je suis vraiment désolé que ça te fasse mal comme ça. Je dis pas ça méchamment. Au contraire, encore une fois, je veux t'inciter à lire. Peu importe l'âge auquel on commence, peu importe la quantité de livres qu'on se tape. Si tu lis un seul livre de philosophie pleinement, que tu en entreprends la conquête, il sera à toi pour toujours.
C'est ce que dit Epicure au debut de la Lettre à Ménécée (tu peux la trouver ici http://fr.wikisource.org/wiki/Lettre_%C3%A0_M%C3%A9n%C3%A9c%C3%A9e_%28traduction_Chauffepi%C3%A9%29) :
"La jeunesse n’est point un obstacle à l’étude de la philosophie. On ne doit point différer d’acquérir ces connaissances, de même qu’on ne doit point avoir de honte de consacrer ses dernières années au travail de la spéculation. L’homme n’a point de temps limité, et ne doit jamais manquer de force pour guérir son esprit de tous les maux qui l’affligent. Ainsi celui qui excuse sa négligence sur ce qu’il n’a pas encore assez de vigueur pour cette laborieuse application, ou parce qu’il a laissé échapper les moments précieux qui pouvaient le conduire à cette découverte, ne parle pas mieux que l’autre qui ne veut pas se tirer de l’orage des passions, ni des malheurs de la vie, pour en mener une plus tranquille et plus heureuse, parce qu’il prétend que le temps de cette occupation nécessaire n’est pas encore arrivé ; ou qu’il s’est écoulé d’une manière irréparable."
Une autre traduction du même passage ( http://fr.wikisource.org/wiki/Lettre_%C3%A0_M%C3%A9n%C3%A9c%C3%A9e_%28traduction_O._Hamelin%29 ) :
" Quand on est jeune il ne faut pas remettre à philosopher, et quand on est vieux il ne faut pas se lasser de philosopher. Car jamais il n’est trop tôt ou trop tard pour travailler à la santé de l’âme. Or celui qui dit que l’heure de philosopher n’est pas encore arrivée ou est passée pour lui, ressemble à un homme qui dirait que l’heure d’être heureux n’est pas encore venue pour lui ou qu’elle n’est plus."
Il n'y a pas d'âge pour philosopher. Mais il y a un cap à passer : celui de l'engagement dans la lecture. Et tu peux encore le passer aujourd'hui. Rien n'est jamais perdu pour la philosophie.
Allez vous faire foutre !
Je ne le prendrai pas mal, dans la mesure où je vois bien que c'est un véritable et sincère désarroi que tu exprimes. Je me contenterai de répéter ce que je dis depuis le début : la philosophie n'est inaccessible à personne. Quel que soit son âge, son rang social ou sa culture, tout le monde peut ouvrir un livre de philosophie et s'y plonger. Mais cela nécessite de s'aménager du temps dans son quotidien pour lire, et approfondir sa compréhension d'un texte. Savoir faire cela, c'est conquérir pour soi-même la philosophie.
Et je conclurai là-dessus : Deleuze affirmait que certains philosophes ont produit des textes qui admettent une lecture philosophique et une lecture non philosophique. Ce qu'il veut dire par là, c'est qu'il n'est pas toujours nécessaire d'avoir une culture philosophique pour comprendre un livre de philosophie. D'après Deleuze, c'est le cas de Nietzsche ou de Spinoza. Pour ma part, je me garderai bien de faire une liste. Mais je crois que dans tout livre de philosophie, il y a des prises de conscience possibles pour le lecteur qui s'engage sérieusement dans la lecture et la réflexion philosophique.
Alors vas-y! Lance-toi! Lis un auteur qui t'intéresse! Réserve-toi un lieu et des moments dans ta journée pour le faire!
Vous n'avez rien de plus moderne ? éventuellement avec notes critiques etc ...
NB: J'ai lu la presque totalité de ce qui est resté d'Epicure maintenu dans l'ombre si longtemps.
Par contre, j'aimerais bien que tu m'indiques une bonne librairie où acheter le livre dont nous parlions précédemment?
[EDIT] Italique mal écrit.
L’oral a des vertus que les écrivaillons ne connaissent pas – et pour supprimer tout malentendu, je signale que je me vois comme un écrivaillon.
L’oral a des vertus que les écrivaillons ne connaissent pas – et pour supprimer tout malentendu, je signale que je me vois comme un écrivaillon.
Si tu veux dire par là que c'est toujours plus simple quand on discute, c'est à dire quand on peut poser des questions précises et obtenir immédiatement une réponse, je pense n'avoir jamais dit le contraire.
Mais on parle de faire de la philosophie, c'est-à-dire s'attacher à une tradition qui remonte à 2500 ans... A qui veux-tu poser des questions pour être sûr d'avoir la réponse?
Mais le dialogue ne remplace pas la lecture. En définitive, tout commence par la lecture et tout finit par l'écriture. Donc oui, je fais l'éloge de la lecture, pour se libérer de la dépendance aux enseignants. Ce qui ne signifie pas exclure le dialogue. Mais au moins faut-il ne pas se voiler la face : comprendre c'est lire et réflechir. Entendre une explication, c'est faciliter le processus, c'est économiser la phase de digestion nécessaire à tote lecture. Mais ce que tu n'as pas digéré toi-même, tu ne l'as pas intégré.
La phase de digestion n'est elle pas possible, et nécessaire, avec le dialogue également ?
il me semble que la difficulté consiste déjà à savoir quel doit être le résultat de la digestion dont on parle. Si tu veux dire, saisir l'absolu, alors n'importe quel dialecticien aura tendance à te dire que le dialogue est condition de possibilité de la profondeur philosophique.
Mais puisque l'on discute de l'apprentissage philosophique, l'enjeu ici n'est pas de saisir l'absolu mais d'intégrer une démonstration, l'énonciation d'un problème ou une série de définitions. Et là, le dialogue reste une facilité offerte à celui qui apprend. Or ce qui importe ce n'est pas tant d'apprendre quelque chose par coeur, mais d'apprendre à surmonter l'obstacle de la lecture. Sinon ton interlocuteur ne peut être que quelqu'un qui saisit toute la profondeur à ta place. Le dialogue lui-même a des conditions de possibilité, qui sont l'apprentissage, et cette forme pratique qu'en est la lecture.
Merci. Après les pavés (intéressants aussi) que tu as pondu au dessus, te poser une question qui ne soit pas vide de sens est la moindre des politesses ;-)
Il me semble qu'on peut très bien "saisir toute la profondeur" lors d'un dialogue (oral ou écrit). Qu'il n'est nul besoin de lire une démonstration pour l'intégrer. Qu'apprendre bêtement "par coeur" quelque chose peut se faire aussi bien à partir d'un support écrit qu'oral. Que "l'apprentissage" peut très bien passer par l'oral, sous condition d'une certaine rigueur et surtout d'une bonne volonté de la part des interlocuteurs.
J'ai un peu de mal avec la distinction que tu fais entre "l'absolu" et "l'intégration d'une démonstration, l'énonciation d'un problème ou une série de définitions" : pour moi c'est la même chose quand il est question de Raison.
J'ai l'intuition* que ce que tu dis sur le cheminement philosophique est plutôt vrai, mais aussi partiellement faux : faciliter le chemin en le clarifiant, en le balisant, en donnant envie de le parcourir, ce n'est pas forcément le corrompre. Il me semble que l'effort doit venir à la fois de l'élève et du maître, du débutant et du philosophe aguerri. Que buter sur les "obstacles" n'est pas une condition fondamentalement nécessaire à l'apprentissage (bien qu'elle le soit dans les faits). Que le philosophe se doit aussi de chercher à faciliter l'accès aux produits de sa pensée.
J'aime bien les images, et il me semble en avoir trouvé une de pertinente : on peut apprendre à nager à quelqu'un sans passer par l'étape où il boit la tasse toutes les 3 mètres. Faire lire un livre philosophique épais et écrit sans aucun effort de vulgarisation, c'est un peu comme balancer un gamin dans le grand bassin en lui disant qu'à force de se noyer, il va comprendre comment on nage. Ça marche, mais on peut faire autrement.
*: ce qui signifie hélas que tu ne m'as pas totalement convaincu: il me manque une démonstration. Peut-être que je devrais lire un livre sur le sujet ? ;-)
+1, que dis-je, +1000
yG
D'ailleurs cette démonstration est valable dans tous les domaines de la vie courante
La comptabilité, l'économie, l’électronique... chaque métier à son langage, ses codes qu'il faut connaitre pour les comprendre, les analyser
Certains livres abordent ces sujets d'une manière complexe d'autres arrivent à vulgariser
Le livre de Lordon (Capitalisme désire et servitude) est un bel exemple de livre qui même s'il est intéressant, la manière d'écrire, le langage exprimé ferait fuir quiconque alors qu'écrit dans un langage plus clair, il aurait été plus accessible
Il n'y a pas que la philosophie
Il me semble qu'on peut très bien "saisir toute la profondeur" lors d'un dialogue (oral ou écrit).
Je crois que pour pouvoir prolonger le dialogue il va nous falloir préciser ici deux choses. D'une part, que signifie concrètement "saisir toute la profondeur" dans ton propos et dans le mien. D'autre part, à quelles situations concrètes faisons-nous référence quand nous parlons de dialogue.
Il me faut clarifier ma propre position, donc je vais commencer par là. quand j'attaque le dialogue, je pense en fait à deux types de situations bien précises. Le premier type de situation, c'est celui de cette émission. On y trouve deux personnes dont la position vis-à-vis de la philosophie est radicalement différente. D'un côté Jouary qui s'est entièrement consacré à ce chemin, et qui l'a intégré profondément dans sa mémoire et dans son être (il a même saisi l'affect que porte en lui le texte de Rousseau, ce qui indique qu'il a consacré un temps important à lire et à méditer le texte). De l'autre côté, il y a Judith qui n'a jamais vraiment lu Rousseau, mais a cependant de nombreuses questions à lui poser. Ce qui rend ici le dialogue difficile, ce sont deux choses. La première, c'est l'imperméabilité de Judith à certaines facettes de la lecture de Rousseau. Du fait qu'elle attend des réponses, elle néglige le fait que toutes les questions n'ont pas de sens pour les philosophes. ce qui demande à jouary un travail de reformulation de la question dans les termes de l'auteur interrogé. Par moment on sent sa gêne à répondre, non pas par mépris pour les questions de judith, mais parce qu'il sent qu'il y a un fossé à traverser et qu'il est le seul à devoir le traverser. Ce caractère inéquitable de la démarche, entre celui qui interroge en partant du principe que toute réponse existe déjà, et celui qui doit formuler une réponse qui précisément n'existe pas encore, c'est là une des raisons qui me rendent soupçonneux à l'égard de ce type de dialogue. Au final, Judith a-t-elle compris Rousseau, ou a-t-elle simplement obtenu une réponse (plus ou moins satisfaisante) à ses propres interrogations? On pourrait ici parler de profondeur en ces deux sens radicalement différents. Ce n'est pourtant pas la même chose. Judith cherche à défendre une cause, Jouary expose la rigueur d'un enchaînement de pensée. Il n'y a pas lieu de magnifier l'un au détriment de l'autre, mais la différence d'enjeu produit la différence de type de profondeur. La deuxième chose qui rend leur dialogue difficile, c'est simplement la maîtrise du texte. Jouary, lorsqu'il explique quelque chose, pense à des passages précis. Judith le suit dans une démarche de généralisation, coupée du texte. Là où ce que dit Jouary est enraciné dans un dialogue qu'il a lui-même avec le texte, ce qu'en retient Judith ne dépend que de l'autorité qu'elle accorde à Jouary. De sorte que régulièrement Judith tend à retirer de ce que dit Jouary des affirmations tranchées (ce qui fait tout le charme de son caractère), là où Jouary est plus prudent. Ici encore on trouve toute la différence de démarche entre la recherche de modes de défense d'une cause et celle de modes de compréhension d'un texte avec derrière l'enjeu purement intellectuel de l'élucidation de ce qu'est le politique. De ce type de dialogue, il ne ressort pas grand chose qu'il faudrait retenir et qu'on pourrait réemployer dans la lecture de Rousseau. La preuve en est, ce qui est retenu de l'émission, c'est simplement que "Jouary dépoussière Rousseau". On retient qu'il a montré que la pensée de Rousseau peut être rendue vivante et regagner toute sa subtilité. Ce que n'importe quel lecteur attentif et investi saura faire. Mais qu'a-t-on retenu exactement de ce que dit Rousseau? Je n'ai pas la sensation que ce dialogue ait abouti à un véritable apprentissage (mais j'aimerais entendre ton avis là dessus).
Le deuxième type de dialogue que j'ai en tête, c'est celui du lycéen avec le professeur de philosophie (en imaginant un professeur un minimum investi dans sa tâche, tel que j'ai pu moi-même en rencontrer). L'enseignement thématique et problématique tel qu'il est prôné par l'éducation nationale est un enseignement qui néglige complètement la lecture (je dis complètement, mais on pourra me faire remarquer à juste titre que les élèves sont tenus de lire et d'étudier en cours deux oeuvres pour les épreuves d'oral. Néanmoins, les élèves ont rarement lu les textes, comme on le constate facilement quand on va corriger des bacs blancs). L'essentiel de la culture déployée par l'élève prend donc le plus souvent la forme de "Platon a dit ceci", "Spinoza a dit cela", etc. Or le professeur qui prépare le cours a lu l'auteur avec attention; cherchant un moyen de rendre son propos rapidement accessible aux élèves. Mais l'élève, lui, va produire systématiquement une simplification et une généralisation de ce qu'on lui dit de l'auteur. On ne se sortira pas de ce constat simplement en accusant le prof de manque de pédagogie. C'est qu'ici aussi, le propos de l'enseignant est enraciné dans son propre dialogue avec l'auteur qu'il a lu, tandis que l'élève pense dans les nuages, sans forcément saisir le sol philosophique qui délimite clairement le propos de l'auteur. Et le plus souvent; à quelques rares exceptions près, ce qu'on retrouve dans les copies de dissertation, c'est une généralisation aveugle. L'élève récite une doctrine sans jamais saisir, ni même souvent sans avoir cherché à saisir de quoi l'auteur parle exactement. Ici encore, le dialogue entre l'enseignant est l'élève me semble suspect. Il manque un véritable medium à ce dialogue, qui devrait être la lecture du texte. Plus de travail en bibliothèque et moins de bachotage en cours, voilà me semble-t-il quelle serait en partie la solution à ce problème.
Qu'il n'est nul besoin de lire une démonstration pour l'intégrer.
Tout à fait. Par contre il est plus facile d'écrire une démonstration pour être sûr de ne rien manquer. Le travail du locuteur me semble être un peu négligé dans ton propos. Lorsque l'on parle on peut être interrompu, on peut oublier quelque chose, ne pas pouvoir citer avec précision... Sans compter que pour les démonstrations simples, c'est encore envisaseable. Mais une démonstration qui nécessiterait un chapitre entier, d'une centaine de pages (comme on en trouve chez Bergson par exemple), c'est la simple fatigue à la fois du locuteur et de son auditeur qui devient un obstacle. A mon avis, si l'écriture demeure le medium privilégié pour la diffusion de la connaissance, ce n'est pas parce qu'elle est facile, mais parce qu'elle accumule moins d'obstacles.
Qu'apprendre bêtement "par coeur" quelque chose peut se faire aussi bien à partir d'un support écrit qu'oral.
Cela me semble également vrai. J'avais toutefois espéré que tu comprendrais que pour moi apprendre de la philosophie, ou plus généralement apprendre une démonstration, ça dépasse de très loin l'apprentissage par coeur. Ce n'est pas simplement apprendre par coeur un certain nombre de propositions dans un orre donné, mais saisir pourquelle raison il faut suivre cet ordre, ce que cela suppose, ce qui n'est pas dit mais tout de même supposé. Bref, savoir extrapôler, transposer la démonstration dans un autre contexte fait partie de son apprentissage. Et le par coeur ne saurait, me semble-t-il, répondre à de telles exigences. Et là aussi, l'oral est moins évident. Repasser plusieurs fois le passage d'une vidéo pour comprendre l'ordre suivi (en supposant qu'il y ait un ordre suivi et réfléchi), c'est tout de même moins pratique que d'avoir un texte sous les yeux. Au point que moi-même, quand je travaille sur une interview enregistrée en vidéo, j'ai tendance à retranscrire à l'écrit, ce qui me facilité la tâche. Je ne pense pas être le seul à procéder de la sorte.
Que "l'apprentissage" peut très bien passer par l'oral, sous condition d'une certaine rigueur et surtout d'une bonne volonté de la part des interlocuteurs.
Là aussi je te rejoins, mais j'aurais tendance à allonger légèrement la liste des prérequis. Encore faut-il un medium, qui soit un degré de compréhension égal de la question (ce qui n'empêche pas d'avoir différentes perspectives), et donc l'intégration préalable d'une méthode, d'une manière de procéder. Il faut apprendre à lire un livre de philosophie, ce que trop souvent les détracteurs de la philosophie négligent. La totalité des gens que j'ai pu voir accuser la philosophie d'être une simple sophistique jargonneuse sont des gens qui n'ont jamais appris et ne se sont jamais exercés à lire de la philosophie. Or il me semble que pour dialoguer, un besoin similaire existe. Il me semble même encore plus poussé qu'à l'accoutumé. Les dialogues de Platon en sont un exemple classique : tout en débatant, il y a un débat sur les conditions mêmes du débat. Il faut s'exprimer de manière concise, écouter l'autre et avancer avec lui. La contrainte est très grande. Et chaque fois que l'on cesse de suivre à chaque pas l'interlocuteur, le contrat est rompu. La forme écrite a tout de même cet avantage de la relecture, laquelle permet d'entrer dans une compréhension approfondie du texte par phases successives. Si un dialogue donne lieu à une compréhension superficielle, les situations qui permettront de le recommencerse feront minces. J'ai rarement vue, que ce soit en terminale ou dans des cours de philosophie à l'université, des élèves effectivement reprendre une discussion avec l'enseignant qui aurait déjà eu lieu auparavant; dans le cadre du cours. Car le cours lui-même suit un fil, il doit progresser.
J'ai un peu de mal avec la distinction que tu fais entre "l'absolu" et "l'intégration d'une démonstration, l'énonciation d'un problème ou une série de définitions" : pour moi c'est la même chose quand il est question de Raison.
J'avais fait référence à l'absolu parce que j'avais cru lire dans ton post une référence à Schleiermacher habilement masquée. Il s'avère que ce n'est pas le cas.
Dans le cadre de la dialectique de la raison pure (une des parties principales de la Critique de la Raison pure de Kant, pour ceux qui ne sont pas familiers du bonhomme et de son oeuvre), Kant en vient à considérer que dans les plus hauts niveaux spéculatifs de la raison pure, onne peut aboutir qu'à des antinomies, dans la mesure où les couples conceptuels qui apparaissent comme opposés les uns aux autres parviennent chacun à produire des chaînes de raison qui ne se rejoignent jamais. L'exemple le plus célèbre en la matière est sans doute celui de la liberté et de la causalité du monde physique. En partant de l'un, on ne rejoint jamais l'autre, alors que l'un comme l'autre parvient à se justifier par une chaîne de raison propre. Kant en vient donc à postuler que l'élan vers l'absolu auquel la raison a tendance serait en fait illusoire. Vive réaction des grands auteurs qui vont suivre, puisqu'ils font remarquer que Kant cherche à saisir l'absolu avec l'entendement, qui est la partie de la raison qui ne saisit que le résolu, ce qui est délimité, fini, et donc pas l'infini de l'absolu.
Ici, ta réponse me fait un effet similaire. Saisir l'absolu, si cela était jamais possible, ne saurait exactement revenir à l'intégration d'une démonstration, l'énonciation d'un problème ou d'une série de définitions. Tu as sans doute raison de poser qu'il s'agit de raison, mais il ne s'agit pas du même usage de la raison.
Dans mon message, pensant que tu faisais référence à Schleiermacher, je parlais de l'absolu pour faire valoir que pour le saisir, selon Schleiermacher, la solution se trouve dans le dialogue. Car on ne saurait délimiter l'absolu, il est donc nécessaire de se compléter mutuellement en ne distinguant pas de la même manière les parties de l'absolu. L'absolu pouvait aller plutôt dans le sens du dialogue. Mais je rappelais ensuite que notre propos ne touchait pas ce genre de problème philosophique, puisqu'on se posait effectivement la question de l'apprentissage philosophique, question épineuse mais qui ne concerne pas les enjeux d'un espoir et d'un élan vers une hypothétique connaissance absolue.
J'ai l'intuition* que ce que tu dis sur le cheminement philosophique est plutôt vrai, mais aussi partiellement faux : faciliter le chemin en le clarifiant, en le balisant, en donnant envie de le parcourir, ce n'est pas forcément le corrompre. Il me semble que l'effort doit venir à la fois de l'élève et du maître, du débutant et du philosophe aguerri. Que buter sur les "obstacles" n'est pas une condition fondamentalement nécessaire à l'apprentissage (bien qu'elle le soit dans les faits). Que le philosophe se doit aussi de chercher à faciliter l'accès aux produits de sa pensée.
*: ce qui signifie hélas que tu ne m'as pas totalement convaincu: il me manque une démonstration. Peut-être que je devrais lire un livre sur le sujet ? ;-)
Tu soulèves ici un des manques dans mon propos, mais que je supposais néanmoins. J'ai voulu chaque fois dire qu'en dernière instance c'est toujours la lecture et l'écriture qui l'emporte dans la compréhension philosophique. Je veux bien aussi y mettre la parole, de ce point de vue je suis ouvert. Par contre, je n'ai jamais dit que l'explication n'était d'aucune aide. A condition que l'on se mette bien d'accord sur ce point : l'aide ne remplacera jamais la connaissance. Regarder une émission sur rousseau, ça peut aider à se garer d'un certain nombre de mauvaises interprétations de Rousseau. Cela peut également aider à orienter sa lecture, comprendre dans quel sens aller pour bien comprendre l'auteur. Mais cela ne donne aucune connaissance véritable de ce qu'il a écrit. Et c'est pour cette raison que j'ai fait l'éloge de la lecture, au point parfois de heurter des sensibilités sans véritablement en avoir l'intention. Mon but n'est pas d'interdire l'accès à la philosophie. J'aimerais plutôt encourager à son accès. Mais j'aimerais du coup aider à perdre de mauvaises habitudes. J'ai rencontré de nombreuses personnes intéressées par la philosophie, mais convaincues qu'elles seraient incapables de lire ne serait-ce qu'un seul livre de philosophie. Et ça, ça m'embête vraiment, parce que du coup ils s'interdisent de lire. Et c'est contre cette tendance que je cherche à lutter. Je ne veux pas faire croire que lire est simple. Mais je convaincre que lire est à la fois possible et nécessaire. Ce faisant; je ne veux absolument pas retirer de droit à la parole ou à l'écoute. Je me bats en faveur des tentatives pour rendre la philosophie plus exotérique, plus accessible à tous (je crois en avoir fait la preuve plusieurs fois dans mes contributions). Mais néanmoins, en analysant la philosophie, je suis forcé de constater que même lorsque les textes sont rendus publics, même quand on en propose des explications, des introductions, des points de repère, la connaissance elle-même rend la philosophie ésotérique. Parce que le savoir est une partie de notre être, il nous transforme. L'enseignement n'est pas un don du professeur à son élève. L'enseignement est une incitation du professeur, qui pousse l'élève à faire fonctionner son esprit d'une certaine manière, et ainsi le pousse à produire par lui-même des découvertes qui le transforment. Un élève qui accède à la connaissance, en dernière instance, ce n'est jamais la victoire du professeur de philosophie, mais la victoire de l'élève lui-même. Et je trouve que c'est finalement réconfortant pour l'élève : cela prouve que ce sont ses propres capacités qui se trouvent révélées, pour chaque connaissance philosophique qu'il développe.
C'est là un parti pris de ma part. Peut-être as-tu un autre avis sur la question, que j'aimerais bien entendre. Mais j'espère que cela rend plus clair ma position sur le sujet.
J'aime bien les images, et il me semble en avoir trouvé une de pertinente : on peut apprendre à nager à quelqu'un sans passer par l'étape où il boit la tasse toutes les 3 mètres. Faire lire un livre philosophique épais et écrit sans aucun effort de vulgarisation, c'est un peu comme balancer un gamin dans le grand bassin en lui disant qu'à force de se noyer, il va comprendre comment on nage. Ça marche, mais on peut faire autrement.
Je ne suis pas en désaccord avec toi sur ce point. Comme je l'ai dit plus haut, je ne vais pas contre la vulgarisation, je vais contre l'idée fausse que la vulgarisation donne accès à une connaissance. Mais elle peut mqlgré tout faciliter l'accès à la connaissance, j'en ai bien conscience.
Seulement si quelqu'un te dit qu'il passe un temps fou à regarder des émissions de vulgarisation, ou à lire des livres de vulgarisation, et qu'après il te dit qu'il n'a pas le temps de lire les grands auteurs, alors là il y a un vrai problème, et la vulgarisation devient une barrière qui empêche l'accès à la connaissance. Je soupçonne Onfray d'avoir cet effet-là sur son lectorat.
Ca m'évoque une anecdote de Diogène Laërce au sujet de Platon. Un vieillard venait le voir, pour lui dire, avec une grande fierté, qu'il n'avait jamais manqué un cours d'éthique de toute sa vie. Et Platon de lui demander en retour : "Quand vas-tu donc commencer à vivre vertueusement?" Je pense que cette image vient compléter la tienne.
Demain, j'espère.
Ca m'évoque une anecdote de Diogène Laërce au sujet de Platon. Un vieillard venait le voir, pour lui dire, avec une grande fierté, qu'il n'avait jamais manqué un cours d'éthique de toute sa vie. Et Platon de lui demander en retour : "Quand vas-tu donc commencer à vivre vertueusement?" : Damien (dit le Farfadet)
Jolie contradiction dans votre propos, car, ce sont ceux qui connaissent justement le cours de l'Histoire de la philosophie sur le bout des doigts que votre anecdote prend à partie. Ceux qui vont aux auteurs, comme nombre d'enseignants de philosophie que j'ai rencontré ou Jouary ici qui revendique même cette attitude (un comble), sont ceux qui risquent le plus précisément de ne pas faire un usage philosophique du savoir qu'ils ont engrangé. Ce contentant d'être des passeurs. Rôle nécessaire, noble, mais nullement suffisant par rapport à l'objet philosophique, puisque pas plus que les passeurs d'Histoire ne font l'Histoire, les passeurs de philosophie ne font la philosophie de ce simple fait.
yG
Jolie contradiction dans votre propos, car, ce sont ceux qui connaissent justement le cours de l'Histoire de la philosophie sur le bout des doigts que votre anecdote prend à partie.
Chers lecteurs, je vous prie de noter que l'on m'impute ici une contradiction qui nécessite d'accepter comme présupposé que faire de l'histoire de la philosophie ce n'est pas faire de la philosophie. Or j'ai soutenu exactement le contraire dans mon dialogue avec Al1. Ce qui est amusant, c'est que Plotin, par exemple, qui se trouve être un philosophe, a soutenu explicitement que lire et commenter de la philosophie et conserver la pensée philosophique vivante, c'est effectivement faire de la philosophie. Ça lui semblait d'ailleurs déterminant, et historiquement il n'a pas tort du tout. Un certain nombre d'auteurs philosophiques pourtant classiques et très importants paraîtraient petits pour YG, du fait du peu de créativité que l'on trouve dans leur oeuvre par rapport à certains autres. C'est le cas de Boèce, sans qui pourtant la philosophie aurait pu disparaître du continent européen durant le Haut Moyen-Âge. Le plus amusant étant que Heidegger, par exemple, prétendait ne rien révéler de nouveau dans sa philosophie : faut-il cesser de le prendre pour un philosophe? Sans compter que nombre de problèmes philosophiques ont en fait déjà été posés par les Grecs, et ne sont que repris par la suite. Ah... ces philosophes... Si peu créatifs... Si peu philosophes...
A l'inverse, notez bien que pour YG, faire de l'histoire de la philosophie n'aide aucunement à inventer de la philosophie... On trouve les idées par hasard dans sa petite tête. Un beau matin on se lève et on se dit : "tiens, il faudrait que je propose une explication de l'être du monde fondée sur la substance, qui l'unifierait ontologiquement et rendrait tout individu dépendant de cet ensemble"... Ou alors, après le café, on se dirait spontanément : "ah je crois que ce serait intéressant de cerner le mouvement de l'esprit dans sa saisie de soi-même et du monde, suivant un devenir dialectique supposant l'immanence de la négation..." La magie de la pensée philosophique...
Ceux qui vont aux auteurs, comme nombre d'enseignants de philosophie que j'ai rencontré ou Jouary ici qui revendique même cette attitude (un comble), sont ceux qui risquent le plus précisément de ne pas faire un usage philosophique du savoir qu'ils ont engrangé.
Notez bien, chers lecteurs, qu'ici aussi on néglige totalement la démarche de l'écriture à laquelle j'ai également fait référence. Car il est bien connu, et tous les chercheurs en philosophie que je connais vont en ce sens (oui, vous savez, les gens qui inventent de la philosophie), que la lecture doit être accompagnée d'écriture pour être complète. C'est en écrivant sur ce qu'on lit qu'on acquiert une compréhension plus approfondie du propos de l'auteur. Ce qui fait que l'exercice de commentaire est aussi vieux que la philosophie elle-même. Les élèves d'Aristote commentaient non seulement le maître, mais aussi tous les écrits qu'ils pouvaient trouver portant sur une quelconque connaissance. La démarche était avant tout formatrice, on y voyait une manière d'apprendre à saisir les auteurs mais surtout à les discuter par la suite. Car un commentateur ne se contente jamais de répéter l'auteur qu'il lit : il le confronte à d'autres auteurs, le contextualise, et le critique. L'exercice du commentaire critique est très bien connu des chercheurs en philosophie, mais visiblement pas du tout de notre cher YG qui, une fois encore, nous a donné une bonne leçon en révélant notre inculture et le caractère contradictoire de notre propos. Grâce lui soit rendue.
Se contentant d'être des passeurs.
Chers lecteurs, veuillez constater à quel point YG a raison. C'est un rôle infame que celui de passeur, quand il ne donne pas lieu à une invention philosophique fondamentale. Les grands ouvrages de l'histoire de la philosophie auraient été tellement mieux compris s'il n'y avait pas eu des spécialistes pour les traduire correctement, et en révéler les clefs de lecture fondamentales. Maudits soient-ils! Brûlons toute l'oeuvre de Jules Tricot, qui a consacré sa vie à traduire et à commenter Aristote! Quel salaud! Il aurait dû à la place inventer quelque chose. Ce type n'est définitivement pas un philosophe.
Rôle nécessaire, noble, mais nullement suffisant par rapport à l'objet philosophique, puisque pas plus que les passeurs d'Histoire ne font l'Histoire, les passeurs de philosophie ne font la philosophie de ce simple fait.
Chers lecteurs, soyez témoins de cette fatalité insupportable aussi bien qu'insurmontable. De même que les historiens sont des planqués qui ne prennent aucune position politique, les historiens de la philosophie sont des planqués qui ne prennent aucune position philosophique. Honnis soient-ils! Pédants et inutiles qu'ils sont!
Remercions YG de nous avoir montré la voie. Nous avons besoin de sa parole éclairée pour prendre conscience de l'inanité des biologistes qui lisent John Maynard Smith ou des physiciens qui lisent Michael Green : ceux-là ne feront jamais progresser les sciences! Au buchet!!
C'est toujours révélateur de prêter aux autres ce qu'on recherche pour soi-même, Farfadet. Pour le reste, l'absence total de profondeur de votre post allié à son ironie mal placée me permettent de m'économiser dans ma réponse. Sur ce...
yG
Au contraire, j'apprécie ton humilité et comprends tes coups de gueule quand on te fait le reproche d'être "abscons". J'apprécie surtout la rigueur que tu exiges de tes interlocuteurs. J'y vois une leçon de méthode plus qu'un dérisoire clouage de becs. je suis d'accord avec toi : progresser dans une discipline, quelle qu'elle soit, sans un travail opiniâtre et constant est, comme le disait un de mes instituteurs, un rêve de doux dingue, on ne le répétera jamais assez. Et ce n'est pas du mépris.que de le dire. Continue comme tu le fais, pousse des coups de gueule mais surtout ne te tais pas.
Quoi, on n'a pas le droit de rire de bon matin ?
Voilà, l'une des raisons pour laquelle votre propos me fait rire, un peu jaune, tant la philosophie mérite mieux que de produire ce genre de « philosophe ».
Damien le Farfadet me répond ceci : "on m'impute ici une contradiction qui nécessite d'accepter comme présupposé que faire de l'histoire de la philosophie ce n'est pas faire de la philosophie. Or j'ai soutenu exactement le contraire dans mon dialogue avec Al1."
Or, il oublie de préciser que la citation qu'il a donné "Ca m'évoque une anecdote de Diogène Laërce au sujet de Platon. Un vieillard venait le voir, pour lui dire, avec une grande fierté, qu'il n'avait jamais manqué un cours d'éthique de toute sa vie. Et Platon de lui demander en retour : "Quand vas-tu donc commencer à vivre vertueusement?" "
et à laquelle je réponds, souligne justement le contraire de son précédent propos.
Lorsqu'il tente de démontrer qu'il ne s'est pas contredit en précisant : "Un certain nombre d'auteurs philosophiques pourtant classiques et très importants paraîtraient petits pour YG, du fait du peu de créativité que l'on trouve dans leur oeuvre par rapport à certains autres. C'est le cas de Boèce, sans qui pourtant la philosophie aurait pu disparaître du continent européen durant le Haut Moyen-Âge.", il mélange, façon érudit (ce qui embrouille peut-être le béotien), des notions qui n'ont rien de consubstantielles (celle de passeur et celle de philosophe) et paradoxe, enfonce le clou que j'ai posé ici tout en faisant mine d'ironiquement l'en arracher.
Tour de passe-passe, indigne de qui prétend faire de la philosophie. Car, on peut parfaitement reconnaître le rôle de passeur d'untel sans considérer son apport à la philosophie comme notable en dehors de cela. L'exemple de Damien ne contredit donc pas le mien, bien au contraire.
"Le plus amusant étant que Heidegger, par exemple, prétendait ne rien révéler de nouveau dans sa philosophie : faut-il cesser de le prendre pour un philosophe? "
Puisqu'il pose la question, on devrait être en droit de répondre, mais non, c'est chose entendue qu'Heidegger est un philosophe, implicitement des milliers d'ouvrages et de thèses ont été pondu sur lui en moins d'un siècle, des universitaires tiennent conférences et détiennent leur pouvoir grâce à lui, c'est bien la preuve... Certainement, mais uniquement pour ceux qui se soumettent à ce genre d'argument d'autorité, prenant le fait pour le droit. Un comble pour des prétendus philosophes.
A l'opposé, il existe des travaux philosophiques qui se font parfaitement et avec profit sans que la pensée de Heidegger ne soit mobilisée le moins du monde, démonstration par l'absurde qu'on peut parfaitement philosopher sans lui. Ce qui n'empêchera pas certains de continuer à le prendre pour tel... et alors.
"notez bien que pour YG, faire de l'histoire de la philosophie n'aide aucunement à inventer de la philosophie..."
Notez surtout bien que je n'ai jamais écris cela, "aucunement", ce genre d'assertion catégorique que me prête Damien, censé pourtant avoir une lecture rigoureuse de par sa formation...
Celui-ci ajoute dans la foulée pour prouver son propos :"On trouve les idées par hasard dans sa petite tête. Un beau matin on se lève et on se dit : "tiens, il faudrait que je propose une explication de l'être du monde fondée sur la substance, qui l'unifierait ontologiquement et rendrait tout individu dépendant de cet ensemble"... Ou alors, après le café, on se dirait spontanément : "ah je crois que ce serait intéressant de cerner le mouvement de l'esprit dans sa saisie de soi-même et du monde, suivant un devenir dialectique supposant l'immanence de la négation..." La magie de la pensée philosophique... "
Outre qu'on se demande bien à suivre ce type de raisonnement comment la philosophie a pu naître, puisqu'il a toujours fallu selon celui-ci qu'un philosophe parte des travaux et questionnement de ses prédécesseurs, puisqu'il est entendu qu'il ne peut pas trouver « dans sa petite tête » des sujets de réflexion en regardant le monde (non expressément philosophique) autour de lui, on remarquera que les exemples cités sont considérés comme exemplifiant au plus haut point la pensée philosophique. Or, c'est certain qu'en rétrécissant la philosophie à ça (en gros, Heidegger et Hegel et leurs épigones), on ne peut imaginer, appréhender d'autres sources pour philosopher que l'Histoire. Le raisonnement du Farfadet est en cela parfaitement tautologique.
« l'exercice de commentaire est aussi vieux que la philosophie elle-même. Les élèves d'Aristote commentaient non seulement le maître, mais aussi tous les écrits qu'ils pouvaient trouver portant sur une quelconque connaissance. La démarche était avant tout formatrice, on y voyait une manière d'apprendre à saisir les auteurs mais surtout à les discuter par la suite. Car un commentateur ne se contente jamais de répéter l'auteur qu'il lit : il le confronte à d'autres auteurs, le contextualise, et le critique. L'exercice du commentaire critique est très bien connu des chercheurs en philosophie, mais visiblement pas du tout de notre cher YG »
Procès d'intention, d'autant plus infondé que je ne m'attaque à aucun moment aux commentaires critiques en tant que tel. Simplement à ceux qui en restent-là et ne prennent pas l'objet de leur analyse pour le confronter et agir sur le temps présent, autrement qu'en passeur. Qui ne font que de l’exégèse de textes philosophiques laissant le soin à ceux qui ont moins de connaissance qu'eux, de s'en servir. Joli paradoxe, se revendiquer d'une lecture attentive, soucieuse de la source, lorsqu'on en appelle pour l'action à des personnes qui n'auront, elles, au mieux qu'un accès de seconde main. Comment prétendre que la connaissance précise est utile, lorsqu'on sollicite pour agir ceux qui en auront une beaucoup moins bonne que nous ?
« veuillez constater à quel point YG a raison. C'est un rôle infame que celui de passeur, quand il ne donne pas lieu à une invention philosophique fondamentale. Les grands ouvrages de l'histoire de la philosophie auraient été tellement mieux compris s'il n'y avait pas eu des spécialistes pour les traduire correctement, et en révéler les clefs de lecture fondamentales. »
Rôle infâme, alors que je écris « noble ». Visiblement, Damien n'a d'autres choix que de sombrer dans la caricature la plus éhontée pour noyer le poisson et la contradiction dans laquelle il s'est enfermé lui-même en citant l'anecdote de Diogène Laërce, et qui soutient au contraire bien mieux mon propos que le sien.
Bref, cela, ajouté évidemment aux nombreux et fort ancien contentieux entre Damien et moi, font que votre propos me fait rire, jaune comme je l'ai précisé, tant la philosophie ne peut et ne doit se résumer à ce qu'en fait le Farfadet. Au delà des querelles de personne, c'est bien d'antagoniques visions de l'usage et de la perception de la philosophie qui sont en jeu ici.
yG
Par contre je voudrais revenir sur quelque chose :
La rage que j'éprouve à ne pas comprendre parfois ce que tu dis est dirigée contre moi.
Je préfèrerais autant que possible, si mes propos manquent de clarté, que tu m'incites à préciser. Je prône la lecture pour apprendre la philosophie, mais le dialogue n'est pas proscrit. En particulier quand une démarche de vulgarisation n'est pas tout à fait claire.
Ils ont un effort à faire, le lecteur aussi, mais qu'il est triste que les deux ne puissent pas se rejoindre.
Ce message a été supprimé suite à la suppression du compte de son auteur
Je suis parti un peu en opposition à ton premier post où tu disais :
Je voulais exposer ces deux solutions; pour rappeler que la littérature philosophique pose effectivement des problèmes, mais réfléchit aussi à des solutions concrètes.
Je comprends mieux ce que tu voulais dire, notamment à travers ce paragraphe :
Une fois encore, les philosophes dont on parle ne partent pas d'un état de nature, mais du constat de leur propre société et de ses dysfonctionnements. L'enjeu n'est pas de faire comme s'il n'y avait aucun pouvoir pour en produire un. L'enjeu est au contraire d'amener le pouvoir tel qu'il existe actuellement à ne plus outrepasser ses droits. L'enjeu de Platon, entre autres, c'est de faire obstacle aux rhéteurs et sophistes qui manipulent les citoyens athéniens et par ce biais prennent le contrôle de la cité démocratique. Hobbes veut mettre fin au règne des prédicateurs qui, au nom de leur foi, troublent l'ordre politique et entretiennent une guerre civile sur la base d'un fanatisme aveugle. Rousseau veut mettre en question le pouvoir des nobles, mais aussi des propriétaires bourgeois, qui se disputent le pouvoir sans jamais faire preuve d'une véritable préoccupation politique. Autrement dit, il ne s'agit pas de produire un pouvoir illégitime, il s'agit de guider un pouvoir en place vers une position plus juste.
En ce qui concerne la position plus juste, je dirais que cette notion me dérange de part sa subjectivité. Comment envisager une position plus juste quand on ne sait pas vers quoi va le juste. Ce questionnement est parti de ce que Rousseau appelle l'intérêt général et l'intérêt de tous.
Tu dis que je trouve le pouvoir intrinsèquement mauvais. Ce n'est pas entièrement ce que je dis. Ce que je dis c'est que le pouvoir politique est pratiqué par des individus qui l'ont convoité. Et je ne crois pas forcément que le pouvoir soit mauvais, mais je pense que le mal se situe dans la convoitise.
Le pouvoir n'est certes pas que politique. Je pense par exemple sur le pouvoir des parents sur leurs enfants. Des parents qui vont logiquement tout faire dans l'intérêt de leurs enfant. Sans rentrer dans les détails, ce pouvoir est pur. Les parents souhaitent le mieux. Mais le mieux n'en reste pas moins soumis à la conception de ce qu'est le mieux pour les parents. Je ne parle même pas de parents qui voudraient être fiers de leurs enfants, ou de parents qui reportent certaines angoisses existentielles sur leurs enfants, mais de parents qui ont leur représentation de la vie, de la société et qui se retrouvent devant un questionnement qui les dépasse.
J'en profite pour remettre cette citation d’Henri Guillemin
« Derrière tous mes livres et tous mes exposés, il y a une préoccupation métaphysique qui est évidente. Je n'ai pas cessé de croire, et je croirai de plus en plus— maintenant que je suis vieux— qu'aucune modification structurelle de la Cité n'est suffisante. Cette modification est indispensable; mais on aura beau établir une Cité humaine où l'exploitation sera sinon effacée du moins considérablement diminuée, on aura beau établir un régime fiscal plus juste, on aura beau resserrer la hiérarchie des salaires, on n'obtiendra rien s'il n'y a pas une modification profonde du regard jeté par les hommes sur le monde et sur la vie. Le malheur restera au fond de l'individu humain si cet individu n'a pas une vue du monde qui lui permette de dépasser le désespoir. ».
Le fait est que même chez des intellectuels, des philosophes ou de simples forumeurs, qui sont parfois les trois réunis, il n'y a pas de consensus. La question du sens de la vie n'est que très peu, voire jamais abordée. La compréhension de l'existence n'est pas du tout une question de premier plan. Je ne dis pas que l'humanité doit s'astreindre à une méditation commune d'une année, mais que ce non questionnement multiplie les possibilités de conception. D'ailleurs, il est considéré comme important que chacun soit libre de sa propre conception. Mais différentes conceptions ne peuvent qu'aboutir à une divergences d'opinions.
Et dans cette divergences d'opinions, si l'on rajoute le manque de culture, d'éducation des individus, on peut être sceptique quant à la possibilité d'un profond changement.
C'est Robespierre qui parlait de la dure condition d'existence du peuple qui l'empêchait de se rendre compte de ses droits, de l'injustice de sa situation. Je dirais que cette phrase est une réalité sociale, mais pas seulement. Cela ne concerne pas uniquement les pauvres. Cent ans d'existences sont ils suffisants pour appréhender ce qu'est réellement la liberté, la vie?
Bon, je ne développe pas plus, mais je précise que je ne cherche pas à dire que tout est fichu et qu'il n'y a pas d'espoir.
Je dis simplement par rapport à l'idée de progrès, qu'il faut savoir de quel progrès on parle avant de dire quel progès a eu lieu ou peut avoir lieu.
Et quand je regarde ces 2 derniers siècles, je ne suis pas sur que le temps seul soit un facteur de résolution du prblème.
C'est d'ailleurs certainement une croyance collective; un jour l'homme sera meilleurs, il sera "élevé".
Mais Brassens a aussi dit que le temps ne faisait rien à l'affaire....
Tout ça pour dire que la révolution parfaite devrait partir du bas, mais peut elle avoir lieu.
Il y a certaines choses que tu écris qui commencent à me satisfaire. D'autres me posent problème. Je vais plutôt me concentrer sur celles-là, histoire que nous allions encore plus loin dans cette affaire.
En ce qui concerne la position plus juste, je dirais que cette notion me dérange de part sa subjectivité. Comment envisager une position plus juste quand on ne sait pas vers quoi va le juste. Ce questionnement est parti de ce que Rousseau appelle l'intérêt général et l'intérêt de tous.
Ici, ce qui me dérange, c'est l'emploi du mot "subjectivité". Pour éviter tout quiproquo, je vais en proposer une définition simple qui permettra de déterminer si j'ai bien compris ce que tu voulais dire, ou non. Le mot subjectivité est galvaudé. Aujourd'hui, au travers de ce mot, la plupart des gens entendent simplement "émotion individuelle". Tout traitement subjectif sera soupçonné d'être limité à une perspective propre à un individu, lequel ne parviendrait pas à se défaire de son propre vécu de conscience lors de son jugement. Néanmoins, initialement ce terme signifie simplement "ce qui relève du sujet". Un kantien dirait que tout jugement, même le plus objectif qui soit, est toujours déjà subjectif, en tant que l'objet ne peut être jugé qu'à condition d'être saisi par la rationalité d'un sujet. Autrement dit, un jugement subjectif n'est pas nécessairement irrationnel, ni dépourvu d'objectivité. J'aimerais, si tu le permets, t'entraîner plutôt sur ce terrain là, et partir du principe que la subjectivité qui participe de l'élaboration d'un concept de justice n'engendre pas un jugement qui manque la réalité, ou la colore.
C'est là une notion osée, et profondément contre-intuitive pour notre temps, néanmoins je la propose tout de même : on peut tout-à-fait considérer qu'il existe une réalité morale parfaitement objective. Nous sommes plutôt à l'ère du relativisme, et il est de bon ton de nos jours de clamer haut et fort que toute valeur morale n'existe que dans l'esprit humain, trop enclin aux illusions de toute sorte. Mais une telle position range la morale au rang de la superstition, comme s'il était impossible de déterminer objectivement un bien ou un mal. Or justement il n'est pas impossible pour la raison de déterminer une morale. Même Kant, qui a défendu fermement l'idée que notre pensée est fondamentalement coupée de la réalité, et qu'elle ne la saisit que par le biais parfois trompeur de nos sens, a tout de même considéré qu'il était possible, voire nécessaire, de produire une morale purement rationnelle. D'autres auteurs ont également su défendre l'existence d'une réalité morale objective. Platon, bien entendu, mais aussi des auteurs plus récents comme Gilbert Simondon (1924-1989). On cherche en général à leur répondre en faisant valoir les différences de moeurs et de coutumes dans les différentes cultures humaines. Néanmoins, je ne connais aucune culture qui prône le meurtre ou le vol, qui trouve la violence acceptable entre les membres d'une même communauté, ou qui propose de pratiquer le viol... C'est tout de même étrange qu'on se limite à ce point, non? ^^
Il est question de justice. Et tu fais remarquer dans la suite de ta réponse que le consensus n'existe pas. En es-tu si sûr? On peut certes constater qu'il existe des opinions différentes. Mais le propre de l'opinion, c'est de prendre une position sans chercher à élucider le problème auquel on répond, et le raisonnement par lequel on considère qu'il est légitime d'y répondre par telle opinion. Chez Platon, la justice est une égalité de rapports. C'est pourquoi l'enseignement préparatoire prodigué aux gardiens de la cité doit aboutir sur l'étude de la musique, et plus précisément de l'harmonie. Car l'harmonie est l'étude des relations mesurées qui permettent l'accord des sons. Or en apprenant les recettes générales de l'harmonie, on apprend à employer des schèmes intellectuels que l'on peut par la suite appliquer à la cité. On apprendra donc à établir des accords entre les différentes parties de la cité, sans chercher à les uniformiser. Mais bien entendu, la science suprême demeure la dialectique, car elle est le moyen d'atteindre aux réalités premières de la nature, et ainsi elle permettra de poser les axiomes appropriés aux raisonnements qui devront nous permettre de saisir ce qu'est le Bien. Maintenant, penchons-nous sur ce qu'est la justice chez Rousseau. On dira que la justice dépendra de l'accord entre les deux intérêts : l'intérêt général et l'intérêt de tous. Ici encore c'est un problème d'analogie et de proportion, c'est à dire de mesure équitable et égale dans les rapports entre ce que chacun veut pour soi-même et ce dont l'humanité a besoin, ce qui est son intérêt pour l'ensemble qu'elle constitue. Ce qui apparaît ici, c'est que la notion de justice n'a pas tellement changé en son fondement. C'est simplement le sens que revêt son avènement pour telle société qui donne la sensation d'une différence. La finalité de la justice semble assez claire. Ce sont plutôt les moyens de la faire advenir qui peuvent donner lieu à des désaccords.
Mais là non plus il n'y a pas lieu de se désespérer. Car le problème des moyens est aussi une question rationnelle. Il s'agit bel et bien de positions discutables et vérifiables. L'absence de consensus, le plus souvent, porte sur un examen trop peu approfondi des concepts que l'on emploie et de la finalité que l'on vise.
Tu dis que je trouve le pouvoir intrinsèquement mauvais. Ce n'est pas entièrement ce que je dis. Ce que je dis c'est que le pouvoir politique est pratiqué par des individus qui l'ont convoité. Et je ne crois pas forcément que le pouvoir soit mauvais, mais je pense que le mal se situe dans la convoitise.
Le pouvoir qui mène à la démesure, grand sujet de tragédie grecque : terrible hybris qui ronge l'homme et le conduit inexorablement à sa perte... Néanmoins, cela apporte une vision parfois quelque peu simplifiée de ce que signifie le pouvoir pour les puissants. On peut certes se désespérer de voir les grands produire le pire. Mais il existe également des exemples de moralité dans l'activité politique. Le plus souvent, les grands dirigeants sont des personnages mitigés. Le problème de la convoitise est un problème fortement attaché aux régimes démocratiques. Platon en traite bien dans la République avec la parabole de l'anneau de Gygès. La question a été clairement mise au jour dans mon précédent post, avec le thème de l'impuissance à convaincre celui qui n'écoute pas. Mais comme disait Gilles Deleuze, il ne faut pas se repaître de cadavres et crier de manière trop convéniente à l'impossibilité du changement.
Foucault soulignait que le pouvoir est un simple phénomène relationnel, dû à la rencontre d'êtres humains au sein de cadres hiérarchiques. Il doutait qu'il soit pertinent de penser une sorte de malédiction du pouvoir, comme force étrange et mystérieuse qui pénètrerait les hommes et les forcerait à agir. C'est plus probablement une affaire de stratégie élaborée suivant l'intérêt des individus, dans un espace qui porte en lui des contraintes spécifiques. Foucault partait du principe que le problème, le plus souvent, est d'identifier quels sont les enjeux réels de la situation historico-politique dans laquelle nous nous trouvons. Uns fois que les enjeux s'éclairent, la définition des moyens n'est plus qu'un simple calcul. La convoitise, sans doute existe-t-elle, mais on ne peut sans doute pas réduire pour autant toute compréhension du politique au simple constat qu'obtenir le pouvoir peut être avantageux. Certains font de cette thèse leur fonds de commerce, comme Etienne Chouard, néanmoins si l'observation initiale peut revêtir un caractère pertinent dans certaines situations, la systématisation qu'il propose est par trop lacunaire pour permettre de comprendre effectivement où en sommes-nous concernant nos propres enjeux politiques.
Il existe aussi des politiques préoccupés par le travail de parlementaire, de constitution de lois justes et d'un système équitable. On ne peut pas dire qu'ils l'emportent en ce moment, néanmoins ce sont eux qui sont en train de faire avancer les choses. Il ne faut pas abandonner la cause de la raison, ni de la pensée, car c'est bien toujours elle qui reviendra nous hanter et qui insufflera les décisions politiques aux conséquences réelles. Tout système politique est pensé et vécu.
Le fait est que même chez des intellectuels, des philosophes ou de simples forumeurs, qui sont parfois les trois réunis, il n'y a pas de consensus. La question du sens de la vie n'est que très peu, voire jamais abordée. La compréhension de l'existence n'est pas du tout une question de premier plan. Je ne dis pas que l'humanité doit s'astreindre à une méditation commune d'une année, mais que ce non questionnement multiplie les possibilités de conception. D'ailleurs, il est considéré comme important que chacun soit libre de sa propre conception. Mais différentes conceptions ne peuvent qu'aboutir à une divergences d'opinions.
Alors là, je pense que tu méconnais beaucoup trop la philosophie pour dire une chose pareille...
Un contre exemple récent (mais il en existe aussi de très anciens) sur la prétendue absence de la question du sens de la vie : http://www.amazon.fr/fait-vaut-peine-d%C3%AAtre-v%C3%A9cue/dp/2081220350/ref=sr_1_12?ie=UTF8&qid=1364771996&sr=8-12
Quant à la question de l'existence, il y a eu un courant au XXe siècle qui s'est nommé l'existentialisme, inventé par un certain jean-Paul Sartre... Ne t'en fais pas, ça a bien été pris en compte.
Les divergences d'opinion ne sont une fatalité que dans une société qui perd ses savoirs. Le connaissance est l'engagement premier de la philosophie, et l'opinion est exactement l'inverse de ce que produit la philosophie. Des conceptions différentes indiquent le plus souvent qu'on prend la réalité suivant différentes facettes. Les philosophes, au fil de l'histoire, passent leur temps à montrer que les choses sont complexes, et qu'il ne faut pas chercher à les simplifier. Souvent les opinions simplifient, produisent des grilles de lecture facile, des slogans creux et sans conséquence ("Travailler plus pour gagner plus", "Le changement c'est maintenant", etc., c'est ça l'opinion en dernière instance). Les concepts sont des outils pour comprendre. Mais apprendre à penser droitement, et à utiliser un maximum d'outils de la meilleure manière possible, c'est bien ça le travail de la philosophie. Cela mène aussi à créer les outils dont on a besoin et qui n'ont pas encore été créés.
Bon, je ne développe pas plus, mais je précise que je ne cherche pas à dire que tout est fichu et qu'il n'y a pas d'espoir.
Je dis simplement par rapport à l'idée de progrès, qu'il faut savoir de quel progrès on parle avant de dire quel progès a eu lieu ou peut avoir lieu.
Je comprends bien que tu cherches plus à partager une inquiétude intellectuelle, qu'à nous convaincre que tout est perdu. Je trouve au contraire très stimulant le moment où l'on se trouve au pied du mur, et que l'on perçoit enfin toute la mesure d'un problème. C'est là qu'on peut commencer à agir, à réfléchir, à proposer des éléments de solution. Et surtout qu'on peut ocmmencer à discuter, à découvrir d'autres points de vue, qui proposent d'autres solution au problème. Là commence la véritable démarche politique, qui est d'ailleurs le sens premier du consensus. Aujourd'hui on entend le consensus comme le moment où tout le monde est d'accord. Chez les Romains, le consensus était le lieu où se réunissaient les gens en désaccord, pour discuter au lieu de se battre. C'est la fin de la violence, et le début de l'organisation. Si la philosophie politique a une place quelque part, c'est bien ici, dans la confrontation des modes de compréhension d'un problème, et des solutions qu'on constitue à partir de ces modes de compréhension.
Ici par exemple tu parles de progrès. Et la notion même de progrès doit être discutée. En quel sens parle-t-on de progrès? Prétend-on que la société s'améliore? Mais alors ce mouvement ascendant est de quelle nature? Moral? Economique? Technique? Intellectuel? Déjà ici il y a tant de choses à comprendre, et tant de choses à faire...
Tout ça pour dire que la révolution parfaite devrait partir du bas, mais peut elle avoir lieu.
Ici tu prends une position qu'il faudrait interroger, expliquer et expliciter. Pourquoi faut-il que cela parte d'en bas?
gamma
Tu verrais ce qu'il m'a mis la dernière fois qu'on s'est vus, j'en ai encore un sifflement dans les oreilles.
Depuis j'écume les concerts de métal pour essayer de le couvrir.
OK je ->
D'autant plus que récemment, le pape lui-même a offert son feutre aux lourds.
Le fait est que j'ai un gros apriori sur la philo, certainement lié au fait que je ne m'y connais pas d'ailleurs. Elle par de la conscience. Or, moi, j'ai tendance à réfléchir en regardant le ciel. La physique est pour moi l'endroit d'où j'attends, à tort ou à raison le plus de réponses. Réponses que je n'aurais d'ailleurs pas... Probablement...
Je précise un peu ce que je veux dire par conscience. Cela rejoint un peu ce que je voulais dire un parlant de subjectivité. Il y à N façon d’interpréter la réalité, mais il n'y a qu'une réalité pour nous. Chacun voit la vie à travers son propre véhicule. Et en la matière, toutes différences d’informations que chaque individus peut en retirer mises à part, l'interprétation est assez libre me semble t-il.
tu parles de réalité morale objective, mais pour moi ce concept n'a aucun sens. Je pense que l'on imagine une morale en fonction de notre histoire, de l'histoire, des affects ou de je ne sais quel autre facteur. Mais cette morale n'a rien d'objectif. Il y a deux choses qui sont objective. La réalité et notre condition. Or la pensée s'est construite en ignorant cela.
Par exemple, si le temps (de notre univers) est fini, doit on sous prétexte que se temps soit disproportionné avec le temps de notre existence, ne pas en tenir compte. L'humanité, c'est un peu comme des personnes qui se disputent la meilleure place sans savoir qu'ils sont dans une voiture qui roule, ou bien disons en faisant pour certains semblant de l'ignorer. Et le fait que ce ne soit pas une préoccupation est à mon avis un élément de première importance.
J'ai l'impression que dans ton discours tu vois les choses avançant à leur rythme et que l'on ne peut réellement critiquer l'instant car il n'est qu'un instant, et qu'il faut le voir comme un chemin vers l'après. C'est très confus, mais je regarde souvent la philo en me disant qu'il s'y trouve une réponse magique, un peut comme si en venir à bout serait la clé de tout et que si tout le monde y parvenait on vivrait heureux et en paix. Et d'un autre coté, je suis très sceptique.
Bon, je ne vois pas trop comment être plus clair sans tomber un peu dans la caricature, mais je ne comprends pas ce qu'est la philo sinon une façon d'appréhender l'histoire. Et je ne comprends pas comment cela peut nous servir pour maintenant. Évidemment il faut se nourri du passé, mais j'ai l'impression que, si l'on revient aux deux choses qui sont objectives à savoir la réalité et notre condition, l'on ne se voit que à partir de notre condition. Et que quelques part cette façon d’appréhender le monde est sans issue. Qui sait d'ailleurs si notre pensée n'est pas liée à notre âge. Verrais je les choses de la même manière dans trente ans quand je serais à la retraite?
On peut me reprocher d'envisager les choses sous l'aspect "problème/solution", mais parfois je me dis que vu de l'espace, nos préoccupations sont quand même hallucinantes. Et pourtant, je vais parfois voir des matchs de foot, de rugby, je regarde des niaiseries au cinéma.
J'ai un peu honte sur ce forum d'utiliser la citation d'howard Zinn, certains vont croire que j'ai fait mon épiphanie l'été dernier, mais cette phrase "you can't be neutral in a moving train", m'a permis de formaliser pas mal de chose (dans le contexte dans lequel je l'ai découverte.
Par exemple par rapport au fait que je dise que le changement doit venir du bas.
Tous les mécanismes qui poussent une personnes à vouloir le pouvoir, ne sont pas les mécanismes qui font que cette personnes sera compétente pour assumer le pouvoir. Et on pourra utiliser toutes les variables, les conditions pour s'attaquer à cette questions, il n'en restera pas moins que le candidat restera humain. Le pouvoir doit venir du bas car pour que cela réussisse, il faut que tout le monde soit accordé sur cette question a priori. (Ouille ouille ouille c'est flou).
Le candidat comme les électeurs (si tant est que l'on reste sur ce système), doivent savoir à priori que ce système est bancal. Il doit exister une méthode pour que le pouvoir soit distancié de l'individu. Pour ne finalement plus exister.
Bon, je commence à ramer pour verbaliser tout ça alors je vais m'arrêter là et voir ta réaction peut être effrayée ou bien navrée...
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Jusqu'à présent, je me sentais hobbsienne (ça sonne si bien, Hops !), mais je vais peut-être devoir réviser mon jugement après avoir suivi cette passionnante émission !
Même si c'est galvaudé: je vous remercie, Judith, pour la qualité de vos émissions. Cette fois, ça m'a rappelé les cours de philo, enfin, les plus intéressants d'entre eux. C'est ça, D@ns le texte, ça vous souffle un grand coup entre les oreilles, ça fait du bien.
Je dois être bête.
gamma
lorsque les philosophes parlent, j'attends toujours le moment où les propos vont opposer l'Homme à l'animal (respertivement un "H" majuscule et un "a" minuscule cela va sans dire). Bingo ! à 38:20 "...la seule caractéristique humaine par rapport à l'animal serait...".
La biologie nous a appris que les humains sont des êtres vivants ayant toutes les caractéristiques du groupe des êtres vivants que l'on nomme animaux (les animaux sont consensuellement décrits comme des organismes eucaryotes pluricellulaires généralement mobiles et hétérotrophes. cf wiki). Donc : tous les humains sont des animaux, au même titre que l'anémone de mer est un animal. Certe, bien qu'étant un animal, l'Homme n'est pas une anémone de mer, mais c'est un vertébré au même titre que les poissons. Certe, bien qu'étant un vertébré, l'Homme n'est pas un poisson, mais c'est un tétrapode au même titre que la salamandre. Certe, bien qu'étant un tétrapode, l'Homme n'est pas une salamandre, mais c'est un mammifère au même titre que le rat. Certe, bien qu'étant un mammifère, l'Homme n'est pas un rat, mais c'est un primate au même titre que le macaque. Certe, bien qu'étant un primate, l'Homme n'est pas un macaque, mais c'est un hominidae au même titre que le chimpanzé. Certe, bien qu'étant un hominidae, l'Homme n'est pas un chimpanzé : l'Homme est un Homme.
Il faudrait mieux dire : "... la seule caractéristique humaine par rapport aux autres animaux serait ..."
Cette petite argutie pour dire qu'isoler d'emblée les hommes des animaux nous fait perdre, il me semble, le point de vue que peut nous apporter la biologie pour comprendre les humains. En particulier l'éthologie qui étudie le comportement animal.
Pour en revenir à Rousseau et les questions qu'il nous pose quant aux sociétés humaines : existe-il des études éthologiques des comportements de dominations et de soumissions chez l'espèce humaine de la même manière qu'ils ont été étudiés chez les loups, les chimpanzés et autres "bêtes" ?
Cordialement à tous et merci à l'équipe de "d@ns le texte" qui me réconcilie avec la littérature.
Je pense que ce n'est pas par hasard que son image a été obscurcie: pas assez admiratif du "Progrès" et des "Lumières" à une époque où le capitalisme était dans les starting-blocks et ne supportait pas le doute. Pas par hasard non plus si Rousseau refait surface au moment où les doutes sur le progrès s'imposent à nous et où le "science sans conscience n'est que ruine de l'âme" nous interpelle de nouveau. J'ai particulièrement aimé, moi qui suis une adepte de la raison, le passage qui réhabilite la passion dans la construction de "l'entendement'. J'ai trouvé très éclairante la distinction entre "dirigeants" et "gouvernants" au moment où on nous contraint de nous laisser diriger par des techniciens de l'économie qui ne devraient que gouverner.
Et la question: "comment des hommes "anciens" pourraient-ils construire un monde nouveau?" est celle-là même que nous devons résoudre. Le fait que de jeunes lycéens se re-passionnent pour la politique à travers les textes de Rousseau est une très belle hirondelle, qui, si elle ne fait pas le printemps, l'annonce peut être pour bientôt.
(commentaire mal placé que je replace ici, il y a des mystères dans le lieu où se placent les commentaires que je ne parviens pas à comprendre)
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Rousseau <3
Par titi
Re: Bégaudeau, une passion politique d@ns le texte
15:25 le 11/03/2013
Tu as raison Yannick G, rien ne ressort de cet entretien à l'exception de la poésie, du chant, du match d'impro, du talent qu'ont les deux interlocuteurs à trouver leurs mots, à transformer leur pensée narcissique en langage. J'admire.
Après avoir retiré l’esthétique de la conversation qu'en retire t’on? Pas grand chose en définitive. Il me semble qu'une discussion doit ouvrir une perspective.
Dire ici que la gauche nous rend mélancolique reste une lapalissade puisque cette invention droite gauche dans la vie politique est la plus grande supercherie qu'ont réussie à inventer nos dominants, dans la mesure ou depuis que le vote existe tous les élus nationaux ont été acheté pour financer leur campagne électorale, Sinon quoi, FB ne souffrirait pas de cette mélancolie, Les pauvres ne seraient pas pauvres et les fascistes ne seraient pas aux portes du pouvoir,
Des intellectuels qui se veulent rebelles mais qui acceptent cette fatalité de l'élection sont complices. Qu'ils soutiennent mordicus Chouard et son tirage au sort, là oui ils pourront parler de démocratie. La oui ils pourront dire qu'ils préfèrent le bordel de la discussion à un cours magistral. Accepter que des gens qui ont refusé ce système vertical de l'école, parlent, voilà la révolution. Nous n'écoutons que des personnes qui ont réussi dans ce système, Ils ne se sont jamais opposés de front en allant jusqu'à l’échec. C'est peut-être aussi un des problème actuel.
On nous entend dans le répondeur de là-bas si j'y suis. Quel bonheur. On nous lit ici ou ailleurs sur internet quel bonheur! I J'écoute un autre monde avec Judith. Il est beau mais il me fait un peu peur a vrai dire, car assez inaccessible.
J'aime la beauté dans le verbe de Judith mais je me sens plus proche de la simplicité de Maja. La profondeur de ses sujets sont beaucoup plus révolutionnaires.
Je me souviens d'un étudiant préparant une thèse sur Rousseau (en '71). Stupeur : comment peut-on s'y interesser (abandonne ses enfants, sinistre personnage etc..)
Avec l'âge on commence à ressentir confusément les choses : vous venez de lever ette confusion MERCI
Pourriez-vous organiser une émission "arrêt sur images" sur l'état de la démocratie en France ?
A l'heure du changement de cap politique décidé unilatéralement par notre président, il me semble que la question se doit d'être posée.
Est-ce à dire que le programme présidentiel de M. Hollande est jeté aux oubliettes ? Quid de l'avis des citoyens français ? de la légitimité ?
Il me semble qu'en démocratie - la vraie -, une nouvelle élection serait indispensable. M. Hollande a été élu sur la base de son programme ! Sauf à considérer que le rôle des citoyens ne se cantonne à choisir le [s]président[/s] monarque qui aura les pleins pouvoirs durant 5 ans, sans en avoir à en référer aux citoyens, je considère qu'un tel changement de politique n'est pas démocratique. Je ne dois pas être le seul à le penser.
De toute façon, une fois élu, un président peut ne pas respecter son programme, voire faire le strict contraire, aucune ligne dans notre constitution ne l'interdit !
Quant au référendum d'initiative populaire, on peut toujours rêver...
Le plus incroyable est qu'on se pose plus de questions sur l'état de la démocratie au Venezuela que dans notre propre pays. Un comble !
J'en profite pour vous remercier de l'excellente émission Aux sources : Etienne Chouard dont je ne me lasse pas.
Jouary communique sa passion à merveille.
Et puis, une émission sur Rousseau, comment ne pas être emporté... Ne manque plus qu'une émission sur Voltaire, une empoignade sur le forum et une troisième émission avec des Rousseauistes et des Voltairiens.
C'est d'intérêt public de parler de ce sujet qui 200 ans après résume parfaitement le gouffre qui sépare les "intellos" de droite des intellos de gauche...
Le mot le plus pertinent de l'émission, c'est impasse
Impasse : Le chemin qui mène de la situation actuelle à un situation "idéale".
Impasse parce que les forces qui nous tirent vers la situation actuelle ne lâchent rien et n'ont aucunes limites dans la violence. Aucune!!!
Impasse parce que les forces qui veulent un "idéal" (pour tous) s'interdise la violence, ou bien disons qu'elle leur apparait contre nature.
C'est deux violences seraient elles comparables?
En tout cas pour l'instant Robespierre est toujours un tyran sanguinaire, ce qui tendrait à démontrer que la pire des violences est celle qui vient des "gentils". Ou bien que les "méchants" ont fait la com' qu'il fallait.
Merci Judith, encore, encore, encore!!!!!
Vous abordez en une émission une question mille fois plus pertinente que ce qu'il se dit dans les émissions d'@si depuis le début de l'année 2013... Ne lâchez rien!!!
Devons-nous nous en réjouir avec lui ?
J'en doute fort, car, outre le fait que la décision finale est plus que discutable, qu'il y ait plus d'ex aequo avec une notation sur 6 que sur 20 ne change rien à la possibilité de constituer des groupes de niveau tout aussi discriminant pour ceux qui en sont les victimes (réduire le principe n'est pas le supprimer, or, c'est sa suppression qui est à rechercher, pas sa réduction, puisque notre allergie suivra le même chemin. Demain, nous serons aussi sensible à une notation sur 6 qu'hier, nous l'étions à celle sur 20), il est bon de souligner que la discrimination reprendra toute sa force, avec d'autant plus de violence qu'elle sera nouvelle, en dehors de l'école, une fois sur le marché du travail. Puisqu'aucun décideur, public ou privé, ne choisira ses employés en fonction d'une fourchette aussi peu discriminante.
C'est pourquoi, il fallait donc déjà supprimer la discrimination à l'embauche avant de supprimer celle à l'école (ou le faire en même temps), sans quoi...
Il est bon de rappeler également que la position des électeurs n'a pas été prise en leur âme et conscience. Ils n'ont pas découvert, par hasard, par surprise, le problème dans l'isoloir, sans possibilité de consulter les avis qui circulent dans la société, ceux des leaders religieux et politiques. Bien au contraire, il y a eu débat, information, pour ne pas dire formation et formatage. Autrement dit, leur choix, s'il n'a pas été façonné directement par les politiques, l'a été néanmoins par les acteurs les plus influents de la société civile.
Ici, en fait, on n'a fait que museler le pouvoir politique traditionnel pour mieux lâcher la bride aux divers pouvoirs sociétaux, qui n'ont, hélas, rien de plus vertueux, de plus respectables que les premiers. C'est pourquoi j'estime que sous couvert de plus de démocratie, le résultat n'est en fait qu'une privatisation du choix politique. Joli et triste paradoxe.
yG
Merci Judith.
Je ne suis pas un fana des forums, mais là, je m'y mets, car là chapeau, vous m'avez donné envie de lire ce bouquin !
J'émets tout de même un petit commentaire, car j'ai parcouru le forum, et j'affirme à certains forumistes, que non, pas besoin d'avoir fait des zétudes pour comprendre...
Et pourtant, je ne suis qu'un simple manutentionnaire, qui a quitté l'école à 16 ans (en troisième) ce qui ne m'empêche pas de lire Gorz ou encore Illich ou bien Stiegler en me rendant au travail dans les transports en commun.
Comme quoi, la "basse" classe, le peuple non éduqué peu s'éduquer par lui même et par l'éducation populaire !
Ah zut, je n'étais venu sur le forum que pour dire merci et bravo, voilà que je me mets à disserter...
au passage, j'en profite pour faire un peu de "pub" pour mon blog http://lebruitetlafureur.fr, et vous jugerez par vous même si ce qu'écrit un manut' peut être intéressant
- je constate qu'au XXième siècle où l'on séclaire au nucléaire, il y a encore des progrès à faire sur le son...
Ce que j'ai préféré dans l'émission, c'est avant tout la mise en perspective dans l'époque. Je n'avais jamais percuté que Rousseau naît dans un pays qui expérimente déjà la démocratie depuis plusieurs siècles, et qu'en Angletterre, il y a déjà une démocratie parlementaire.
Tout cela déconsidère sérieusement Voltaire,
Et effectivement, le son est dégueulasse au début, au point qu'on n'entend pas les premières phrases de l'invité, mais ça ne dure que quelques minutes.
Et je suis contente d'accueillir dans ce forum une nouvelle sorte de troll : après les névrosés et l'extrême-droite qui ne se présente pas comme telle, voilà les philosophes qui ne regardent pas les émissions mais font des laîus interminables dans les forums (fora?), je n'ai pas encore compris à propos de quoi.
Merci
Vivement le prochain
On présente aisément, dans le système scolaire et éducatif, de Rousseau ses Rêveries, surtout à un jeune adulte pas encore tout à fait remis de sa période de révolte. Cela neutralise à vie l’envie d’aller lire Rousseau. Pas le rousseau auto-biographique, mais le grand Rousseau, celui de ses écrits politiques, celui qui va au fond des choses, celui qui dit comment une société existe, à la fois totalement inscrit dans le courant de philosophie politique qui traverse l’Europe (l’idée contractualiste n’est absolument pas de lui), mais aussi extrêmement novateur…
Mais ceci… donner à lire du Rousseau politique… ce serait donner à de jeunes gens la capacité de mettre la Raison, de s’approprier la philosophie politique pour mieux exprimer la révolte qui s’exprime généralement à leurs âges. Quant à donner du Rousseau politique à de futurs intellectuels… vous n’y pensez même pas !
« Comment se fait-il qu’une telle philosophie ne nous soit pas parvenue ? » dites-vous. Et bien la réponse est éminemment simple, et sa nature est celle du principe anthropique, à savoir que si sa philosophie politique nous était parvenue, le monde ne serait pas tel que nous le connaissons. Car Rousseau n’est pas citoyen, il est révolutionnaire.
On pourrait tout autant se demander comment la démocratie athénienne n’est-elle pas venue jusqu’à nous ; je suis en train de lire La démocratie athénienne à l’époque de Démosthène sur les conseils d’Étienne Chouard. La vérité en est que les grecs ont atteint un degré de connaissance sur la question démocratique tel que cela remet au rang de curiosité pré-historique toutes nos théories là-dessus.
Toutefois on pourra apporter quelques hypothèses un peu plus concrêtes à votre interrogation :
— C’est un des trous noirs de la pensée politique de Rousseau, il a cru bon dégager un intérêt général mais rien n’est plus fugace, insaisissable que cet intérêt. Or toute sa théorie repose là-dessus et rien n’est dit sur les inévitables conflits qui ne manquent pas de naître au sein d’une société. À peine esquisse-t-il le problème quand il reconnaît que l’égalité est nécessaire à la démocratie, égalité qui permet de créer une véritable communauté qui ne soit pas soumise à des tensions internes. Or il n’a pas créé une théorie politique moderne, une théorie politique qui puisse avoir un quelconque intérêt dans nos sociétés, précisément parce que nos sociétés sont inégalitaires, et sont des sociétés – je vais faire mon marxiste – de classes que tout oppose.
— Rousseau admet lui-même que sa démocratie ne peut guère s’appliquer à de grandes communautés telles que nos nations modernes ; les grecs le reconnaissaient aussi quand, à l’époque de Périclès, des lois sont promulgées pour restreindre plus étroitement l’accès à la citoyenneté.
— Les assemblées parlementaires sont un vieux reste de la féodalité (elles portent en soi une hiérarchie) ; on a beau jeu de faire croire à la population que la démocratie en assemblée de citoyens est impossible : Rousseau fait un exposé extrêmement théorique de sa philosophie politique, mais il y a un moment, assez incroyable, où il prend un exemple extrêmement pratique et concret, et c’est précisément celui où il présente en détail comment les Romains s’y prenaient pour se rassembler en nombre ; un belle petite vacherie qu’il fait là, et dont je ne doute pas qu’elle fut intentionnelle et calculée.
— Les philosophes, et je soupçonne particulièrement ceux de l’antiquité (Platon & Aristote) n’aiment guère la démocratie ; les intellectuels d’aujourd’hui sont du même acabit. Même chez ceux qui se prétendent démocrate, il y a une très grande tendance à vouloir pointer du doigt les “incohérences”, “doubles pensées”, “impensés” qui se nichent dans les textes de lois ou les pensées exprimées par les groupes politiques. La démocratie est le régime des compromis bancals, des contradictions, parce que la société est faite ainsi. Or les intellectuels aiment l’ordre, les belles constructions mentales, avec leur logique & cohérence interne. Rousseau n’échappe pas à la règle – en ce qui me concerne, j’attend de lire Platon & Aristote pour confirmer mon sentiment et vérifier qu’il s’applique aussi à eux –, et c’est la raison de la faiblesse de sa philosophie que j’ai mentionné précédemment.
Bon, maintenant je m’en vais regarder la vidéo, voir un peu ce qui s’y dit. :) J’ai hâte :)
Et maintenant va falloir qu'on se cotise pour vous acheter un matériel son correct, zut alors !
(quant à la prise de vue, elle est toujours digne d'un amateur peu averti, mais ça c'est pas nouveau…)
Heureusement, en se concentrant un peu, on peut faire comme si pas. Ou pas.
2) on zoome à fond sur la personne à filmer,on fait le point, puis on dézoome jusqu'au cadre voulu.
et on bloque sur un axe. Un peu de recadrage à droite ou à gauche quand l'un ou l'autre parle, en laissant un peu d'air.
J'ai eu un peu peur pour le son, mais ça s'est amélioré.
Et les divagations avec la caméra, on le fait après , et puis on insère au montage.
Je fais mon arrogant parce que je trouve que c'est tellement insupportable que je ne fais qu'écouter, je fais autre chose à coté pour ne pas passer mon temps à râler.
Ayant obtenu l'agrégation de philosophie grâce en partie à Rousseau mis cette année-là au programme (avec Platon) de la dissertation d'histoire de la philosophie, je me suis demandé si je ne devais pas faire une exception à ma décision de m'abstenir de regarder les émissions d@ns le texte de Judith Bernard. La lecture du texte de présentation, "conclue" par la citation que j'en extrais, m'a, par bonheur, démontré qu'il n'y avait pas lieu d'y déroger. Il témoigne en effet d'un effarant provincialisme et obscurantisme qui n'est pas le fait de Judith Bernard mais de l'enseignement littéraire français.
Provincialisme d'abord: Rousseau, comme chacun sait, ou le devrait qui a suivi une année de philosophie, a déterminé la pensée philosophique de Kant et par conséquent celle aussi de l'Idéalisme allemand (Schelling, Fichte, Hegel), lequel a lui-même été déterminant pour Marx (et Engels). Autrement dit, la pensée rousseauiste de l'autonomie dégagée par Kant est à l'origine du développement de la philosophie depuis. Ce qui n'est pas sans avoir eu quelque effet politique.
D'où la consternation qui m'a saisi de ne trouver aucune mention de cet effet dans le texte de présentation de Judith Bernard. Comment ne pas ne pas rappeler l'influence déterminante de Rousseau sur l'ensemble des acteurs de la Révolution française, et pas seulement sur Robespierre (même si celui-ci fut le plus révélateur d'entre eux)?
Il y aurait encore à évoquer l'influence pédagogique et en termes de moeurs du "citoyen de Genève", ce qui conduirait à développer la critique des limites de la pensée de Rousseau déjà sensibles dans l'arrêt du Contrat social.
Enfin, s'agissant d'une émission intitulée d@ns le texte, comment ne pas déplorer que la question de l'édition des textes de Rousseau n'y soit pas évoquée alors, notamment, qu'une équipe de chercheurs français en fournit actuellement des plus importants et excellents documents, le dernier en date étant le "Manuscrit de Genève" ?
j'achèterai ce livre qui m'évitera la permanence de la nausée,
le seul étonnement c'est que le nom de Judith Bernard n'apparait pas : injuste !!
Après vérification, c'est bien Judith qui est là, ouf !
Par contre, je ne sais pas qui est le (ou la) mystérieux [triple X]...