La police turque a pris le contrôle de force de deux chaînes de télévision basées à Istanbul, Kanaltürk et Bugün TV, mercredi 28 octobre. Le tout sous les yeux des caméras de Bugün TV, qui diffusait les images en direct sur son site. "Les forces de l’ordre ont pénétré dans le siège des deux chaînes […] en dispersant les salariés qui le protégeaient avec des gaz lacrymogènes et des canons à eau", décrit ainsi Le Monde.
Les autorités turques reprochent aux deux chaînes, propriété du groupe Koza-Ipek, leur proximité avec la confrérie de l’ancien imam Fetuhullah Gülen, qui vit en Pennsylvanie aux États-Unis depuis 1998. "La justice turque a décidé lundi de mettre sous tutelle la holding Koza-Ipek, accusée selon un procureur d’Ankara de «financer», «recruter» et «faire de la propagande» pour le compte de l’imam Fethullah Gülen, qui dirige des États-Unis un influent réseau d’ONG, médias et entreprises qualifié par les autorités d’«organisation terroriste»", précise le quotidien.
Comme @si l’expliquait lors de précédentes arrestations de journalistes fin 2014, la confrérie de Gülen, qui compterait plusieurs millions d'adeptes dans le monde et surtout en Turquie, a d’abord été une alliée d'Erdogan. Présentée par Libé comme "longtemps toute puissante dans la justice et la police, fer de lance ces dix dernières années de la remise au pas de l'armée et des opposants laïcs trop virulents avec des procès en bonne part montés sur de fausses preuves", la confrérie avait cependant fini par inquiéter l'AKP, le parti islamo-conservateur au pouvoir depuis 2002. Comment ? En lançant fin 2013 une grande campagne anticorruption visant des hauts responsables du parti, dont Bilal Erdogan, fils cadet du président. La guerre est depuis déclarée entre la confrérie islamiste et le président turc, qui les accuse d'avoir voulu préparer un coup d’État au travers de ces opérations. Au point que Gülen, 74 ans et exilé depuis plus de 15 ans, est considéré par beaucoup comme l’ennemi numéro un d’Erdogan.
Ces raids de la police interviennent à quelques jours des élections législatives (dimanche 1er novembre) et pourraient bien avoir un effet contreproductif pour le gouvernement en place, estime le quotidien allemand Tagesspiegel : "En s'attaquant au groupe médiatique Koza-Ipek, il se peut que l'AKP soit allé un peu trop loin. ... Comme on a pu le voir mercredi, l'opération policière a suscité une vague de solidarité dans les rangs de l'opposition. Même les représentants des partis et des médias qui ne témoignent habituellement aucune sympathie à la communauté Gülen, ont réagi avec indignation : ils savent qu'eux aussi sont dans le collimateur de l'AKP. Cette offensive contre les médias est par ailleurs un signe de faiblesse clair. Peu de temps avant les élections, le gouvernement semble ne pas être sûr de pouvoir atteindre ses objectifs par des moyens licites."
Cet article est libre d’accès
En vous abonnant, vous contribuez
à une information sur les médias
indépendante et sans pub.
Déjà abonné.e ? Connectez-vousConnectez-vous