Trump est-il Charlie ?
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Trump est-il Charlie ?

Une poule devant un couteau. Ainsi est tétanisée la mouvance charliste française (l'ensemble des acteurs médiatiques se réclamant aujourd'hui de "l'esprit Charlie" de 2015), face à la prise de pouvoir, aux Etats-Unis, du "ticket" de fait Trump-Musk (en raccourci, appelons-le Trusk). De Marianne à Franc-Tireur, en passant par Sophia Aram, les charlistes français, regroupés autour de la défense du droit au blasphème et de la "liberté d'expression" (surtout en faveur de ceux qui pensent comme eux), peinent à répondre à la question élémentaire des charlistes : Trusk est-il Charlie ?

Comme eux, Trusk  proclame son amour pour la "liberté d'expression". Comme eux, Trusk se revendique du bon sens populaire contre les élites déconnectées et les médias de la bien-pensance. Comme Sophia Aram, Trusk multiplie les clowneries pour faire passer en douceur ses incohérences et ses monstruosités. Comme Caroline Fourest, Trusk trie entre les minorités de genre et les minorités sexuelles, épargnant gays et lesbiennes pour ostraciser les transgenres et les non-binaires. Le miroir que leur tend Trusk les horrifie ? Mais parce qu'ils s'y reconnaissent.

Mais Trump gracie les putschistes de 2020. Mais Musk fait le salut hitlérien, et dialogue aimablement avec l'extrême-droite allemande. Mais Trump menace de représailles tous ceux qui se sont opposés à lui. Comment un charliste y retrouverait-il ses petits ?

Prenons Marianne, premier numéro publié sous la responsabilité de la nouvelle directrice Eve Szeftel, qui y proclame en page trois, comme on l'avait relevé ici, son "attachement à la laïcité", son engagement à "prendre à bras le corps la question de l'islamisme et du communautarisme", son culte des "faits", à condition qu'ils ne soient pas "inopportuns", et surtout ne "servent pas la propagande du Hamas", autant de marqueurs de la vulgate charliste.

Si sa couverture proclame que Musk, "le milliardaire trumpiste, fait rêver une partie du pays", le lecteur est appelé à ne pas y voir une prise de parti, mais le constat d'un "fait : un quart des Français aimeraient Musk ou Trump chez nous". Et si les reporters du magazine sont allés chercher "ce quart des Français", dans des lieux aussi neutres que "devant le siège de Tesla à Saint-Ouen", "à quelques pas d'un centre Tesla construit en bordure de l'A4",  devant "un superchargeur Tesla de la périphérie d'Aix-en-Provence", où ils ont rencontré "une vingtaine de propriétaires de Tesla", c'est uniquement parce que c'était le meilleur endroit où cerner ce "fait". Marianne n'a pas encore testé Musk dans un sondage présidentiel en France, mais ça ne saurait tarder.

Des quatre articles consacrés à l'entrée de Trusk à la Maison Blanche dans Franc-Tireur, magazine co-dirigé par Caroline Fourest et Raphaël Enthoven, binôme emblématique du charlisme, on peine à discerner une ligne directrice.  Seul point commun avec Marianne : on n'y trouve pas pas une seule allusion à la politique migratoire et raciste du nouveau pouvoir. On y disserte sur Trusk-transgenre, Trusk-Ukraine, Trusk-Tesla, Trusk-modération de X. Mais rien sur le premier geste du nouveau président : bloquer des milliers d'immigrants mexicains à la frontière. De même Sophia Aram, qui brosse sur France Inter le portrait d'un Trump "masculiniste, climato-sceptique, prédateur sexuel, antivax, instigateur d'une insurrection contre le Capitole", "oublie" d'ajouter au portait la dimension xénophobe du personnage. Quant au Charlie hebdo de la semaine, si on y entrevoit la moustache de Hitler au hasard de quelques dessins, et s'il consacre son article principal au dévoiement de la liberté d'expression à l'américaine, aucune allusion non plus au renforcement des frontières.

A un seul moment la mouvance retrouve ses fondamentaux : dans la conclusion de l'éditorial de Caroline Fourest directrice de Franc-tireur : "A travers Trump, c'est la loi du plus fort et de l'ultra-libéralisme qui revient en force. Comme pour corriger l'excès de prudence passive qui affaiblit nos démocraties". Tiens ! Mais où donc nos démocraties sont-elles affaiblies par la "prudence passive" ? Evident : contre "l'irrationnalité des sermons woke, et des étudiants qui chantent pour le Hamas"Trump ? La faute au Hamas, bien entendu. Il suffisait d'y penser. A la semaine prochaine, pour de nouvelles analyses.



Le blog Obsessions est publié sous la seule responsabilité de Daniel Schneidermann, sans relecture préalable de la rédaction en chef d'Arrêt sur images.

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"Un geste maladroit"

 

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