Attentats : Clem, Bruno, Edith et les médias "charognards" (Huff Post)
Clem est parisien, game designer. Vendredi 13, il regarde la télé. "Un navet en sirotant un whisky écossais". Son téléphone sonne. "Il y a eu un attentat au Bataclan ! Je te rappelle si j'ai plus d'infos...". Son corps se met à trembler. Et pour cause : sa femme, Edith, était ce soir-là au concert du groupe Eagles Death of Metal. Edith ne répond pas au téléphone. L'attente. Et puis son téléphone sonne. "Les lettres apparaissent sur mon téléphone. Je décroche et elle est là, au bout du fil. Elle tremble, on tremble. Elle de peur, moi de soulagement. Elle est en vie ! Elle me raconte les morts, le sang, les copains blessés, le bar transformé en hôpital de fortune et Bruno, l'homme qui lui a sauvé la vie".
Pour retrouver Bruno, Clem poste sur son compte Facebook le message suivant :
Partagé par plus de 7000 internautes, le message ne tarde pas à faire mouche. Quatre heures plus tard, Edith a retrouvé Bruno. Une belle histoire sur laquelle tous les médias français et étrangers ont évidemment foncé : "Je reçois des messages de journalistes, au moins une trentaine, le premier jour. Toutes les chaînes de télé, de radio et quasiment toute la presse, à l'exception de l'Huma, ont essayé de nous contacter pour raconter notre histoire ou pour avoir les coordonnées de l'homme qui sauva ma femme. J'ai droit à la « crème de la crème », mais je ne citerai pas de noms, ce serait méchant".
Parfois, les demandes sont courtoises. "Désolé de vous déranger, je sais que cela doit être une dure épreuve pour vous et votre femme, mais pensez-vous que l'on pourrait se rencontrer pour parler ?". D'autres fois moins. "Bonjour, je suis journaliste, rappelez-moi !".
Et puis il y a "l'ingéniosité" des journalistes, dès lors qu'il s'agit de décrocher une interview exclusive : "Les journalistes ont joué, pas tous évidemment, de toutes les cordes sensibles imaginables, pinçant celle de l'orgueil, celle du besoin de reconnaissance ou celle de la culpabilité. « Vous représentez quelque chose d'important pour les gens. Vous devez en parler », « Vous avez commencé quelque chose, il faut que la conclusion soit la plus belle possible (et sur notre chaîne de préférence)» , « Vous devez ça à ceux qui ont relayé votre message.» Et même la carotte. « Je peux vous proposer de rencontrer [nom célèbre] avant l'émission.»".
Comment s'est terminée cette histoire ? "Un ami journaliste nous conseille de ne donner qu'une et une seule interview pour arrêter tout ça. Un second ami journaliste nous conseille un troisième journaliste pour qu'Édith et Bruno lui racontent leur cauchemar. Il leur fera lire son papier avant de le publier." Ouf !
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